Enjoy your precious life
Danaé
–– Non mais, il n’est pas bien dans sa tête ce mec ou quoi ? s’indigne Dove devant le spectacle aussi désolant que sordide, dont le nom seul de l’auteur me donne la migraine.
–– C’est peu de le dire, ponctue Martha en train de superviser les travaux de nettoyage effectués par une des filles sous son commandement.
C’est la seule employée, de tous ceux étant au service d’un des membres de la famille depuis longtemps, à nous avoir suivi ici. Holy l’apprécie beaucoup, et tenait à ce qu’elle et ses enfants assistent à son mariage, d’où l’exception pour cette dernière. Une excellente décision en somme, Martha est un personnage assez spécial en son genre. Sans tomber dans le cliché de la mère poule parfaite, c’est une femme affectueuse, à la malice délicieuse. Je l’appelle « mon miel amère », tant elle est adorablement insupportable. J’ai autant en horreur son côté fouineuse, que j’aime son impertinence.
–– Il va falloir s’activer à trouver des solutions. Il ne peut pas se permettre de traiter de cette façon, sous le fallacieux prétexte que tu es chez lui sans sa permission. Que je sache il n’en est pas le seul propriétaire.
–– Je ne veux pas me prendre la tête pour des bêtises Dove. Ma vie est déjà assez stressante, je préfère me concentrer sur l’essentiel.
Pas du tout d’accord avec moi, la jamaïcaine grimace, puis tique, mais n’a malheureusement pas le temps de placer sa riposte. La porte grince.
–– Coucou les beautés, scande Lara, le sourire aussi grand son récent bonheur.
Elle et Faye sont partis en couilles hier soir à la plage, pendant qu’elle se faisait courtiser par un milliardaire saoudien, et ça s’est soldé par le baiser le plus endiablé de la décennie ––une nuit démentielle en suite, si j’en crois les feux dans ses yeux. Au moins il y’en a pour qui ça roule, parce qu’en ce qui me concerne, le malheur n’a jamais autant frappé à ma porte.
Maudit Neil Delano.
–– La nuit a été on dirait, la taquine Dove, perdue entre l’envie d’être heureuse pour son amie ou pleurer sur son propre malheur.
Quoi de mieux que le soleil pour vous rappeler l’importance de la pluie, et vice versa ?
–– Tu peux le constater par toi-même.
Lara tourne sur elle-même, passe à l’étalage de son bonheur sans s’épuiser à en dire des masses.
–– Pourquoi tu fais cette tête Danaé ? Tu n’es pas heureuse pour moi.
–– Pas du tout, minaudé-je, sincère. Je ne suis pas Holy pour cautionner tout sous le fallacieux prétexte de l’affection. Faye est un con de misogyne, il faut le remettre à sa place.
Et il n’est pas le seul d’ailleurs.
–– Tu as réellement besoin de toujours te comparer à Holy, intervient aussitôt sa gouvernante qui, comme tout le monde dans cette baraque, n’en a que pour ma chère sœur.
À qui d’autre devrais-je me comparer sinon ? C’est elle la princesse. Holy super parfaite, le modèle par excellence. La femme comme il faut, qui a réussi sur tous les fronts. Même Hamilton a du respect pour elle, même s’il reste accroché à ses préjugés. Comment je le sais ? Disons que ça m’arrive d’écouter aux portes.
–– Je ne me compare pas à elle.
–– Tu as dû parler en une langue étrangère qui signifie très exactement ce dont je suis en train de te faire le reproche, en anglais. Tu n’es pas Holy ma petite, tu es toi. Une magnifique jeune femme sensible et talentueuse. Tu dois seulement apprendre à donner et non à toujours être dans l’attente comme tu le fais.
Sans me laisser le temps de rebondir, elle embarque la jeune fille affublée d’un uniforme rose et le matériel de ménage.
–– Je ne me compare pas à Holy vieille impertinente, crié-je néanmoins, irritée par ses conseils à la noix. Je ne me compare à personne. La star ici c’est moi, que je sache.
–– Peut-être, mais on est bien d’accord : tu as choisi le mauvais frère.
Dove et ses airs de saintes nitouches ont l’art et la manière de me taper sur le système, tant son innocence bascule très souvent vers l’imprudence. Elle ne sait rien de mon histoire, alors j’aimerais mieux qu’elle se la boucle. Aucun d’eux ne sait rien. Ni de moi, ni de mon homme… enfin, de Neil.
–– Ferme la tu veux ?
Lara n’étant pas au parfum du dernier forfait de mon ex, nous regarde avec des yeux de merlans frits, avant de migrer vers la terrasse pour guetter la fenêtre du voisin d’en haut.
–– Qu’est-ce qui s’est passé ?
Le simple fait de repenser à tout ce cirque dégueulasse me fatigue d’avance, d’où ce besoin de retrouver mon lit à baldaquin. Les filles m’y rejoignent, l’une avec plus de punch que l’autre. Lara déborde d’énergie ce matin.
–– Le prince charmant est en réalité un troll, voilà toute l’histoire.
Dove ricane, contre l’oreiller après m’avoir donné un coup de coudes.
–– Ça je le sais déjà, renchérit Lara, avec une pointe de tristesse dans la voix. Qu’a-t-il fait cette fois ?
–– Il a vomi sur ma terrasse figure toi. Et quand je suis allée lui demander des comptes, monsieur m’a traité de tous les noms d’oiseaux. Tu t’imagines ? Et dire que j’ai été amoureuse de ce looser…
–– Parce que tu ne l’es plus ? me questionne Dove, après s’être remise sur ses fesses pour attraper un des magazines entassés sur le chevet de mon lit.
La malice lui va si mal, même si elle reste l’un des plus beaux visages qu’il m’a été donné de voir lors de mes multiples voyages. Sa peau ébène ne souffrant d’aucune imperfection est du pain béni pour l’industrie de cosmétiques. Pas étonnant qu’elle soit restée l’égérie de la marque de Holy aussi longtemps. Que dire alors de son regard bourré de candeur ? Exception faite de cet instant où il me fout les boules, en général, il capte tout de suite l’attention, provoque inévitablement une remise en question personnelle et force l’admiration. Ses iris d’un noir étincelant sont assurément son atout le plus ravageur, bien que ce soient ses cheveux et sa peau son gagne-pain.
–– Ne raconte pas de bêtises petite fille. Pas sûre que tu aies assez d’expérience pour t’aventurer dans ces sentiers. Mariage, divorce et autres, ce sont des histoires de grands. T’as quel âge vingt-trois ans ? Vingt-deux ?
Je suis en train de mentir comme une arracheuse de dents. Parce que, ce qu’il faut savoir, c’est que la candeur dans les yeux de cette sirène noire, n’est qu’un paravent. Un des plus ingénieux qui soient. Dove est d’une maturité surprenante. Sa vie anciennement précaire et son statut d’aînée ne lui ont pas laisser autre choix que celui de grandir plus vite. C’est un esprit vif, une femme forte. Et cette force elle la tire de sa fragilité totalement assumée. Dwight n’y voit que du feu, et ce n’est pas plus mal.
–– Si tu le dis, se contente-t-elle répondre avant de trancher dans le général. Le problème avec les Tiger c’est qu’ils ont du mal à composer avec leur mortalité. Vos parents ont fait du beau boulot, mais ont quand-même oublié de vous apprendre que dans la vie, on perd souvent et que c’est OK.
J’ai longtemps été de cet avis, ça m’a d’ailleurs valu un nombre incalculable de disputes avec mes frères, mais aujourd’hui, mon jugement est tout autre. Certaines vérités ne valent pas pour tout le monde. Simplement parce qu’on n’a pas la même vie, les mêmes ambitions et les mêmes racines.
Quand on est un Tiger, c’est peut-être OK de tomber. Rester à terre par contre, ne serait-ce qu’une seconde, ça, c’est du suicide. Mais ça, elle ne le sait pas encore. Et peut-être ne saura-t-elle jamais. Les Tiger tiennent à leurs secrets comme à leur sang. Il n’est donc pas rare de souvent les fréquenter sans réellement les connaître. Ce qui a été un mal un jour, est devenu une force aujourd’hui. Constamment jugés pour un passé peu glorieux, les Tiger ont appris à ne compter que sur les leurs. Cela a créé au fil des années une aura d’inaccessibilité tout autour de ce que les médias appellent « le mystère Tiger », une espèce de sainte réclusion qui fait qu’on a juste envie de tout savoir sur eux. Mais comme aime à dire Dempsey « Les Tiger tiennent à leur vie privée, ils ne montrent que ce qu’ils veulent vous faire voir. »
–– Pas étonnant que tu sois née dans une famille pauvre, ne peux-je m’empêcher de répondre, pour la vexer et l’éjecter de ce couloir de réflexion. Ils disent souvent ça, les gens qui se contentent de vivre de peu, tout en se plaignant du rendu.
–– Moi au moins, je n’ai pas honte de ce que je suis.
La pique a immédiatement son effet sur moi. Brulée à vif, je me redresse sur mes coudes avec un empressement à la mesure de l’irritation qui fait battre anormalement mon cœur.
–– J’ai mal entendu, ou tu viens vraiment d’insinuer que je devrais avoir des raisons de m’avoir honte de ma famille ?
–– Tu vois, tu déformes mes propos, ça en dit long sur ce que je disais. Cette tendance à te fuir Danaé, c’est ça que je parle. Martha avait raison tout à l’heure. Tu dois sévèrement avoir honte de toi pour te cacher de la sorte. Et pas besoin de te montrer méchante avec moi. Je me casse de toute façon.
La bouche ouverte, je la regarde hébétée, envoyer valser mon drap fleuri et tracer la route jusqu’à la porte sur un pas aussi nonchalant que sa diction. Non mais, ils se sont données le mot pour me martyriser ce matin c’est ça ?
–– Avoir honte de moi ? Mais tu t’entends ? Je suis Danaé Tiger chérie, et je suis tout ce que tu ne seras jamais. Putain, elle se prend pour qui la gamine ? Mannequin de pacotille.
Et celle-ci claque la porte derrière elle, laissant un écho monstrueux dans la salle. Aussi monstrueux que la gêne et la colère qui s’en suivent.
–– Tu l’as entendu ? Elle me critique parce que j’ai fait de la chirurgie ?
Lara hausse les épaules, puis se met sur ses deux pieds.
–– On est supposé être en vacances, pas sur un ring de boxe. Vous m’avez gâché l’humeur, là c’est bon. Ne me mêlez pas à toutes vos histoires.
Bien sûr, elle n’en a que pour sa petite gueule cette connasse de toute façon. Aussi intéressée que je peux l’être, moi. Il n’y a que son imbécile de petit ami qui lui importe. Lui et le feu des projecteurs sur les grands podiums de mode. Voilà pourquoi elle préfère être proche de Holy. Avec elle, Lara peut avoir les deux, et ce sans avoir à se mouiller. Oui, parce que Holy elle, ne demande jamais rien à personne. Elle, elle donne.
Moi j’entends par là, se faire cambrioler par son entourage et rien d’autre. Ça ou, mendier l’amour. Là où la première allégation trouve sa vérité chez les étrangers, la deuxième colle parfaitement avec les gens qu’elle aime. Dépendante de l’attention de ses proches, la générosité de Holy pour moi n’est que le moyen le plus sûr qu’elle a trouvé pour obtenir en retour de la reconnaissance. Et ça se vérifie facilement, dans la maison, tout le monde l’aime.
–– Comme c’est pratique de rester neutre.
Elle roule des yeux, puis croise les bras sur sa poitrine, après avoir noué les cordes de son peignoir floqué de faux dollars. Son nez froncé m’indique qu’elle est déjà sur les nerfs, mais je n’en ai que faire. Moi aussi je suis sur les nerfs là, et je ne vais certainement pas me retenir de lui dire ses quatre vérités juste par souci de bienveillance. Je ne supplie personne moi. Tu m’aimes, tu restes. Dans le cas contraire, tu te barres.
–– De toute façon, vous n’êtes qu’une bande de jalouses. Des frustrées du derche et du portefeuille. Pas étonnant que mes frères vous malmènent à leur guise. Ça vous facilite la vie de toujours aller dans le sens qui vous arrange, non ?
Cette fois elle rit.
–– On ne t’appelle pas la reine des drames pour rien toi. J’en ai marre de tes airs de diva sérieusement, tu abuses. Moi aussi je m’en vais.
Aussitôt dit, aussitôt fait. Elle se met en marche, non sans ronchonner dans sa gorge des immondices, je suppose, en espagnol.
–– C’est ça, dégage. Je n’ai besoin de personne de toute façon. Je ne vous ai jamais demander de venir dans ma chambre d’abord.
Sur le point de refermer derrière elle, le top model s’arrête, un sourire provocateur figé sur le coin gauche de ses lèvres. Je peux y lire toute la condescendance de cette dernière, mais pas que… un peu de pitié aussi.
Je lui fais pitié, comme à trop de monde dans ce manoir. Voilà qui suffit à éteindre mes ardeurs de furies affamée.
–– Holy si, m’apprend-elle avant de tiquer. Mais crois-moi ma puce, tu vas finir seule si tu continues comme ça.
Le claquement de la porte me boucle définitivement le pif. Qu’est-ce que je disais ? Ils ont tous pitié de moi. Et mon voisin du dessus a bien raison sur un point, je suis aussi transparente que l’air dans le fond, même si je brille de mille feux dans les tabloïds et sur la scène mondiale. Hors de question de me morfondre, mal. Je porte mon fardeau depuis si longtemps qu’aujourd’hui, je peux presque affirmer qu’il s’est fondu dans ma masse corporelle naturelle.
Mon visage cherche la lumière du soleil vers l’immense baie vitrée et coulissante, donnant accès à la scène du crime commis par mon ex-mari. Pourtant c’est le vide que j’y trouve, le souvenir de tous ceux qui y étaient il y a encore quelques instants, avant de faire subir leurs colères à ma porte. Le vide, il me fait sourire. Il hante tellement ma vie, que j’en ai fait une addiction. Alors aucun départ n’est bien grave. Avec ou sens la foule, il m’étreindra toujours. C’est mon ami le plus fidèle…
Lui qui m’a souri dès mon premier réveil.
De retour avec ce nouveau chapitre. On en apprend un peu plus sur notre perso. Je ne crois pas qu'elle fera l'unanimité 😂. N'hésitez pas à me donner votre avis.
Je vous dis à la semaine prochaine. Le jour, je saurais dire, mais il viendra le chapitre c'est sûr. Portez vous bien et à très vite. Ciao !
Love guys 😜❤️
🖤🖤🖤
Alphy.
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