Chapitre 25.

Le monde de Tarik se figea en reconnaissant dans le mâle face à lui, le père de sa belle, venu la lui enlever.

Sans vraiment réfléchir, par réflexe primaire, il serra la main de Nahila dans la sienne et la fit légèrement passer derrière lui, comme pour empêcher les trois mâles de la prendre. Sa biche lui lança un regard curieux, qu'il ignora superbement, fixant les hommes, dans une position défensive. C'était eux les intrus, mais ce fut tout de même lui qui prit la parole.

— Vous êtes sur mon territoire, veuillez décliner votre identité, ordonna-t-il d'une voix forte.

Il réalisa qu'ils n'avaient pas encore donné de nom à leur meute et que ce serait une discussion qu'il allait devoir avoir avec ses compagnons. Mais ce n'était pas son sujet de préoccupation première.

— Je suis Virion Daero, Roi des Cerfs de la Coalition des Changlins Non-Prédateurs. (L'homme fixa Tarik droit dans les yeux.) Et je suis venu chercher ma fille, Nahila Daero, princesse héritière légitime des Cerfs de la Coalition des Changelins Non-Prédateurs.

La panthère sentit Nahila se tendre à ses côtés alors que son père énonçait son titre et que tous les regards se tournaient vers elle. Princesse, hein. Elle en avait caché des choses, la petite biche. Et à la manière dont les trois hommes la regardaient, Tarik était presque certain que cette histoire de princesse était le cadet de ses soucis.

Celui qui se tenait à la gauche du roi, les cheveux longs tressés et une peau tannée, fit un pas en avant et une main sur le cœur se pencha profondément en avant.

— Je suis Lysanthir Daero, Prince héritier légitime des Cerfs de la Coalition des Changelins Non-Prédateurs. Je vous remercie d'avoir pris soin de ma petite sœur, votre tâche est terminée, et nous reprenons le relais à partir de maintenant.

Tarik réalisa qu'il n'avait pas lâché la main de Nahila. Il avait le sentiment que le déroulement des évènements lui échappait totalement. Si sa biche décidait de partir, il n'avait aucun droit de la retenir... mais il allait quand même le faire.

— Je suis Tarik Panthea, et Nahila est mienne.

Le choc se peignit sur le visage des trois mâles dont le regard se porta par automatisme vers la petite biche. Tarik fit de même et s'aperçut que Nahila avait viré cramoisie. Hum, il aurait peut-être dû lui demander avant de faire ce genre de déclaration. Pourtant, sa panthère s'étirait, satisfaite qu'il ait mis les choses au clair. Nahila était à eux.

Cette fois-ci, ce fut l'homme dont la barbe était taillée en bouc qui prit la parole en faisant un pas en avant.

— Nous nous attendions à recevoir ce genre de résistance de la part d'un simple prédateur. Permettez-moi de me présenter : Je suis Vasylicov Valmaer, héritier de la première Famille des Cerfs de...

— Abrège, on à capté que tu étais une proie, siffla Kana qui jusque-là avait observé en silence.

Le cerf qui une brusque inspiration en rougissant de rage et Nahila laissa échapper un petit cri qu'elle étouffa immédiatement. Les dents serrées, l'homme reprit.

— Je suis Vasylicov Valmaer, et Nahila Daero est ma promise.

Sans même y réfléchir, Tarik montra les crocs. Sa panthère désirait désormais déchiqueter cet homme qui prétendait avoir des droits sur sa biche. Seul bon point pour ce petit prétentieux, il ne recula pas.

— Nahila m'a été promise peu avant son enlèvement, et je suis prêt à me battre et à te tuer, s'il le faut, pour la ramener auprès de sa famille.

Ce disant, il tira son sabre, qu'il portait dans un carquois dans son dos. La panthère rugit silencieusement dans sa tête, prête à relever le défi.

— Très bien.

Nahila poussa un glapissement de protestation.

— Choisis ton arme.

— Je te démolirais à main nu, gronda-t-il en faisant un pas en avant.

Mais Nahila s'interposa échappant à sa prise.

— Personne ne va se battre ! s'exclama-t-elle en tendant les mains de chaque côté, comme si elle pensait pouvoir les empêcher de se jeter l'un sur l'autre pour s'entredéchirer.

— Ne t'en mêle pas, Nahila, ordonna Vasylicov.

Au même moment, Tarik lui demanda de revenir derrière lui.

— Je vais faire qu'une bouchée de ce cerf en carton.

Nahila perdit son calme.

— Personne ne va se battre ! Je ne suis pas un putain de trophée !

Un silence se fit. Vasylicov la dévisagea, ainsi que son père et son frère, comme si elle avait une seconde tête. Tarik grimaça avec un air coupable et même Kana lui lança un regard surpris et approbateur.

— Papa, je ne suis plus une enfant, et... je ne veux pas m'unir à Vasylicov.

— Pourquoi ? D'après l'entremetteuse vous êtes parfaitement compatible, protesta son père en se tenant bien droit.

Il y avait des moments dans la vie d'une femme, où elle se devait d'être ferme face aux hommes.

— J'ai dit non, et tu ne peux pas me forcer.

— C'est à cause de lui, n'est-ce pas ? réagit Lysanthir en pointant du montons Tarik.

Nahila déglutit.

— Entre autres, mais pas que. Vasylicov ne m'attire pas, il est ennuyant et terriblement formel.

Vasylicov poussa un cri indigné, mais Virion le fit taire.

— Il t'a mise enceinte ? demanda le roi des cerfs.

Tous les regards se tournèrent vers elle et Nahila eut soudain voulu disparaître six pieds sous terre. Même Tarik sembla avoir une hésitation sur le sujet.

— Combien même, fit-il remarquer, j'en prendrais la responsabilité, mais jamais je ne forcerais Nahila a quoi que ce soit.

Lysanthir jura.

— Tu as couché avec ma sœur !

Nahila cacha son visage entre ses mains.

— On est vraiment obligé de parler de ça ?

En quoi sa sexualité regardait toutes les personnes présentes au juste ? Tarik se garda bien de démentir le cerf et celui-ci se frotta la nuque avant de tirer son sabre.

— Bien, alors il est de mon devoir de laver son honneur.

Oh déesse ! pourquoi les hommes étaient-ils si stupides ? songea Nahila en se déplaçant vivement pour se mettre entre Lysanthir et son mâle.

— Mon honneur ?

— Il a bafoué ta pureté !

Les joues rouges de gêne et de rage, Nahila ne sut quoi répondre. Et aussi étonnant que cela puisse paraître, ce fut Kana qui la défendit.

— La virginité est un concept inventé par les hommes pour contrôler la sexualité des femmes. Nahila est une femme adulte et elle couche avec qui elle veut, son honneur n'en sera nullement atteint. En revanche, je pourrais venir te botter le cul, histoire de tacher ton honneur à toi si tu ne ranges pas cette machette immédiatement.

Nahila soupira doucement, elle n'aurait pas dit mieux.

Lysanthir rougit, honteux de son comportement si justement remis en question par Kana. Mais son frère, toujours calme et réfléchi, se redressa sans ranger son arme et observa les changelins présents. Son regard passa de la vipère à la panthère, passant lentement sur chacun de leur compagnon avant de se poser sur Nahila.

— C'est un sabre... Tu t'es trouvé une bien drôle de meute, petite sœur. Je continue à penser qu'ici n'est pas ta place.

— Et peut être que tu as raison, grand frère, mais j'ai encore des choses à régler ici...

Lysanthir soupira en rangeant son sabre.

— Nous avons pris contact avec Ilgog, il nous a tout raconté, la dette que tu as contractée pour fuir et faire s'enfuir tes compagnons, nous la prendrons en charge, mais cette dette-là uniquement.

Nahila sentit distinctement le regard de Tarik la fusiller, mais elle se garda bien de le lui rendre. Voilà un petit détail qu'elle avait omis de lui préciser, mais qui n'avait plus aucune importance désormais... n'est-ce pas ?

Virion soupira.

— Que vais-je dire à ta mère ? Elle est dans tous ses états depuis que tu as disparu.

Nahila posa sa main sur son cœur en pensant à sa mère, qui l'avait élevé avec amour. Puis s'approchant de son père, elle sourit doucement.

— Tu lui diras que je l'aime et que j'ai suivi tous ses conseils. Que sa fille va bien, et qu'elle est courageuse !

Le visage familier et empli de sagesse de son père s'étira dans un doux sourire et il l'invita à venir dans ses bras. Nahila accepta l'étreinte.

— Plus tu grandis et plus tu lui ressembles, elle serait fière de toi.

Sentant son cœur se tordre d'amour, Nahila embrassa son père sur la joue, puis fit un câlin à Lysanthir.

— Sache que si tu as besoin que je vienne défendre ton honneur, je ne suis qu'à quelques jours à cheval.

Gloussant doucement, Nahila le repoussa.

— Je défendrais mon honneur seule, mais merci.

Vasylicov boudait.

— Prend soin de ma petite sœur, Tarik Panthea, chef de cette drôle de meute.

Puis sur ses paroles, les trois cerfs repartirent d'où ils venaient, disparaissant en silence dans les bois.

Lorsqu'il n'y eut plus de danger, le groupe de changelin commença à se disperser.

— Kana, interpella Nahila avant que la vipère ne s'en aille.

Celle-ci se tourna brusquement vers elle, l'air mauvaise. Nahila hésita, elle s'était apprêtée à la remercier, mais après réflexion, ce n'était peut-être pas la meilleure chose à dire pour l'instant. Kana la détestait encore beaucoup.

— Dire à une proie que c'est une proie... c'est impoli, lâcha-t-elle à la place. Surtout quand on est un prédateur, c'est comme lui dire qu'on va la traquer et la manger.

Kana esquissa un sourire, dévoilant ses crochets de vipère.

— Vraiment... petite proie ?

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