Chapitre 41
Le couloir s'étendait sur une dizaine de mètres et c'est seulement quand il s'avançait que les lumières au plafond s'allumaient avec un petit grésillement persistant. En voulant connaître le passé de Bella, il ne s'était pas imaginé quelque chose d'aussi sinistre. Savoir qu'elle avait passé sa vie ici et ce depuis l'âge de huit ans le rendait maussade et en colère d'avoir crû possible qu'un destin bien plus beau pouvait l'attendre ici.
Cependant il avait vu dans son regard quelque chose s'illuminer face aux enfants, comme s'ils étaient ceux qui lui manquaient pour être totalement comblée à ses côtés. Massimo ne voulait pas lui retirer ça et savait qu'elle finirait tôt ou tard par lui réclamer ce manque à sa vie. Trop de sacrifices composés cette histoire qui avait débuté dans les ténèbres. Massimo ne se sentait pas égoïste de l'avoir fait prisonnière, mais plutôt coupable d'avoir un jour osé la faire souffrir. Il ne savait pas comment réparer ça et ni comment lui faire réaliser qu'elle s'apprêtait à donner la seconde partie de sa vie à un monstre. Bientôt il serait confronté à ce moment qu'il craignait depuis qu'elle avait recouvré une partie de sa vue et la réaction qu'il redoutait de voir sur le visage de la jeune femme l'obsédait jusqu'à en perdre le sommeil.
Le diable obscur qui dormait en lui pouvait à tout instant se réveiller et être l'auteur d'une boucherie sans précédent. Dans ce genre de situation, Massimo n'éprouvait rien, pas même une once de culpabilité et son raisonnement demeurait toujours le même. Froid et détaché.
Seulement qu'adviendra-t-il du diable lorsque la belle innocente sera devant lui pour confronter sa monstruosité ?
Massimo serra les dents en marchant plus vite dans le couloir avant qu'un son provenant au fond de celui-ci l'invite à ralentir le pas. Sans s'arrêter de marcher, il tendit l'oreille pour déterminer le bruit en question et crut reconnaître des gémissements de peur. Des gémissements terrifiés d'un enfant.
Sans perdre un instant il accéléra jusqu'à la porte entrouverte et distingua au loin le chiffre et la lettre qui correspondaient aux informations données par Théodora.
D'ordinaire Massimo se serait glissé contre le mur en prenant le temps de vérifier et d'étudier chaque détail de la situation mais les petits sons étouffés de l'enfant le poussèrent à agir vite.
Il poussa la porte entrouverte et découvrit une scène qui déjà ouvrait la place au diable émergeant déjà en lui comme le sursaut d'un réveil inévitable.
- Qu'est-ce que vous faites ? S'enquit-il les dents serrées en fixant l'homme d'un regard ouvert aux ténèbres et lisible dans le fond de ses yeux.
Il tenait le petite fille contre lui, un bras passé sur ses épaules et le canon d'une arme posé sur ses cheveux blonds.
- Vous me pensez idiot à ce point !
Massimo fit craquer sa nuque, les poings serrés jusqu'à faire blanchir ses phalanges.
- Sì bastardo ! Tu en es un !
Si la rage s'offrait à la sourde colère qui voilait ses yeux d'une couleur rougeâtre, Massimo ne pouvait pas oublier qu'ils n'étaient pas seuls dans la chambre immaculé et pourtant si sombre.
Il abaissa son regard sur l'enfant et sa respiration s'affola.
- Sarah mon ange c'est le monsieur avec la barbe qui pique.
Elle leva son regard plongé dans le noir vers lui, l'expression effrayée, une moue aux lèvres. Cette image acheva de lui lacérer le cœur et de lui rappeler celle de Bella au bord de ce lac et plongée dans les ténèbres.
- Tout va bien se passer Sarah, fais-moi confiance.
- Je voulais juste ramener le pull, pleurnicha la petite fille effrayée.
- Laissez cette petite fille partir ! Ordonna-t-il en braquant son regard noir dans le sien.
- Je ne vais pas la laisser gâcher mes chances de gagner cette élection pour une bande d'aveugles ! Ramenez-moi immédiatement la fille ou je lui colle une balle dans la tête !
Lui n'avait aucune importance, mais Sarah oui. Alors au lieu d'envenimer la situation Massimo tendit sa main vers la petite Sarah.
- Ça va aller Sarah je te le promets.
- Depuis quand un homme qui arrache des têtes se soucie d'une pauvre orpheline qui ne manquera à personne, lança George Stanford avec un rire qui d'apparence semblait moqueur mais qui était trahi par les gouttes de sueurs sur son front.
Massimo lui adressa un regard démoniaque, un rictus menaçant aux lèvres.
- Je vous jure que si vous ne la relâchez pas immédiatement...je vous promets une mort telle qu'il faudra des semaines pour nettoyer cette chambre, articula Massimo le visage tremblant de rage.
George Stanford pâlit et pressa le canon un peu plus sur ses cheveux blonds. Elle pleura alors et des flashs du passé se mirent à le déstabiliser. Des flashs de la jeune femme en train de pleurer en le suppliant de la laisser partir.
Il secoua la tête pour recouvrir ses esprits.
- Il me faut Isabella Hudson immédiatement alors si vous voulez cet enfant il va falloir vous plier à mes exigences.
À ces mots qui lui demandaient de se soumettre, Massimo se vida de toutes émotions qui pourraient lui faire obstacle pour ce qui allait suivre, mais avant ça, il fallait qu'il protège Sarah.
- Vous avez entendu ce que je viens de vous dire !
La cruauté sur son visage devint alors si incontrôlable que même ses muscles s'en retrouvèrent tétanisés.
- Sarah, regarde-moi dans les yeux, ordonna-t-il d'une voix qu'il eut peine à contrôler. Lève le regard, juste encore une fois.
La petite fille effrayée trouva son regard sans pourtant le voir, mais c'est ce qu'il voulait.
- Je veux que tu comptes jusqu'à trois et ensuite je veux que tu couvres tes oreilles. Je veux que tu chantes ta chanson préférée mon ange et que tu la chantes jusqu'à ce que je te dise de t'arrêter.
- Oui, dit-elle effrayée en commençant à compter.
- Qu'est-ce que vous faites ! S'enquit Stanford en pointant son arme sur lui puis sur la petite fille. Vous voulez que je la tue c'est ça !
Une fois sûr que la petite Sarah exécutait bien son ordre, dès qu'elle commença à chanter, Massimo sortit son arme qu'il avait modifié pour qu'elle soit silencieuse et tira dans l'épaule de George Stanford.
Il tomba en arrière ce qui libéra la petite fille. Massimo s'empressa de la soulever par les bras pour la déplacer sur le côté alors qu'elle continuait de chanter.
Stanford essaya de se révéler en tenant son épaule pour reprendre son arme.
Il donna un coup de chaussure dans l'arme qui glissa sous le lit puis plaça son genou sur son torse pour le plaquer au sol.
La peur grimait son visage tout comme la douleur qu'il exprimait dans un souffle coupé. Tiré dans les ténèbres, Massimo sortit sa deuxième arme et savait déjà que rien ne pourrait l'arrêter. Le regard impénétrable où seule la rage avait sa place, il lui attrapa le visage avec ses mains pour écraser la naissance de ses doigts dans sa peau rouge et bouffie.
- Personne, je dis bien personne ne me donne des ordres ! Siffla-t-il tout près de son visage alors que le sien tremblait si fort qu'il savait que le seul moyen de l'arrêter c'était le sang, la mort, les ténèbres. Son monde.
Au premier coup de lame, d'autres suivirent et l'odeur du sang enveloppa la chambre étroite. Habitué à sentir ce parfum métallique, il continua de le trancher en savourant ses cris étouffés par le sang qui émergeait de sa bouche tandis que ses yeux exorbités continuaient de le supplier.
Rien ne pouvait l'arrêter et il continua même s'il sentait sur son visage les gouttes de ce meurtre sillonner ses traits jusqu'à ce qu'une petite voix le ramène à lui.
- Il y a longtemps que je t'aime, jamais ne t'oublierais...
Massimo se retourna, la respiration sifflante et la colère quitta son visage remplacé par la douleur de l'image que Sarah lui renvoyait.
Elle continuait de chanter cette comptine, les yeux levés sur le plafond, les mains sur les oreilles.
Elle lui renvoyait sans cesse le visage terrifié de Bella alors qu'elle chantait avec innocence au milieu du chaos. Massimo se leva de la marre du sang en voyant celle-ci couler en direction de ce petites chaussures.
- Viens là...
Il la souleva dans ses bras et elle ne s'arrêta pas pour autant de chanter. Massimo voulut remettre une mèche de ses cheveux derrière son oreille mais ses mains ensanglantées l'en empêchèrent.
George Stanford était mort, sa promesse était sauve, mais à quel prix ?
Il quitta la chambre et referma la porte en baissant les yeux sur cette flaque de sang qui le suivait comme si elle cherchait à lui rappeler qui il était et ce qu'il continuera d'être jusqu'à sa mort.
À l'autre bout du couloir Bella déplaçait les plateaux repas sur les chariots lorsque Théodora plaça une main sur son épaule.
- Il veut que nous et les enfants allions en Italie pour s'y installer.
- Massimo ? S'enquit-elle le cœur battant de surprise.
- Oui, il dit que tu as besoin de nous et que ça serait mieux pour les enfants. Tu en penses quoi ?
- Oui ! Dit-elle dans un souffle heureux. J'en pense que c'est une excellente idée, tu devrais accepter.
Théodora sourit en croisant les bras. Bella quant à elle ne savait pas comment interpréter précisément le soulagement qui l'empêchait réfléchir. Cette proposition n'était pas seulement le début d'une nouvelle vie pour les enfants, Joe et Théodora. Il s'agissait aussi de la sienne.
- Dans ce cas il va falloir que je prévienne George Stanford que je refuse sa proposition de rénovations. Il est là.
- Quoi ? Souffla Bella le visage blême. Il est ici ? Où ça ?
- Il est...oh mon dieu ! S'écria Théodora en mettant ses mains sur sa bouche.
Elle se retourna pour regarder ce qu'elle fixait avec horreur. Bien qu'elle hoqueta, Bella n'eut aucune autre réaction face à ce qu'elle avait tant de fois redouté de voir sans jamais savoir quand ce jour arriverait.
Aucun des enfants présents ne pouvait le voir alors que les ténèbres avançaient, portant dans ses bras un être innocent.
Son visage suintait de gouttes de sang...un visage impénétrable et dont les yeux ne la regardaient pas. Ses mains accrochées à Sarah avaient contaminées le tee-shirt rose qu'elle portait.
Les larmes aux yeux, Bella ne ressentit ni terreur ni dégoût alors qu'il en avait tant peur.
- Jamais je ne t'oublierai, chantonna Sarah dans le silence qui régnait, les mains sur les oreilles.
- Tu peux arrêter de chanter mio angelo, dit-il doucement en écartant l'une de ses mains. Tenez, prenez-là, dit-il ensuite en la plaçant dans les bras de la directrice.
- Que s'est-il passé ! Mon dieu !
- Il y avait un méchant dans la chambre de mademoiselle Bella. Le monsieur à la barbe qui pique m'a dit de chanter.
Bella ne parvenait pas à détacher son regard de lui...lui qui ne la regardait toujours pas.
Il y avait sentiment de gêne dans son regard, un sentiment mal être qui la bouleversa.
Enfin, il se tourna vers elle et se plaça en face d'elle. Sa carrure projetait des ombres sur elle. Il la couvrait de son enveloppe diabolique alors que dans ses yeux se formaient des lueurs de crainte.
Il se mit à fuir son regard comme un monstre refusant d'être observé, refusant de se montrer sous lumière du jour alors que sa respiration avait l'air pénible autant pour lui que pour elle de l'entendre.
Soudain il souleva ses yeux noirs dans les siens là où se formaient un voile humide qui la bouleversa.
Le grand et implacable Massimo avait dans les yeux un voile d'émotion qu'il retenait avec les restes d'une rage perceptible dans ce sang qui à quelques endroits de son visage commençait déjà à sécher.
Il tendit sa main rouge sang vers elle, les narines frémissantes, de multiple émotions sur son visage.
- Je t'aime, déclara-t-il d'une voix profondément guttural et douloureuse. Rentrons à la maison maintenant.
Bella n'eut pas le cœur à le faire souffrir plus longtemps car il attendait simplement de savoir si cette vision de lui la ferait partir loin de lui et terrorisée à jamais.
Seulement elle l'aimait à jamais.
Alors elle plaça sa paume de main dans la sienne en ignorant le sang qui s'y trouvait.
- Moi aussi je t'aime et je veux rentrer à la maison, lui dit-elle les yeux larmoyants.
Ces mots suffirent à le soulager même s'il ne le montra pas immédiatement. Il la serra dans ses bras, balaya ses cheveux en arrière, caressant tout ce qu'il pouvait caresser d'elle sans jamais l'embrasser.
Il le fit pourtant, quelques minutes plus tard après s'être essuyé le visage et ne cessa plus de le faire.
- Ti amo mia principessa, ti amo, chuchota-t-il encore une fois.
Elle leva la tête pour le regarder et ne supportait plus de voir cette expression douloureuse sur son visage.
- Je ne peux pas changer, mais je peux m'améliorer, dit-il en prenant son visage en coupe. Tu mérites tout ce qu'il y a de bon sur cette terre et malgré les ténèbres, je peux te le donner.
- Tu me le donne déjà Massimo, lui dit-elle des trémolos dans la voix.
- Pas suffisamment et Sarah me l'a prouvé.
Il vint cueillir ses lèvres une nouvelle fois puis caressa ses pommettes.
- Tu m'as donné la rédemption dont j'avais besoin, c'est à mon tour de te prouver que tu n'as pas fait tout ces sacrifices pour rien.
Il marqua une pause dans laquelle elle posa ses mains sur son manteau malgré les tâches de sang humides sur ce dernier.
- J'exige que tu deviennes ma femme pour commencer.
Bella émit un petit rire.
- C'est une demande ou une menace ?
- C'est une volonté suprême que tu te dois d'accepter, répondit-il d'une voix rauque en arborant un sourire diabolique.
- Alors si je n'ai pas le choix, dit-elle en haussant des épaules.
L'un l'autre reprit leur sérieux ainsi que l'émotion qui l'accompagnait. Une émotion figée dans le temps et qu'elle voulait ressentir jusqu'à son dernier souffle.
- Je passerai ma vie à te le prouver, ajouta-t-il dans un murmure en collant son front au sien.
Scellant cette promesse à jamais...
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