Chapitre 11 : La reprise
EMMA
Je sens une main me secouer doucement l'épaule et j'entrouvre mes paupières.
- Réveille-toi Emma on vient d'atterrir, me dit Edward.
Je me redresse brusquement.
- J'ai dormi dans l'avion ! m'écrié-je un peu fort, ce qui attire quelques regards des autres passagers.
Edward me sourit.
- Eh oui... Faut dire que tu étais bien crevée. En tout cas tu es très mignonne quand tu dors avec la bouche ouverte, taquine-t-il.
Je lui donne une tape sur l'épaule en riant.
À la descente de l'avion j'ai un véritable comité d'accueil. C'est d'abord Anna qui me fonce dessus comme un boulet de canon et je ne suis pas loin de basculer en arrière. Puis, plus calmement papa, m'encercle de ses bras chaleureux. Romane elle aussi me serre les jambes dans ses petits bras et Mattéo me donne une claque sur l'épaule.
- Où est maman ? demandé-je après une bonne séance de câlins.
- Elle est restée à la maison pour... la surprise, s'exclame Anna. J'ai pris mon appareil pour filmer, j'ai trop hâte de voir ta tête !
Cette histoire de surprise m'était totalement sortie de la tête, je jette un coup d'œil à Edward qui patiente un peu à l'écart. Ce dernier me fait un clin d'œil et nous emboîte le pas en direction de la voiture.
- Tu viens à la maison ? m'étonné-je.
- Tu ne crois quand même pas que je vais rater la surprise ! lance-t-il d'un air outré.
Le trajet se déroule dans un bazar inimaginable, Anna débite un million de paroles sur ses vacances, tandis que papa nous bombarde de questions. Edward commence à y répondre mais renonce rapidement après que Romane lui ait coupé la parole trois fois pour raconter une histoire de doudous il me semble. Comme moi, il prend le parti de rester silencieux et d'essayer de suivre les conversations. Entendre autant de français me paraît étrange et inhabituel. Durant trois semaines, les seuls moments où je parlais français c'était au téléphone et le soir. C'est comme si on m'enlevait une épine énorme. Plus besoin de traduire dans ma tête, tout me vient naturellement.
À mesure qu'on s'approche de la maison, ils paraissent tous de plus en plus excités. Honnêtement je n'ai aucune idée de ce que peut-être cette fameuse surprise. Peut-être un voyage ou...je ne sais pas en fait.
- Allez Emma entre ! me crie ma sœur en trépignant sur place devant la porte d'entrée.
Papa et Edward échangent des petits coups d'œil complices et Anna a son appareil photo en main prête à filmer la scène. Hésitante et souriante, je pousse la porte d'entrée. Il y a un concert de cris d'enthousiasme au moment où la porte s'entrouvre, maman qui me saute dans les bras et... une sensation humide me traverse la main. Comme si on me léchait la main. Je baisse la tête et je ne peux retenir un petit cri de ravissement. Une jolie boule de poils blanche avec d'adorables petites taches rousses et beige me fait face. Elle zigzague entre les jambes et lèche tous les petits bouts de peau à l'air.
- Entrez entrez, propose maman à Edward, on va bien vous offrir un petit café.
- On peut se tutoyer non ? déclare aussitôt mon agent.
J'ai un sourire en me rappelant que c'est aussi une des premières choses qu'il m'a dîtes.
Durant une heure et demie, on raconte dans les détails nos trois semaines. Mes parents, Romane, Mattéo et Anna, surtout Anna, s'extasient de tout. Pendant tout ce temps, la petite chienne blanche est restée allongée sous la table en agitant frénétiquement la queue.
- ... et donc Edward nous a prévenus qu'il venait d'obtenir l'autorisation pour que tu emmènes un chien, explique maman. On a tout de suite pensé à te faire la surprise à ton retour ! C'est un berger australien, elle est mimi hein !
J'acquiesce avec conviction.
- Par contre on est hésitants sur le nom, ce sera à toi de voir, rajoute papa.
- Moi je trouve que Bonbon, c'est mignon ! propose ma sœur.
- Ou Pompon, déclare Anna.
- On a aussi pensé à Câline, intervient maman.
- Ou Sac-à-puce, lance Edward.
Je suis tellement heureuse d'être de retour que mon sourire ne quitte pas mon visage. Je sais que ce moment restera à jamais gravé dans ma mémoire.
Edward reste même pour le dîner, maman a préparé des pâtes bolognaises et sa casserole est tellement grosse qu'on pourrait nourrir la ville entière. Je m'imagine Kimiko qui doit partager elle aussi des moments avec sa famille japonaise, et à Elina en Ukraine.
Les jours suivants je les passe à dormir, profiter du soleil et de ma famille et à promener ma chienne qu'on a finalement nommée Olaf, en référence à son pelage et au film préféré de ma petite sœur : la Reine des neiges. Je suis de retour chez moi et je peux vous dire que ça fait beaucoup de bien. Inutile de préciser que Anna ne pense qu'à une chose : la rentrée au lycée. Moi ce n'est pas une vraie année que je vais entamer. J'ai un emploi du temps très aménagé et je vais donc naviguer entre plusieurs classes. Je vais manquer des cours quand je serai comme pour ces vacances en « voyage » avec les autres adolescents. Edward m'a à nouveau prévu un planning surchargé.
N'empêche que moi aussi j'y pense à cette rentrée, c'est ma dernière. Ces « derniers » sont arrivés il y quelques temps, comme « mes dernières vacances à la mer », « le dernier anniversaire de ma mère quand je serai là », où « la dernière fois que je vais faire les fournitures avec Anna » ... et ainsi de suite. Je sais que ce n'est pas bien d'être nostalgique comme ça, mais c'est plus fort que moi. Ce sont les derniers avant quoi ? Toujours ? Le voyage retour va sûrement avoir lieu, est-ce que je ferais parti de ceux qui rentrent ?
Il me reste aujourd'hui précisément cinq jours avant la rentrée. Anna a déjà prévu sa tenue, de son jean à ses chaussettes. Moi je sais que cette année il faut que je profite de mes amies mais je sais aussi que ça va être compliqué d'être bien intégrée dans le groupe.
Quand enfin le jour J arrive, je pars à pieds avec ma meilleure amie qui comme d'habitude est totalement surexcitée. Je sens que je vais encore une fois attirer les regards quand les élèves vont comprendre que je fais partie du Projet ARIA. Surtout qu'une émission est passée trois soirs de suite sur France 2, « Les trois semaines à Lisbonne », on me voit parler au micro, on voit les groupes réfléchir, nos visages durant les discours de Daniel, on voit aussi les repas, la capitale. Ma mère a évidemment voulu qu'on la regarde les trois fois et je commence à bien la connaître. J'ai aussi eu le temps de revoir Julie et d'autres membres de la sélection de l'année passée. On a ri en se souvenant de l'épisode où les animateurs nous avaient « abandonnés » dans la forêt. Aucun n'avait l'air jaloux de Nathan et moi, finalement ils étaient contents de ce qu'ils faisaient et de leurs projets futurs.
- Allez Em ! Dépêche-toi ! me lance Anna.
- Relax, on a vingt-cinq minutes pour marcher moins d'un kilomètre ! râlé-je. J'arrive, j'arrive.
Je lui emboîte le pas et nous avançons en évoquant des souvenirs de collège. Après des vacances comme les miennes, ça me paraît si loin, ma mention « très bien » et celle « bien » de Anna me paraissent dater d'une dizaine d'années. Quand nous arrivons devant le lycée, les listes sont affichées dans le hall. Je m'en doutais mais le fait de ne pas être avec Anna me fait quand même un choc. Je vois que celle-ci est au bord des larmes.
- Ça va aller, la rassuré-je. Tu vas gérer ! De toutes façons je ne serai pratiquement jamais en cours, et puis il faut que tu t'habitues...
Je regrette instantanément ma phrase quand je vois la mine d'Anna. Alors, je la serre dans mes bras et je lui souhaite bonne chance avant de m'éloigner dans le couloir. Sans surprise à nouveau je suis abordée par des dizaines de filles.
- Tu es vraiment Emma ? Genre LA Emma du Projet ARIA ? demandent-elles.
Je reste près du groupe en attendant notre professeur. Durant les deux heures que je passe au fond de la classe à côté d'une Eléa je crois, le professeur d'anglais répète que l'objectif du lycée c'est le bac.
Moi je sais que jamais je ne passerai cette épreuve contrairement à ma classe. Mon emploi du temps est tellement différent, mes activités aussi. Je n'ai pas le même but que le reste de la classe, je suis différente et à part. Ma vie a tellement changé ! Il ne me reste seulement onze mois, c'est tellement long mais à la fois si court ! Je prends distraitement des notes, perdues dans mes pensées.
À la récré je retrouve Anna dans tous ses états.
- Tu as rencontré des gens sympas ? demandé-je.
Ma meilleure amie hausse les épaules. Ça me déchire le cœur de penser que je vais l'abandonner, qu'elle, elle va continuer sa vie normalement, alors que moi je serai tellement loin d'ici. J'espère sincèrement qu'elle va se trouver un bon groupe d'amies pour que mon départ ne lui fasse pas un gros choc. En tout cas ça ne lui a pas coupé la parole, elle passe dix minutes à me raconter mot pour mot tout ce que lui a dit son prof principal, elle m'explique son emploi du temps et tout un tas de trucs que je n'arrive pas à saisir. Ce n'est pas comme si moi aussi j'avais eu ce discours quelques instants plus tôt dans ma classe.
Rapidement, nous nous habituons à marcher tous les matins jusqu'au lycée. À se retrouver à la récré. Elle me raconte toutes les anecdotes et je l'écoute en souriant. À midi, je la laisse et je rejoins Edward. Il m'emmène alors faire des activités, toujours avec Olaf, des entraînements ou des cours de physique ou bien de SVT en plus. Toute la semaine, je passe seulement mes matinées au lycée et manger à la cantine finit par me manquer.
À mon grand soulagement, Anna a fini au bout de quelques semaines par se trouver des bonnes amies qui mangent avec elle et qui ont la patience d'écouter tout ce qu'elle raconte.
Dans une semaine, je m'envole vers Canberra, déjà ! Le premier mois de l'année scolaire est passé si vite... Je vais abandonner les cours pour deux semaines en Australie. Je vais retrouver Kimiko, Elina et Soña. Je vais écouter les discours de Daniel Hunter, dormir à l'hôtel tous les soirs. Nathan et moi nous sommes un peu éloignés ce mois-ci avec le lycée et la reprise. Ces deux semaines permettront que l'on se rapproche un peu. Je passe aussi beaucoup de temps avec Edward, pratiquement toutes mes après-midis en fait. Mes parents ont fini par apprécier son sens de l'humour et son organisation et ils l'invitent de plus en plus souvent à rester manger le soir quand il me ramène. Même si voilà plus d'un an que l'on se connaît, je ne sais pas grand-chose de lui, s'il a une copine, comment vont ses parents, où il habite... Ce n'est pas qu'on ne parle pas, juste, pas de lui.
* * *
Les deux semaines à Canberra ressemblent finalement beaucoup à celles à Lisbonne. Nous dormons dans un hôtel, toutes les journées nous les passons par groupe de chambre ou par groupe de travail. La seule différence ce sont les rendez-vous médicaux que nous avons une fois par semaine, et ça va continuer ainsi à chaque fois qu'on se regroupera. Un médecin nous ausculte tous un par un. Je suis heureuse de retrouver toutes mes amies, Kimiko, Soña, Elina... Nous sommes beaucoup plus détendues que la dernière fois. On avance sur nos projets à fond et beaucoup de nouvelles choses sont mises en place... un autre point c'est la présence de Olaf à mes côtés, elle m'accompagne et pendant que je travaille dans mon groupe l'après-midi, elle rejoint les autres animaux autorisés à bord pour du dressage. Parmi, il y a évidemment celui de Soña qui était absolument ravie quand elle a appris que moi aussi j'emmenais ma chienne.
Puis c'est à nouveau le retour à la réalité des cours et des entraînements, plus on avance et plus on se rapproche du grand départ. Un mois plus tard, le 14 novembre mon anniversaire arrive. Je le fête pour la dernière fois peut-être sur Terre. Comment est-on censé fêter son dernier anniversaire avec sa famille ? Je dois pleurer ? Je dois inviter tout le monde ? Finalement je préfère le faire comme les quinze qui ont précédé, en famille avec Anna, dans un petit cadre familial. On mange des pâtes bolognaises puis on déballe les cadeaux et on rit. Mes parents m'ont acheté un magnifique appareil photo de très bonne qualité.
- Pour que tu prennes plein de belles photos que tu emmèneras... là-bas, dis maman.
- Et bien-sûr tu pourras continuer à en prendre à bord et une fois sur la planète, termine papa.
Je les serre fort dans mes bras, émue par un si beau cadeau. Ensuite c'est au tour d'Anna de me tendre son paquet, à l'intérieur j'y trouve tout un assortiment de parfums, de bracelets et de gel-douches. À peine ai-je pu regarder chaque article qu'elle me tend un deuxième paquet. Dedans il y a un petit os à mâchouiller, une laisse et un bandana pour Olaf.
Je remercie ma meilleure amie, le sourire aux lèvres. Finalement cet anniversaire était parfaitement parfait, classique, comme j'aime le fêter.
Quelques semaines plus tard je m'envole à nouveau avec Edward et Olaf pour un autre stage et je suis de retour une semaine plus tard. Nous avons cette fois reçu une formation de premiers secours et tout le groupe médecine y est resté deux semaines de plus pour apprendre d'autres gestes.
Noël arrive et pour la dernière fois avant un long, long, long moment, je partage des grands repas familiaux et je me gave de chocolat avec Anna devant des petits films de noël. Par contre, je passe mon nouvel an en Amérique avec les autres adolescents. Tout le monde parle maintenant couramment l'anglais et nos rapports se sont améliorés, je commence à connaître au moins de vue tout le monde.
Daniel Hunter nous « libère » janvier et février, que l'on passe chacun chez soi, j'ai néanmoins des entraînements tous les jours mais ça me permet quand même de passer du temps avec ma famille. Olaf a bien grandi maintenant et même si elle a perdu son petit duvet de bébé, elle reste magnifique. Elle a aussi la joie de jouer dans la neige quand avec ma famille nous partons un week-end à la montagne.
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