Chapitre 21 : Qui est-ce ?

EMMA :

Quand je rejoins Kimiko pour le repas, un léger sourire flotte sur ses lèvres, je ne saurais dire s'il est mélancolique, triste ou bien...

- Tu es amoureuse ! m'exclamé-je.

- Quoi ? Moi ?marmonne-t-elle, tirée de ses pensées.

- Ne fais pas l'innocente, menacé-je en mettant mon doigt entre ses deux yeux.

- Mais pas du tout, proteste-t-elle en repoussant ma main.

- Alors qu'est-ce qu'il y a ? demandé-je, plus sérieuse.

Tout en parlant nous récupérons nos plateaux repas et nous traversons la grande salle de réfectoire.

- On mange toutes les deux ou avec le groupe ? dis-je.

- Ça dépend si tu peux être séparée de Gabriel pour un repas, ricane Kimiko.

Je soupire en déposant mon plateau sur une table de deux.

Pendant que nous mangeons, elle m'explique un nouveau projet qu'elle a commencé aujourd'hui avec une amie de peinture. Ses longs cheveux noirs ondulent autour d'elle quand elle parle et ses yeux sont plus brillants que d'habitude.

- On fait quoi ce soir ? demandé-je.

La japonaise hausse les épaules.

- Un film ? Je propose.

Nous sommes interrompues par des cris au fond de la salle. Instinctivement, on se lève, imitées par beaucoup dans la salle. On se rapproche. Deux filles se crient dessus comme des folles.

- J'en ai marre de tes manies et tes histoires à la con ! lance l'une d'elle. De toute façon j'en ai assez de ce projet, de ce vaisseau et de mes colocataires !

Elle sort en trombe de la pièce, laissant un grand courant d'air à sa place. Un silence pesant l'accompagne, certains gloussent, d'autres restent dans la position où ils étaient, la fourchette en direction de la bouche.

- Eh bah ça, c'était clairement dit, commente Gabriel derrière moi.

Petit à petit chacun retourne à sa place et le repas reprend. Peu de temps après la deuxième fille sort à son tour.

- Je n'aimerais pas être dans leur chambre tout à l'heure ça risque de faire des étincelles, lance Gabriel.

Sa remarque est accueillie par des rires, plus au moins nerveux.

Après le repas il m'accompagne voir les animaux puis avec Kimiko on regarde un petit film avant d'aller se coucher.

Le lendemain au petit déjeuner, nous apprenons que les deux filles ont changé de chambre et ne se parlent plus.

- Ça n'a rien d'étonnant, dit Gabriel en sirotant son café. Elle est où Kimiko ?

- Elle a un projet de théâtre elle était contente d'y aller ce matin, et sinon je crois qu'elle peint, répondis-je.

- Elle peint quoi ?

- Je ne sais pas, elle ne m'en parle pas...

- Ah ces filles, toujours à cacher des secrets, soupire-t-il.

Pendant qu'il parle, il baisse sa tasse à hauteur d'Olaf qui s'empresse de donner un grand coup de langue dans le café.

- Qu'est-ce que tu fais ? m'exclamé-je.

- Je lui donne de l'énergie pour la journée, ça a l'air de lui plaire non ?

Olaf se lèche les babines, moyennement convaincue.

Les semaines qui suivent, Kimiko passe beaucoup de temps pour son nouveau projet et j'essaie de mon côté d'écrire un peu. Des soirées cinéma, courses et musique sont organisées, nous avons un décès parmi les animaux, mais rien d'inquiétant. Le temps passe vite, les journées défilent toutes remplies voir surchargées. Avec Lucia et Anissa on ouvre de temps en temps notre « salon de coiffure », sans compter les journées repas ou nettoyage.

Très vite le groupe de Izabella organise la soirée des 2 ans, j'ai l'impression qu'hier nous faisions celle des un an, le temps est passé si vite. Ma sœur, Anna tout le monde doit avoir bien grandi en France, loin de moi. Est-ce qu'ils font quelque chose pour cette date, est-elle aussi importante pour eux ? Pour cette occasion nous assistons à une chorégraphie de danse montée par un petit groupe, certains jouent de la musique, c'est vraiment sympa. Gabriel me tient la main et sa simple présence à mes côtés me rend heureuse. Parfois j'essaie d'imaginer ma vie si je n'avais pas été sélectionnée, je passerais probablement mon bac, j'aurais une vie classique. Mais là, je suis entourée d'étrangers qui ne le sont plus pour moi, je parle anglais, il m'arrive même de rêver en anglais, j'ai des projets et petit à petit on oublie que dans trois ans nous allons débarquer dans l'inconnu, j'ai presque l'impression que l'on va y rester pour toujours sur ce vaisseau. Kimiko n'est pas loin, avec Linda elle semble détendue. Je lâche la main de Gabriel et je me glisse à ses côtés.

- Tu penses à ta famille ? demandé-je.

Elle hausse les épaules.

- Tu ne m'en parles jamais, dis-je. Je ne sais même pas si tu as un frère ou une sœur...

Elle me fixe longuement, tellement longtemps que j'ai peur d'avoir dit quelque chose de mal. Puis elle répond.

- Tu veux voir ?

- Voir quoi ?

À ses mots elle m'entraîne loin du réfectoire et de la fête, je lance un regard d'excuse à Gabriel et je me laisse entraîner dans les couloirs blancs. On ne parle pas, elle me tient par le bras et je me laisse guider, je comprends petit à petit qu'elle me mène vers son atelier de peinture. Quand j'entre je découvre une pièce en réalité assez simple avec des feuilles et toiles empilées sur le côté. Kimiko se dirige vers un meuble à tiroirs et elle en ouvre le dernier. Dedans il y a une plaquette d'aquarelle, des crayons, un chiffons, une gomme et des pinceaux en vrac.

- C'est tout à toi ? murmuré-je.

Elle hoche doucement la tête. Moi je ne parle plus, j'attends, je ne sais pas ce qu'elle a à me montrer, mais ça a l'air important, peut-être vais-je enfin comprendre son secret...

Elle sort d'une pochette cartonnée une liasse de feuilles à dessin, un peu gondolées par la peinture. Elle les pose une par une sur la table, toujours sans un mot. Toutes ces magnifiques peintures représentent le même garçon, jeune, je lui donnerais 5 ou 6 ans, il a les même yeux bridés que Kimiko. Je regarde celle-ci, ses yeux sont remplis de larmes. Je passe mon bras autour de ses épaules et j'observe en silence. Parfois le garçon semble bouder, d'autre rire mais sur la plupart des peintures il regarde dans le vague. Ses cheveux aussi noirs que ceux de Kimiko sont ébouriffés comme s'il venait passer sa main dedans. Je ne dis rien, une larme coule sur la joue de la japonaise. Je garde mon silence, n'osant pas briser cet instant.

Quelques minutes s'écoulent, puis je prends une grande inspiration et je demande.

- Qui est-ce ?

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