Chapitre 19.

La nuit de Nikolai avait été courte, horriblement courte. Raphaël s'était réveillé environ toutes les demi-heures pour lui demander un truc et il avait mis sept heures à réparer la porte alors que ça n'aurait dû lui prendre qu'une heure, tout au plus. Quand, enfin, il était rentré, il avait à peine pu dormir quelques heures, puisqu'il était trop têtu pour ne pas aller tambouriner à la porte de Cassandra dès le lever du soleil.

En plus, en partant le matin même, il avait croisé Neo qui lui avait assuré avec un air mutin que toute la meute savait qu'il avait découché. Autant pour la réputation de Cassandra.

Il ne toqua qu'une fois à la porte de Cassandra, et elle ouvrit tout de suite. Ce jour-là, elle portait une adorable robe rouge à pois blancs qui lui arrivait sous les genoux, avec une paire de collants blancs et de jolies chaussures laquées. Hum, c'était louche. Ses cheveux étaient méticuleusement coiffés avec deux mèches tressée et retenue dans un ruban à l'arrière de ses cheveux. Sa robe était évidemment boutonnée jusqu'au cou. Il eut envie de tirer sur le ruban lorsqu'elle lui tourna le dos pour l'inviter à entrer.

— Tu es en retard, fit-elle remarquer.

Nikolai haussa un sourcil, quelle impertinence !

— C'est moi le patron, c'est moi qui décide à quelle heure on commence.

Cassandra gloussa doucement et il la fusilla du regard, ce qui ne sembla pas l'inquiéter outre mesure. C'est qu'elle prenait de l'assurance, sa petite humaine.

— Est-ce que le patron prendra un café ?

— Pitié oui.

Il la suivit jusqu'à la cuisine qu'il connaissait un peu trop bien désormais, il aurait pu trouver les verres les yeux fermés. L'horrible petit monstre engendré par Cassandra était assis à la table du petit déjeuner et heureusement pour Nikolai il n'avait pas l'air beaucoup plus vaillant que lui.

— Bonjour, monsieur ours, marmonna l'enfant le nez dans un énième bol de céréales.

— Bonjour, monsieur Raphaël, grommela l'ours.

Cassandra observa ce petit manège sans un mot et lui servit une tasse de café. Une toute petite tasse. Nikolai haussa un sourcil en refermant sa main autour du mug et l'humaine sembla saisir le problème.

— Mh... je vais voir si j'ai des bols plus grands...

— Troisième placard à gauche.

Elle s'interrompit.

— Je suppose.

— Anhan...

Elle trouva en effet un bol à la taille de l'ours dans le troisième placard de gauche. Elle ne fit aucun commentaire.

— Bon, c'est quoi le programme.

Cassandra tapota des mains, enthousiaste.

— Il y a un grand marché aux puces et brocante à Jaykam ce matin ! On y trouve toujours des tas de meubles, c'est par là qu'on va commencer !

Nikolai la dévisagea, ne ressentant pas le même enthousiasme.

— Oh, joie et volupté, grommela-t-il.

Il avala son café brûlant d'une traite.

— Vous avez l'air fatigué, commenta Cassandra avec un air innocent.

— J'ai parfaitement bien dormi, contra-t-il parce qu'il ne s'imaginait pas ne pas la contrarier.

— Oh, très bien, bon, allons-y, tu viens Raphaël ?

L'enfant sauta de sa chaise et prit la main de sa maman.

— Monsieur ours vient avec nous ?

— Il s'appelle Nikolai, mon chéri, et oui, il nous accompagne.

Le morpion s'enthousiasma bruyamment semblant avoir oublié d'être fatigué et ils quittèrent l'appartement.

— Au fait, Nikolai demanda Cassandra en refermant la porte. Comment es-tu entré hier ? Je me suis réveillé dans mon lit ce matin.

Nikolai regarda le gamin courir dans le couloir, comme si cette vision le fascinait, juste pour ne pas regarder l'humaine.

— Par la porte, répondit-il finalement.

— Anhan... et le morceau de train coloré sur la chambranle, il vient d'où ?

— Un train ? Quel train ?

Cassandra le fusilla du regard tandis qu'ils empruntaient une allée bondée. Elle récupéra la main de son fils qui bouda de ne plus pouvoir courir.

— Tu as l'air de bien t'entendre avec Raphaël, finalement, il s'est passé quelque chose pendant que je dormais.

— Pas du tout.

Elle n'avait pas bientôt fini avec son interrogatoire ? Ça devenait lassant.

Cassandra observa Nikolai lui mentir du coin de l'œil. Elle se demandait pourquoi il voulait à tout prix garder ça pour lui, qu'avait de si secret ce qui s'était passé cette nuit ? Outre le fait que Nikolai ait expressément demandé à Raphaël de ne rien lui dire. Pas de chance pour lui, l'une des premières règles qu'elle avait appris à son fils, c'était justement de lui en parler quand quelqu'un lui demandait de ne rien dire à ses parents, car ça pouvait être dangereux. Raphaël s'était donc fait un plaisir de lui raconter en long, en large et en travers comment il avait passé une nuit « trop super cool génial » avec le « monsieur ours » de son travail. Et Raphaël avait une très bonne mémoire.

Le fait que Nikolai ne veuille pas en parler l'interpellait. Avait-il à ce point peur qu'elle trahisse que derrière ses airs d'ours mal léché ce cachait un homme suffisamment sensible pour ne pas invisibiliser les craintes d'un enfant ? Pour le rassurer plutôt que de le forcer à faire ce qu'il ne voulait pas ?

— Maman ? Maman ? Maman tu me porte ? Maman ?

Cassandra baissa les yeux sur Raphaël qui s'était arrêté au milieu du trottoir d'un boulevard, la forçant à faire de même.

— Non, Raph, tu sais bien que tu es trop lourd, maintenant.

— Mais je ne veux pas marcher, pigna-t-il en trépignant.

— Il faudra bien, tu n'avais qu'à dormir cette nuit, tu aurais été moins fatigué.

— Mais maman !

Raphaël commença à traîner des pieds en boudant et en soupirant. Cassandra savait qu'il était fatigué, mais elle ne pouvait vraiment pas le porter, il avait dépassé sa charge maximale quelques années plus tôt, à ce rythme il serait plus grand qu'elle avant ses douze ans.

— Je t'en prie, mon loup, soit sage.

Elle chercha autour d'elle, mais Nikolai avait poursuivi son chemin, sans voir qu'ils s'étaient arrêtés. Et soudain, Raphaël hurla.

— Raph, chéri, non !

Mais rien à faire, il cria, attirant toute l'attention, trépigna, piétina et finalement, face au refus répété de Cassandra se roula part terre. Mortifiée, mais refusant de céder, Cassandra le laissa crier sous les regards réprobateurs des passants.

Une immense main s'abattit sur le dos de Raphaël et le remit debout d'un seul geste, choquant suffisamment l'enfant pour qu'il en oublie son caprice.

— Alors, Monsieur Raphaël, on se donne en spectacle.

Raphaël renifla ses larmes de crocodile.

— Je veux pas marcher, sanglota-t-il.

— Mais ta maman peut pas te porter, tu crois que c'est une manière de se comporter face à ses limites ?

Comme il n'y avait qu'une seule réponse possible, il secoua négativement la tête.

— C'est le genre d'homme que tu veux être ?

Nouveau dodelinement de la tête.

— Alors, excuse-toi, et je te porterais pour cette fois, mais quand quelqu'un dit non une fois, c'est non, tu ne dois pas insister.

Alors que l'enfant réfléchissait à ce principe, Cassandra plissa doucement les yeux à l'encontre de Nikolai. Se rendait-il compte qu'il ne respectait pas sa propre règle ? Il la regarda et voyant son regard, prit l'air innocent, celui qui le rendait encore plus coupable. Puis il se pencha vers elle pour qu'elle soit la seule à entendre et lui chuchota à l'oreille.

— Ça ne fonctionne que quand la demande n'est pas raisonnable.

Cassandra tourna la tête vers lui, outrée.

— Ne pas me porter est parfaitement raisonnable.

— Je suis un meilleur moyen de locomotion que tes petites jambes, et je ne te porte pas tout le temps, regarde, là tu marches.

Elle le fusilla du regard.

— Ne vous avisez pas de me porter aujourd'hui, Nikolai, où je vais devoir me fâcher.

Elle sut qu'elle aurait mieux fait de ne pas dire ça à l'instant où elle fit la lueur intéressée dans son regard.

— J'adorerais voir ça, confirma-t-il de sa voix grondante avant de reporter son regard sur l'enfant.

— Je suis désolé, maman.

Cassandra s'accroupit pour être à sa hauteur et il vint lui faire un câlin.

— J'accepte tes excuses, mon bébé.

La main de Nikolai s'abattit de nouveau sur Raphaël, et il le jeta en l'air. Cassandra crue mourir d'une crise cardiaque quand elle fit son louveteau s'élever en hurlant, puis Nikolai le rattrapa et le mit en sac à patates sur son épaule et il hurla de rire.

— Problème résolu, allons-y.

Et il se remit en marche comme s'il ne venait pas de manquer tuer son garçon pour l'amusement. Cet homme, songea-t-elle le cœur battant, cet homme était un danger public !


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