Kana cligna des yeux deux fois, face à la boîte qui l'attendait sur son lit, le soir même.

Une simple boîte rectangulaire dans laquelle elle trouva une tenue tout à fait décente : un pantalon noir cintré et un chemisier blanc. C'était ce qu'Ilgog lui avait choisi pour leur « rencard » qui n'en était pas vraiment un.

Parce que c'était une mission. Se montrer pour attirer l'attention de son violeur et se venger. Il y avait un million de raisons pour lesquels ce plan pouvait mal tourner.

Cette tenue en faisait partie.

Elle ne pouvait pas mettre ça. Pas... alors qu'elle voulait se faire passer pour la conquête d'Ilgog. Oh, la tenue était très jolie... mais très discrète aussi. Tout à fait à son goût – il était loin, le temps où elle portait des robes au volant coloré de jaune, de rouge et de bleu – mais pas adapté à sa mission.

Il allait falloir qu'elle y remédie.

Quelques heures plus tard, Kana ajusta nerveusement le col de son vêtement, son cœur tambourinant dans sa poitrine comme un mauvais présage. Chaque pas vers l'endroit où Ilgog l'attendait semblait la rapprocher un peu plus du gouffre qu'elle s'efforçait d'éviter depuis des mois.

— Un rencard ? se répéta-t-elle pour la énième fois, incrédule.

Comment diable en étaient-ils arrivés là ? Elle avait beau retourner la situation dans sa tête, aucune issue ne semblait satisfaisante. La peur rampait le long de sa colonne vertébrale, plus insidieuse à chaque seconde qui passait. Ilgog, appuyé contre le mur de la ruelle, à l'arrière du restaurant, la fixa d'un regard indéchiffrable. S'il pensait quoi que ce soit de la robe rouge et indécente qu'elle avait enfilée au lieu de la tenue qu'il lui avait fourni, il n'en laissa rien paraître. Tant mieux, elle n'aurait pas supporté le moindre compliment, alors qu'elle se sentait nue et vulnérable.

— On y va ? demanda-t-il, sa voix douce en contraste frappant avec l'orage intérieur qui grondait en elle.

Elle hocha la tête, mais n'accepta pas le bras qu'il lui tendait, elle ne demanda pas non plus où il l'emmenait. Elle préférait ne pas savoir.

Le silence pesait lourdement dans l'air alors que Kana et Ilgog traversaient la rue principale, l'atmosphère de la ville étrangement oppressante.

Reste calme, se répétait-elle intérieurement, tentant de contrôler la montée de panique qui menaçait de la submerger. Le plan d'Ilgog lui retournait l'estomac, mais elle ne pouvait se permettre de faiblir. Pas maintenant. Pas alors que Sir Réginald devait payer.

— Tu fais vraiment confiance à ce plan ? lança-t-elle à mi-voix, espérant trouver une faille.

Ilgog lui jeta un regard en coin, un sourire amusé se dessinant sur ses lèvres.

— Je te l'ai dit, trésor, jamais je ne laisserai ce monstre t'approcher.

Kana pinça les lèvres, encore une fois, il l'avait parfaitement cerné, et ça l'énervait.

— Ce n'était pas ma question, grommela-t-elle.

Il laissa passer un temps.

— Si j'avais eu d'autres idées, nous ne ferions pas ça, admit-il.

Kana lui jeta un regard. Elle ne s'était pas attendue à ce qu'il avoue ne pas savoir comment régler son problème. Ilgog semblait toujours avoir tellement de ressource... Sir Reginald n'en était que plus dangereux.

Avec un petit soupire, elle tendit la main pour finalement prendre son bras.

— Très bien, Ilgog, murmura-t-elle, expose-moi comme un trophée, et voyons quel genre de poisson on attrape.

Ilgog hésita une seconde.

— Tu n'as jamais péché de ta vie, hein ?

Kana se hérissa face à sa moquerie.

— La ferme.

Il ricana, mais l'entraîna doucement à travers la rue, évitant de croiser le regard des passants. Ils se dirigeaient vers le centre de la ville, là où les lumières brillaient plus fort, où la musique se mêlait aux rires des gens, où la vie nocturne masquait les ombres qui se faufilaient en silence. Pour un œil non averti, Jaykam pouvait être une ville vraiment magnifique. Kana sentait chaque fibre de son être tendue comme une corde prête à casser. Son bras enroulé autour de celui d'Ilgog semblait brûler, une tension palpable entre eux qu'elle ne pouvait ignorer.

Ils arrivèrent finalement devant un établissement qu'elle ne connaissait pas, mais elle ne s'était pas beaucoup baladée dans Jaykam depuis sa sortie du Zoo. Le bâtiment, un peu en retrait des autres, semblait presque ordinaire à première vue, mais Kana perçut les détails qui trahissaient sa véritable nature : les hommes postés discrètement aux entrées, les regards furtifs qui s'échangeaient entre les clients, l'air de secret qui planait autour.

— Ici ? murmura-t-elle, incertaine.

Ilgog hocha la tête, son expression redevenue sérieuse.

— Le Nébuleux. Avant c'était un restaurant, mais il a été détruit il y a quelques années à cause d'une prétendue fuite de gaz et c'est devenu un club privé, où se réunissent ceux qui ont plus d'argent que de morale. Sir Réginald y a été vu plusieurs fois, et certaines de ses plus proches fréquentations y vienne. L'endroit appartient à Fox Lucav.

Kana hocha la tête et déglutit difficilement. Ce lieu dégageait une atmosphère lourde, presque suffocante. Elle devait se rappeler que ce n'était pas elle qui était en danger ici. Pas cette fois.

— Tu es prête ? demanda-t-il, son regard perçant cherchant une dernière fois son approbation.

Elle savait que, si elle disait non, il la ramènerait immédiatement. Mais elle échouerait, c'était hors de question.

— Je te promets que si tu me vends à un trafiquant, je te retrouverais et ta mort sera lente, répondit-elle avec un sourire forcé, bien qu'elle ne parvienne pas à masquer totalement la peur dans ses yeux.

— Même en bradant ton prix aucun trafiquant ne voudra de toi, tu es trop pénible, se moqua-t-il.

— Enfoiré, marmonna-t-elle.

Elle savait que c'était faux. Ce jour-là, nue et humiliée sur la place du marché noir aux esclaves, elle avait été vendue à un prix hallucinant.

Ilgog lui fit un clin d'œil, chassant ses pensées, avant de la guider à l'intérieur, où l'obscurité était tamisée par des lustres anciens, dont la lumière dorée se reflétait sur les verres de cristal et les décorations opulentes. Le bourdonnement des conversations s'éteignit à peine lorsqu'ils firent leur entrée, mais elle sentit les regards peser sur eux, sur elle. Sa robe rouge audacieuse ne passait pas inaperçue, et elle savait que c'était exactement l'effet recherché.

— Marche comme si tu possédais cet endroit, murmura Ilgog à son oreille, son souffle chaud la faisant frissonner. Tu es à mon bras, tu es quelqu'un d'important.

Kana redressa les épaules et releva le menton, adoptant une posture confiante, presque arrogante. Si Sir Réginald était là, il devait la voir comme une femme libre, intouchable... hors de sa portée. Elle se raccrocha à cette idée alors qu'ils se frayaient un chemin parmi les tables, Ilgog la menant droit vers le fond de la salle où un groupe de personnes, visiblement habituées des lieux, les observait déjà avec intérêt.

C'est ici que tout commence, pensa-t-elle. C'était maintenant ou jamais.

Ils s'arrêtèrent devant une table où plusieurs hommes étaient assis, des verres à la main, discutant à voix basse. L'un d'eux, plus âgé que les autres, leva les yeux vers eux avec une curiosité non dissimulée.

— Messieurs, je vous présente Kana, dit Ilgog avec un sourire charmeur qui ne lui parut pas naturel. Il la présenta comme s'il offrait un joyau rare, un trésor que peu avaient la chance de voir, encore moins de toucher.

Elle se força à sourire, même si cela lui coûtait. Elle les salua d'un signe de tête, essayant de retenir la nausée qui menaçait de remonter à chaque seconde passée sous leurs regards scrutateurs.

— Enchanté, mademoiselle, répondit l'homme avec un sourire en coin, ses yeux brillants d'un intérêt qui la fit frissonner.

Le piège était tendu. Ne restait plus qu'à voir si la proie mordrait à l'hameçon.

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Oh, ce chapitre il à été dur à écrire ! Je savais pas du tout comment le commencer.

Dites moi, ça vous perturbe qu'on saute d'une scène à une autre comme ça ? Je veux dire, on fini un chapitre, ils mangent des croque au fromage, le chapitre suivant c'est le lendemain et on le fini il lui propose un rencard et hop, on saute direct au moment du rencard ? Vrai question !

Bon, j'espère que malgré qu'ils soient un peu lourd en terme d'atmosphère, ce chapitre vous a plus !

Et je vous dis à très vite !

Kiss