Chapitre 18 : Soirée

EMMA :

- Bienvenue chez nous ! s'exclame Mila, souriante comme jamais.

Soña, Lucia, Anissa, Elina et Paulina franchissent le seuil à la suite de Neba. Mila n'a parlé que de ça toute la journée, dix fois elle m'a demandé si mon appareil photo était chargé et si mon imprimante était prête. On est descendues manger tôt pour se libérer une plus longue soirée sous ordre de Mila vous vous en doutez.

- On doit aller faire un tour chez les animaux avec Soña on revient très vite, dis-je en entraînant mon amie.

- Ça a l'air d'être quelque chose cette soirée, commente Soña une fois dans les couloirs.

J'acquiesce.

- Mila en fait toute une montagne, ça compte beaucoup pour elle.

Quand nous revenons dans la chambre, l'enceinte est allumée et les filles piaillent dans le salon. Je me dirige dans notre chambre et Soña me suit.

- Vous dormez toutes les deux dans la même chambre ! Cool ! Avec Kimiko je suppose...

Je hoche la tête.

- Trop bien, et elle dort où Olaf ? Moi Neba elle dort dans un panier qu'on a acheté exprès pour elle.

- Nous aussi on lui en acheté un mais elle préfère dormir sur le tapis près de mon lit.

- Vous venez les filles ? Nous appelle Mila depuis le petit salon. On est en train de choisir le film.

Après un long débat, le film est lancé sur l'ordinateur d'Amélie, et les filles éteignent la lumière, c'est une histoire d'amour, dramatique avec un meurtre. Je ne l'avais jamais vu.

Mila se lance ensuite dans un atelier maquillage et je coiffe Kimiko.

- Tu veux quoi comme coiffure ? demandé-je.

- Comme tu veux, répond simplement la japonaise.

Je lui fais deux tresses plaquées en lui libérant les mèches de devant et elle semble satisfaite. Pendant ce temps les filles ont brossé Olaf et ses poils sont maintenant tout gonflés. Elle se balade fièrement entre nous, toute contente de l'attention qu'on lui porte. Après une interminable séance photo, on se raconte des potins et je vais dans ma chambre imprimer les clichés, j'en place dans les cadres restants, sur le mur et j'en donne aux filles. Vers minuit, le calme revient et on s'écroule dans nos lits.

Quelques jours plus tard, c'est à nouveau à nous de faire la cuisine, une nouvelle journée épuisante, mais pas non plus horrible, on discute de tout et de rien en tentant des recettes.

Une nouvelle mesure est mise en place le lendemain au petit déjeuner :

- Bonjour je suis Matthew, responsable de l'hygiène, commence celui-ci. On en n'a pas parlé depuis notre départ, on avait d'autres soucis, n'empêche que petit à petit la saleté s'accumule.

On lève la tête de nos cafés.

- Notre groupe, ce n'est pas à lui de nettoyer, c'est à lui d'organiser le nettoyage et ce n'est pas du tout la même chose. Notre système s'est énormément inspiré de celui de nourriture, ce sera les mêmes groupes qui feront leur tour une fois par mois, trois jours après celui de nourriture. Cette fois ce ne sera pas toute la journée, vous choisirez, matinée ou après-midi, et vos taches seront affichées sur le panneau de la salle de services en fonction d'un roulement déterminé par notre groupe.

Il balaie l'assemblée du regard, comme s'il attendait une réaction de notre part.

- C'est clair ?

Il nous présente ensuite l'ordre de passage et il nous laisse terminer notre petit déjeuner.

Deux jours plus tard, on se promène donc avec des chariots de nettoyage dans les couloirs, on aspire, astique et frotte toutes les zones demandées.

- Qui a eu l'idée de faire ça le matin ? grogne Gabriel. En plus à 7h30 !

- Au moins on aura quand même plein de temps pour faire d'autres choses, contré-je en lui jetant un regard en coin.

Elina et Kimiko sont parties chercher des plateaux de petit déjeuner et on mange en chemin, vers 11h on a enfin terminé et je file à la piscine jusqu'au repas.

Après avoir mangé au réfectoire, Kimiko me donne mon cours de japonais et je lui explique quelques grandes règles de la phrase en français. Après, j'étudie une petite heure avec Nathan dans une salle de travail. Je développe quelques photos et j'en prends des nouvelles, et l'heure de dîner arrive bien trop vite. Qui aurait cru qu'on aurait un emploi du temps si chargé ? Surtout que ce n'est pas fini, après avoir avalé rapidement mon assiette je vais sortir la pauvre Olaf qui est restée à dormir dans ma chambre toute la journée. Je cours un peu et je shoote dans le ballon qu'elle s'empresse de me ramener, je me place alors à une vingtaine de mètres de la cage et je tire, à chaque fois elle est si vive qu'elle l'arrête avant qu'il ne touche le filet. Vers 21h seulement je vais la faire manger en vérifiant que tout va bien chez les animaux et je me dirige vers la chambre 307.

Je laisse l'eau chaude couler sur mon corps, et l'odeur du gel douche envahit mes narines mes muscles se détendent, comme quand je suis dans la piscine.

Je m'installe ensuite dans le salon car je n'ai pas envie d'aller me coucher tout de suite. Je décide de lire un moment en câlinant Olaf, tout est silencieux. J'observe le bouquet de fausses fleurs que maman a placées, je la revois, je revois papa en train de peindre le dressing, debout sur une chaise. Je revois les yeux brillants de larmes d'Anna quand elle observait mon nouveau chez moi.

- Viens Olaf, on va au lit, dis-je. Kimiko doit dormir, ne fais pas trop de bruit... Viens ma belle !

Effectivement je rentre sur la pointe des pieds pour ne pas éveiller Kimiko qui dort, ses cheveux sont étalés en éventail derrière elle et son visage est détendu. Je me glisse doucement sous ma couette et Olaf se roule en boule sur le tapis. J'éteins la lampe de chevet et je caresse du bout des doigts ma chienne dans le noir, mon bras pendant vers le tapis. Elle finit par s'endormir et je suis maintenant la seule éveillée. Tout est extrêmement silencieux, mise à part la respiration de Kimiko et les soupirs d'Olaf.

Quand le réveil sonne j'ai l'impression que je viens juste de fermer les yeux. Kimiko est déjà réveillée et elle se coiffe devant le miroir de la salle de bain.

- Coucou, dis-je, encore totalement endormie.

Parler anglais n'est plus du tout un problème, je me surprends même parfois à penser dans cette langue.

- T'étais où hier soir ? me demande la japonaise.

- Je suis allée défouler Olaf, elle était restée toute la journée dans la chambre.

* * *

Les jours passent, les semaines, la routine s'installe doucement, on accomplit nos rôles sans problème, on ne se pose plus de questions. Quelques disputes éclatent parfois au réfectoire mais je n'y prends jamais part. Le matin, après notre cours à Kimiko et moi, je me rends toujours au terrain de foot. Je cours, je tire des but à Olaf et très souvent, Gabriel et Samuel me rejoignent et je m'assois sur les gradins pour me reposer tandis que Olaf continue à courir comme une folle. Quelque fois je pars à la piscine en leur laissant ma chienne, je leur fais confiance maintenant.

À midi, les repas ne sont pas très variés mais suffisants et pas mauvais, avec Nathan on étudie deux fois par semaine environ, tous les soirs soit Soña soit moi, ou toutes les deux bien-sûr, allons faire le tour des animaux.

Nous étions sensés réorganiser notre système, supprimer les Dix, mais finalement la société roule, personne ne se plaint. La consommation d'électricité est juste mais bonne, les chambres sont donc à 16°C maintenant et les appareils sont tous coupés la nuit.

Les mois passent sans vraiment que l'on s'en rende compte. Mes carnets se remplissent d'écriture japonaise et mon appareil photo remplit lui aussi sa carte mémoire. Des petites choses insignifiantes ont maintenant leur place dans le salon ou dans l'entrée. Régulièrement Mila, Amélie, Kimiko et moi regardons des petits films le soir. On perd petit à petit totalement la notion de semaine, de saison... Ici il fait la même température tous les jours, on n'a plus la pluie, le soleil, tout ça. Chacun est libre mais à la fois assailli de responsabilités, l'équilibre se crée, comme un cocon qui nous entoure.

Des équipes de foot, des clubs de yoga et de peinture font leur apparition, certains organisent des soirées.

- Je propose demain pour tous ceux qui veulent une soirée de jeux de société. Tous ceux qui en possèdent l'amènent et rendez-vous à 21h après le dîner, explique un certain Alex pendant un petit déjeuner.

Des cercles de lecture aussi naissent, je prends part à un concept nouveau.

- Je veux créer un salon de coiffure, gratuit évidemment, où on coiffera et coupera les cheveux de ceux qui veulent, explique Lucia d'Italie.

- Tu nous rejoins ? On n'est que deux et on t'a vu faire des tresses l'autre fois à la soirée de Mila alors... déclare Anissa.

- Carrément ! m'exclamé-je. C'est génial, il faut qu'on regarde des vidéos pour apprendre encore plus de coiffures et de coupes ! On s'installe où ?

- Il y a une salle libre à l'étage 7, déclare Anissa. On va demander l'autorisation et expliquer notre projet, si tu es partante, demain au petit déjeuner.

Je bats des mains, enthousiaste.

L'internet, google, YouTube, tout ça, ont été figés dans le temps. Nous avons accès à toutes les publications datant d'avant notre décollage. On passe donc la fin d'après-midi à apprendre avec des vidéos de nouvelles coiffures que je teste sur les beaux cheveux bouclés de Lucia.

- Moi je m'occuperai de leur faire les brushings et les lavages, explique cette dernière.

- Et moi je leur couperai les cheveux. Ma grande sœur était coiffeuse, je l'ai vu faire des milliers de fois, déclare Anissa. Il ne manquait plus que toi pour les coiffures.

- Tu veux tester sur moi ? De me couper les cheveux ? je propose.

Ses yeux s'illuminent aussitôt.

Mes cheveux châtains clairs et ondulés m'arrivent vers les omoplates maintenant.

- Tu peux faire pour qu'il frôlent juste mes épaules ? dis-je.

- Si court ! s'exclame Anissa. Pas de problème je vais chercher des ciseaux de coiffeurs.

Elle disparaît dans sa chambre et m'entraîne vers leur salle de bain.

- C'est parti !

Notre projet est donc annoncé le lendemain et nos premiers « clients » apparaissent le jour même.

Gabriel et Samuel entrent à leur tour.

- Vous voulez vous couper les cheveux ? m'étonné-je.

- Non pas du tout, on va faire un foot, on peut prendre Olaf si tu veux.

Ma chienne est installée sur un coussin dans un coin de notre « salon de coiffure ».

- Oh oui, je veux bien, je n'aurai pas le temps de la sortir aujourd'hui, réponds-je reconnaissante.

Ils l'entraînent donc et celle-ci est toute contente de se dégourdir les pattes.

Je coiffe quelques filles du mieux que je peux et elles repartent plutôt ravies, sinon le reste du temps on discute, on prend quelques photos et je lis un peu. Vers dix-huit heures, Anissa décrète que c'est terminé et que l'on fera ça seulement une fois par semaine.

- Rendez-vous ici dans sept jours en attendant il faut coller les photos que tu as prises de partout pour faire de la pub, dit Lucia.

- Carrément ! renchérit Anissa, il vont se bousculer devant notre boutique bientôt !

- Tu appelles ça une boutique ? fait remarquer Lucia, sceptique

- Bientôt oui, rétorque l'indonésienne.

Je file dans ma chambre me changer et demander comment s'est passée la journée de Kimiko. On fait ensuite nos cours de langue qui n'ont pas pu être faits le matin et on descend manger.

Le soir, je me baigne un peu. La seule différence entre le jour et la nuit dans le vaisseau c'est la température et le silence qui règne dans les couloirs. Je rentre vers vingt-deux heures et je lis un moment dans le salon avec Olaf. Puis, nous allons nous coucher silencieusement.

Les jours puis les mois s'enchaînent, Kimiko et moi avons énormément progressé dans nos cours mutuels de langue, le salon de coiffure est ouvert environ une fois par semaine, et à chaque fois tout est réservé quelque jours à l'avance par message. Gabriel et Samuel continuent à prendre Olaf pour aller jouer au foot, je les rejoins régulièrement. Nous avons pris le rythme.

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