Confortablement installé sur la banquette Massimo observait avec un regard presque assassin ceux qui se mouvaient sensuellement parfois en couple ou seuls sur la piste de danse. Si d'apparence le mafieux restait impassible, à l'intérieur il brûlait d'agacement. Quelque chose manquait cruellement à sa vie et pour le combler il se mit à chasser sa prochaine victime. Nikki interrompit ses recherches en s'installant entre lui et Vincenzo.

Il se déplaça sur la banquette pour lui laisser de la place et reprit ses recherches.

  - Qu'est-ce que tu fais ? Demanda-t-elle en prenant son verre.

Massimo fit craquer sa nuque en poussant un long soupir.

  - Je cherche une proie, j'ai besoin de faire couler le sang, j'ai besoin de me défouler.

  - Parmi une foule de personnes en train de danser ?

  - Crois-moi il y a toujours quelqu'un parmi une foule d'innocents qui possède de vilain secrets, dit-il avec nonchalance en crachant sa fumée de cigarette vers cette foule en question.

  - Ça fait des semaines que tu fais couler du sang.

  - C'est son métier, précisa Vincenzo l'air détendu.

  - Parfaitement, c'est mon métier, confirma Massimo avec l'esquisse d'un sourire diabolique.

  - D'ordinaire tu ne fonctionnes pas comme ça, précisa Nikki l'air troublé. D'habitude tu attends que tes hommes te les ramènent ou qu'ils te donnent toutes les informations utiles pour les trouver.

  - Eh bien j'ai décidé de changer de méthode, annonça-t-il en tournant la tête dans sa direction. Maintenant j'ai décidé de ne pas attendre que mes proies viennent à moi, je viens à elle.

  - Ce qui me fait penser que tu cherches à combler un vide.

Massimo se mit à rire en reportant son regard sur la foule.

  - Et puis-je savoir ce qui te fais penser ça ?

  - Ta façon de tuer, comme si tu avais toujours besoin d'une dose d'adrénaline pour combler quelque chose.

  - Oui Nikki j'essaye de combler un vide, lui confia-t-il en feignant un air grave et sérieux.

  - Ah oui ? S'enquit-elle en se redressant l'air surpris. Et qu'est-ce c'est ?

Massimo fit mine d'être affecté voire déprimé tout en s'approchant de son visage.

  - Je comble le fait que tu es bisexuelle et que je ne saurais jamais si tu es un bon coup au lit. Quelle tristesse...c'est tragique.

  - Espèce d'idiot ! S'emporta Nikki en lui donnant un coup dans l'épaule.

  - C'est toi l'idiote Nikki, répliqua-t-il avec un regard de torve. Depuis quand tu essayes de m'analyser ?

  - Depuis que j'ai constaté que tu étais différent.

  - Je ne suis pas différent, en revanche toi tu as l'air complètement à l'ouest, commenta le mafieux avec humeur.

  - Tu es différent, n'essaye pas d'éluder ma question par une autre Massimo.

Tendu, il serra les mâchoires en faisant craquer sa nuque.

  - Ça t'arrive de penser à elle parfois ?

Cette fois-ci Nikki allait trop loin et il lui jeta un regard menaçant qui ne l'empêcha pas de poursuivre sous le regard intrigué de Vincenzo.

  - Qu'ai-je dit à propos de ça ? Dit-il d'une voix où la colère émergeait dangereusement.

  - Qu'il ne fallait plus jamais en parler.

  - Perfecto ! Fit-il claquer en se penchant pour éteindre sa cigarette et pour l'échanger contre un verre de whisky. Ce petit moineau est retourné là où est sa place. Il n'y a rien d'autre à dire.

  - Tu en es sûr ?

 Massimo préféra ne pas répondre parce qu'il savait que sa réponse serait inexacte et fausse. La jeune aveugle ne quittait pas ses pensées le jour comme la nuit. Chaque jour il cherchait des corrompus partout à travers l'Italie pour combler de nombreuses pulsions qu'il ne s'expliquait pas. Il nourrissait ses pensées en ayant recours au sadisme pour lequel il était connu. Il crevait d'envie de savoir ce qu'elle devenait et si elle avait repris le court normal de sa vie. Il était sûr que la jeune femme commençait déjà à l'oublier parce qu'on ne pouvait pas garder en mémoire un homme tel que lui. Un monstre qui avait possédé son corps après avoir torturé son âme en la rendant esclave de sa volonté. Une prisonnière avec certes des privilèges mais qui n'en demeurait pas moins une compensation à son malheur. Aujourd'hui le destin lui faisait payer ses volontés suprêmes jusqu'à lui donner l'impression d'être un diable déchu à l'esprit tortueux. Son désir de l'oublier était inférieur à celui qui le hantait jusqu'à devenir une obsession. Il avait alors tenté de soigner ses maux par le sexe mais aucune tentatrice était parvenue à le conduire à éprouver du désir pour elle avant de passer à l'action. Il était comme piégé et torturé comme s'il devait réparer ses péchés.

  - Massimo ?

Le mafieux quitta sa sombre torpeur pour relever les yeux sur un autre malheur de sa vie et qui l'avait rendu si sombre et sans âme.

  - Mais quelle désagréable surprise ! Lança-t-il à l'adresse de son ex-fiancée. Que me vaut cette apparition soudaine ?

Tania s'avança un peu plus avec une démarche chaloupée.

  - Je suis ici tous les soirs, lui précisa-t-elle en esquissant un sourire qu'il aurait voulu lui arracher.

  - Oui à mon plus grand malheur, tu es là chaque soir à te pavaner dans l'espoir que je te saute dessus et que je te prenne follement sur un tabouret et que j'oublie que tu as tué mon fils.

Un vent glacial se glissa sur chaque membre présent autour de lui. Avec froideur et sans émotion il avala son verre d'un trait sans quitter son ex du regard.

  - Il faut que l'on parle, ça fait bientôt deux ans maintenant et je...

  - Ça pourrait faire dix ans que je ne changerai pas de position sur toi Tania, la coupa-t-il en voyant Vincenzo se lever pour se placer derrière son ex.

  - Tania tu ferais mieux de partir, lança son ami.

  - Nous étions sur le point de se marier, nous étions heureux et je ne veux pas renoncer à toi tout ça parce que j'ai fait une terrible erreur.

  - Si au moins tu faisais l'effort d'avoir une semblant d'émotions ! Siffla-t-il entre ses dents. Tu ne veux pas renoncer parce que tu sais très bien ce que tu as perdu. Tu es comme toutes les autres qui se pavanent dans ce club chaque soir en espérant qu'une brève aventure d'un soir se transforme en quelque chose de plus officiel et sérieux. Tu as eu ta chance Tania, il fallait réfléchir à deux fois avant de tuer mon enfant.

Massimo se leva pour la menacer en s'approchant d'elle puis la contourna pour gagner la sortie.

Il poussa les portes battantes si violemment que celles-ci entrèrent en choc avec le mur de pierre.

 - Massimo Attend s'il te plaît !

Tania à sa suite, le mafieux s'arrêta quand il fut dehors et fit volte-face pour lui montrer à tel point il éprouvait seulement du dégoût pour elle. Vincenzo qui le savait imprévisible le rejoignit très vite suivi de près par Nikki.

  - N'ai-je pas été assez clair ! Aboya-t-il en se rapprochant dangereusement.

  - J'aimerai seulement discuter avec toi Massimo ! S'emporta Tania en montrant enfin un pan de son véritable visage.

   - Il n'y a rien à dire, articula-t-il en poussant sur la main de Vincenzo qui reposait sur son torse pour l'empêcher d'avancer. Tu avais tout, je t'ai donné plus que j'aurai dû et encore maintenant j'accepte que tu restes sur mes terres alors que j'aurai dû t'expédier loin d'ici !

Nikki elle-même recula en suivant l'évolution de la colère qui montait sur le visage du mafieux. Elle savait depuis longtemps qu'un jour cette confrontation arriverait. Tania Galina, autrefois fiancée au patron de la mafia, avait secrètement caché à Massimo certains de ses déboires qui avaient conduit à la perte du bébé qu'elle portait à l'époque au quatrième mois de grossesse. En plus de la perte et de peur de perdre Massimo ainsi que les privilèges associés, Tania lui avait caché la perte de l'enfant en espérant que le temps du mensonge serait suffisant pour mettre un plan à exécution.

Un homme tel que Massimo ne s'ouvrait pas à l'affection aussi facilement et cette trahison l'avait dépossédé entièrement de son âme.

  - Pars ! Siffla-t-il en serrant les poings.

Le visage de Tania devint aussi pourpre que l'étaient ses cheveux roux. Le fait que le mafieux ne lui accorde plus aucune attention blessait son amour propre, mais il se murmurait également qu'elle avait commencé à émerger de l'ombre seulement après avoir appris pour Isabella Hudson.

Tania garda la tête haute pour garder un semblant de fierté et rejoignit son amie qui l'attendait à la porte du club.

Massimo suivit des yeux la femme responsable de sa fureur jusqu'à ce qu'elle s'efface pour mieux disparaître.

  - Calme-toi mon vieux, lui dit Vincenzo en lui tapotant l'épaule.

Se calmer ? Ça lui était impossible. Une rage sourde s'empara de lui et cette rage fut engendrée par autre chose que Tania. Quelque chose de plus profond et de plus important à ses yeux.

Il pivota lentement et l'air menaçant dans cette nuit sans étoiles et fixa Nikki dangereusement qui venait d'être rejoins par Roberto et Allegra.

  - Je peux savoir pour quelle raison tu me regardes ainsi ?

Il la dévisagea, rictus aux lèvres.

  - Tu portes son parfum ! Claqua-t-il en fermant lentement les poings.

  - Quoi ? Souffla-t-elle l'air incrédule.

  - Tu sens son parfum, répéta Massimo en articulant lentement. Explique-moi comme c'est possible. N'essaye pas de me défier Nikki, je pourrais reconnaître ce parfum entre mille.

  - De quoi il parle ? Lança Allegra.

Nikki croisa les bras en soutenant difficilement son regard.

  - Elle est ici c'est ça ! Grogna-t-il en s'approchant vivement.

Nikki détourna le regard à nouveau et sa réponse n'avait plus aucune importance désormais.

  - Elle était ici, mais elle ne l'est plus.

Il ne sut traduire l'émergence des émotions qui se mit à l'envahir jusqu'à menacer ceux autour de lui.

  - Ainsi voilà la raison de toutes tes questions ! Tu voulais...

Il se recula en bousculant Vincenzo.

  - Qu'est-ce qu'elle fout ici ! Gronda-t-il ivre d'une telle colère qu'il ne savait pas précisément quelle émotion l'avait fait émergé aussi violemment.

  - Je ne sais pas précisément ! S'emporta Nikki en élevant la voix. Ça n'a aucune importance parce qu'elle est partie maintenant.

Nikki peinait à confronter Massimo parce qu'elle se savait en possession de la vérité et la réaction du mafieux ne présageait rien de bon...bien que dans son expression sombre et folle de rage, se cachait la véritable raison de sa colère.

Nikki voyait aux lueurs dans ses yeux qu'une partie de lui était profondément inquiète qu'elle soit de retour ici.

  - Où est-elle partie ? Elle a bien dû te donner une explication !

  - Massimo a raison Nikki, intervint Vincenzo sur un ton grave. Il y a une raison précise qui a poussé cette fille à revenir deux mois plus tard.

Le silence de Nikki devenait insupportable.

  - Elle voulait juste passer pour nous voir.

  - Tu mens ! Gronda-t-il sur un ton vibrant de rage. Est-elle seule ? Accompagnée ?

  - Non !

  - Tu l'as laissé repartir seule alors qu'elle est aveugle ? S'enquit-il avec véhémence. Tu ne sais pas où elle est ? À quel point es-tu inconscientes ? Hum ?

Il n'attendit pas qu'elle lui réponde et s'éloigna à grands pas vers sa voiture.

  - Qu'est-ce que tu vas faire ? Lança Nikki en le suivant.

  - La retrouver, dit-il froidement.

  - Elle ne veut pas être trouvée ! Ce qu'elle voulait c'est...

Elle poussa un juron sous le regard menaçant du mafieux et sous le regard pressant de Vincenzo.

  - Dio ! Nikki lâche le morceau ! Ordonna Allegra en lui prenant la main.

  - Elle voulait te voir, lâcha-t-elle en se passant une main agacée dans les cheveux.

Massimo la dévisagea l'air perplexe et agacé.

  - Et elle a donc décidé de partir avant d'être guidée à moi et je suppose que tu n'y es pas pour rien !

  - Elle ne voulait pas te voir de cette façon Massimo, commença-t-elle l'air vaincu. Elle a eu son miracle Massimo.

Le mafieux s'avança alors en fouillant dans son regard tandis qu'un orageux sentiment commençait seulement à muer en lui. Au fond il savait où elle voulait en venir, mais il se refusait à cette conclusion.

Et pourtant...

  - Elle peut voir Massimo, reprit Nikki plus doucement. Elle a été opéré et elle retrouvé soixante-dix pourcents de sa vision, mais demeure encore en cécité sur les côtés. Elle peut voir et c'est pour ça qu'elle...

  - Et tu l'as laissé faire ? S'enquit-il désincarné de la moindre d'émotion.

  - Je l'ai reconnu seulement après, elle était déjà sur le parking. Elle a dit qu'il ne fallait pas te le dire puis ensuite elle est partie.

Massimo s'en alla sous le regard inquiet de Vincenzo qui était sans doute le seul à comprendre ce que cela signifiait. Au-delà de ça, au-delà de la colère qui ravageait chaque millimètre de ses muscles, Massimo démarra en trombe pour quitter le parking avec un seul objectif à l'esprit.

La retrouver...