Chapitre 24 : Karen?

KIMIKO :

Je cligne des yeux et j'arrive à distinguer des têtes, des corps. La lumière est certes très faible mais à nouveau, je vois. Linda se frotte les yeux à côté de moi et Thiago vers le bar pousse un long soupir de soulagement. Voilà presque 45 minutes que nous attendons, assis au sol, le retour des 5 qui sont partis activer la commande.

- Bien, il va falloir laisser du temps à l'équipe pour remettre l'électricité pour de bon, on peut normalement tenir un moment avec cette lumière. Les machines essentielles peuvent fonctionner. Maintenant on va attendre leur retour et je pense que vous pourrez retourner dans vos chambres.

Les conversations reprennent, nous nous levons pour trouver une vraie place assise sur une chaise sans écraser personne.

Quand enfin quelques minutes plus tard ils font leur retour c'est de façon particulière. Gabriel se lève immédiatement pour retrouver Emma, ce que Linda trouve trop mignon. Olaf le suit et bondit sur Emma en lui léchant la joue. Beaucoup rient. Mais quand Tessa et deux garçons font leur apparition en tenant fermement un garçon, les rires s'arrêtent aussi sec.

- De quoi ? Pourquoi ? Et... bégaie Thiago.

- Je crois qu'on a raté quelques petits éléments, déclare Gabriel.

Pendant la demi-heure qui suit, ils nous racontent leur péripétie et s'ensuit un grand débat sur quoi faire du fautif, qui, à notre grand étonnement, avoue totalement.

- On devrait le juger, propose quelqu'un.

- L'enfermer, lance un autre.

- Lui donner des travaux d'intérêt général.

- Le laisser tranquille, c'était marrant.

Et ainsi de suite. Moi je reste silencieuse et j'écoute. Emma et les autres Dix discutent entre eux. Le garçon responsable de la panne se nomme Karen et il est indien.

- Pourquoi as-tu fait ça ? demande Elina une des Dix.

Le silence se fait, tous attendent la réponse.

- Je ne sais pas vraiment, j'en avais marre. Vous vous plaisez ici mais moi non, je ne sais pas ce que je fous ici, je serais mieux ailleurs, loin... J'en avais marre de vous voir tous heureux... Je... je voulais que quelqu'un me regarde enfin, pose ses yeux sur moi.

Personne ne parle, personne ne brise ce silence, mis à part Gabriel qui se racle bruyamment la gorge, ce qui lui vaut un coup de coude d'Emma.

Pendant les cinq minutes qui suivent, les Dix se réunissent et ils semblent tomber d'accord.

- Nous allons faire un vote, annonce Izabella. Nous déciderons de son sort. En attendant tout le monde retourne dans sa chambre, le groupe de nourriture va essayer de nous préparer quelque chose et à la fin du repas, nous irons dans la salle de cinéma faire le vote.

Tout le monde semble accepter cette décision et ils remontent dans leur chambre. Je les suis vers le couloir, un peu sonnée. Me retrouver dans le noir, m'a perturbée, je me sens étrange, la lumière est encore très douce mais le groupe de Tessa s'y atelle déjà. Elina me rattrape.

- Le groupe de médecine, on va faire un tour à notre étage, il faut vérifier que la coupure n'ait rien endommagé.

Je la rejoins donc vers l'escalier, avec notre groupe.

Le soir, comme prévu, nous nous rendons dans la salle de cinéma avec notre portable et l'application prête pour le vote.

- Bien, je ne vais pas passer par quatre chemins, vous savez, Karen a coupé de façon délibérée l'électricité et a donc provoqué l'endommagement de certains systèmes. Vous avez eu sa version, à vous de voir, dit Thiago.

- Appuyez sur le bouton vert pour une sanction très importante, enchaîne Izabella. Sur le jaune pour une sanction intermédiaire et sur le bleu pour ne rien faire et laisser filer. Vous pouvez voter.

J'appuie sur le bouton jaune et sur l'écran géant les comptes sont en train de se faire pour le moment on voit le nombre de votes restant. Dès que ce nombre atteint zéro, un diagramme s'affiche et on voit 40 % pour la sanction intermédiaire, 33 % pour une sanction plus lourde et 27% pour ne rien faire.

- Je crois que c'est clair, ce sera une sanction intermédiaire, nous allons procéder à un deuxième vote pour savoir qu'elle sera cette peine, indique Thiago. En violet pour des travaux d'intérêt général, en bleu pour des restrictions, en vert pour l'exclusion à tous les cours, activités et loisirs et enfin en jaune pour un isolement léger. Vous pouvez voter.

Les travaux d'intérêt général l'emportent avec 47 % et c'est décidé.

Nous remontons nous coucher avec une impression bizarre ce n'était pas une journée comme les autres et pour la première fois nous avons eu à juger quelqu'un. Je trouve que nous nous sommes plutôt bien débrouillés.

Le lendemain, la vie reprend plus ou moins son cours dans la semie pénombre. En fin d'après-midi seulement, le courant est remis complètement. Emma a pas mal de choses à gérer avec son groupe car il y a un problème d'alimentation d'eau pour les animaux. De mon côté je reste dans la chambre pour penser, dessiner et lire. J'ai décidé de faire une journée très tranquille, surtout que demain c'est notre tour de nourriture.

Effectivement le lendemain, le réveil sonne bien plus tôt que d'habitude.

- Oooooooh non, râle Emma sur le lit à côté. Tu crois que si on n'y va pas ce serait grave ?

Ces journées sont toujours épuisantes et le soir nous nous endormons comme des marmottes à 21h. Quelques jours plus tard, nous devons faire le nettoyage, comme tous les mois, on se rend au panneau qui affiche les taches et on s'y met. Gabriel a décidé de le faire tôt le matin et au milieu nous allons chercher des petit déjeuners que nous mangeons tout en nettoyant. Comme ça dès 10 h nous sommes libres, je peux aller répéter une pièce de théâtre par exemple.

- Coucou Kimiko on t'attendait, lance Linda quand j'entre sur la scène. Aujourd'hui on tente une sorte de répétition générale.

Jusqu'au repas du midi, je ne vois pas le temps passer, je propose des corrections, je confectionne des améliorations de décor et j'ajuste les lumières. Ce rôle me passionne et je me dis que si j'étais restée sur Terre ce métier m'aurait plu, être metteur en scène.

Je propose même une musique japonaise très douce et calme que je mets en fond au début de la pièce. Je passe plusieurs autres musiques tout au long de la pièce, que je sélectionne selon la couleur que l'on veut donner à la situation.

Linda, Kaitlyn et les deux garçons ont l'air emballés par mon travail et je ressens une pointe de fierté.

- Sans tes décors, tes costumes, tes lumières et ton fond sonore ce ne serait pas pareil, commente Linda.

- Sans parler des petits conseils et ajustements qu'elle fait, renchérit Kaitlyn.

Je rougis en baissant la tête pour cacher mes yeux derrière un rideaux de cheveux noirs.

- Hum, hum, lance Linda au petit déjeuner du lendemain. La semaine prochaine, à 18h nous vous proposerons la pièce de théâtre de Roméo et Juliette sur la scène. Nous espérons que vous viendrez nombreux, sachez que ça fait des mois que nous travaillons dessus.

Emma se tourne vers moi.

- C'est ton projet ça !

Je hoche la tête.

- Je viendrai c'est sûr avec Gabriel, c'est autorisé aux chiens ?

Je ris.

Elle arrive toujours à me faire sourire, et à faire sourire les gens autour d'elle.

Je passe une partie de la matinée avec Elina, nous soignons régulièrement des petites blessures. En plein milieu Emma débarque, surexcitée.

- Il y a une vache qui met-bas ! s'écrie-t-elle.

Nous la suivons dans les couloirs en courant. Pendant deux heures nous posons des serviettes chaudes sur la vache et on surveille que tout se passe bien. L'étage des animaux est à mon grand étonnement très organisé. Une fois le petit veau debout sur ses quatre pattes tremblantes, Emma le mitraille de photos.

- Il faut lui trouver un nom ! s'exclame-t-elle.

- Pourquoi pas Bouse, propose Gabriel qui nous a rejoint en cours de route.

- Arrête c'est horrible, réplique Emma.

Sauf que personne n'a d'autres propositions, pour le moment.

- C'est une fille , dis-je.

- Ah bah Bousette alors ! lance Gabriel avec un sourire narquois, ce qui lui vaut un nouveau coup de coude de la part d'Emma.

Il n'empêche que Bousette était notre seule idée. On a donc opté pour.

- Ce serait cool que des vrais bébés naissent aussi, déclare Amélie le soir.

Évidemment tous les rapport sexuels sont totalement interdits à bord, par contre une fois sur la planète nous sommes libres, au contraire, la natalité est encouragée. Mais il nous reste encore un peu plus de deux ans de trajet, c'est à la fois long mais en même temps si court !

- Tu es stressée ? me demande Emma deux heures avant notre représentation.

- Moi ? Je ne joue pas sur scène je gère que la lumière et les sons, ce n'est pas à moi d'être stressée.

- N'empêche que tu l'es quand même.

- Tu pourrais me coiffer ? demandé-je en ignorant son commentaire.

- Je croyais que tu ne montais pas sur scène, ricane-t-elle en se levant tout de même pour me coiffer.

- On ne sait jamais.

Je maquille Kaitlyn et Linda qui sont excitées comme des puces.

Quand j'active la bouton pour éclairer la scène, les murmures se taisent dans le public et Kaitlyn, avec sa belle robe, fait son apparition. Je lance la musique en montant progressivement le son, une sensation étrange en moi.

Comme à toutes les répétitions, les comédiens sont parfaits et le public enchanté, Olaf est couché à côté de moi, dans les coulisses, car elle ne pouvait pas s'installer dans les sièges et Emma refusait qu'elle reste seule dans la chambre. Il y a d'autres animaux et chiens dans le vaisseau mais on ne les voit jamais, alors qu'Olaf est la mascotte quand elle se balade fièrement dans le réfectoire, tout le monde se penche pour caresser sa bonne bouille. De temps en temps elle sort de la chambre et se balade seule dans tout le vaisseau, les gens la caressent, lui donnent à manger elle les suit un moment et puis retourne dans la chambre 307. Au moment des applaudissements finaux, elle sort même des coulisses pour rejoindre les comédiens au centre de la scène, ce qui provoque des rires et un petit cri attendri de la part de Linda. J'ai moi aussi un sourire, jusqu'à ce que Kaitlyn m'invite à les rejoindre sur scène. Je lui fait des grands signes négatifs mais elle poursuit.

- Tous les décors, les lumières et les adaptations n'auraient pas été possible sans notre merveilleuse metteuse en scène Kimiko !

Je suis alors forcée de m'avancer à mon tour, je vois Emma faire des grand signes au premier rang et puis des visages familiers, je m'autorise même un demi sourire. Après tant d'efforts, je crois que je l'ai mérité...

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