Chapitre 2.

Son petit appartement lui paraissait toujours tellement silencieux quand Raphaël n'était pas là. Couchée sur son lit, Cassandra fixait le plafond, perdu. D'habitude, à cette heure-ci, elle était prête à partir travailler, mais ce jour-là, elle n'irait pas au boulot. Ça faisait déjà deux jours. Elle avait posé son CV dans plusieurs endroits, mais elle n'avait pas encore reçu de courrier lui indiquant qu'elle avait été retenue. Pourtant, son palmarès était plutôt bon.

Refusant de continuer à se morfondre – au risque de recommencer à culpabiliser d'avoir voulu l'égalité avec son ancien collègue – Cassandra se leva pour se préparer. Une douche et une robe plus tard, elle alla au salon, qui faisait aussi cuisine. Sous sa porte il y avait du courrier qu'elle ramassa sans cesser de se brosser les dents. Le premier était un avis d'échéance. Si elle ne payait pas le loyer de ce mois-ci et du mois dernier d'ici la fin de la semaine, elle serait à la porte, super. La deuxième c'était une invitation de Kana. Cassandra fronça les sourcils en relisant la lettre, elle était brève et concise, elle l'invitait à déjeuner Chez Ilgog, le restaurant où elle avait laissé son fils deux jours plus tôt pour y rencontrer quelqu'un qui voudrait travailler avec elle.

Le cœur de Cassandra fit un bond. Voilà sa chance !

Il lui restait moins d'une heure, elle avait trop tardé ! Se dépêchant de finir de se préparer, elle remonta ses longues boucles noires en chignon simple dont quelque mèche s'échappait et se maquilla légèrement, une touche de rouge à lèvres sang, du mascara pour sublimer ses yeux marron clair, presque ambrés. En jetant un regard critique à son reflet, elle songea qu'elle était loin l'époque de sa jeunesse, quand elle était encore une fille de bonne famille qui protégeait sa peau laiteuse sous une ombrelle. Maintenant sa peau n'était plus aussi blanche et elle avait quelque tache de rousseur due au soleil.

Cassandra renonça à utiliser du fond de teint. Sa robe rouge avec de la dentelle blanche et qui se boutonnait jusqu'au col, était courte, juste au niveau de ses genoux, dire qu'ado elle aurait rougi de montrer ainsi ses jambes, la voilà bien dévergondée. Ses parents hurleraient en la voyant vêtue ainsi. Mais Cassandra les chassa de son esprit et enfila une paire de talons aiguille rouges. Son pêcher mignon, elle était si petite qu'il était difficile d'être prise au sérieux sans ça.

Le restaurant n'était pas très loin de chez elle, dans une partie mal famée de la ville, mais étant donné que Jaykam n'avait jamais été une ville très bien fréquenter, c'était relatif. C'était dans ce restaurant-bar que Cassandra rencontrait Enzo toutes les semaines parce que ce n'était pas loin de chez elle, c'était plus facile d'emmener ou de récupérer son fils.

En poussant la porte, la serveuse vint à sa rencontre.

— Bonjour, Kana, je... j'ai rendez-vous ?

Elle n'était pas très sûre, il était très étrange ce mot. Kana lui sourit.

— Oui, vient t'asseoir ton futur client ne devrait pas tarder.

La serveuse la guida jusqu'à une table au fond du restaurant. À cette heure-ci, il y avait déjà les habitués du restaurant-bar qui était attablé, mais c'était encore relativement calme. Cassandra frissonna quand les hommes la suivirent du regard, elle était la seule cliente, ce n'était pas un lieu très fréquentable et peu de femmes s'y risquaient. Elle-même n'y allait que lorsque Enzo l'accompagnait.

S'installant dos à la porte et à la salle, Cassandra se demanda si son fameux client serait en retard. Elle attendit.

Et attendit presque une heure, sous le regard agacé de Kana, quand enfin la porte du restaurant s'ouvrit. Cassandra ne se faisait pas trop d'illusion, beaucoup de personnes étaient venues et reparties durant l'heure, mais le silence se fit soudain. Une puissante brute envahit la salle et un long frisson remonta le long du dos de la jeune femme, comme si elle était en proie au regard d'un très très dangereux prédateur.

Le cœur prêt à exploser, elle pria pour qu'il ne se dirige pas vers elle. Mais les pas, lourd et inquiétant, traversèrent la salle silencieuse et elle dut prendre sur elle pour ne pas se lever et fuir. Quand enfin, l'homme – parce que c'était un homme – s'arrêta à sa table, elle dut faire tous les efforts du monde pour le regarder.

Il était... encore plus grand qu'elle l'aurait pensé, dépassant clairement les deux mètres, large d'épaules, aux dimensions d'une armoire, d'épais cheveux bruns en bétail, une barbe de trois jours, des yeux enfoncés dans leur orbite qui lui donnait un air sombre et inquiétant.

Et surtout, un grondement sourd qui vibrait dans sa poitrine en continu. Il n'avait pas... du tout... l'air ravi d'être là.

C'était vraiment lui son client ?

— Une femme, gronda-t-il d'une voix caverneuse en s'asseyant en face d'elle.

Il était tellement immense que la chaise semblait trop petite, alors même qu'elle était un peu trop grande pour Cassandra. Il fit trembler la table et elle se félicita d'avoir vidé son verre d'eau, puis elle ramena ses jambes sous sa chaise pour ne pas entrer en contact avec les échasses qu'il étendait sous la table.

Cassandra était tétanisée, incapable de bouger ou de parler tant il était effrayant. Une part d'elle lui fit remarquer que ce n'était pas du tout professionnel, l'autre l'incitait à déguerpir, les deux entraient en conflit et elle ne pouvait plus bouger.

— Cesse de trembler, femme, c'est insultant, dit-il, sa voix comme un orage vibrait dans son torse.

Elle le soupçonna de ne pas pouvoir chuchoter, même en le voulant il avait une voix qui emplissait l'espace et imposait le respect, peut-être parce qu'elle était doublée par un grognement animal constant.

Cela dit, sa phrase la ramena à l'instant présent.

— Cassandra, coassa-t-elle.

Il pencha la tête sur le côté, l'air clairement agacé et elle se dit qu'elle venait peut-être de signer son arrêt de mort. Cassandra prit sur elle, se disant que Kana ne l'aurait pas envoyé à une mort certaine sans la prévenir du danger. Elle se redressa sur sa chaise, ce qui était idiot puisqu'elle ne pourrait jamais avoir l'air aussi imposante que lui, et luttant contre tout ce que lui hurlait son corps et son instinct, elle détacha ses doigts blanchir agripper à la table et lui tendit une main.

— Je m'appelle Cassandra. Pas « femme ».


Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top