Chapitre 10.

Ça faisait trois jours que Kana vivait chez Ilgog. Blottie dans son lit-nuage, elle ne parvenait pas à trouver le sommeil après son service du soir. Kana ne parvenait pas à ce souvenir d'une époque où elle dormait bien, ça avait dû exister, mais elle vivait dans la douleur depuis trop longtemps pour se rappeler que ça n'avait pas toujours été le cas.

Ce soir-là, elle pensait à Sir Réginald de Montfort, et à la curieuse proposition d'Ilgog, faite dans la cuisine. Depuis ce jour, ils n'en avaient plus reparlé et Kana se demandait s'il faisait vraiment quelque chose. Sans doute pas, sans doute avait-il juste dit ça pour la garder ici. Sauf que cette pensée était idiote, parce qu'Ilgog dormait sur le canapé, sans avoir jamais suggérer de reprendre son lit, ou de le partager avec elle, et le verrou n'était toujours en place, et toujours aussi solide.

Kana avait passer les trois derniers jours à essayer de réoublier tout ce que cet humain lui avait fait, elle y était parvenue pendant plusieurs mois après les faits, préférant reléguer ses souvenirs au tréfonds de sa mémoire plutôt que de les ressasser jusqu'à être détruite plus qu'elle ne l'était.

Mais maintenant que la possibilité de se venger lui avait été proposée, elle se revoyait allonger sur ce lit, fermement attachée un bâillon bien en place pour l'empêcher de mordre et de se débattre alors que Sir Réginald de Montfort s'agitait au-dessus de son corps en feu.

Kana pressa les mains sur son cœur pour en calmer le battement affolé, alors que des bouffées glacées puis brûlantes courait le long de sa colonne vertébrale. Kana repoussa la couverture, soudain devenu étouffante et se leva. Elle n'avait pas connu beaucoup de lit, dans sa vie, les serpents vivaient dans des caravanes ambulantes, étroites, et chacun dormait sur des paillasses ou dans des hamacs, voir carrément sur des sacs de couchage en plein air. Les rares lits qu'elle avait connus ne lui avaient pas laissé de bon souvenir et ce soir, elle ne supportait plus le contact de celui d'Ilgog.

Faisant les cent pas dans la chambre elle finit par craquer. Elle étouffait. Mais au lieu de sortir par la fenêtre, elle ouvrit la porte de la chambre dans le but d'aller boire un verre d'eau. Ilgog ronflait doucement sur le canapé, elle devait passer devant pour atteindre la cuisine et son pas ralentit. C'était... curieux. Les rayons de la lune rose, Elstrya, filtraient à travers les fenêtres sans rideaux, lui permettant de le voir sans trop de peine une fois habituer à la pénombre. Kana n'avait pas réalisé à quel point le canapé était ridiculement petit par rapport à Ilgog. OK, certes, l'homme était grand et large, ce qui était absurde pour un rat, n'étaient-ils pas tous censés être petits et trapus ? Pas lui apparemment. Quoi qu'il en fût, les pieds de l'homme dépassaient du bord et il avait un bras levé au-dessus de la tête, l'autre posé sur son ventre nu. Parce qu'évidemment, Ilgog dormait en caleçon.

Il avait l'air détendu, quoiqu'inconfortablement installé. Sans s'en rendre compte, Kana s'était approché et était désormais penché vers lui.

— Kana, c'est super flippant de mater quelqu'un qui dort, grommela la voix endormit d'Ilgog.

Kana sursauta en se redressant. Merde, elle l'avait réveillé. Elle chercha son regard, mais il avait gardé les yeux fermés.

— Comment tu sais que c'est moi ?

Il soupira en ouvrant les yeux, l'air encore endormi.

— Mon rat panique, il pense que tu veux nous tuer. (il laissa passer quelques secondes). Tu as l'intention de me mordre, trésor ?

Piquée par cette accusation elle croisa les bras.

— J'ai pas encore décidé.

Il hocha la tête, apparemment pas inquiet.

— OK, réveille-moi quand tu seras décidée.

Puis il bailla et se tortilla sur le canapé pour lui tourner ostensiblement le dos. La vipère de Kana siffla dans son esprit. Quelle proie inconsciente. Kana resta encore là presque une minute, se demandant s'il s'était rendormi lorsqu'il se retourna de nouveau vers elle.

— Kana, marmonna-t-il. Tu es une putain de psychopathe, arrêtes de me regarder dormir.

Ce fut plus fort qu'elle, elle sourit et pinça les lèvres pour retenir un rire.

— Ça te met mal à l'aise ?

— Nan, mais ça m'empêche de dormir et il est...

Il hésita et Kana se tourna vers l'horloge dans la cuisine.

— Deux heures quinze.

Ilgog soupira.

— Il est deux heures quinze du matin, je ne sais pas ce que tu aimes faire la nuit, mais moi dormir ça me botte bien. Pourquoi tu me regardes ?

— Je me disais juste que tu étais mignon quand tu dors.

Cette fois-ci il ouvrit complètement les yeux, l'air outré et il se redressa sur les coudes, offrant à Kana une vue superbe sur les muscles de ses bras qu'il contractait pour tenir la position.

— Je suis le patron du plus grand réseau d'information de cette putain de ville et mon pouvoir fait concurrence au riche et au puissant. Je ne suis pas mignon.

— Adorable, souffla-t-elle juste pour l'énerver un peu plus.

— Je ne suis pas adorable non plus.

Ce fut plus fort qu'elle, elle s'accroupit pour se mettre à sa haute et siffla entre ses dents :

— À croquer.

Ilgog écarquilla les yeux.

— Pitié, trésor, ne dis jamais à une proie que tu la trouves à croquer, c'est carrément déplacer !

Elle rit avant de poser une main sur sa bouche, surprise par elle-même. Kana n'avait pas souvent sujet à rire et Ilgog était très divertissant.

— Tu veux me manger, Kana ? demanda-t-il d'une voix plus sombre.

Bonne question. Le regard de Kana parcourut son corps, et elle frissonna en se souvenant de son membre lorsqu'il avait fait tomber sa serviette quelques jours plus tôt. Elle déglutit, songeant que c'était une pensée dangereuse elle se reconcentra sur le visage d'Ilgog. Il était tendu, jaugeant sans doute les risques de loger une prédatrice. Il était temps.

— Au début, admit-elle. Mais c'était une envie irrationnelle venue de ma vipère. Je ne fais pas dans le cannibalisme.

S'en serait, parce que même s'ils avaient une part animale, ils n'en restaient pas moins humains.

— De toute façon je suis trop gros pour toi, ce serait indigeste, convint-il.

— J'ai décidé que je ne te tuerais pas, pas tout de suite.

— Tu m'en vois ravi, ironisa-t-il.

Leur regard s'accrocha et même dans la pénombre, Kana vit quelque chose passer dans celui d'Ilgog. Son souffle se coupa et ils ne bougèrent plus. Jusqu'à ce qu'elle rompe le contact, devenu trop intime et se lève.

— J'ai faim, je veux un croque au fromage, tu en veux un ?

Il cilla, apparemment décontenancé par ce brusque changement de sujet, puis se leva à sa suite quand elle alla dans la cuisine. Elle lui en sut gré qu'il ait enfiler un pantalon par-dessus son boxer. Elle commença à sortir les ingrédients et Ilgog lui prit la poêle des mains.

— Je m'en occupe, assieds-toi.

— C'était mon idée, bouda-t-elle en lui cédant tout de même la poêle.

— Ouaip, mais c'est la recette de ma mère et elle est top secret, donc c'est moi qui dois les faire.

Kana esquissa un sourire face à cet homme qui « faisait concurrence au riche et au puissant » et qui parlait si librement de sa mère avec une pointe d'affection qu'elle entendait rarement de la part des hommes. Kana consenti à aller s'asseoir sur un tabouret, laissant ses jambes se balancer dans le vide en le regardant.

Cet homme qu'elle avait réveillé à deux heures du matin et qui lui préparait des croques au fromage juste parce qu'elle n'arrivait pas à dormir et qu'elle le lui avait demandé. Personne n'avait jamais fait ça pour elle, et c'était curieux, parce que quelques jours plus tôt, elle aurait pu jurer qu'Ilgog serait la dernière personne qui l'aurait fait pour elle.

Il posa un croque dans une assiette et la lui tendit. Kana l'attrapa vivement.

— Attention c'est chaud !

Trop tard, elle avait croqué dedans se brûlant avec plaisir le palais avec le fromage fondant.

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Petite confession, les chapitres tout doux entre deux personnages, c'est vraiment mes préférés !

Oui, au vu de leur relation, ce chapitre est considéré tout doux X)

J'espère qu'il vous à plus ! C'est sympas aussi des chapitres plus calme, qui font avancer l'histoire tranquillement, vous ne trouvez pas ?

Quoi qu'il en soit, je vous dis à la semaine prochaine !

Kiss


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