Chapitre 3
Massimo referma la porte et resta derrière celle-ci attentif au moindre bruit. Il tendit l'oreille et perçut d'abord quelques agitations qui s'estompèrent rapidement puis remplacés par des pleurs. Il se redressa de toute sa hauteur en fixant la porte avec un faible élan de culpabilité qui guida sa main jusqu'à la poignée. Il s'arrêta au moment de la saisir et ferma le poing en serrant les mâchoires. S'il commençait à s'émouvoir maintenant, alors il n'obtiendrait rien d'elle. Alors il ferma les yeux et se retourna pour emprunter l'escalier qui menait au rez-de-chaussée. La condition de l'inconnue n'était pas sans lui rappeler que par le passé il avait déjà usé de cette méthode. Seulement cette fois-ci il n'avait pas pu se résoudre à la mettre dans les quartiers extérieurs réservés aux prisonniers. Détaché devant ses supplications, il demeurait néanmoins happé par la fascinante beauté de la jeune femme. Quant à ses yeux, lorsqu'ils avaient révélés leur couleur, Massimo avait été subjugué par l'azur pâle de ses iris. Immédiatement le reste de son visage déjà magnifique sous la lune s'était sublimé dans la lumière du jour. Cette contemplation avait été fissuré lorsque les yeux de l'inconnue étaient devenus larmoyant et son visage envahi par la panique et la peur.
Pendant une fraction seconde il avait essayé de se mettre à sa place, mais avait dû rapidement réprimer cette compassion. Elle ne voyait rien, plongée dans l'obscurité et c'est sans doute ça qui le rendait plus tolérant. Sa cécité.
- Alors Signore Di Marzio ? Lança Mirella au loin.
Son regard désapprouvait la situation, mais la gouvernante ne s'engageait jamais à livrer sa façon de penser.
- C'est mal engagé, admit-il lorsqu'elle arriva à sa hauteur. Veuillez monter la rassurer. Une présence maternelle sera nécessaire quand le médecin arrivera.
Elle s'inclina et s'exécuta en grimpant rapidement l'escalier.
Massimo souffla en rejetant la tête en arrière pour détendre sa nuque raide avant d'être coupé par la sonnette qui indiquait que le docteur était là.
Il traversa le grand hall au style Toscan et ouvrit la porte avec un large sourire.
- Docteur Santini ! Comment allez-vous ? Ça fait si longtemps.
Le vieil homme courbé retira son chapeau et essuya le filet de sueur qui perlait sur son front.
- En réalité ça fait deux ans, dit-il en passant la porte. On vous avez tiré dessus lors d'un assaut que vous aviez ordonné et la balle est passée à douze millimètre de votre cœur. Avant ça, sept mois plus tôt, une autre était passé à côté de votre rein gauche.
Massimo écarta les bras avec un rire sincère et légèrement arrogant.
- Je suis éternel que voulez-vous que j'y fasse.
- En vingt ans de médecine je n'ai jamais vu ça effectivement, dit-il en l'examinant par-dessus ses lunettes. Mais dites-moi vous n'avez pas l'air blessé.
- No padre, confirma-t-il en tâtonnant sa chemise, feignant de vérifier. Aucune blessure. Je vous ai fait venir pour une autre personne.
- Qui donc ?
Massimo se pencha en avant, en prenant un air sérieux.
- Ma prisonnière.
Il remonta ses lunettes en le dévisageant.
- Votre...
- Très longue histoire.
- Que je ne souhaite en aucun cas savoir, compléta le vieil homme. Je veux seulement la garantie que...
- Docteur Santini, commença Massimo en faisant mine d'être blessé. Vous me connaissez suffisamment pour ne pas envisager que je serais capable de lui faire du mal. Si vous souhaitez plus de détails elle a été enlevé par des méchants et comme je passais par-là par hasard, je l'ai sauvé.
- Pour ensuite l'enlever ?
Massimo se redressa en faisant mine de réfléchir.
- C'est à peu près ça oui.
Le vieil homme remit son chapeau en montant l'escalier sans insister. Il le guida jusqu'à la chambre et décida de redescendre pour s'installer dehors.
Il attendit plus d'une heure avant que Santini soit escorté jusqu'à lui.
- Alors docteur ? D'après-vous comment va-t-elle ?
- Elle est choquée, épuisée et aveugle.
Massimo le regarda par-dessus ses lunettes de soleil.
- Je ne vous ai pas fait venir pour entendre ce que je sais déjà. Est-ce qu'elle a des blessures qui auraient pu m'échapper ? Comme une agression sexuelle ?
- Non, pas d'agression sexuelle.
Un court soulagement le garda silencieux puis il décida d'insister.
- Rien d'autre ?
- Elle est terrifiée Signore, mais ça aussi vous le savez déjà.
Massimo redressa la tête en se calant contre le dossier de sa chaise.
- Jugez-moi si vous le souhaitez, mais la triste vérité c'est que sans moi, elle serait dans les mains d'un homme qui lui aurait fait du mal, beaucoup de mal, déclara Massimo d'une voix grave en retrouvant son sérieux. Elle avait été vendue et si je n'avais pas fait mon travail, si je n'avais pas chassé hier soir, cette jeune femme aurait subi un sort bien pire que celui que je lui réserve.
Santini replaça son chapeau en inclinant la tête.
- Il faut qu'elle garde la perfusion encore deux jours et ensuite, ça devrait aller.
- Grazie.
Massimo le regarda partir escorté par l'un de ses hommes avec un goût amer dans la bouche. Sa cécité remettait en question sa façon de procéder et le regard attristé de Santini l'obligea à reconsidérer sa tactique pour obtenir les informations qu'il voulait.
Devait-il faire fi de son handicap et agir comme il l'avait toujours fait ou la manipuler ?
- Ce n'est pas toi et tu ne le feras pas, lança Vincenzo qui venait d'arriver sur la terrasse.
- Je t'écoute.
- Tu es en train de te demander si tu n'es pas trop monstrueux avec elle parce qu'elle est aveugle et si ça ne vaut pas mieux de lui mentir pour obtenir ce que tu veux, commença-t-il en le regardant sérieusement. Ce n'est pas toi. Tu n'es pas un homme qui ment et tu lui feras beaucoup plus de mal en faisant cela que si tu restes toi-même.
- Tu as raison, dit-il en tournant la tête vers l'horizon magnifique.
- Cependant, c'est agréable de voir que tu peux avoir quelques remords.
- Des remords de l'avoir sauvé ? S'enquit Massimo avec un rire détaché.
- Non, des remords de ne pas avoir eu le choix d'avoir fait d'elle ta captive.
Massimo serra les dents et préféra ne pas répondre.
- Quel est le plan ?
- Je n'ai aucun plan si ce n'est de la garder aussi longtemps qu'il me plaira de la garder, dit-il avec humeur en se levant pour s'éloigner.
Bella renifla en laissant la femme qui était restée avec elle pendant l'examen du médecin lui essuyer les joues.
- Ça va aller mon petit, lui dit-elle en lui caressant le bras. Personne ne te fera du mal ici.
- Où suis-je ? Parvint-elle à lui demander tant sa gorge lui faisait mal.
- Tu es dans la demeure de Signore Di Marzio.
- Qui...qui est-il ? Pourquoi il m'a enlevé ? Je veux rentrer chez-moi par pitié.
Elle entendit la femme prénommée Mirella soupirer tristement.
- Je regrette mon petit, je ne peux pas révéler d'informations sur mon patron si je n'en ai pas l'autorisation. Ce que je peux te dire c'est qu'il ne te fera aucun mal.
Ce n'était pas suffisant.
- Il...il a tué des personnes et...comment pouvez-vous me dire qu'il ne fera pas de mal ?
- Parce que je le sais, c'est tout. Sinon vous ne seriez pas dans sa propriété, mais ailleurs, répondit-elle sans lui donner plus de précisions.
Mirella tamponna les larmes qui coulaient sur son visage. Son parfum très doux lui faisait penser à celui de Théodora et elle fondit à nouveau en larmes.
- Vous avez besoin de vous reposer et de boire de l'eau.
- J'ai faim.
- Je vais voir ce que je peux faire tesoro.
Elle suivit attentivement le son de ses pas qui s'engageaient à la droite du lit et ferma les yeux pour se concentrer sur l'orientation qu'elle prenait. Lorsque la porte se referma, Bella se redressa sur le lit et arracha la perfusion.
- Tu as certainement un plan, insista Vincenzo en le suivant à l'étage où se trouvait son bureau.
Massimo alla se servir un verre de bourbon et avala une première gorgée pensivement.
- Je dois savoir comment elle s'appelle, seulement elle refuse de me donner son nom, expliqua-t-il en allant s'installer dans son fauteuil. Ce qui signifie deux choses. Soit elle refuse parce qu'elle cache quelque chose, soit elle espère que lutter contre moi lui servira.
Il fit tournoyer le liquide ambré d'un mouvement de poignet, une lueur amusée dans le regard.
- J'espère qu'il s'agit de la deuxième option.
- Et une fois que tu auras son nom.
- Tu sais ce qui est en train de se passer Vincenzo. Tu penses que je ne le sais pas ? Antonio et son abruti de complice n'auraient jamais fait ça tout seuls. Ce qui signifie qu'ils ont des contactes en Italie qui organisent ce trafics de femmes. Rappelle-toi de la jeune touriste espagnole qui avait mystérieusement disparue il y a un an. Devine à combien de kilomètres elle a été enlevé de là où nous avons trouver la fille ? Vingt kilomètres.
- Mais les hommes de la mafia d'Izario Lazzari l'ont retrouvé sur les côtes de Pesaro.
- Exactement, et Pesaro est une ville portuaire où il est facile de faire passer des filles par bateaux dans des containers. Aussi facile que de faire passer des armes. Pendant un an, il n'y a pas eu la moindre affaire de ce genre et je sais précisément pourquoi.
Vincenzo s'installa dans le fauteuil en face du sien, vivement intéressé et soucieux.
- Ceux qui sont derrière ça devaient se faire discret après cet échec, car ils savent que la moindre indiscrétion peut leur coûter d'être retrouvés et tués. Alors ils ont probablement opté pour un an de silence sans rien retenter jusqu'à ce jour.
Massimo n'aimait pas ce scénario, mais c'était le plus plausible et intérieurement il bouillonnait d'agacement et de colère. S'il y a bien une chose qu'il ne laissait jamais passer c'est le déshonneur et la trahison ainsi que non-respect de ses règles.
- Ce qui signifie aussi que ma prisonnière est encore en danger, car ceux qui l'ont vendu doivent certainement avoir reçu l'argent de...
Il se passa une main dans sa barbe pour tenter de masquer la colère qui brûlait dans ses yeux.
- ...la vente, reprit-il en fuyant le regard de son ami. Soit celui qui l'a acheté va abandonner l'affaire de peur d'avoir de gros ennuis, soit c'est un homme avec assez de pouvoir pour se risquer d'insister jusqu'à obtenir son dû. Ce que je ne peux pas concéder ni pour elle ni pour mon pays, ni pour nous.
- Je vais informer les autres que le problème n'a pas été totalement nettoyé, déclara Vincenzo. Si jamais ils veulent la fille alors c'est qu'ils sont encore présents sur nos terres, reprit-il en se levant.
- C'est pour ça qu'il va falloir qu'elle coopère étroitement avec moi.
- Doucement Massimo, le prévint-il sur un ton léger et sérieux.
Il esquissa un sourire en coin.
- Je vais faire preuve de patience jusqu'à ce soir minuit, annonça-t-il alors qu'un bruit au-dessus de lui attira son attention. À partir de ce délai, je ne pourrais plus faire preuve de patience, et je devrais recourir à un autre moyen pour la faire parler et j'ai déjà une petite idée de comment m'y prendre.
Vincenzo acquiesça en levant les yeux sur le plafond alors que le vacarme à l'étage supérieur devenait de plus en plus fort.
- Tu fais des travaux ?
Massimo détacha son regard du plafond pour le planter dans celui de son ami avec un sourire diabolique.
- Je ne fais aucun travaux, dit-il avec un goût savoureux dans la bouche. En revanche ma principessa semble être en train de refaire la décoration de sa cage dorée..
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