Jour 8

J'ouvre lentement les yeux. Un timide rayon de soleil filtre entre les volets fermés. Je me lève difficilement, puis vais ouvrir les fenêtres, laissant entrer la lumière en flots indistincts. Une fois fait, je jette un coup d'oeil aux lits de mes amis. Ils dorment encore tous les deux. Je me dirige vers la porte, silencieusement, en observant un moment le visage endormi de mon ami, puis je me rends à la salle commune en trottinant joyeusement, et m'assois à notre table habituelle. J'ai bien l'impression qu'elle sera notre table privée jusqu'à la fin du séjour ! Je me sers un verre de lait et croque dans un biscuit. Aujourd'hui nous commençons par atelier bricolage, puis cerf-volant dans les montagnes. La dernière fois que j'ai fait du cerf-volant, j'avais sept ans... Ça fait un bout de temps ! J'aperçois Léon qui entre dans la salle commune, bien vite suivi d'Anna. Ils me rejoignent à la table, tout en se frottant les yeux. Ils semblent encore fatigués. J'espère que je ne les ai pas réveillés ! Léon s'assoit en face de moi avec un petit sourire aux lèvres. Je lui rends, puis m'attaque à mon petit-déjeuner. Nous mangeons en silence, puis comme tous les matins, le directeur apparaît sur l'estrade et frappe dans ses mains pour réclamer le calme.

" Ce matin nous commençons par atelier bricolage ! Allez vous préparer, et on se retrouve au premier étage ! "

Je me dirige jusqu'aux sanitaires avec mes habits pour me préparer, puis me rends au premier étage. Il y a déjà quelques adolescents, mais je ne vois ni Léon ni Anna. Ils doivent encore être en train de faire leur toilette. Je jette un regard malheureux à la porte sombre de la bibliothèque. Est-ce trop demandé de pouvoir passer un moment tranquille à lire une montagne de bouquins ? Apparemment oui. Le directeur nous rejoint, accompagné des retardataires, parmi lesquels je retrouve mes deux amis. Ils viennent attendre à côté de moi et je me moque gentiment d'eux. Le directeur ouvre la porte de l'atelier et nous laisse entrer. Je n'étais encore jamais entrée dans l'atelier. Certes, on nous l'avait présenté lors de la visite du centre, le deuxième jour, mais je n'y avais pas prêté attention, trop émerveillée par la bibliothèque. C'est une pièce rectangulaire avec plusieurs fenêtres laissant passer la lumière. De nombreuses tables et plans de travail se trouvent éparpillés à l'intérieur. Une odeur de bois et de sciure flotte dans l'air, et des outils sont accrochés sur les murs. Nous formons des petits groupes et allons nous installer sur les tables. Léon, Anna et moi choisissons une table près d'une fenêtre, pour profiter de la vue et de la lumière. Le directeur s'éclaircit la voix avant de lancer :

" Tous les outils sont mis à votre disposition, c'est pourquoi je veux un comportement responsable de votre part, afin d'éviter tout accident. Que l'activité commence ! "

Je me lève et vais chercher un paquet de feuilles blanches ainsi qu'un pot de crayons. Je ramène le tout à notre table et commence esquisser quelques croquis, sous le regard émerveillé de Léon. Je relève la tête pour croiser ses yeux bleus fixés sur moi. Je lui souris, puis me replonge dans mon travail. Il faut déjà que je me décide sur " quoi fabriquer ? ". Je finis par choisir un petit coffret. Je pourrais y ranger quelques photos et petits objets que je trouverai durant mon séjour. Je vais chercher plusieurs morceaux de bois, ainsi que des clous, un marteau, et d'autres petits outils.

Une heure plus tard, je contemple avec amertume tous mes essais ratés éparpillés devant moi. Il y en a cinq. Une boîte toute cabossée, une qui penche sur le côté, une qui a été coupée en deux, et deux autres complètement calcinées ( maudit pyrograveur ! ). Je suis découragée. De toute façon je ne sais rien faire. Je vois Léon se lever du coin de l'œil, mais n'y prête pas attention. L'activité se termine bientôt et je n'ai même pas pu faire ma boîte. Soudain je sens deux bras m'entourer, et quelqu'un me chuchoter doucement :

" Je veux bien t'aider pour fabriquer ta boîte, à condition qu'on en fasse aussi une pour moi ! " Je lève les yeux pour tomber sur ceux de Léon. Rougissante, je bredouille :

" E-euh... Ok... Merci. " Il sourit, et prends deux morceaux de bois, quelques clous et le marteau. Il passe ses bras de chaque côté de moi, et nous nous mettons tous deux au travail.

Une heure s'est écoulée. Léon et moi observons nos chefs-d'œuvre avec des visages fiers.

" Merci beaucoup Mon chou. On a fait un travail d'enfer !

- De rien ! C'était vraiment bien. On fait une super bonne équipe ! " Il me tend son poing. Je cogne le mien contre le sien, et nous lançons :

" Bien joué ! "

Nous nous sourions chaleureusement, lorsque le directeur frappe dans ses mains.

" C'est l'heure d'aller manger les enfants ! Tous à la salle commune ! " Nous emportons nos deux boîtes, et Anna nous rejoint. Je remarque qu'il y a deux petites bosses dans sa poche.

" Anna, qu'est-ce que tu as fabriqué, toi ? " je demande. Elle ouvre deux grands yeux, surprise.

" Euh... Et bien... Je... J'ai essayé de faire un cadre pour mettre ma peinture, mais je n'ai pas réussi. Tant pis ! " Elle hausse les épaules, et je devine que ce n'est qu'une feinte. Je ne relève pas, mais je sais qu'elle ment. La raison m'est encore inconnue.

" Et vous ? nous interroge-t-elle tandis que nous nous dirigeons vers la salle commune. J'ai vu que vous étiez très proches... " Elle ajoute à cette phrase un vrai visage pervers, et nous devenons écarlates.

" Euh.. Nous avons fabriqué des boîtes. Pour mettre hum... Des choses. " répond Léon en ignorant brillamment le sous-entendu de notre amie blonde. Elle laisse échapper un petit rire amusé, mais ne répond rien. Une fois arrivés à la salle commune, nous nous installons à notre table habituelle. Le repas est servi, et nous mangeons tous en bavardant gaiement. 

Nous terminons nos desserts, puis nous nous regroupons devant l'estrade, où le directeur a éparpillé toutes sortes de cerf-volants.

" Prenez-en un pour deux ! " rappelle-t-il. Je jette un coup d'oeil à Anna, mais elle secoue la tête de droite à gauche, avant de venir s'exclamer, juste devant Léon :

" Je vais vous laisser à deux ! Vous avez l'air de bien fonctionner ensemble ! " Elle nous fait un clin d'oeil amusé, puis rejoint une jeune fille aux cheveux violets. Je fais un sourire d'excuse à mon ami, et prends un cerf-volant bleu nuit se trouvant à portée de main. Le garçon m'adresse un grand sourire qui fait battre mon cœur à un rythme alarmant. Le directeur nous fait signe de venir nous regrouper dans le jardin, m'offrant un moyen de fuir le sourire angélique de celui qui fait secrètement battre mon cœur. Une fois tous à l'extérieur, et mon calme retrouvé, le directeur nous fait grimper dans la montagne par le chemin habituel. Nous marchons pendant une dizaine de minutes, puis nous arrivons dans une petite clairière battue par les vents. C'est l'endroit parfait. Léon et moi déroulons la ficelle de notre cerf-volant, puis le posons dans l'herbe, attendant le signal de notre directeur. C'est étrange, mais je me rends compte que je ne connais ni son nom, ni son prénom. Mais je n'ai pas le temps de m'interroger davantage, qu'il frappe dans ses mains.

" L'activité cerf-volant peut commencer ! Je vous demanderai simplement de veiller à ne pas lâcher votre cerf-volant ! "

Tous les adolescents acquiescent. Léon prend la ficelle, tandis que j'attrape la toile de notre cerf-volant, et m'éloigne de mon compagnon. Lorsqu'une rafale de vent passe, je lance le cerf-volant de toute mes forces, et il s'envole rapidement. Léon, de son côté, dirige en utilisant la ficelle. Sauf que le vent se fait plus fort, et je vois que mon ami peine à le retenir. Je cours vers lui et l'aide à maintenir la ficelle, me retrouvant, par la même occasion, collée à lui. Le cerf-volant finit par s'écraser sur le sol. Je me recule du garçon, les joues rouges.

" C'était moins une ! commente-t-il. Merci ! "

Je lui souris, tout en lui faisant un petit clin d'œil.

" Toujours là pour mon meilleur ami ! "
Ces mots sont une véritable torture à prononcer. Un calvaire que je ne saurais surmonter pendant les deux semaines qu'il me reste à passer au centre. J'espère vraiment que les choses évolueront entre nous. Dans le cas contraire, le mot " ami " deviendra mon pire cauchemar, jusqu'à la fin de ma vie. Repoussant mes pensées en vitesse, je finis par rejoindre Léon qui est allé chercher le cerf-volant, et nous continuons à nous amuser dans la bonne humeur.

Allongée dans mon lit, je me repasse la journée dans ma tête, tranquillement. Tout s'est très bien passé. Pas de quelconque incident avec les jumelles, et pas non plus d'attaque de la part de Tommy. En soi, c'est déjà un exploit. Et surtout, je trouve que je me suis bien rapprochée de Léon. J'ai l'impression qu'il est de plus en plus à l'aise avec moi, non ? Bon, bien sûr, nous nous entendions déjà très bien avant, mais maintenant il semble qu'il ne bégaye presque plus en ma présence, ne tremble plus, et ose des choses que je n'oserais pas faire moi-même. Comme m'embrasser le front pour me dire bonne nuit. Ou me glisser des phrases a l'oreille, tout en ayant un air coquin. Je dois avouer que j'apprécie beaucoup cette autre partie de sa personnalité. Comme s'il y avait deux Léon. Un doux, sensible, très timide et pudique. Et un courageux, malicieux, et réactif. La combinaison de ces deux personnalités forment le jeune garçon dont je suis follement amoureuse. Et, pour une raison que j'ignore, il avait décidé de jeter sa deuxième personnalité - courageux, malicieux et réactif - aux oubliettes. Et celle-ci semble avoir décidé d'en sortir, depuis quelques jours, pour mon plus grand bonheur. Je ferme les yeux pour profiter du silence de la nuit. On entend quand même quelques grillons. Je finis par sombrer peu à peu dans le sommeil, bercée par les souvenirs de la journée, et les bruits des insectes battant la mesure d'une mélodie apaisante.

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