Chapitre 29
Elle ne savait plus très bien depuis combien de temps elle était assisse là toute seule, mais elle avait l'impression d'être figée dans une spirale qu'elle était incapable d'arrêter. Tout ce qu'elle savait c'est qu'il était tard et qu'elle avait froid. Le réfectoire était vide et elle demeurait là avec la sensation d'être bloquée et harassée.
- Bella, tu devrais rejoindre ta chambre et te reposer un peu, lança Théodora très doucement.
Bella inspira imperceptiblement en posant ses mains sur la tasse de thé qui semblait aussi froide que l'était ses pensées.
- Est-ce que ça va ? Demanda-t-elle en s'installant à ses côtés.
Elle posa une main hésitante dans son dos pour le caresser doucement. Un geste réconfortant mais qui hélas ne suffisait pas pour apaiser le mal qui la rongeait.
- Pourquoi fais-tu ça pour moi ? Demanda Bella se relevant la tête. Pourquoi te donner autant de mal pour moi ?
- Parce que tu le mérites, répondit-elle avec émotion. Ta cécité n'a jamais été irréversible et je veux t'aider Bella.
- Tu ne sais pas si...
- Non tu as raison, la coupa-t-elle en lui prenant la main. Je ne sais pas si ça va marcher mais je sais que ce chirurgien a obtenu des résultats qui me donnent espoir pour toi.
Cette opération, à supposer qu'elle fonctionne changerait le cours de sa vie à jamais. Seulement la peur de revivre ce cauchemar terrifiant et douloureux la poussait à s'y refuser. Une larme solitaire sillonna sa joue et elle ferma les yeux en peinant à déglutir.
- Je sais à quel point tu as souffert Bella, et tu ne mérites pas de souffrir, poursuivit Isadora. Seulement cette fois-ci c'est différent. Tu pourrais revoir à nouveau et je veux y croire.
- Tu sais ce que ça implique, murmura Bella tristement en ouvrant les yeux. Je ne pourrais pas subir une nouvelle intervention en sachant pertinemment qu'il y a des risques d'échecs.
Bella céda aux larmes et au chagrin qu'elle essayait en vain de refouler depuis des heures.
- On va m'ouvrir encore une fois le cerveau, dit-elle en sanglotant. Je vais perdre mes cheveux à cet endroit, ajouta-t-elle en larmes tout en touchant la zone précise et qui portait déjà une cicatrice. Je ne suis pas certaine de pouvoir le supporter.
- Oh ma chérie, ça va aller je te le promets, murmura Isadora en la prenant dans ses bras. Il faut essayer une dernière fois. Je suis persuadée que cette fois-ci ça sera différent. Ce chirurgien sait ce qu'il fait.
Bella resserra ses bras autour d'elle pour s'accrocher le plus longtemps possible au réconfort qu'elle lui apportait.
- Imagine tout ce que tu pourras faire si ça fonctionne, lui dit-elle en s'écartant pour poser une main affectueuse sur sa joue. Tu n'es pas curieuse de découvrir à quoi tu ressembles ? Tu ne veux pas voir quelle tête j'ai ?
Bella se laissa entraîner par les rires d'Isadora alors que dans ses pensées la seule personne qu'elle voulait voir c'était celui qu'elle devait oublier.
- Je te laisse réfléchir seule, je ne veux pas influencer ta décision et je l'accepterais quoiqu'il arrive.
Théodora s'en alla et une fois seule, Bella tenta de s'imaginer la vie qu'elle pourrait avoir si elle voyait de nouveau.
Seulement un bruit de porte l'en empêcha.
- Tu as oublié quelque chose Isadora ?
Le silence lui répondit.
Quelque chose d'inhabituelle la poussa à se redresser sur la chaise et elle se concentra sur la démarche des pas lents qui progressaient vers elle.
- Il y a quelqu'un ?
- Oui mademoiselle Hudson il y a quelqu'un, lança une voix d'homme.
Une voix qui au premier timbre lui donnait cinquante ans ou peut-être plus.
- Est-ce que je peux vous être utile ? Demanda Bella en s'efforçant de maîtriser une voix posée voire détachée.
- Je suis monsieur Stanford. George Stanford et oui vous pouvez m'aider.
Sur ses gardes, Bella se raidit en entendant la chaise à sa droite se tirer. Une odeur de vin lui emplissait déjà les narines ainsi que des effluves de tabac froid.
- En quoi puis-je vous aider ?
- Je connaissais tous les petits secrets de mon cher ami Sénateur et je...allons allons n'ayez pas peur, dit-il en lui prenant le bras pour l'empêcher de se lever.
Pris d'un sursaut de panique elle donna un coup dans sa tasse de thé qui se renversa sur la table.
- Je ne vais pas vous faire du mal mademoiselle Hudson.
- Qu'est-ce que vous me voulez ? S'enquit-elle le souffle coupé.
- Vous mettre en garde, commença-t-il en lâchant son bras. Mon très cher ami a été retrouvé sans tête dans sa résidence secondaire à Seattle et vous n'êtes pas sans savoir que depuis deux semaines ça fait la une de l'information.
- Je l'ignorais je n'écoute pas la télévision ici. Comment vous...
- Un certain Domizio Danti nous a informé de certain détail avant d'être tué lui aussi et de la même façon.
Un frisson glacial parcourut son visage.
- Cette œuvre est digne d'un monstre et vous semblez être celle qui l'a nourri, mais je ne suis pas venu jusqu'ici pour ça. Maintenant qu'il est mort je compte bien tenter ma chance à la course pour devenir sénateur.
L'expression de sa voix était calme...trop calme et à l'opposé de ses respirations un peu plus rapides.
- Aucun dossier compromettant ne doit entacher mon image et vous êtes un dossier compromettant.
- Non...je ne suis pas...
- Jusqu'ici vous n'avez pas fait de bruit concernant cette affaire, mais il se pourrait qu'un jour vous ayez envie de raconter l'histoire de la belle aveugle mise aux enchères et achetée par un homme politique.
Bella s'ordonna de rester aussi impassible que possible alors que son cœur battait à s'en rompre.
- Et si cela venait à se produire l'enquête mènera jusqu'à moi car je l'ai aidé à trouver ce nouveau jouet que vous étiez supposé être et ça pourrait ruiner mes chances de devenir sénateur.
- Je n'ai pas l'intention de parler à qui que ce soit de cette affaire. Je veux retrouver ma vie.
- Bien Isabella, j'étais sûr que nous allions nous comprendre vous et moi, dit-il sur un ton qu'elle imaginait accompagné d'un sourire libidineux.
Avec sa main moite, Bella appuya sur le bouton sous la table qui servait normalement à appeler le personnel pour aider les enfants à manger en priant pour que quelqu'un lui vienne en aide.
- Il serait dommage qu'il vous arrive malheur, ajouta-t-il d'une voix qui lui donna la nausée. Vous savez c'est moi qui vous ai choisie. Dès que j'ai vu votre photo et quand j'ai lu votre description je me suis dit comment un tel Dieu a-t-il pu créer cela sans le partager.
Il posa la naissance de son index sur son bras nu. Bella eut un mouvement de recul et appuya une nouvelle fois sur la sonnette.
- Ne me touchez surtout pas.
- Si vulnérable, si belle et combative malgré que ça ne sert à rien, énuméra-t-il avec un petit rire. J'aime beaucoup ça.
Un souffle tremblant s'échappa d'entre ses lèvres sèches alors qu'elle entendait le liquide de son thé continuait de se déverser sur la table et à ses pieds.
- Je reviendrais ma chère Isabella, je me suis surpris à aimer votre compagnie.
- Ce n'est pas réciproque, rétorqua Bella en dévisageant les ténèbres.
il rit à nouveau...un rire lent et qui dégageait une odeur fétide.
- J'ai remarqué des fissures sur le bâtiment, je trouve ça scandaleux que de pauvres enfants aveugles soient obligés de vivre dans un tel endroit qui aurait fortement besoin de travaux. Je pense que ça ferait un excellent début de campagne vous ne pensez pas Bella ?
Elle se sentait oppressée, en danger, piégée sous la menace. Elle avait l'impression que son visage était proche du sien et qu'il humait son odeur sans vergogne. Bella se raidit, luttant contre les larmes qui jusqu'à maintenant demeuraient figées dans le creux de ses paupières.
- Je reviendrai avec mon équipe, je dois absolument faire quelque chose pour ce bâtiment, et cela nous permettra de nous revoir, j'ai déjà tellement hâte de...
- Bella ?
Pousser un soupir maintenant ? Elle n'y parvenait pas.
- Oui Joe ? S'enquit-elle d'une voix faussement posée et qui malgré tout tremblait.
Silencieusement elle priait pour que Joe ne fasse pas une erreur qui pourrait lui coûter cher. Silencieusement Bella priait pour que Joe ait compris son alerte sans la révéler devant cet homme.
- Je vais fermer le réfectoire mademoiselle Bella, je suis désolé mais je dois...
- Oh non par pitié ne vous en prenez pas à cette charmante jeune femme, le coupa George Stanford. C'est de ma faute si elle se trouve toujours ici.
- Oh et vous êtes ?
Bella masqua son soulagement derrière une expression impassible mais qui vacillait dangereusement. Joe savait et le fait qu'il sache la réconforta.
- George Stanford, un futur candidat dans la course au poste de sénateur.
Pour parfaire la comédie Bella rajouta après un élan de courage.
- Monsieur Stanford souhaite braquer les caméras sur le centre car il manque cruellement de travaux.
- C'est formidable ça !
- Je m'engage à faire au mieux.
Bella exhala plusieurs soupirs de peur en attendant que Joe mette fin à son calvaire.
- Bella tu dois vraiment rejoindre ta chambre, la journée a été très longue.
- Oui tu as raison.
- Je vais vous laisser, lança Stanford. Mademoiselle Hudson, ça a été un plaisir et me tarde de vous revoir.
Sa voix...bien que chaleureuse et posée, masquait en réalité un désir de lui faire comprendre qu'elle n'avait aucun moyen de lui échapper.
Il savourait le pouvoir qu'il avait sur elle...tout simplement. Une nausée lui prit la gorge et elle se sentit obligée de porter ses doigts sur celle-ci...comme si ce geste l'aiderait à la faire respirer.
Le regard baissé, elle attendit que Joe se manifeste avant d'envisager le moindre fait et geste. Son ouïe était brouillée par la peur, et brusquement Bella eut l'impression d'être davantage vulnérable, comme si on essayait de lui arracher les derniers sens qui lui restait.
- Bella, que s'est-il passé ?
Elle sursauta quand il lui prit les épaules.
- Il...il est parti ? S'empressa-t-elle de demander en posant mains sur ses bras pour les agripper désespérément.
- Oui, il est parti, mais qui est-ce ? Qu'est-ce qu'il te voulait ?
Son cœur qui battait trop fort l'empêchait de respirer et la noirceur dans laquelle elle était prisonnière avait retrouvé cette terrifiante impression qu'elle était devenue rouge sang.
George Stanford n'était pas seulement l'ami de celui qui l'avait acheté, il était celui qui l'avait trouvé. Le choc fut si brutal qu'elle enfonça ses ongles dans les épaules de Joe.
- Il faut...il faut que je parle à Théodora immédiatement.
- Oui très bien je vais la chercher, mais Bella dis-moi ce qui se passe ? Parle-moi.
Il n'y avait rien à dire. Bella n'avait rien à dire et se devait de ne rien dire pour éviter de les mettre en danger. Un seul visage s'imposait dans son esprit. Un visage qu'elle avait esquissé selon son imagination, mais qui demeurait aussi incertain que l'était son avenir à partir de cet instant précis.
- Il faut lui dire immédiatement Joe.
- Quoi Bella ? Qu'est-ce qu'il faut que je lui dise ? Calme-toi tu trembles.
- J'accepte, je veux essayer l'opération...
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