Chapitre 35 : Ré-organisation

EMMA :

- Kimiko va comment ? me demande Gabriel quand je reviens au réfectoire.

Je hausse les épaules.

- Elle a l'air perdue, mais qui ne le serait pas à sa place ?

Thiago vote blanc pour Kimiko et nous avons les résultats : nous partons sur un système de 31h.

- Ça va être vraiment bizarre, commente Gabriel.

- Nous avons 16h de jour pour 15h de nuit, comment on procède ? questionne Ellias.

- On peut faire quelque chose de très simple, dis-je. Le soleil se lève à 1h et se couche à 17. C'est la nuit de 17h à 31h.

Thiago approuve comme d'autres. Nous faisons à nouveau un vote et c'est décidé.

- Il est quelle heure du coup ? lance Samuel.

- 7h40, annonce Thiago.

- Nous allons régler vos téléphones pour créer une horloge de 31h, de même pour les réveils. On s'en occupe dès maintenant, dit Ellias.

Je jette un coup d'œil à ma montre. Sa petite aiguille pointe le six.

- Tu n'as plus qu'à la ranger pour un loooooong moment, déclare Gabriel.

- Non je vais la garder. Je continuerai à avoir l'heure des Etats-Unis, jusqu'à mon retour, décrété-je.

Jun, responsable des règles de vie intervient.

- Nous avons omis un détail. Les journées vont être plus longues, nous pourrions ajouter un gouter, on un petit repas pour tenir. Nous allons étudier la question avec des calculs pour savoir si on peut ajouter un petit repas sans mettre en danger nos stocks.

Il nous consulte du regard et termine.

- Vous serez tenus informés des nouveaux horaires et des repas, nous devons réunir le groupe de nourriture pour discuter.

Devant, Thiago reprend la parole.

- Le groupe d'exploration de ce matin, votre attention ! On n'a pas eu le temps, mais on a besoin d'un compte rendu très précis des moindres détails, ça se passera en salle de travail 18 pour ceux que ça intéresse.

Je monte rapidement dans ma chambre chercher le bocal avec ma pousse rouge. En l'attrapant je reste un moment figée. La pousse est maintenant violette foncée. Interloquée, je la sors du bocal et à ma plus grande surprise elle est maintenant très dure.

- Quand je l'ai cueillie elle était claire et un peu molle, je suis sûre, dis-je une fois dans la salle de travail. Et là, regardez, elle est foncée et dure.

La pousse passe de main en main avant de retourner dans mon bocal.

- Avec les machines d'analyse à l'étage, nous devrions savoir si le liquide des petites rivières est bien de l'eau d'ici quelques heures, précise Thiago plus tard.

Après avoir détaillé notre excursion, nous avons le droit de nous reposer jusqu'au soir. Mais je n'en ai pas l'opportunité car Jun m'attend pour parler des repas. Nos deux groupes se réunissent.

- Nous venons de comparer la consommation de trois repas toutes les 24h avec 3 repas et demi toutes les 31h. Les résultats sont à peu près similaires avec même une baisse de consommation pour le format 31h. Mais bien sûr on sait bien que les demi-repas contiendront surement un peu plus que la moitié d'un repas...

- Nous partons là-dessus ? le coupé-je.

- Oui.

- Bien il ne reste plus qu'à choisir les horaires de chaque repas et prévenir tout le monde, dis-je.

Jun prend une inspiration et se relance pour une de ses éternelles tirades.

- Nous avons pensé espacer les repas de 4h, ce qui ferait ...

Je l'écoute parler en hochant régulièrement la tête, perdues dans mes pensées. Je pense à Kimiko, à Carlo, à son désespoir...

- Ça te va ? demande Jun.

Je sursaute.

- Heu oui, réponds-je.

- Je récapitule, dit-il en voyant que je suis un peu perdue. A 3h petit déjeuner, à 7h, midi, à 11h le demi-repas et à 16h le diner.

- Parfait !

Nous discutons encore quelques points et Jun se charge de faire l'annonce. Pour conclure, Izabella déclare.

- Nos corps vont devoir s'habituer à ce nouveau rythme avec de plus longues nuits et de plus longues journées. Au début nous allons ressentir une grosse fatigue il ne faudra pas hésiter à faire des siestes.

- Les 22 qui restent au vaisseau devront prendre les parts de repas et de nettoyage de ceux en excursions. Ils viennent de mettre en place un roulement.

Je remonte dans ma chambre exténuée. Olaf qui y est restée m'accueille en me léchant la main, toute contente. Je m'écroule sur mon lit même si nous sommes seulement au milieu de cette journée. Je viens de vivre tellement d'événements que j'ai l'impression que trois semaines se sont écoulées depuis l'atterrissage. Olaf pour la première fois en cinq ans monte sur le lit à mes côtés et se couche contre mes jambes. Elle aussi a vécu le moment le plus traumatisant de sa vie et elle ne tarde pas à ronfler. Je la caresse. Effectuer ce mouvement régulier m'apaise et je sombre petit à petit dans le sommeil.

* * *

- Emma ? m'appelle une voix lointaine.

J'entrouvre mes paupières, Gabriel est penché au-dessus de moi. Soudain, tout me revient, ma bulle de sommeil éclate, l'atterrissage, l'excursion, Carlo, Kimiko, les changements d'heures...

- On mange le repas bizarre, il est 11h, m'indique-t-il.

- Je ne sais pas si je m'y ferai à ses nouveaux horaires, commenté-je en me redressant.

Nous descendons pour le semi-repas et toujours aucune trace de Kimiko. J'ai compris à son attitude et à sa façon parler qu'elle ne voulait pas de ma compagnie, je la laisse donc tranquille. Je n'arrive même pas à imaginer ce qu'elle doit ressentir, de la détresse sûrement.

Nous mangeons en silence, Lucia, l'italienne pleure la mort de son coéquipier et je remarque deux ou trois autres qui font de même. Je suis perdue dans les horaires et les jours et je n'ai pas l'air d'être la seule.

Je passe le reste de cette longue journée avec Thiago et le reste de l'équipe impliquée dans les excursions, les analyses révèlent que le liquide était bel est bien de l'eau contenant de l'acide Clyrique, qui n'est pas très nocif, heureusement. Les pousses sont par contre inconnues aux machines, il faudra mener notre enquête et comprendre leur fonctionnement. Par le hublot nous voyons la pluie se calmer puis stopper complétement. Le ciel blanc redevient lumineux. Le sol ne reste, par contre, pas mouillé longtemps.

- Il y a un truc bizarre, dis-je.

- Quoi ? demandent Thiago et Ellias en même temps.

- Quand nous sommes sortis, l'atterrissage avait complètement ravagé le sol autour il n'y avait plus de petites pousses, poursuis-je.

- Et... m'encourage Ellias.

- Et maintenant regardez ! Il y a pleins de pousses de quelques centimètres.

Ils regardent par le hublot et me fixent, interloqués.

- Ça pousse si vite ? questionne Guy derrière.

- Il faut croire que oui, marmonne Thiago, pensif.

Tessa entre dans le sas et déclare à toute vitesse.

- Nous enclenchons l'arrêt de la gravité sur le vaisseau maintenant qu'on a celle de la planète. Il y aura quelques turbulences.

Thiago acquiesce nerveusement.

- Vas-y, dit-il.

Il la suit avec empressement dans les couloirs et je reste seule devant le hublot avec mes questions. J'observe ce paysage unique. Quelques minutes plus tard, je décide de partir à la recherche de la japonaise, qui a encore disparue.

Je sillonne les couloirs mais elle n'est pas à l'atelier, ni à la piscine, je vais voir les salles de sport, le terrain de foot, les salles de travail, elle est introuvable. Au moment du diner, il n'y a toujours pas de trace d'elle.

- Elle doit s'isoler pour être seule et faire le point avec elle-même, dit Gabriel d'une voix sage en buvant son verre d'eau.

- Mais je suis inquiète pour elle, déclaré-je. J'ai l'impression qu'elle m'en veut de l'avoir entraînée au vaisseau.

- En le faisant, tu lui as sauvé la vie, dit-il.

Elina pose son plateau à côté du mien.

- Vous parlez de Kimiko ? demande-t-elle en s'asseyant.

Nous acquiesçons.

- Je l'ai croisé dans les couloirs tout à l'heure mais elle avait l'air de marcher sans but.

Nous terminons nos assiettes, dans la salle, personne ne crie ou ne rit, on parle doucement. Je traîne tard avec Gabriel, on marche dans les couloirs en espérant croiser Kimiko. On finit par s'assoir dans les gradins du terrain de foot.

- Drôle de journée, dis-je en m'appuyant contre lui, les genoux ramenés contre ma poitrine.

- Ça, on peut le dire et puis longue en plus.

- Tu crois qu'on retournera sur la planète ? demandé-je.

- Bien sûr. On est là pour la coloniser, rectification : tester si la colonisation est faisable.

- Au moins maintenant on sait pourquoi les sondes étaient détruites, dis-je.

Olaf me chatouille la joue de ses moustaches.

- Qu'est-ce qu'elle est envahissante celle-là ! s'esclaffe Gabriel en lui caressant le museau.

Je me redresse.

- Pour elle aussi la journée a été difficile.

- Elle n'a pas besoin d'excuses pour être envahissante.

Je ris, Gabriel arrive toujours à me faire rire, quelle que soit la situation. Je passe ma main dans ses cheveux blonds.

- Ils sont beaucoup trop longs ! lancé-je.

Il soupire d'un air vexé.

- De toute façon, je n'ai pas besoin de ça pour être à tomber par terre !

- C'est vrai.

Il se penche vers moi et m'embrasse tendrement.

* * *

Quand je vais me coucher, le lit est vide à côté de moi. Je ne me suis jamais endormie sans la japonaise à mes côtés, elle a le rôle de sœur pour moi. Où est-elle ?

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