Chapitre 8.

Assise par terre contre le lit, Cassandra n'arrivait pas à s'arrêter de pleurer. C'était tellement... humiliant. Tout avait été humiliant, le fait d'avoir été traîné hors de chez elle en pyjama, d'avoir porté devant plusieurs hommes des vêtements trop petits, d'avoir été insulté juste parce qu'elle était humaine, de devoir tenir tête à Nikolaï parce qu'il était un sale con, et enfin, d'avoir vu sa poitrine exposer à ses yeux d'homme. Elle aurait voulu disparaître.

Malheureusement, ce type de vœux ne se réalisait pas, et elle ne pouvait pas rester éternellement à pleurer dans la chambre d'enfant. Après avoir vidé toute sa frustration, Cassandra s'essuya les joues et alla dans la salle de bain attenante. Chaque chambre en avait une, et le travail était superbe bien que d'une simplicité à toute épreuve. Au moins, il avait l'eau courante. Elle se lava le visage, déplorant l'absence de miroir pour voir à quoi elle ressemblait. Quoi que... c'était peut être pas plus mal, finalement, elle devait faire peur à voir et elle n'avait pas besoin d'une humiliation supplémentaire.

Elle retourna dans la chambre et enleva le t-shirt bien trop grand de Nikolaï pour se débarrasser de la chemise fichue. Puis elle repassa le t-shirt et fit entrer le bas dans sa jupe. Elle ignorait de quoi elle devait avoir l'air, mais au moins, elle n'était pas nue. Qu'est-ce qu'elle n'aurait pas donné pour un corset ou un soutien-gorge, là tout de suite, histoire de masquer ses tétons pointés à cause du froid.

Secouant la tête, elle alla ouvrir la porte. Nikolai n'était pas là. Parfait, elle n'avait pas besoin de lui de toute façon.

Elle commença à prendre les mesures de la chambre, puis celle de la salle de bain, elle fit ensuite quelques rectifications sur son carnet et nota une liste de matériel dont elle aurait besoin. Première étape, rendre les murs bien isolants. Les changelins la remercieraient quand ils découvriraient qu'un bébé, ça gueulait beaucoup, alors deux... elle n'osait imaginer. Elle aurait besoin d'aide pour tout transporter, mais Nikolai se porterait probablement volontaire, elle doutait que la meute apprécie qu'un transporteur vienne sur leur terre. Ces informations pratiques l'aidèrent à se recentrer.

Une fois satisfaite des données récoltées, elle parcourut d'autres pièces, prenant encore quelques mesures, ainsi que celles du couloir. Elle aurait l'air maligne si ses meubles ne passaient pas les couloirs, mais vu la taille des portes elle n'avait pas trop de soucis à se faire, c'était une maison de géant.

En parlant de géant, où était passé le sien ? Cassandra se sentait un peu mieux, et prête à confronter Nikolai. Ou plutôt à faire comme si rien ne s'était passé et à reprendre là où il s'était arrêté avant l'incident du chemisier.

Nikolai était dehors, et elle fut soulagée de ne pas avoir à lui courir après. Il parlait avec un autre homme, immense, aux cheveux noirs, qui capta immédiatement sa présence. Elle avait l'impression que les changelins de cette meute préféraient nettement être à l'extérieur, parce qu'elle n'en avait pas croisé un seul à l'intérieur. Elle se demandait si c'était de sa faute.

L'inconnu donna quelque chose à Nikolai et celui-ci s'avança vers elle. Cassandra sentit son cœur accéléré alors qu'il la fixait du regard comme si elle était une proie qu'il se délecterait de dévorer. Sa démarche était souple et volontaire, et elle avait l'impression qu'il pouvait faire trembler la terre. Il ne grimpa pas les quelques marches du porche, mais même comme ça, il était plus grand qu'elle.

— Une avance sur ta paye et ton contrat, dit-il en lui tendant l'enveloppe que l'inconnu lui avait donnée. Signe.

Elle sortit les documents et signa avec un stylo déniché dans son sac avant de les lui donner. Il les plia et les fourra dans sa poche comme s'il ne valait rien. Cassandra était un peu contrariée, mais elle devait arrêter d'attendre de cet homme qu'il se comporte en humain.

— J'aimerais rentrer chez moi, et j'aurais besoin de savoir quels outils sur cette liste vous avez ? Demain j'irais faire des courses.

Elle lui tendit sa liste et il la regarda brièvement avant de la lui rendre.

— Achète tout.

Euh... ok.

— Tu es libre de rentrer, signala-t-il en libérant un espace pour qu'elle puisse quitter le porche.

— Hum... je n'ai pas de chaussure, j'aurais espéré que peut-être... vous auriez une monture pour moi ?

Il la dévisagea fixement les yeux plissés, puis fit un pas sur une marche la main tendue.

Oh non, non, non ! elle ne se laisserait pas avoir une troisième fois. Cassandra esquiva sa main en s'éloigna.

— Ne vous avisez pas de me jeter à nouveau sur votre épaule, glapit-elle.

Il pencha la tête sur le côté, comme si elle venait de lui lancer un défi.

— Très bien, gronda-t-il doucement de sa voix caverneuse. Donne-moi ton sac.

Elle obéit et il fouilla dedans, lui arrachant une protestation il en sortit un objet qu'elle ne put déterminer.

— Tu peux faire une dernière chose pour moi ?

Cassandra soupira.

— Oui ?

— Tends les poings, oui comme ça, maintenant croise-les.

Elle obéit, fronçant les sourcils... et le rustre brandit un foulard qu'il noua fermement autour de ses poignets croisés. Comment osait-il ! Il l'attrapa par les deux poignets et la taille et la hissa sur son épaule sans ménagement.

— Ta monture est arrivée, femme, ricana-t-il en attrapant le sac à ses pieds.

Et c'était reparti. Résignée, Cassandra passa tout le voyage à essayer de défaire le foulard, sans succès. Il la déposa au bas de son immeuble, et elle s'efforça d'ignorer que tous ses voisins venaient de la voir se faire trimbaler en sac à patates par un homme taillé comme une armoire. Nikolai eu la gentillesse de lui libérer les poignets et avant de partie cria.

— Je veux les plans pour demain matin !

On aurait pu croire qu'en sa qualité d'ours, Nikolai aimait particulièrement faire la grâce matinée. Mais en réalité, il dormait peu, et ce n'était pas un choix, c'était pour ça qu'il attendait avec tant d'impatience son hibernation, car cet état était au-delà du sommeil et peut être que le souvenir d'Emma voudrait bien cesser de le hanter. L'arrivée de Cassandra dans sa vie n'aidait certes pas à ce que ses anciens péchés restent là où ils les avaient relégués. Pourtant, la petite humain et son Emma ne se ressemblait pas tant que ça. Outre qu'elle était toute les deux humains, leur ressemblance s'arrêtait là. Emma était blonde, se souvint-il.

Il tambourina à la porte de Cassandra, ravie d'entendre les voisins râler. Il était sept heures pile. Mais contrairement à la première fois, il ne tambourina pas pendant cinq minutes avant qu'elle lui ouvre, seulement une.

Il dut baisser la tête pour voir Cassandra, et il prit cette fois le temps de la détailler et nota avec surprise – et une pointe de mécontentement – qu'elle était tout habillée, prête pour sortir. Il aurait aimé la surprendre au lit, dommage. Elle s'écarta de la porte avec un air triomphant pour le laisser entrer et il grogna, mécontent. S'il ne pouvait même pas l'embêter.

— Laissez-moi une minute, je mets mes chaussures.

Elle trottina vers un canapé usé et s'y assis pour enfiler une paire de bottines plates. Nikolai en profita pour observer son intérieur, il n'y avait d'une seule et petite pièce séparée par un bar de la cuisine, les meubles étaient vieux, et il n'y avait qu'une porte qui devait mener à une chambre. Il aperçut des taches de moisissure au plafond, signe qu'elle devait être embêtée par de l'humidité. Comment une femme aussi bien élevée et délicate qu'elle se retrouvait à vivre dans ce type de taudis ? C'était incompréhensible, Cassandra avait l'air d'être le genre de femme faite pour la vie de château, avec ses principes, ses bonnes manières, sa pruderie. À porter de belle robe et à avoir une centaine de prétendants à ses pieds qui lui offrirait fleur et bijoux pour avoir un gramme de son attention.

Son regard se posa de nouveau sur l'humaine qui se relevait, passant ses délicates petites mains blanches sur les pans d'une robe bleu nuit qui lui arrivait sous les genoux et était gonflée par des jupons. Ouais, définitivement une princesse.

Il s'approcha à nouveau, prêt à la jeter sur son épaule pour la ramener sur son territoire, mais comme la veille, elle s'esquiva.

Il plissa les yeux, mécontent, pour l'intimider. Soit sage, semblait-il dire.

— Aujourd'hui, on ne va pas à la grande maison, dit-elle en allant récupérer son sac à main. On va faire des courses, tu te souviens ?

Puis elle sortit, ne lui laissant d'autre choix qu'obtempérer et de la suivre. Pourquoi il avait l'impression qu'il était tombé dans un guet-apens créer de toute pièce par cette toute petite humaine ? Il décida tout de même de voir où ça le mènerait, de toute façon il savait bien que les délais qu'il voulait lui imposer étaient intenables, seulement, depuis qu'elle s'était mise en colère contre lui – juste avant de voir son chemisier déchirer – il avait envie de la titiller juste pour voir jusqu'à quel point elle pouvait s'énerver contre un ours. Son animal était d'accord, cette humaine était intéressante, et elle leur tenait tête.

Elle le guida dans les rues de la ville et Nikolai prit soin de fusiller du regard toutes les personnes matinales qu'il croisait pour leur faire comprendre ce qu'il pensait du fait qu'elles existaient et osaient être sur son chemin. Non, mais sérieusement, on n'avait pas idée de ce lever si tôt pour envahir le monde, n'auraient-ils pas pu rester chez eux ? Ou mieux, ne pas exister du tout.

Cassandra jeta un coup d'œil par-dessus son épaule, l'air un peu inquiète et il s'aperçut qu'il s'était remis à grogner en sourdine. Il ne s'arrêta pas pour autant et ils entrèrent dans une droguerie. Super, forcé de faire du shopping, comme s'il n'avait pas mieux à faire. Le fait que Nikolai n'avait effectivement rien de mieux à faire n'entrait pas en compte dans ses râleries matinales.

L'employé de la droguerie, qui avait l'air fatigué, ne releva pas tout de suite la tête quand ils entrèrent, mais dès qu'il aperçut Nikolai il fit un bon et se redressa, l'air effrayé. Brave humain, songea Nikolai, ravi.

L'homme se mit immédiatement à leur disposition, guidant Cassandra et lui dans les rayonnages, trouvant ce qu'il y avait sur la liste, mais s'adressant invariablement à Nikolai quand il proposait plusieurs modèles d'un même produit. C'était idiot, Nikolai ne savait clairement pas de quoi il parlait, et Cassandra devant toujours insister plusieurs fois pour qu'il prenne en compte ce qu'elle était en train de dire. Malgré ça, l'humain continuait à s'adresser à Nikolai.

— Pourquoi il fait ça ? demanda-t-il dans un grondement bas quand il disparut dans la réserver chercher il ne savait quoi.

— Quoi donc ? s'étonna Cassandra.

Il se pencha un peu, pour être plus proche d'elle.

— Me poser les questions à moi, alors que c'est toi depuis le début qui gère ces courses ?

Le visage de la petite humaine se renfrogna. Ah, donc il n'avait pas rêvé, elle s'en était rendu compte elle aussi.

— C'est parce que tu es un homme, murmura-t-elle finalement en détournant le regard.

La logique de cette réponse lui échappa.

— Je... vois pas le rapport ? Les travaux, ça ne s'effectue pas avec des testicules, à ce que je sache.

Elle rougit et il sourit intérieurement.

— C'est le mot « testicule » qui te fait rougir ? demanda-t-il.

Elle le fusilla du regard.

— C'est vulgaire, murmura-t-elle en détournant le regard.

— C'est son appellation anatomique.

Elle croisa les bras par-dessus son corsage plein de petits boutons.

— Ça a dû t'échapper, comme les bonnes manières, puisque tu n'as pas l'air d'être sortie de ta grotte depuis un siècle, mais le monde est sexiste, et apparemment, les travaux, c'est une histoire d'homme dans la tête de certains. Dis-toi que quand je suis seule, c'est pire, avec leur ton paternaliste à deux balles il insiste sur un produit qui n'est pas du tout ce que j'ai demandé en prétendant que c'est mieux que ce que je veux, jusqu'à ce que je l'achète à force de harcèlement et il s'avère que ce n'est évidemment pas du tout ce dont j'avais besoin.

Il trouvait son petit air renfrogné très mignon.

— Les mâles humains sont stupides.

Elle ricana.

— Oh, les femmes aussi, ne te leurre pas, allons dans un magasin de cuisine et adressons-nous à une vendeuse, tu verras, elle ne me parlera qu'à moi et à moi seule, même si c'est toi qui sembles intéressé.

— Les humains sont idiots.

Elle soupira et ses épaules s'affaissèrent.

— Un peu, avoua-t-elle. Ce n'est pas comme ça, chez les ours ?

Il ne fit pas mine d'être surpris qu'elle ait appris quel type de changelin il était.

— Non, un ours n'ira pas expliquer à une abeille comment faire du miel ! rétorqua-t-il.

Elle le regarda avec des grands yeux, comme si ce qu'il venait de dire n'avait aucun sens, alors qu'elle était très claire sa citation. Chez les ours, chacun avait ses domaines de compétence, jamais quelqu'un n'ayant pas les compétences n'irait prétendre en savoir plus que l'expert. De même, femme ou homme, ils s'adressaient à celui qui savait, c'était stupide de s'adresser à l'autre sous prétexte qu'il avait une paire de couilles. L'employé revint avec ce qu'elle avait demandé et le présenta à Nikolai qui ne cacha plus son agacement. Un grognement remonta le long de sa gorge et il tendit la main pour la poser sur la tête de l'employé, puis força l'homme terrorisé à regarder Cassandra.

— Tu sais la petite voix qui te parle depuis tout à l'heure, elle a dû t'échapper parce qu'elle n'est pas très grande, mais elle vient de cette femme, là, alors merci de t'adresser à elle, tocard.

L'homme devint tout blanc... et s'évanouit. Nikolai le regarda tomber par terre et haussa les épaules.

— Bon, ben il ne nous sera plus d'aucune utilité, tu as besoin de quoi d'autre ?

Quand il regarda Cassandra, il s'aperçut qu'elle avait les yeux écarquillés, les mains devant la bouche. L'avait-il choqué ? Mais non... ses épaules tressaillaient irrépressiblement et quand elle vit qu'il la regardait, ce fut plus fort qu'elle : elle éclata de rire.

**********************************************

Exceptionnellement j'ai ressemblé deux chapitres parce que je trouvais que le numéro 8 était très court !

J'espère que votre lecture vous à plus, j'avoue moi j'étais pliée de rire (en me relisant) et je suis d'avis que je suis mon meilleur public X)

Je vous dis à la semaine prochaine !

Kiss


Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top