Chapitre 31 : Mauvais pressentiment
EMMA : (rien ne change pour le moment)
Thiago nous accompagne jusqu'à l'étage 1 où je n'étais jamais allée, il est surtout réservé au nettoyage de l'eau et à des machines. Un bourdonnement se fait entendre. Je tâte mes poches, mon arme, et mes essentiels. J'ai l'impression d'être dans un film, de ne pas être moi-même et étrangement je n'ai pas vraiment peur. Olaf me lèche la main pour rappeler sa présence, je tire doucement sur sa laisse pour moi aussi lui rappeler que je suis à ses côtés. Gabriel se tient devant moi, il est tendu, comme nous tous.
- Emma tu fais ton petit speech ? propose Thiago.
- Oui, dis-je en m'avançant. Au moindre problème ou au moindre doute, on rentre immédiatement. On reste tout le temps dans la communication et on ne s'éloigne pas sans prévenir. Bon courage, c'est parti !
Personne ne répond. Lentement, Thiago enclenche le bouton d'ouverture. Un pan se lève et nous entrons dans un sas. Le pan s'abaisse derrière nous et il y a quelques petits « pchhcchh » suivi d'un déclic. Comme on nous l'a répété un bon nombre de fois, nous formons une file devant le petit cadran. Je suis la première à poser mon pouce dessus, la porte s'ouvre et la lumière m'aveugle.
Je sors.
Dehors.
Pour la première fois dans l'histoire de l'humanité.
Cette sortie, on l'a apprise, on l'a vue et revue. Je n'ai même pas besoin de réfléchir, je saute, je m'accroupis et je me place à gauche de la porte, d'une main, je rabats mes lunettes de soleil et de l'autre je sors mon arme au cas où. Gabriel saute à son tour et s'accroupit près de moi, sa main effleure mon genou.
J'observe. Le sol est rouge, mais pas un rouge uni et soyeux, un rouge sale, taché. À perte de vue, il y a ces taches rouges zébrées par des petits courants plus sombres. J'entends, Kimiko sauter et s'accroupir, suivie par Carlo et rapidement nous sommes au complet. On reste quelques minutes immobiles, à observer.
- Regarde le ciel, m'indique Gabriel.
Je lève la tête et reste sans voix face à une étendue de blanc, lumineux.
- Ici Thiago, tout le monde va bien ? Terminé, grésillent nos talkie-walkie.
- Ici Emma, réponds-je. Tout le monde ok, nous observons, terminé.
Je me tourne vers le groupe.
- Il faut observer pendant une minute si rien ne bouge.
Ils hochent la tête et chacun reporte son attention sur le paysage si étrange.
- Ici, Thiago. Nous observons les caméras infrarouges du vaisseau, il n'y a aucun être vivant de plus de dix centimètres dans les parages, terminé.
On se redresse lentement. Je glisse mon arme dans ma ceinture et ouvre mon blaser, c'est vrai qu'il fait très chaud.
- Bon, lance Samuel. Je pense que le premier objectif serait de savoir ce que sont ces espèces de rivières sombres et la texture du sol est très étrange.
Nous acquiesçons. Sous nos pieds il y a un sable rouge et très très fin mais ce n'est pas le cas au loin. L'atterrissage a dû réduire en poussière ce qu'il y avait aux alentours. Nous nous avançons par groupe de deux ou trois.
Kimiko vient avec moi et Gabriel car elle ne peut malheureusement pas rester avec son Carlo, ce serait stupide de laisser les deux médecins ensemble. Gabriel sort un bocal en plastique de l'une des poches de son blaser et recueille prudemment la poussière rouge. Plus loin, Samuel et Carlo font de même avec ce qui semble être des brins d'herbe rouges. Plus loin encore, Lucia, Kim et Théo sont penchés en avant.
- Allons voir ces rivières, s'exclame Gabriel et nous le suivons au pas de course.
Nous marchons rapidement sur ce qui me semble être de l'herbe sauf que c'est bien plus épais et rond. Certains de ses pics sont rouges pales et d'autres, cassés pour la plupart noirs. Je recueille dans un de mes petits bocaux un brin rouge très pale. En l'arrachant, je le trouve légèrement mou, et un peu humide. Je referme le couvercle et rejoins Kimiko et Gabriel.
- C'est bien de l'eau ! me dit la japonaise en battant des mains.
Dans son pot, le liquide semble translucide.
- C'est le sol sombre qui lui donne l'impression d'être noire mais en réalité elle est transparente, m'indique l'islandais.
- Et un peu tiède, m'informe Kimiko.
- Ici, Carlo, vous me recevez ? Terminé.
J'empoigne mon talkie-walkie et répond à l'affirmative.
- Ici Carlo, ces pics mous sur lesquels on marche, dit-il. Il en existe des géants, plus grands que moi un peu plus loin, comme une forêt de pics plus au moins rouge.
On se regarde tous les trois.
On attend ou on part explorer ? Terminé.
- On vous rejoint attendez, terminé, déclare Gabriel dans son boîtier noir.
Une fois tous face à ces grands pics qui se trouvaient à une centaine de mètres, Kim demande.
- On y va ? Le vaisseau est déjà loin de nous.
Je jette un coup d'œil en arrière il apparaît en effet beaucoup plus petit, je ne m'étais pas rendue compte que nous avancions autant.
- Du coup on part explorer ou pas ? insiste Lucia.
Les regards se tournent vers moi.
- On est là pour ça non ? remarqué-je.
Le visage de Gabriel s'éclaire d'un grand sourire et il prend la tête du groupe.
Nous progressons entre les grands « pics-mous, rouges ». Souvent, ils nous arrivent aux genoux parfois ils sont plus grands que nous. Au bout de dix minutes de marche, nous ne voyons presque plus le vaisseau.
Un étrange sentiment me traverse, un mauvais pressentiment.
- Vous êtes surs qu'on continue de s'éloigner autant ? demandé-je, anxieuse.
- Qu'est-ce qui peut nous arriver ? lance Samuel.
Je hausse les épaules et continue d'avancer.
- Ici Thiago, tout va bien ? terminé, grésille la voix dans nos talkies-walkies.
- Ici Kim, tout roule, on explore un peu plus loin, terminé.
Soudain tout me paraît trop calme, trop silencieux, trop simple. Je me souviens des paroles d'Ellias, la moitiés des sondes ont été détruites.
Nous progressons, les tiges se tordent quand on appuie dessus. Certaines sont plus claires. Le sol est parsemé de mini-pics et de temps en temps, nous enjambons une mini-rivière sombre. c'est finalement assez similaire aux simulations que l'on a faites. Les garçons mettent leur blaser autour de leur taille et parlent fort, totalement détendus.
- Qu'est-ce qu'il y a ? me demande Kimiko en calant ses pas sur les miens.
- C'est trop calme, dis-je. Il doit y avoir une raison. Pourquoi la vie ne s'est-elle pas développée si les conditions sont aussi optimales ? Pourquoi les sondes ont-elles été détruites ?
La japonaise hausse les épaules.
- Probablement que les sondes avaient un problème technique et peut-être que la vie n'a pas encore eu le temps d'évoluer plus que ça, dit-elle simplement.
J'ai une moue dubitative.
- Profite ! C'est nos premiers instants sur une autre planète, tu te rends compte ? s'exclame Lucia.
J'acquiesce et nous poursuivons notre route. C'est vrai que cette sensation est étrange, je suis la première à respirer ici, à regarder par-là, à avancer de cette manière, à parler, à dire tel ou tel mot... etc.
Brusquement, l'air se fait plus chaud encore.
- Il n'y aurait pas une piscine dans le coin ? demande Gabriel. Je meurs de chaud...
- On fait deux groupes ? propose Lucia.
Je ne proteste pas, mais je ne montre pas un grand enthousiasme non plus.
Kaitlyn, Linda, Théo, Carlo, Kim, Julia et Katie forment un groupe.
Gabriel, Samuel, Kimiko , Lucia, Alex, Kevin et moi le deuxième.
- On part par-là, annonce Katie.
Nous n'avons d'autres choix que de partir à l'opposé. Nous enjambons les petits courants d'eau et circulons entre les pics où à découvert. Le ciel est tout aussi blanc et j'ai l'impression que la température monte encore d'un cran. Au bout d'une quinzaines de minutes, il fait tout d'un coup plus sombre.
Gabriel glisse sa main dans la mienne.
- Il se passe quoi ? lance Kévin d'une voix tremblante.
J'ai l'impression que la chaleur progresse un peu plus.
- Je le sens mal, murmuré-je.
J'attrape mon talkie-walkie et je dis.
- Ici Emma, on rentre au vaisseau, tout le monde, terminé.
Les six qui m'entourent me jettent un coup d'œil interloqués mais je tourne les talons et commence à rebrousser chemin. Olaf émet un couinement, elle sent la tension.
- Attends tu fais quoi ? demande Kevin.
- Tu ne trouves pas ça étrange qu'il n'y ait aucun être vivant ? Comment les sondes ont-elles pu être détruites ? Je le sens mal, j'ai un mauvais pressentiment. On rentre.
Le talkie-walkie se remet à grésiller.
- Ici Carlo, pourquoi Emma ? Tout va bien.
Je regarde le boîtier noir. Gabriel s'empare du sien et lance.
- Emma est une Dix, elle dirige l'équipe, si elle te dit de retourner au vaisseau tu y retournes, c'est tout.
Il me regarde d'un air inquiet et je le remercie. Nous commençons à faire demi-tour malgré les protestations. Mes mains sont moites, mon cœur bat fort. Peut-être que je m'emballe pour rien, peut-être que je suis parano, mon groupe me regarde d'un air sceptique et je commence à douter.
Soudain, la laisse d'Olaf me glisse des mains et elle se met à courir vite, très vite.
- Les animaux sentent le danger avant un tremblement de terre par exemple, s'exclame Kimiko. On la suit !
- Tu crois qu'il va y avoir un tremblement de terre ? demande Kévin.
- Je n'en sais rien, mais il va se passer quelque chose ! rétorque la japonaise en s'élançant derrière Olaf.
Nous courons tous les sept, je crie dans le talkie-walkie.
- Courez vers le vaisseau, Olaf a senti le danger. Courez !
Nous ne ralentissons pas et j'ai l'impression de voir des fines gouttelettes tomber du ciel. Ça nous fera un peu de frais, me dis-je . Tant mieux. Mais quelques secondes plus tard, j'entends Lucia pousser un cri.
- Je me suis brulée, s'écrie-t-elle sans cesser de courir.
- Avec quoi ? demande Gabriel. Je ne vois pas... Aah !
- Qu'est-ce qu'il se passe ? m'exclamé-je, essoufflée.
- Je viens de me brûler aussi, AH ! Encore une fois, dit-il.
Je reste deux secondes sans comprendre et tout d'un coup, ça s'éclaire.
- Mettez vos blasers ! hurlé-je. Et protégez vos têtes ! La pluie est bouillante.
Samuel renfile son blaser et rabat le col sur sa tête, aussitôt imité par le reste du groupe. Je donne la même consigne dans mon talkie-walkie.
- Ici Thiago au vaisseau, tout va bien ? Terminé, grésille soudain le boitier noir.
On échange un regard. Je finis par sortir la main de sous mon blaser pour répondre, sans ralentir l'allure.
- Nous rentrons, dis-je en reprenant mon souffle. La pluie, est bouillante, nous courons, préparez-vous à ouvrir les portes !
Je retiens un cri, une goutte vient s'écraser sur ma main et la douleur est immédiate. Je range mon talkie-walkie et glisse ma main endolorie sous mon blaser. J'entends Thiago qui répond mais je ne comprends pas ses phrases, je cours. Le vaisseau apparaît comme une pièce de lego et nous accélérons l'allure. Olaf est loin devant elle court bien plus vite que nous, droit sur le vaisseau. J'entends Kévin crier, lui aussi a été touché.
- Regarde derrière ! me lance Gabriel.
Je tourne ma tête et aperçois l'autre groupe qui court sur nos pas. Soulagée je reporte mon attention sur le vaisseau en essayant d'évaluer la distance. Mais soudain je vois Kimiko s'arrêter brusquement.
- OÙ EST CARLO ? hurle-t-elle.
Je m'arrête à ses côtés et lui tire le bras.
- Kimiko il faut avancer, viens !
Mais la japonaise ne bouge pas d'un poil. Elle se met même à courir dans le sens inverse sans m'écouter. Je lui cours après.
- Kimiko non !
La japonaise rejoint Katie qui court en tête de l'autre groupe.
- Où est Carlo ? répète-t-elle, menaçante.
- Je ne sais pas, se défend l'Irlandaise. Il voulait récupérer quelque chose. Nous lui avons dit de courir, il a dit qu'il arrivait et puis...
Elle peine à articuler tant elle est essoufflée.
- Où.. est...t-il ? insiste Kimiko en détachant chaque mot.
- Je ne sais pas! s'écrie Katie au bord des larmes. Il était derrière nous, je ne sais pas.
La japonaise se laisse tomber au sol. Je reste perdue un seconde. Je tente de la convaincre d'avancer mais je me sens si impuissante.
- Je dois aller le chercher ! lance-t-elle en relevant la tête.
- Non ! Kimiko non ! crié-je.
Nous recevons toutes les deux des gouttes d'eau en fusion, mais je ne les sens même plus. Tout ce qui m'importe c'est de nous protéger. Je lui attrape le bras.
- C'est trop dangereux Kimiko, on doit rentrer le plus vite possible !
La pluie redouble d'intensité.
J'ai peur.
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