Chapitre 24.
Nikolai songea que garder ses distances avec Cassandra n'était pas une mince affaire, parce que la petite humaine semblait avoir un don pour se retrouver constamment dans ses pattes. Ou alors c'était lui qui la suivait à la trace ? Il renifla. Non, c'était elle qui était dans ses pattes. Il lui avait promis de travailler avec elle, mais elle aurait pu faire un effort pour ne pas être toujours dans son champ de vision. Sale petite humaine collante. D'ailleurs c'était sa faute si dans cette minuscule salle de bain il ne voyait qu'elle, elle n'avait qu'à ne pas être là, perchée sur un tabouret a accroché un miroir. Un miroir ! On n'avait pas idée d'avoir un miroir ! Surtout quand celui-ci reflétait la courbe gracile et blanche de sa gorge et de sa poitrine soigneusement boutonnée et compressée dans un corset. À quoi pouvaient-ils bien ressembler quand elle les laissait libres de vivre leur vie ? Les seins n'étaient pas faits pour être ainsi compressés, si ce n'est par des mains d'homme ! Ou de femme, mais Nikolai préférait l'idée de ses mains d'homme à lui sur les seins de Cassandra.
— Nikolai ! haleta la voix impatiente de Cassandra. Le taquet, s'il vous plaît, ne me forcez pas à vous le demander une quatrième fois !
Oups.
— Sinon quoi ?
Le miroir lui renvoya sa figure furibonde et il lui passa le dernier petit taquet blanc pour qu'elle le cale au coin du miroir et le fixe une bonne fois pour toutes. Elle se redressa en soupirant et se tourna vers lui.
— Je sais que vous n'aimez pas décorer, mais vous pourriez tout de même y mettre un peu du vôtre.
Il y avait beaucoup d'activité dans lesquels Nikolai voulait mettre du sien, à commencer par sa petite humaine autoritaire, mais la décoration d'une salle de bain n'en faisait pas partie. Alors pour toute réponse, il renifla.
Et elle, elle soupira, ce qui était devenu leur façon préférée de clore une dispute.
— Très bien, passez-moi les stickers.
— Pourquoi on doit mettre des stickers ?
— Pour faire jolie !
— C'est très joli déjà, râla-t-il en lui tendant ses stupides stickers muraux.
— Merci, mais ce sera encore plus joli après.
— Je ne pense pas...
— Nikolai !
Il sourit. Ah, ce « Nikolai » dit avec une telle autorité, et une pointe d'agacement, il l'adorait. C'était devenu un jeu de le lui soutirer et elle le savait. La tête qu'elle faisait à chaque fois qu'il réussissait à la pousser à bout prouvait qu'elle savait qu'elle avait perdu leur petit duel.
— Très bien, allez oust, je n'ai plus besoin de vous.
Parfait, son odeur embaumait tellement la pièce qu'il la sentait à chaque respiration et être si proche d'elle dans une pièce possédant un verrou était une position dangereuse. Il ne ferait rien à Cassandra, il avait appris sa leçon, elle était humaine, elle était fragile. Alors pourquoi continuait-il à la fréquenter comme un drogué réclamant sa dose ?
— Je serais dehors, femme, si tu as encore besoin de moi.
Elle répondit d'un simple hochement de tête, concentré sur ses autocollants. Elle ne le regarda pas et il se força à partir sans attendre un coup d'œil de sa part. Il n'en était pas à ce point pathétique.
Dehors, l'hiver prenait sa place après l'automne, l'air était froid et piquant, et les membres de la meute passaient de moins en moins de temps autour de leur feu de camp. Surtout depuis que le salon avait été aménagé, en fait, comme si tout ce qui avait manqué pour les faire vivre à l'intérieur, c'était des meubles. Ridicule.
Nikolai saisit sa hache pour aller débiter un peu de bois, pour la cheminée. Il n'était pas le seul à le faire, mais l'exercice lui plaisait, détendait ses muscles, le plongeait en transe. Comme lorsqu'il se battait.
Les hurlements, l'odeur du sable et du sang, les lumières vivent qui lui brûlait les yeux, la sueur sur tout son corps, qui se mêlait au sang de sa victime du jour. Le sable, le sang, les hurlements.
Nikolai ferma les yeux, sépara en deux un tronc entier d'un seul coup.
Le sang, le sable, les hurlements, ceux de son adversaire ou du public ? Il n'était pas sûr.
Le tas de bois grossissait, on ne l'arrêtait plus, tchac, tchac, tchac, il coupait le bois, faisant vibrer ses avant-bras.
Le sable gorgé de sang, le hurlement de la foule, le sentiment de puissant, l'euphorie.
Le sang, le sang, le sang... et le corps de Emma.
La hache se brisa net, la tête plantée dans un tronc, le manche en bois cassé en deux entre ses mains. Il avait les oreilles qui bourdonnaient du sang qui se précipitait dans ses veines.
— Nikolai ?
Il sursauta, n'ayant pas entendu Neo s'approcher.
— Quoi ? grogna-t-il, l'air mauvais.
Cinq ans. Ça faisait cinq putains d'années. Pour la plupart des membres de la meute, ils avaient désormais passé plus de temps dehors qu'au Zoo depuis la libération. Mais pas pour lui. Combien de temps cette vie-là le hanterait encore ? Deux ans ? Sept ans de plus ? Il n'en pouvait plus.
— C'est l'heure du repas, Nahila m'a chargé de t'apporter un pain banian.
Nikolai regarda le plateau plein à craquer de ces sandwichs maison. Il avait faim, en effet. Il se força à se détendre. Prit un pain banian qu'il engloutit en trois bouchées puis deux autres. Un frisson remonta le long de sa colonne vertébrale et il regarda vers le porche. Cassandra sortait de la maison en soupirant et en se massant la nuque. Depuis combien de temps coupait-il du bois ?
Neo suivit son regard et sourit.
— C'est fou ce qu'elle est apaisante.
C'était vrai. Il se dégageait de Cassandra quelque chose de doux. Quand il était avec elle, les ombres refluaient, les cauchemars partaient en fumée, il avait l'impression d'être autre chose qu'un tueur sans pitié. Son contact était un soulagement, même quand elle râlait sur son épaule, et qu'elle le frappait de ses petits poings de sauvageonne. Mais dès qu'il la laissait s'éloigner, les ténèbres revenaient lui rappeler qu'il leur appartenait.
— Et gentille, ajouta Neo. Je vais aller lui proposer à manger.
La main de Nikolai s'abattit sur sa tête avant qu'il n'ait pu faire un pas.
— Non.
Puis il prit un troisième sandwich et s'avança vers le porche en laissant Neo derrière lui.
— C'est l'heure de manger, dit-il en s'accoudant à la rambarde, près d'elle.
— Oh, merci.
Cassandra prit le sandwich qu'il lui tendait, et le déballa de son papier, mais ne fit pas mine de le manger.
— On a encore beaucoup de travail aujourd'hui, on avance trop lentement, j'aurais aimé avoir plus de main-d'œuvre. J'ai presque fini la salle de bain du rez-de-chaussée, mais il y a tellement de pièces dans cette maison, puis j'aimerais parler avec tous les membres de la meute pour concevoir des chambres qui leur ressemblent, mais ils ne m'apprécient pas trop alors je ne sais pas s'ils accepteront de valider avec moi les plans.
Nikolai lui prit le pain banian des mains.
— Je ne sais pas quoi faire, Nikolai c'est la première fois que je suis confrontée à des clients qui ne veulent même pas me parler, enfin je veux dire en dehors des hommes méprisant qui préférait s'adresser à mes collègues masculins, mais eux ça n'avait pas d'importance puisque de toute façon c'était leur femme qui validait tout, et elles, elles me parlaient ! Je pense que je vais commencer par ta chambre, c'est laquelle d'ailleurs tu ne m'as pas dite grumphmmhemh....
Nikolai regarda avec un peu trop de satisfaction Cassandra se débattre avec son sandwich dans la bouche. Elle se sortit, mâcha patiemment, avec de la sauce pleine de mentons, et poussa un petit soupire de bonheur en reprenant une bouchée. Brave fille, voulut-il dire, satisfait de la voir manger.
— Je ferais en sorte que les autres te parlent, dit-il calmement quand elle eut mangé près de la moitié de son déjeuner. Et je n'ai pas de chambre dans la maison.
Elle lui lança un regard surpris, mais comme il n'avait pas l'intention d'expliciter, il détourna la conversation.
— Comment une femme comme toi se retrouve avec un gamin à charge, seule dans une ville aussi mal famée que Jaykam ?
Cassandra sortie un mouchoir de nulle part et s'essuya le visage avec, avec un petit sourire triste.
— C'est une longue histoire, et assez pathétique.
— J'adore les longues histoires, surtout quand elles sont pathétiques. Raconte, j'ai tout mon temps.
Nikolai voulait vraiment savoir, mais il ne faisait mine de rien, en mangeant son deuxième sandwich, plus lentement que le premier.
Cassandra appuya ses bras sur la rambarde, songeuse, comme se plongeant dans ses souvenirs.
— Pour ça, il va falloir remonter à mes premiers pas dans le monde...
****************************************
Hello mes louveteaux !
Je suis désolée d'avoir mit tant de temps pour publier la suite que vous attendiez tous, je vous remercie pour votre patience !
J'espère que ce chapitre vous à plus, le prochain sera plein de révélation sur le passé de Cassandra !
A la semaine prochaine !
Kiss
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top