Chapitre 35




Plus tard dans la journée, Bella se réveilla plus reposée et plus sereine pour une raison encore indéfinie. Elle sentit une prise autour de son corps, comme une armure en acier voulant la protéger. En recouvrant ses esprits, elle s'aperçut qu'elle était lovée dans ses bras, serrée contre lui et que cet homme imprévisible dormait. Son visage n'apparaissait pas moins dur que lorsqu'il était animé d'expressions inébranlables et parfois implacables. Il avait l'air tout simplement de dormir. Bella se redressa légèrement en essayant de ne pas le réveiller, mais un simple mouvement suffit à lui faire ouvrir brutalement les yeux. De si près, elle pouvait voir chacun de ses traits ciselés, elle pouvait tracer avec sa vision neuve le sillon impressionnant de ses mâchoires ombragées de barbe.

Il prit une profonde inspiration lui donnant l'air de n'avoir jamais dormi.

  - Comment tu te sens ? S'empressa-t-il de lui demander.

  - Mieux, ma tête va mieux, murmura-t-elle en essayant de se redresser.

Il l'en empêcha en refermant un peu plus son bras sur sa taille et lui imposa de le regarder.

   - Nous allons devoir parler Bella, une conversation calme, apaisée car je ne supporterais pas qu'il t'arrive un autre malheur comme celui de ce matin.

    - Je ne veux pas parler si cela inclus que...

    - Il le faut pourtant, la coupa-t-il en se détachant d'elle. Il faut en parler.

Il ne lui laissa pas le choix et se leva pour faire le tour du lit. Sans effort il la souleva et il descendit l'escalier pour rejoindre la cuisine. Le petit-déjeuner qu'il lui avait servi plus tôt dans la journée était encore sur la table, lui donnant l'impression que le temps s'était figé dans cette pièce.

  - Il faut que tu manges, insista le mafieux en la déposant sur la chaise.

Elle mourait de faim, mais avait l'estomac nouée. Nouée d'une douleur insupportable. Il balaya l'assiette sur la droite et alla ouvrir le frigidaire pour fouiller à l'intérieur.

Quelques minutes plus tard Bella se retrouva devant une assiette de pâtes à la bolognaise qu'elle commença à déguster malgré l'important regard du mafieux posé sur elle.

  - Tu as l'air d'avoir tellement faim.

Sa remarque avait l'air inquiète et suspicieuse.

  - C'est un effet secondaire du traitement, je ne vais pas m'en plaindre, explique-t-elle avec un sourire timide.

  - Il y en a d'autres ?

  - Frissons, vertiges, fatigue, mais je commence à m'y habituer.

Massimo n'arrivait pas à détacher son regard de la jeune femme. Maintenant que la colère était quasiment estompée, il découvrait la jeune femme sous un jour différent. Sa beauté donnait l'impression d'être renforcée par différents changements sur son visage. Ses joues roses semblaient plus pleines, ses cheveux avaient nettement gagnés des centimètres qui lui donnaient un air sauvage mêlé à de la candeur. Il brûlait de pouvoir capturer sa bouche et de lui imposer sa volonté. Jusqu'à l'obsession, cette femme le rendait différent. Parfois plus dangereux et d'autres fois plus doux et clément. Cette appétit vorace qu'elle lui inspirait depuis le commencement l'avait forcé à son départ à le compenser avec une autre dose d'adrénaline.

Vincenzo n'avait pas peut-être raison...il avait tout simplement compris avant lui.

Même sa façon de manger le captivait jusqu'à l'obliger à crisper les mâchoires pour endiguer le flux de désirs qui coulait dans ses veines. Quant à ses yeux...Massimo ne les avait jamais trouvé aussi magnifique depuis qu'elle pouvait enfin trouver les siens. Il y avait plus de lueurs d'émotions dans cette nuance azur et quelque fois turquoise. Maintenant qu'elle pouvait voir, la jeune femme était prise d'assaut par des réactions qu'elle ne pouvait cacher.

  - Tu voulais que l'on parle non ?

Il quitta sa torpeur pour la remplacer par une autre, mais cette fois-ci Massimo devait impérativement se concentrer.

Il manquait une pièce au puzzle, et il essayait en vain de trouver laquelle. De par son comportement parfois troublant la jeune femme donnait l'impression de fuir quelque chose ou quelqu'un.

De plus, il n'avait pas oublié la phrase assassine qu'elle lui avait lancé la veille avant qu'il parte de la chambre.

" C'est de ta faute "

Massimo devait à tout prix comprendre et pour cela il n'avait pas d'autre choix que de lui faire perdre le cours de ses pensées. Il fallait qu'il la piège pour l'obliger à lui dire la vérité.

  - Pourquoi tu as décidé de quitter le centre ? Est-ce que c'est définitif ?

Les joues pleines, elle cessa de manger ce qu'elle avait dans la bouche et déglutit péniblement. Son regard se voila d'une peur qu'elle tentait en vain de lui cacher. Ensuite vint la tristesse.

Massimo s'en voulu aussitôt, mais tint bon.

  - Si tu veux que je retourne au centre tu ferais mieux de le dire Massimo.

Sa voix s'était mise à trembler, mais il l'ignora.

  - Bella...

  - Non je t'en prie ! Dit-elle en lâchant les couverts qui retombèrent bruyamment dans l'assiette. Je t'en supplie ne répète pas encore une fois que je n'aurais pas du venir. Combien de fois vais-je devoir me répéter ?

Elle se massa les tempes en fuyant son regard.

  - Si tu me dis encore une fois que je n'aurais pas dû revenir parce que tu es un monstre, je te plante la fourchette dans les yeux.

Bien que cette réplique était sujette à rire, Massimo garda son sérieux.

  - Quand je ne voyais pas, je pouvais sentir l'odeur du sang qui semblait constamment te suivre comme une aura fait de ténèbres. Le jour de mon départ, cette odeur était présente lorsque tu m'as dit au revoir. L'habitacle sentait la rouille mêlée à une accumulation de chaleur.

Elle ne le regardait pas dans les yeux comme si elle en avait besoin pour aller au terme de son discours.

  - Je ne t'ai pas vu faire toutes ces choses, comme tuer les hommes qui me retenaient dans cette maison, ou bien encore lors de la fusillade à l'extérieur de la villa lorsque tu as tout fait pour me protéger. Je ne t'ai pas vu séparer la tête du corps de Domizio et pourtant je te savais monstrueux et sadique. Quelle différence ça fait aujourd'hui ? Je n'en trouve pas parce que ce n'est pas comme si je découvrais ce dont tu es capable et ce que tu es.

À bout de souffle, Bella se passa une main dans ses cheveux et fut contrainte de relever les yeux parce que son silence insupportable l'empêchait de respirer. Hélas, son regard intrigué et rembrunit n'arrangea rien.

Il la dévisageait avec une telle intensité qu'elle avait l'impression qu'il était en train de dévorer son âme.

  - Quoi ? Qu'est-ce que j'ai dit encore ?

  - Je ne t'ai pas parlé de Domizio avant ton départ, commença-t-il l'air très sérieux. Pour tout dire je ne t'ai rien dit du tout quant aux plans de vengeance que j'avais en tête. La seule chose qui s'est passé ce jour-là c'est moi le visage ensanglanté qui te fais des adieux et toi aveugle assise sur la banquette.

Bella blêmit, le cœur battant jusqu'à le sentir frapper dans ses tempes et elle réalisa trop tard qu'elle venait de faire une énorme erreur.

  - Bella, la prévint-il l'air un peu menaçant. Comment as-tu pu savoir la façon dont je l'avais tué ?

Elle se mordit la lèvre jusqu'à sang, la respiration erratique et sous le regard pesant de l'homme.

  - Le jour où ce médecin est venu me voir pour m'expliquer qu'il pouvait m'aider à recouvrer la vue, un homme m'a rendu visite, commença-t-elle la voix enrouée. George Stanford, il m'a dit s'appeler George Stanford. Il savait pour moi, il m'a retrouvé parce que avant que tu te débarrasse de Domizio, il lui avait donné des informations sur moi.

Le regard du mafieux était peu à peu consumé par une noirceur terrifiante.

  - C'est un ami de l'homme qui m'a acheté, reprit-elle en peinant à soutenir son regard. C'est lui qui s'est chargé de me trouver sur le dark web pour son ami. Si...s'il m'a rendu visite c'est pour me menacer parce qu'il veut se présenter en tant que Sénateur ou gouverneur je ne sais plus, car à ce moment-là j'avais tellement peur...

  - Il t'a menacé ? S'enquit-il l'expression dure.

  - Il m'a menacé pour que je me taise sur cette histoire parce qu'il ne veut pas que ça puisse compromettre sa course politique.

  - Il t'a touché !

Ce n'était pas une question, mais presque une affirmation avant même de connaître les détails.

  - Il m'a fait des allusions déplacées, répugnantes même, avoua-t-elle après avoir pris une inspiration douloureuse.

La colère ne montait plus, elle était là, présente dans ses yeux, sur le rictus qu'il avait au lèvres, mais il fallait qu'elle continue.

  - Il a commencé à dire qu'il reviendrait au centre, soi-disant pour jeter les projecteurs sur la vieille structure de l'immeuble et les conditions des enfants ainsi que la mienne, mais à ce moment-là j'ai compris que ce n'était pas pour ça qu'il voulait revenir. Je me suis sentie incroyablement vulnérable et j'ai fini par accepter l'intervention. Il fallait que je le fasse et même si un fragment conséquent de mon être l'a accepté pour te voir, une grande partie voulait cette opération pour me donner une chance de me protéger ainsi que les enfants. Massimo il fallait que je protège les enfants de cet homme et la seule façon de le faire c'est en partant loin du centre.

Bella ne savait plus si elle devait poursuivre ou non. C'était comme si une tempête orageuse allait bientôt s'abattre et qu'il n'y aurait aucun moyen de l'arrêter.

  - Je devais fuir pour protéger Théodora et les enfants, ajouta-t-elle difficilement. Au début je ne savais pas où aller avant que le cœur l'emporte sur la raison. Je me suis dit que tu ne m'en voudrais pas d'avoir failli à ma promesse parce que...parce que tu avais failli à la tienne.

Ces dernières paroles le firent se lever violemment et la chaise se renversa en arrière. Elle n'essaya pas de le rattraper, jugeant qu'il valait mieux le laisser seul.

Son cœur se mit à marteler ses tempes et elle s'ordonna de se calmer au risque de se déclencher une nouvelle crise.

Désormais il connaissait toute la vérité et elle se sentait soulagée, libérée d'un poids.

Les mains moites, elle prit la fourchette pour se sustenter davantage parce qu'il le fallait.

Elle resta assise pendant plus d'une heure avant de prendre la décision de se lever pour quitter la cuisine. Elle remonta l'étage et alors qu'elle progressait dans l'escalier, la voix de l'italien pourtant si loin résonnait dans chaque étage. Elle ne pouvait pas clairement comprendre ce qu'il disait mais sa voix dure et claquante ne faisait pas de doute sur la teneur de l'échange. Cela ne l'empêcha pas de suivre cette voix dans laquelle le flux de colère résonnait contre les murs de pierre et s'arrêta au seuil d'une porte entrouverte. Elle l'ouvrit au moment où le silence remplaça le tonnerre.

  - Je suis désolée.

  - Être désolée pour quelle raison ? S'enquit le mafieux en faisant volte-face.

Sa cécité l'avait privé de toutes les émotions qui traversaient le mafieux. Aujourd'hui elle pouvait les voir.

Ses traits ciselés étaient d'une dureté sans précédent et malgré ça, elle trouva le courage de s'avancer.

  - Tu avais raison principessa, je n'ai pas tenu ma parole, et je t'ai mise en danger ! Je t'ai livré à un homme qui t'a choisi lors de la vente ! Je suis le seul coupable et pour bien d'autres choses.

Bella abaissa son regard sur le sillon de veines sur son cou qui palpitaient et ne put s'empêcher d'ignorer la chaleur nouvelle sur son visage.

  - Qu'est-ce que je dois faire ?

  - Rien ! Claqua l'homme en respirant comme un animal féroce. Tu vas obéir à mes consignes et tu vas rester ici en sécurité.

  - Je vois que tu es toujours autoritaire.

  - Et je compte bien l'être davantage dorénavant, la prévint-il les yeux transpercés de lueurs incendiaires.

C'était sa façon à lui de s'excuser et de se punir, songea-t-elle en approchant plus près.

  - Je dois protéger les enfants et si tu décides d'agir sous l'impulsion et qui leur arrive...

  - Je suis peut-être imprévisible, mais je sais prendre en compte les victimes quand il peut y en avoir Bella, la coupa-t-il sur un ton acerbe. Je vais protéger les enfants, mais ma priorité c'est toi.

  - Et ensuite ? Tu vas te débarrasser du dernier méchant de l'histoire et ensuite ?

  - Ensuite on avisera la situation, dit-il sur le même ton.

  - Puis-je savoir pourquoi tu es si en colère contre moi ?

  - Parce que tu aurais dû me le dire plus tôt ! Tu aurais dû m'en informer dès cette visite qui aurait pu mal tourner.

  - Et comment ? Je n'ai même pas ton numéro de téléphone.

Voyant qu'il perdait pied et qu'il n'était pas en état de parler, Bella fit demi-tour pour quitter son bureau.

Une main ferme la rattrapa par le bras.

  - Je t'ai laissé seule, je n'ai pas tenu ma promesse, je t'en prie laisse-moi le temps de faire face à cette énième vague de culpabilité.

Sa voix s'était radoucie et elle décida d'en tenir compte. Elle acquièsça, mais dans le fond elle aurait voulu qu'il l'embrassa, qu'il lui dise que plus jamais elle le quitterait. Hélas le mafieux n'était pas un homme normal et c'est justement ça qui l'avait fait tomber en amour pour lui...

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