Chapitre 5




Bella avait presque honte de manger ainsi, comme une affamée. Seulement n'est-ce pas ce qu'elle était ? Une femme qui avait été laissé sans manger pendant plusieurs jours ? Privée de nourritures ?

Elle reposa la cuillère sur le plateau en savourant les dernières sensations de chocolat sur sa langue et chercha la bouteille d'eau pour boire quelques gorgées. Bientôt sa gorge se calma et les brûlures qu'elle ressentait depuis son enlèvement s'estompèrent enfin. Elle ignorait quoi penser de son geôlier mais devait reconnaître que c'était le seul qui lui avait donné de quoi se sustenter et qui avait fait venir un médecin pour l'examiner. Toutefois Bella restait sur ses gardes et espérait secrètement que Mirella lui donne quelques informations sur cet homme afin d'anticiper le pire. C'est-à-dire la mort.

  - Je vais vous guider mon petit, avait-elle dit après avoir déblayé les dégâts qu'elle avait causé au sol quelques heures plus tôt.

Bella esquissa un grimace douloureuse à cause de ses pieds blessés. Mirella la guida jusqu'à une autre pièce qui sentait bon. Plusieurs effluves comme la lavande et la rose éveillèrent son odorat tandis que Mirella avait pris son poignet pour la guider sur la gauche.

  - Est-ce que vous me faites confiance ? Demanda-t-elle tout doucement.

Étrangement Bella hésita quelques secondes avant d'acquiescer. Mirella était peut-être une femme bienveillante agissant comme une mère protectrice, mais Bella n'oubliait pas pour autant qu'elle était en quelque sorte du côté de son patron et complice de ce qui était en train de lui arriver.

Cependant, elle n'eut d'autre choix que de la laisser faire et d'être en quelque sorte ses yeux. Au moment où elle voulut la déshabiller, elle recula en sursautant et tourna la tête vers gauche puis la droite.

  - La porte est fermée, lui dit-elle sur un ton rassurant. Personne ne viendra nous déranger. Faites-moi confiance.

Tout doucement, Bella baissa ses bras le long de son corps pour la laisser faire tout en écoutant l'eau couler à sa droite. Mirella lui retira les bandages qui enveloppaient ses pieds et lui prit la main pour qu'elle prenne appuie sur la sienne.

  - Venez, murmura-t-elle en l'aidant à monter dans la baignoire.

La sensation de l'eau chaud sur sa peau était si agréable qu'elle se laissa glisser dans l'eau parfumé sans crainte ni appréhension. Elle était sale depuis des jours et cette sensation de pureté sur sa peau la combla. Seulement ce moment ne dura pas longtemps car Bella n'avait pas oublier son objectif qui était de savoir qui était l'homme qui la retenait prisonnière.

  - Mirella je vous en prie, dites-moi qui est cet homme, murmura-t-elle alors qu'elle rinçait ses cheveux enfin dépossédés de la saleté du lac dans lequel elle avait tenté de fuir.

Dans le silence qui accueillit sa question, Bella ferma les yeux avec désespoir et peur mêlées tout en ramenant ses genoux contre elle.

  - Massimo Di Marzio est le patron d'une des deux grandes mafias de l'Italie.

Bella redressa son visage lové contre ses genoux, un frisson redoutable parcourant sa peau. Son menton se mit à trembler et dans cette obscurité totale, elle se sentit soudainement encore plus vulnérable et en danger.

Elle se retint aux rebords de la baignoire pour résister à la peur qui voulait la faire bondir hors de l'eau.

  - Soyez sans craintes Bella, il ne vous fera pas de mal.

  - Comment pouvez-vous en être si persuadée alors qu'il...est un tueur ?

  - Oui c'en est un, confirma-t-elle calmement. Il tue ceux qui menace son pays, qui lui font déshonneur et qui ne respectent pas les règles. Cela ne s'applique pas à vous.

  - Dans ce cas pourquoi m'enlever ?

  - Par sécurité, répondit-elle en l'aidant à se lever et à enjamber la baignoire.

Elle lui enfila un peignoir fait de soie après l'avoir séché un peu et poursuivit.

  - Après la mort de son père, il lui a succédé et s'est juré de prendre la main sur le gouvernement corrompu pour prendre leur place. Il s'est mis d'accord avec l'autre chef de la mafia, Izario Lazzari pour prendre ensemble le pouvoir. Massimo ne voulait pas d'une guerre avec la plus ancienne mafia né en Sicile dix ans avant que son père fasse naître la sienne alors ils ont signé un accord qui garantit qu'ensemble ils protègeront le pays. Aucune erreur n'est permise et surtout pas lorsqu'un touriste est concerné. Les étrangers reviennent progressivement ici et pour Massimo aucun problème même le plus infime n'est permis. Aucune erreur ne peut être commise. Pour lui, seules les lois comptent.

  - Il craint pour son image aux yeux du monde ? Osa-t-elle demander.

Mirella eut un petit rire bref et concis.

  - Si le Signore Di Marzio se souciait de son image, ça ferait longtemps qu'il aurait pris sa retraite. S'il y a bien un homme sur cette terre qui se moque de ce que le monde peut penser de lui, c'est bien Massimo Di Marzio.

Bella se laissa emmener jusqu'au lit et s'allongea sur le matelas, la peur au ventre maintenant qu'elle connaissait l'identité complète de son geôlier.

  - Seules les lois comptent et il ne supporte pas quand celles-ci ne sont pas respectées.

  - Je n'ai pas enfreint ses règles, je ne les connais même pas et je suis...je ne peux pas vous voir.

  - S'il a décidé de vous garder c'est qu'il a de bonnes raisons de le faire, répliqua-t-elle doucement en remontant les draps sur elle.

  - Je ne veux pas rester ici, murmura-t-elle en dévisageant l'obscurité.

  - Je suis désolée ma tendre, je ne peux pas vous aider, lui dit-elle en lui caressant la joue. Mais je suis là, faites-moi confiance. Il ne vous fera pas de mal, tout ira bien si vous consentez à rester tranquille.

Bella tourna son visage pour fuir sa main sur sa joue et laissa la larme solitaire couler sur sa pommette et tracer un sillon jusqu'à l'oreiller.

  - Le temps me donnera raison, ajoute-t-elle d'une voix attristée par son rejet.

Elle ferma les yeux sans rien répondre et attendit qu'elle parte pour pleurer.

Encore et ce jusqu'à épuisement.

Massimo plaça sa main sur le lecteur et la bibliothèque s'ouvrit en deux. Il n'attendit pas qu'elle s'écarte complètement pour entrer dans sa pièce secrète et alla s'installer devant les cinq écrans d'ordinateurs pour entamer ses recherches.

  - Bon sang ! Mais qu'est-ce que c'est tout ça ?

Massimo ne se retourna pas pour accueillir Nikki, trop concentré sur l'importance de savoir si oui ou non la jeune femme lui avait menti sur son identité.

  - Tu disposes de combien d'armes exactement ? Demanda-t-elle d'une voix blanche en se penchant pour observer de plus près les grenades enfermée derrière un panneau de verre.

  - Suffisamment pour m'emparer de la maison Blanche.

  - Comment va-t-elle ?

  - Elle a fait plusieurs crises de panique, mais dans l'ensemble je maîtrise la situation.

  - En la menaçant ?

 Massimo tiqua, agacé par la réaction excessive de Nikki et pivota son siège pour la confronter.

  - Qu'ai-je dit à propos de ça il y a moins de quarante-huit heures ?

  - Elle est aveugle.

  - Ah donc si je suis ton raisonnement, ça ne t'aurais posé aucun problème que je fasse d'elle une captive si elle ne l'était pas ?

Nikki hésita trop longtemps et lui donna raison.

  - Ça me fait de la peine pour elle, c'est tout, se justifia-t-elle en saisissant un fusil d'assaut pour tester la lunette de tir. Ose me dire que ton cœur mort n'a pas été réanimé une fraction de seconde par la peine ou une émotion pour elle, Massimo.

  - Tu aurais dû aller te renforcer auprès d'Izario, pas auprès de moi, lança-t-il en ignorant ce qui apparaissait pourtant comme une vérité.

  - Parce que j'ai de la compassion pour une aveugle ? S'enquit-elle ébahie.

  - Non, parce que tu contestes ma façon de faire et je n'aime pas ça. je ne comprends pas pourquoi tu n'as pas suivi le conseil de Vladimir et que tu n'as pas choisi Izario.

  - Parce que je dois apprendre à être lente, marmonna-t-elle en reposant le fusil d'assaut.

Massimo dressa un sourcil amusé.

  - Apparemment c'est ce qu'il me manque, la lenteur de la torture, reprit-elle avec humeur. Vladimir m'a donné le choix entre deux sadiques, et pour ton information je suis allée voir Izario et c'est lui qui m'a dirigé vers toi. Il m'a dit et je cite " Sur une échelle de un à dix je suis à dix, mais si tu veux onze alors va voir Massimo. Moi je suis vif et radical, lui aime quand c'est lent. "

Un sourire diabolique et arrogant s'incurva sur les lèvres du mafieux.

  - Il est vrai qu'il est plus implacable et catégorique quand il s'agit d'en finir avec un ennemi, dit-il en croisant les bras. Moi j'aime quand c'est lent et j'adore prendre mon temps. J'ouvre je m'arrête, j'ouvre je m'arrête, je fais une pause puis je recommence et ce jusqu'à ce que ses yeux deviennent tout blanc.

Nikki le dévisagea la bouche entrouverte, le regard inquiet alors qu'il souriait fièrement.

  - Quoi qu'il puisse se passer avec la fille, je t'en prie Massimo, si tu ne veux pas qu'elle meure d'une crise cardiaque, ne lui raconte jamais ça.

Massimo tourna son siège sans se départir de son sourire qui retomba seulement lorsqu'il se consulat les écrans.

  - Qui est-ce ?

  - Ma princepessa a dit la vérité. Elle s'appelle bien Isabella Hudson.

Nikki se plaça à sa droite pour consulter les informations tout comme il le faisait dans un silence profond.

  - Sa mère est morte en la mettant au monde, elle ne connaît pas son père qui ne s'est jamais manifesté. Placée dans un orphelinat, elle perd la vue à l'âge de huit ans dans un accident de bus dans lequel cinq enfants ont perdu la vie lors d'une sortie scolaire, résuma Nikki en se tournant vers lui.

Massimo se frotta la barbe lentement, les yeux rivés sur le premier écran.

  - Dix-sept ans plus tard, la voilà entre les mains du pire mafieux que dieu a créé. Tu n'as toujours pas de compassion Massimo ?

  - Dix-sept ans plus tard, elle a été enlevée puis vendue avant que le pire mafieux que dieu a créé la sauve d'un destin bien plus cruel que d'être tombée entre mes mains, rectifia Massimo en fixant Nikki d'un air grave sous lequel elle céda.

  - Tu as raison, soupira-t-elle en jetant ses mains dans le vide, je n'arrive pas à être rationnelle parce qu'elle a un handicap.

  - Dans ce cas tu vas rester loin d'elle, décréta Massimo sur un ton impérieux. Du moins le temps que je gagne sa confiance. Je ne peux pas prendre ce risque.

Nikki soupira l'air contrarié mais abdiqua sous le regard orageux du mafieux.

  - Pourquoi tu ne vas pas te détendre un peu ? Proposa-t-il en coupant les écrans. Va au club pour boire un verre ou retrouver Allegra.

  - Allegra ? Pourquoi précisément elle ? S'enquit-elle sur défensive.

  - Je ne sais pas, dit-il en haussant des épaules nonchalamment. Peut-être parce que chaque fois que tu poses ton regard sur elle tu te lèches les lèvres comme si tu brûlais de lui dévorer l'abricot. Et quand je dis " abricot " je veux dire par-là...

  - Je crois que j'ai compris ! Merci beaucoup ! Le coupa-t-elle gênée. De toute façon je ne pense pas que Allegra soit intéressée par les femmes.

  - Ça c'est parce que tu n'étais pas là il y a un an, rétorqua Massimo en marchant vers la sortie. Sinon tu saurais qu'elle aime autant les hommes que les femmes, termina-t-il en refermant la bibliothèque.

Nikki ne masqua pas sa curiosité après cette information, mais Massimo en resta là, désireux qu'elle se lance dans des recherches assez longues pour qu'elle reste loin de la fille.

Il raccompagna Nikki jusqu'au grand portail sécurisé puis décida de rester quelques minutes seul devant la villa pour réfléchir.

  - Signore ?

  - Comment se porte-t-elle ? S'enquit-il depuis le banc en fixant Mirella s'avancer.

  - Elle a mangé, et je lui ai fait prendre un bain.

Massimo fit tomber son regard sur ses mains quelques tortillait nerveusement et la soupçonna de lui cacher quelque chose.

  - Dites-moi ce qui vous tracasse autant, ordonna-t-il d'une voix posée.

  - Je...j'ai fini par lui dire que vous étiez de la mafia Signore, lâcha-t-elle nerveusement, le regard désolé. Elle n'arrêtait pas de me supplier pour savoir et je n'ai pas pu résister.

Il esquissa un fugace sourire en se levant.

  - De toute façon elle l'aurait su tôt ou tard, dit-il d'une voix plate. Il est temps d'aller vous reposer Mirella. À demain.

Elle lui sourit en exécutant une révérence maladroite et le quitta en le laissant reprendre ses réflexions.

La nuit tomba sur Messine lorsqu'il rentra à l'intérieur de la villa et le calme qui contrasté avec le vacarme qui avait eu lieu quelques heures plus tôt l'incita à monter jusqu'à l'étage où se trouvait la jeune femme. Avec une extrême délicatesse il ouvrit la porte et pénétra dans la chambre plongée dans l'obscurité. Sur le lit, une silhouette était visible de là où il se tenait et il s'approcha les poings serrés. Les rais pâles de la lune éclairaient la silhouette recroquevillée sur elle-même et quand il glissa son regard jusqu'à son visage il fut satisfait de découvrir qu'elle s'était endormie sans doute d'épuisement. Alors sans bruit, Massimo fit demi-tour en ignorant ce pincement au cœur qu'elle n'avait de cesse d'allumer en lui et qu'il devait faire taire à tout prix...


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