Jour 1
Le mois est passé à une vitesse hallucinante. J'attends le bus qui doit me mener à ce maudit centre. Une trentaine d'autres ados sont là. Je me sens ridicule, totalement ridicule ! Les autres papotent, de tout et n'importe quoi, comme par exemple, de la couleur de leur vernis à ongles, ou du dernier match de football. Ils sont juste pathétiques. Pitié, faites que ce soit un cauchemar ! Finalement, le car arrive. Nous montons tous dedans, et je m'assois seule dans le fond. Je regarde par la fenêtre, le paysage défiler. C'est si beau ! Il y a des champs et des vergers à perte de vue. C'est ça la campagne. Et c'est pour ça que je l'aime tant. Je m'endors sur le trajet, alors que les autres entament une horrible chanson de camp de vacances.
Le véhicule freine brusquement. On est arrivés en enfers. Tout le monde descend, et nous nous retrouvons face à un grand immeuble en bois. C'est plutôt mignon. Un gars baraqué arrive vers nous; ça doit être le directeur du centre.
" S'lut les mioches ! J'vais vous répartir dans les chambres ! Bon, toi, toi et toi, z'irez là-bas ! Et vous ici.... " Il continue sa liste. Les filles sont avec des filles et les garçons avec des garçons, comme dans tout camp qui se respecte. Sauf qu'à la fin, il ne reste que moi, une jeune fille et un garçon.
" Oh et pis tan pis ! J'vais pas tout recommencer ! Z'avez qu'à vous mettre tous les trois ! " Je soupire. Il fallait que ça tombe sur moi ! Je traîne ma valise jusqu'à ma chambre, en compagnie de mes deux camarades. La jeune fille a des cheveux blonds, relevés en queue de cheval, et porte un pull rose bonbon. Quant au garçon, il a des yeux bleus azur, et des cheveux noirs en bataille. Nous avons la chambre n°34. Je pousse la porte, et ils me suivent à l'intérieur. Il y a trois lits superposés, et un balcon avec vue sur une splendide chaîne de montagne. Je suis gênée à cause des deux adolescents. Mais le moins à l'aise semble être le garçon. Il est plus pâle encore que la mort, et se tord les mains dans tous les sens. Je pose une main sur son épaule et lui dis :" Tu es sûr que ça va ? Tu veux un verre d'eau ? " Il recule précipitamment vers le mur. La jeune fille me glisse alors à l'oreille :" On m'a dit qu'il avait la trouille devant les filles.
- Ah", je réponds simplement. Je m'assois sur mon lit et commence à sortir mes affaires. La fille dit alors :" Je pense qu'on devrait se présenter. Je commence : je m'appelle Anna Gohier, j'ai treize ans, enfin, quatorze le 15 Décembre. J'aime dessiner et faire des randonnées.
- Eh bien... Ravie de te connaître, Anna, je fais avec un sourire forcé, moi je m'appelle Léonie Thoen, j'ai treize ans, quatorze le 14 Février. J'aime lire, écrire et chanter. Je joue de la flûte traversière, je fais du théâtre, et j'aime apprendre. Je parle couramment l'italien.
- Waouh... Tout ce que tu sais faire..., bafouille le garçon, qui est toujours plaqué contre la porte.
- Euh...Merci beaucoup !
- J-je crois que c'est mon tour ?
- Oui, je confirme.
- Bon. Je m'appelle Léon Martins, j'ai treize ans, quatorze le 13 Février. J'aime lire et écrire. J'adore courir aussi. Je veux être écrivain plus tard.
- Oh ! je lâche.
- Quoi ?
- C'est... C'est ce que je veux faire aussi !
- Oh. " Nous sommes tous les deux rouges et gênés. Anna admire notre manège un moment, puis éclate de rire. Vexée, je lui lance un regard noir. Elle m'ignore et continue de rire. Léon, lui, est redevenu pâle, et se mord le doigt. Je ne l'avouerai jamais, mais il est plutôt mignon.
" Bon, t'as fini, oui ? " je grogne en direction d'Anna. Cette fois, elle me regarde, légèrement embêtée.
" Oui... Désolé... " Elle se tourne, et continue de défaire sa valise. Je soupire, voilà pourquoi je ne me fais jamais d'amis, j'ai un caractère de cochon.
" Écoute, Anna, je ne voulais pas te faire de peine. Je suis désolée de m'être énervée.
- C'est rien, t'inquiète ! " elle affiche un sourire éclatant. Je suis fière d'avoir rattrapé mon erreur. Léon se dirige alors vers son lit, et commence à installer ses affaires.
‖Tard dans la nuit ‖
Léon et Anna dorment à poings fermés. J'appelle ma mère pour lui raconter ma première journée.
" Allô, m'man ?
- Coucou, Ma puce ! Alors, le centre ?
- Il est bien. Le directeur est complètement débile, mais sinon ça va. Ah, et j'ai deux camarades de dortoir, Anna et Léon.
- Ils sont gentils ?
- Ouais... Enfin, Léon est un peu coincé et stressé mais je le trouve super sympa et on a les mêmes passions, c'est incroyable. Je l'aime bien.
- Ouh Ouh !
- Maman ! Arrête, je ne suis pas amoureuse de lui !
- Tu me rediras ça à la fin des vacances ! Bon, et cette Anna ? Elle est comment ?
- Oh, elle ? Bof. Elle est envahissante et super à l'aise. Je fais semblant d'être une gentille fille qui aime le rouge à lèvres pour avoir au moins UNE amie, mais je ne l'apprécie pas trop. Franchement, je sais pas pourquoi tu m'as envoyée ici ! J'ai l'impression d'être en Enfers !
- Tu exagères, voyons ! Et puis, c'est le premier jour ! Je suis sûre que vous allez finir meilleures amies.
- Ouais, Ouais, c'est ça ! Allez, bye !
- Bonne nuit, ma chérie ! " Je soupire. Quelle mauvaise idée de l'appeler. Je me plonge dans mes pensées, mais n'arrive pas à m'endormir. Soudain, Léon se lève et va s'accouder au balcon. Il sort son téléphone et compose un numéro. Je tends l'oreille.
" Salut Papa.
- ... ( je n'entends pas les réponses )
- Oui, ça va. Enfin... Pas vraiment. En fait... Je me suis retrouvé dans une chambre avec DEUX filles ! Oh Papa, je ne vais jamais survivre ! Tu sais bien que depuis que... Que ÇA s'est passé... Je ne peux plus me trouver à moins de trente mètres d'elles !
- ...
- Je ne peux pas. Non, non, non ! Je...Je dois revenir à la maison !
- ...
- Je sais. Mais, il y a forcément une solution !
- ...
- D'accord, d'accord. Et sinon, le travail ?
- ...
- Je vois. Accroche-toi, Papa. Bonne nuit.
- ..." Il raccroche. Je me demande bien pourquoi il a peur des filles. Je l'entend alors murmurer :" Je sais que tu ne dors pas, Léonie ". Je me crispe. Comment peut-il le savoir ? Je me lève, et viens à côté de lui. Je regarde la lune, puis dis :" Je suis désolée d'avoir écouté. Tu dois m'en vouloir.
- Non. Ça m'est égal.
- Tu sais, moi non plus, je ne voulais pas venir ici. Moi aussi je voudrais rentrer chez moi. Mais on n'a pas trop le choix.
- Je suis pathétique, n'est-ce pas ?
- Quoi ? Pourquoi tu dis ça ?
- Tu me trouves ridicule, parce que je ne peux pas regarder une fille en face, ni me trouver dans la même pièce qu'elle.
- Non. Tout le monde a ses problèmes, et chacun est différent. Moi, par exemple, je n'ai aucun ami. Les gens me trouvent bizarre parce que j'ai toujours entre 17 et 20 à mes évaluations. Et aussi parce que je préfère lire à la récréation.
- Tu es la première personne à ne pas me trouver nul.
- On ne juge pas une personne à ses défauts, mais à ses qualités.
- Merci. " Il me prend dans ses bras. Je deviens rouge pivoine. Soudain, je sens une brûlure dans mon dos, là où est posée une de ses mains.
" Aïe ! " Il me lâche aussitôt et deviens incroyablement pâle.
" Qu'est-ce que tu as ??? demande-t-il, affolé.
- Je... Mon dos m'a brûlé ! " Ses yeux s'agrandissent d'effroi. Il me tourne pour examiner ma colonne vertébrale. Il gémit.
" Quoi ? dis-je.
- C'est... C'est c-certainement un f-frottement de ton tee-shirt... J-je vais t-te soigner...
- Pas la peine ! " je réponds. Trop tard, il court déjà à sa valise, et en sort un flacon de désinfectant et un pansement.
" Léon, je te dis que ça n'est pas la peine !
- Et moi je te dis que je vais te soigner, que tu le veuilles ou non. " Je suis surprise par son ton. Je me tais et me laisse faire. Il soulève doucement le bas de mon tee-shirt, ce qui nous fait rougir tous les deux. Il désinfecte ma plaie et la recouvre du pansement. Je frissonne lorsque ses doigts caressent ma peau. Il va ranger son matériel. J'hésite à lui demander quelque chose. Finalement, je me lance :" Léon ?
- Oui ?
- P...Pourquoi tu as peur des filles ? " Il lâche le flacon qu'il tenait dans sa main, certainement sous l'effet de la surprise. Il murmure alors :" Je ne peux pas te le dire.
- Je comprends. " Non, je ne comprends pas du tout pourquoi il ne peut pas me le dire. Je pousse un petit soupir et retourne me coucher. Il fait de même, mais une fois tourné vers le mur, je l'entends pleurer. Je me lève d'un bond et vais me poster devant son lit.
" Tu as le droit de ne rien me dire, en revanche, tu ne peux pas me forcer à te laisser dans cet état ! Je vais chercher de quoi te redonner le sourire ". Je sors de la chambre et me dirige vers la salle commune. J'ouvre le frigo et prends du lait. Ensuite, je fouille dans un placard et en sors des biscuits. Je retourne dans la chambre. Léon est assis en tailleur sur son lit. Il a les yeux rouges et les joues mouillées. Il est encore plus beau ainsi. Je rougis à ses pensées. Je dépose tout ce que j'ai pris sur le lit.
" Tiens, mange ça, tu te sentira mieux ensuite.
- Merci. Tu es la personne la plus gentille que j'ai jamais rencontrée... Enfin, non... Je..." Il éclate de nouveau en sanglots. Pourquoi ? Ai-je dis quelque chose de mal ?
" Dors. Demain est un autre jour ", j'ordonne. Il hoche la tête et se couche. Je fais un petit sourire, et vais dormir.
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