Chapitre 1.

— Je trouvais ça injuste, du coup je suis allé le voir pour lui demander pourquoi j'étais payé de moitié par rapport à mon collègue masculin ! Il m'a rétorqué que j'étais une mère célibataire ! tu y crois toi ? c'est de la discrimination.

Assise à la table d'un petit restaurant-bar, Cassandra soupira, encore énervé de son altercation avec son patron. Ou plutôt ex-patron, parce que l'histoire ne se terminait pas là. Enzo Solace, son ex et co-parent, était assis face à elle. Il n'avait rien dit depuis qu'elle avait commencé son histoire, et elle savait que ça n'augurait rien de bon, mais elle poursuivit quand même, elle avait besoin de se plaindre et outre son fils, qui ne comprendrait pas – Raphaël n'avait que sept ans – elle n'avait pas vraiment d'amies dans la ville, car deux choses seulement l'intéressaient : son enfant et son travail, pas le temps pour le reste.

— Je lui ai dit que le collègue qui a les mêmes compétences que moi, qui a été embauché en même temps que moi et qui est même moins efficace que moi est lui aussi père célibataire ! Il s'est absenté toute une semaine pendant un énorme projet pour s'occuper de sa fille malade, alors c'est super, je ne dis pas le contraire, mais j'ai dû tout me taper toute seule, et je l'ai fait haut la main, ai-je été remercié avec une promotion ? Non ! Mon salaire est inférieur à ce collègue, ce n'est pas juste ! D'autant plus qu'il s'occupe autant de ses enfants que moi !

Cassandra donna des coups de pied dans le bois de la banquette sur laquelle elle était assise, énervée, Enzo ne disait toujours rien, et elle savait que c'était parce qu'il ne tarderait pas à exploser. Le restaurant dans lequel ils se retrouvaient en temps de crises n'était pas des mieux fréquentés, mais on y mangeait bien, et il avait l'avantage d'avoir des box pour s'isoler si nécessaire. La serveuse, une belle métisse à la peau olive arriva avec deux cafés, mais Cassandra poursuivait sa diatribe.

— Je lui ai demandé que nos salaires soient mis sur un pied d'égalité et il a refusé et quand je lui ai demandé pourquoi il a répété que j'étais une mère célibataire, comme si mon travail de ce fait valait moins ! Je suis une excellente décoratrice d'intérieur, bien meilleur que tous ces gros cons machos ! La plupart de mes clientes le disent ! Moi au moins je m'adresse à elle quand j'ai des questions et pas à leurs maris qui n'en ont rien à foutre ! Merci pour le café. Puis ce gros porc m'a dit que si je voulais une augmentation – une augmentation ? Je ne veux pas une augmentation, je veux de l'égalité, enfoiré ! – il allait falloir que je lui montre à quel point j'étais motivé et il a baissé sa braguette.

Enfin une réaction d'Enzo, il enfonça ses griffes dans la table et se mit à grogner.

— Tu veux que je le castre ? suggéra-t-il.

Un instant, la proposition lui parut tentante, mais elle secoua la tête.

— Non, ça ne va t'apporter que des problèmes. De toute façon j'ai refusé et il m'a viré.

— Bon sang, Cassie, soupira le mâle en se passant les mains dans les cheveux. Tu avais besoin de ce travail.

— Je sais ! Je le sais, putain, mais son sexisme à la noix ne me permettait pas de payer mon loyer de toute façon !

Cassandra croisa les bras et tourna la tête vers la table de l'autre côté du restaurant. Son fils y était et parlait à grand renfort de gestes et de hochement de tête à deux enfants et une rousse. Le premier enfant, aux cheveux blancs très étranges, bizarrerie génétique de loup, était Alwin Eclipse, l'enfant du couple alpha de la Meute Eclipse, meute à laquelle son ex, Enzo, et sa compagne, la rousse, Camille, appartenaient. À côté d'Alwin se tenait une fillette d'environs quatre ans et demi aux grands yeux bleus, aux cheveux noirs et à la peau foncée, c'était Catyalunya, dit Cat, une autre enfant de la meute, fille d'un loup et d'une panthère. Ces trois-là étaient inséparables, même si contrairement à Alwin et Raphaël, Cat était encore trop jeune pour suivre les cours de primaire que prodiguait la meute.

— Oui, enfin, il te permettra définitivement plus de payer ton loyer, rétorqua Enzo, attirant de nouveau son attention.

Il avait l'air épuisé, dépassé lui aussi.

— Tu sais que je ne peux pas t'aider, Cassie ? Il faut que tu te retrouves un travail pour payer ton loyer sinon tu vas finir à la rue.

— Je sais, merci, je sais.

Cassandra repoussa ses lourdes boucles noires derrière ses oreilles. Elle avait déjà commencé à chercher du travail, mais personne ne voulait embaucher une femme, une mère de surcroît. Cassandra ignorait ce qu'un homme avait de plus qu'une femme pour les jobs pour lesquelles elle avait postulé, mais il fallait croire qu'avoir une bite ouvrait plus de portes qu'un vagin. Et elle n'était pas encore prête à se prostituer pour gagner sa vie.

— Écoute, j'essayerais de voir de mon côté si je peux te trouver un travail, mais si tu finis à la rue, je ne te laisserais pas notre fils, tu comprends ?

Cassie sentit son sang se glacer.

— Tu n'as pas le droit de me l'enlever ! s'indigna-t-elle.

— Si, si ta situation le met en danger, j'en ai le droit.

Cassandra savait qu'Enzo ne pouvait pas l'aider, la meute avait déjà payé ses études pour qu'elle puisse devenir décoratrice d'intérieur, elle était endettée, et même si Éclipse était prête à attendre encore plusieurs années avant d'être remboursée, elle ne pouvait pas se permettre de s'endetter encore plus en lui demandant de l'aide pour se loger et se nourrir. D'autant plus que l'argent pour ses études avait été donné uniquement dans l'intérêt de Raphaël. Éclipse protégeait les siens, mais Cassandra n'en faisait pas partie. Au fond, elle savait qu'Enzo ne la laisserait pas dans la merde, si le pire devait arriver, mais que ce soit par fierté ou pas conviction, l'humaine n'arrivait pas à se résoudre à lui demander de l'argent. Elle ne voulait plus jamais dépendre d'un homme pour vivre, c'était trop déséquilibrer, même si cet homme était le père de son fils et quelqu'un de bien.

— Je trouverais, promit-elle. Je ferais des ménages ou je deviendrais serveuse, mais je trouverais.

Il le fallait.

Nikolai observait la pièce vide si ce n'était un lit tout au fond et une fenêtre qui offrait une belle luminosité.

— Non, vraiment, je ne vois pas ce qui te choque, elle est fonctionnelle cette pièce.

Lilith à côté de lui le fusilla du regard.

— C'est ça qui me choque, je n'ai pas besoin d'une pièce fonctionnelle pour un adulte, j'ai besoin d'une pièce décorée et sécurisée et fonctionnelle pour un bébé !

Elle désigna son ventre – son énorme ventre – du doigt. Ça faisait sept mois que Nikolai ignorait volontairement cet état de fait. Un bébé, elle allait avoir un bébé ! C'était probablement l'idée la plus stupide qui lui soit venue d'avoir. Quelle idée de faire un bébé sérieux ?

— C'est fonctionnel pour un bébé, tu le mets sur le lit et basta ! insista-t-il en désignant le super lit qui avait coûté la peau du cul à la meute.

Nikolai sentait que Lilith s'impatientait, et il se renfrogna davantage. Un bébé. Stupide. Son ours était assez d'accord, cette meute n'était pas un endroit pour des enfants, ils étaient composés d'assassin et de changelin brisé, la plupart d'entre eux gagnaient leur vie en tant que mercenaires, et ce qu'ils faisaient n'était clairement pas reluisant. Ils n'étaient pas de bonnes personnes, rien qui puisse inspirer positivement des bébés.

Et si encore Lilith était la seule ! Par la fenêtre de ce qui allait devenir une nursery, Nikolai vit passer Nahila. La changeline biche était enceinte, elle aussi, de quelques semaines, et elle rayonnait. Leur chef, Tarik, n'avait jamais eu l'air aussi stupidement heureux que depuis que sa petite proie lui avait annoncé la nouvelle. L'ours claqua des mâchoires en grondant, ce qui lui valut un regard agacé de Lilith.

— Il faut que tu fasses quelque chose pour cette pièce, décida-t-elle les mains sur les hanches.

Elle aurait pu paraître impressionnante, si elle n'était pas deux fois plus petite que lui et surtout pourvue d'un ventre qui allait encore grossir dans les mois à venir. Lilith avait été une redoutable combattante avant d'avoir l'idée stupide de procréer. Cela dit, de tous, seul Tarik pouvait venir à bout de Nikolai s'ils devaient se battre, on ne mettait pas un ours à terre aussi facilement, c'était uniquement grâce à cet avantage physique que le changelin avait survécu aux horreurs du Zoo. La prison illégale pour changelin de Lord Arthus avait été un enfer, et seule une douzaine de changelins en était sortie, sur la centaine enfermée, de ce qu'ils en savaient. Depuis, Lord Arthus était mort à la suite de blessure grave, disait-on, la prison avait été détruite, et sur les douze rescapés, un était mort, un autre avait changé de meute et une n'avait jamais fait partie d'Athos.

Un bien piètre résultat vu le travail fourni pour sortir de l'enfer. Enfin, pas que Nikolai ait particulièrement aidé. Il faisait partie des rares changelins pour qui la prison avait été justifiée, qu'importe la violence, les maltraitances et les humiliations, tout ça, il l'avait mérité, et contrairement à ses camarades de meute, la vie hors des murs du Zoo ne lui était pas due. Quand il avait essayé de parler de ses fautes passées à Tarik, celui-ci lui avait rétorqué que toute faute commise avait été lavée par les années passées au Zoo et qu'elle ne lui était plus reprochée, il n'avait donc pas à se confesser. Nikolai n'était pas d'accord, mais il n'avait pas insisté, si Tarik préférait ignorer quel type de monstre abritait sa meute, grand bien lui fasse.

— Très bien, reprit Lilith, le tirant de ses pensées. On va avoir besoin de berceaux, au moins deux, peut être trois, aligné, un tapis doux et moelleux pour le jeu, pas un truc irritant, une commode et des rangements pour les affaires des bébés, mais rien avec des coins où ils pourraient se blesser, peut être un parc pour enfant ? Même si je doute que qui que ce soit puisse mettre des bébés changelins en cage.

— Lilith, interrompit-il. J'ai l'air d'un décorateur d'intérieur ? Je suis architecte, je te bâtis une cabane dans les arbres si tu veux, mais débrouille-toi pour repeindre les murs.

Lilith soupira.

— Nikolai, je sais que tu n'es pas content que je sois enceinte, mais je ne peux pas peindre les murs, mon ventre toucherait la peinture fraîche ! Il faut que quelqu'un le fasse la décoration, et tu es le seul avec un minimum de compétence dans ce domaine.

Comme ses compétences se résumaient à mettre un lit au milieu d'une pièce et à décréter que désormais c'était une chambre, Nikolai n'osait imaginer ce que d'autres auraient fait.

— Un problème ?

Nikolai se décala pour avoir Kana dans son champ de vision. La jeune femme venait de rentrer, évidemment, il l'avait entendu arriver, mais il ne pensait pas qu'elle se mêlerait de leur affaire.

— Tiens, tu habites là, toi maintenant, railla-t-il.

Kana passait presque toutes ses nuits à Jaykam, et pouvait passer plusieurs semaines sans rentrer à la meute. La vipère lui montra ses crochets et il grogna en montrant ses propres dents. Ils n'avaient jamais pu se blairer. Kana était une emmerdeuse, déjà au Zoo elle lui cassait les pieds avec ses leçons de morale à deux balles, insistant pour qu'ils restent fidèle à eux même, même dans l'enfer. Sachant qu'elle n'était pas la dernière des meurtrières dans cette pièce, c'était culotté de sa part. Comme si elle valait mieux qu'eux.

— Oui, j'ai même une chambre que tu as construite avec des grosses paluches, tu te souviens ? rétorqua-t-elle d'une voix mielleuse. Je venais juste apporter mon salaire à Tarik, et je vous aie entendu, vous cherchez un décorateur pour la nursery ?

Lilith soupira en se massant le ventre.

— La nursery et le reste de cette foutue maison ! Je rêve d'un fauteuil confortable près de la cheminée, je vais devenir folle !

Kana gloussa et Nikolai leva les yeux au ciel, vraiment, il ne voyait pas le problème, c'était super de pouvoir s'asseoir par terre non ? On pouvait être plus proche du feu !

— Vous n'avez qu'à engager quelqu'un, suggéra la vipère.

Lilith et Nikolai la dévisagèrent.

— Quelqu'un ?

— Bah, oui ? Un professionnel, un décorateur d'intérieur. On a les moyens, vous savez ? Surtout depuis que tu es rentré de mission Nikolai.

Nikolai avait passé l'été à escorter une riche, très riche famille de nobles humains à travers tout le continent pour la saison mondaine. Bien sûr, il n'avait pas su que Nikolai était un ours, tout ce qu'il voyait c'était ses compétences de combattant et le fait qu'il était très intimidant. Ce job lui avait rapporté une bonne quantité d'argent qu'il avait injecté aux finances de la meute. Maintenant qu'il avait paré au plus urgent, leur priorité était de se construire un capital afin d'être indépendant financièrement, mais ça, c'était le job de Nash, leur tigre, experts de la finance.

— Un pro ? Ça me va, accepta Lilith.

— Parfait, approuva Nikolai.

S'il n'avait pas besoin de s'occuper de la décoration, il pourrait faire autre chose.

— Super, je t'organise un rendez-vous pour dans deux jours, je connais quelqu'un, tu pourras l'assister !

Nikolai fronça les sourcils. Pourquoi avait-il soudainement l'impression de s'être fait avoir ?

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Hello mes louveteaux !

Oui, c'est un bon gros chapitre pour entrer dans l'histoire ! A la base c'était deux chapitres séparé mais j'ai décidé d'être sympas et de vous présenter les deux personnages d'un coup et donc de fusionner les chapitres !

Alors, vos premières impressions ?

Cassandra et Nikolai on tout les deux des besoins que l'autre peut résoudre, voyons comment ils vont s'en sortir !

Kiss


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