Chapitre 18.
Cassandra avait fini par s'endormir sur son épaule et son marmot aussi. Quand il était arrivé devant sa porte, une femme sur l'épaule, un enfant dans les bras, il s'était rendu compte qu'il n'avait pas les clés.
Il n'avait pas la moindre idée de comment elle ouvrait sa porte habituellement, mais Nikolai opta pour une option simple et efficace : il la défonça d'un propre coup de pied.
Les gens s'embêtaient vraiment pour rien avec leur clé.
Il entra dans le petit appartement miteux en claquant la porte derrière lui, mais après un tour rapide il s'aperçut qu'il n'y avait qu'une chambre avec un lit de place. Du coup il posa le crapaud sur le canapé défoncé – se félicitant au passage de ne pas l'avoir jeté comme un sac, Cassandra serait contente de lui – puis il retourna dans la chambre. Il la fit glisser de son épaule au lit et elle se blottit entre les draps qu'il remonta sur elle.
Nikolai sourit, satisfait. Qu'elle dorme bien, parce que demain, sept heures, il serait à sa porte. En parlant de porte, il remarqua que celle de Cassandra ne fermait plus. Les gens n'avaient pas idée d'avoir des portes ! ça n'apportait que des problèmes.
Nikolai se pencha et constata que le verrou ne serait pas difficile à réparer. Il était peut-être un peu bourrin, mais il n'était pas un monstre, il n'allait pas laisser Cassandra sans verrou dans un quartier comme le sien. Il passa à la cuisine chercha et trouva dans le placard une petite boîte à outils rudimentaire, et retourna dans le minuscule salon. Tout chez elle était très petit. Il s'agenouilla devant la porte entrouverte et entreprit d'en examiner l'état.
— Vous faites quoi ?
Nikolai sursauta et se retint de justesse de lui faire traverser la porte... fermée. Il plissa le nez à l'encontre du puceron qui s'était agenouillé près de lui, ses grands yeux ouverts ronds comme ceux d'une chouette. Il était flippant.
— T'es somnambule ?
— Non.
— Dommage. Retourne te coucher.
— Pas sommeil. J'ai faim.
Nikolai grommela puis se leva et retourna dans la cuisine, suivi par une ombre miniature. Il ouvrit un placard, trouva un paquet de céréales et les lui servit à même la boîte.
— Voilà.
— Ma maman, elle me les sert dans un bol avec du lait.
— J'ai l'air d'être ta mère ?
Le cafard resta un instant interdit face à la brutalité de Nikolai, puis il prit un air de chiot battu, l'air tout triste.
— Mais ils sont trop secs, et ça fait mal aux dents et aux gencives s'ils ne sont pas ramollis... je vais aller réveiller maman.
— Non ! ça va, ça va, je vais te mettre du lait.
Il trouva une bouteille de lait, un bol et versa le tout.
— Cuillère, insista le démon.
Nikolai soupira, lui trouva une cuillère à soupe et l'abandonna à son petit déjeuner du soir pour se reconcentrer sur sa porte. Il en était où ? Ah oui, la porte, la porte... c'était l'encadrement qui n'avait pas tenu le choc, il avait l'air dévoré par les mites n'importe qui aurait pu le casser. Bon, il ne pouvait pas faire grand-chose pour l'encadrement, en pleine nuit, mais il pouvait au moins réparer la partie censée tenir le verrou.
— J'ai soif.
Nikolai grogna en se passant la main sur le visage.
— Bah va chercher un verre d'eau.
— C'est trop haut !
En soupirant, l'ours retourna dans la cuisine, servit de l'eau au mioche et retourna vers la porte.
— J'ai envie de faire pipi !
Il allait l'étrangler...
— Vas-y tout seul !
— Non ! il fait trop noir j'ai peur !
— De quoi ?
— Du monstre dans les toilettes ! Je ne veux pas qu'il me mange les fesses quand je ferais pipi !
— Bah fais pipi debout !
— Non ! Maman dit que c'est mal élevé et que ça en met partout !
Nikolai leva les yeux au ciel. OK, elle n'avait pas tort.
— Ta maman à tort, si tu fais ça bien ça n'en met pas partout ! chuchota-t-il un peu plus fort.
— Je vais me faire pipi dessus !
Nikolai soupira. Puis il accompagna le gamin aux toilettes, fit semblant de vérifier qu'il n'y avait pas de monstre.
— Je monte la garde, dit-il.
L'enfant hocha la tête disparue dans les toilettes, fit sa petite affaire et revint.
— OK, va te coucher maintenant.
— Non ! Il faut que je me lave les mains !
— Bon, ben lave-toi les mains...
— Non !
Bah, tiens, ça l'aurait étonné.
— Quoi encore ?
— Tante Maya dit qu'il ne faut jamais se regarder dans un miroir la nuit, ça attire les mauvais esprits, j'ai peur !
Mais quel froussard, ce gosse !
— Bouge pas.
Il entra dans la salle de bain, séparée des toilettes, plaça une serviette devant le miroir et revint.
— Il n'y a plus de miroir.
L'enfant consentit à se laver les mains.
— Dis-moi que tu peux aller te coucher, maintenant...
— Il faut que je me brosse les dents, les céréales étaient sucrées...
— Tu peux le faire tout seul ou il faut que j'exorcise ta brosse à dents ?
L'enfant cligna des yeux.
— Ça veut dire quoi, ex-o-cise ?
— Rien du tout, brosse-toi les dents.
— Il faut que tu comptes jusqu'à 180, maman compte toujours jusqu'à 180 quand on se brosse les dents !
Pourquoi... oh et puis merde.
— Un, deux, trois...
Cent quatre-vingts nombres plus tard, il put enfin sortir de la salle de bain et le louveteau consentit à aller dormir. Dans le même lit que sa mère. Bon, soit. Nikolai retourna à sa porte, il allait devoir déblayer un morceau du chambranle pour pouvoir le remplacer, il lui faudrait du bois...
Un frisson remonta le long de la colonne vertébrale et il tourna la tête. Le mioche le dévisageait, les yeux grands ouverts.
— Quoi, encore ?
— Je ne suis pas en pyjama, je suis tout sale, maman va hurler si je vais dans le lit comme ça.
— OK, fit Nikolai, puisant dans tout ce qu'il avait de patience. Et qu'est ce que je peux y faire ?
— Il faut faire chauffer l'eau pour le bain.
Nikolai hocha lentement la tête.
— Chauffer l'eau ?
— On n'a pas l'eau chaude.
— D'accord...
Nikolai se leva de l'endroit où il était agenouillé et retourna dans la cuisine, remplit une grande marmite d'eau, et la mit sur le feu. L'enfant l'avoir suivi et le regardait avec ses grands yeux flippants.
— Tu n'aurais pas un bout de bois de cette taille-là approximativement, par hasard ? Pour réparer la porte, tenta-t-il.
Il fronça doucement les sourcils, et cette expression lui rappela sa mère, puis il tourna les talons et disparut. Piouf, enfin tranquille. Nikolai resta près de la casserole quelques minutes, et l'enfant revint, un jouet en bois entre les mains. C'était un petit train coloré, grossièrement sculpté.
— Comme ça ?
Nikolai s'agenouilla pour observer le petit train.
— Oui, mais c'est ton jouet.
L'enfant haussa les épaules en le lui tendant.
— Maman elle n'a pas beaucoup d'argent, c'est pour ça qu'on n'a pas l'eau chaude, ça coûte trop cher, alors que l'eau froide la rend malade. Elle ne peut pas avoir tout ce qu'elle veut, ça la rend malheureuse, même si elle ne le dit pas, je l'entends pleurer parfois quand elle pense que je dors. Je peux ne rien lui donner, je n'ai pas d'argent non plus, mais je peux réparer la porte ?
Nikolai hocha la tête, solennelle, et accepta le présent. L'eau finissait de bouillir alors il prit la marmite et alla à la salle de bain pour remplir la baignoire. Le mioche gloussa.
— Maman ne peut pas faire ça, c'est trop lourd.
Il regarda l'eau un instant, puis releva la tête vers Nikolai.
— Quand je serais grand, j'aurais assez d'argent pour lui offrir une belle maison, et elle ne sera plus jamais malheureuse.
Nikolai hocha la tête, ne sachant trop quoi dire, puis comme il fallait bien qu'il fasse quelque chose, il tendit la main prudemment et tapa deux fois doucement sur le crâne du gosse. Puis avec la sensation d'avoir fait la chose à faire, il tourna les talons.
— Douche-toi, maintenant.
Étrangement, le gamin ne lui demanda rien de plus.
Il se doucha, se mit en pyjama tout seul, puis revint dans le salon.
— Bonne nuit, fit-il de sa petite voix d'enfant.
— Bonne nuit.
Enfin débarrassé, Nikolai commença son travail. Il découpa proprement le bois, puis sculpta le petit train pour qu'il s'imbrique parfaitement et...
— Monsieur Ours.
Nikolai ferma doucement les yeux.
— Oui, Monsieur Raphael ?
Il lui sourit en clignant des yeux.
— J'ai soif.
Et rebelote...
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J'avoue, ce chapitre était pas du tout prévue, et je le trouve super attendrissant ! J'espère que vous l'avez aussi apprécié !
Je vous dis à la semaine prochaine !
Kiss
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