Chapitre 24




Une odeur très prenante lui monta au nez alors qu'un dernier coup de feu s'était mis à retentir. Bella n'avait pas porté ses mains à ses oreilles pour les couvrir. Parce que le rouge-gorge qui paraissait si fragile ne s'était pas envolé de peur, mais s'était réfugié dans le creux de ses paumes. Mirella se mit à crier et sans peut-être le vouloir accentua la terrible angoisse qui l'envahissait jusqu'à lui couper l'air dans les poumons. Prise de panique elle se leva de la chaise qui se renversa en arrière. Des voix très forts s'élevèrent ensuite, et l'italien qui s'en dégageait n'avait pas de chaleur.

Courir ?

Attendre ?

Massimo quitta des yeux l'homme qui venait de s'écrouler à terre le torse criblé de balles et chercha la jeune femme du regard.

Debout, elle tournait sur elle-même en réagissant à chacune des voix qui s'exprimait sans savoir laquelle suivre. Vincenzo et Nikki avaient filé à la poursuite du conducteur du camion qui essayait de s'enfuir.

Il fonça sur la jeune femme pour l'envelopper avec son corps et la poussa à terre au milieu d'un autre échange de tire. Elle gémit de peur en se calant contre lui. Massimo donna un coup de pied sur le bord de la table pour qu'elle se renverse emportant avec elle toutes la vaisselle qui s'y trouvaient afin de faire barrage aux balles perdues.

  - Tout va bien principessa, restez allongée et ne bougez pas d'ici, c'est compris ?

Elle acquiesça péniblement, les yeux fermés très fort, un bras derrière la nuque pour se protéger.

Massimo la quitta après s'être assuré qu'elle était suffisamment en sécurité et que Mirella avait eu le temps de se mettre à l'abris.

Il courut de l'autre côté du jardin et passa par le chemin qui menait à la prison pour dévaler le sentier battu qui menait à la route de campagne qui reliait celle de la villa.

Il se positionna en haut de la pente et sortit à nouveau son arme. Le camion arriva à toute vitesse avec une conduite oscillant entre la panique et l'imprudence.

  - Il te le faut vivant, se murmura-t-il à lui-même en visant la première roue.

Concentré, il tira dans le pneu puis visa celui de l'arrière.

Le véhicule déjà fébrile à cause de son conducteur termina sa course dans le champs de blé tout proche de la route.

Massimo abaissa son arme seulement après que la voiture qui transportait Nikki et Vincenzo s'arrête à la hauteur de l'accident.

Il échangea de loin un court regard avec Nikki et déclara très fort :

  - Il me le faut vivant et prêt pour l'opération !

Sa rage si forte et vibrante résonna dans ce silence brouillé par les sons du moteur défaillant et de la fumée qui s'en dégageait. En état d'alerte absolu il rebroussa chemin dans le sens inverse et courut jusqu'à la villa. En la voyant sans défense même avec la présence de Roberto à ses côtés déclencha en lui un sentiment de remord douloureux qui lui électrifia le cœur.

L'oiseau qu'elle tenait dans ses mains s'envola au moment où elle semblait avoir le plus besoin de lui. Le rouge-gorge se posa sur un rebord de chaise retournée et y resta tout au long de son avancée vers elle avant de s'envoler définitivement.

  - Bella ? Est-ce que vous m'entendez ? Tout va bien s'est terminé.

Elle se redressa sur les genoux en cherchant à prendre appuis sur lui. Ses mains tremblaient si fort qu'il se savait incapable d'arrêter ce tremblement par des simples paroles rassurantes.

  - Que...que s'est-il passé ?

Il dégagea son visage de toutes les mèches rebelles qui barraient son front et caressa sa joue en posant un bref regard sur le cadavre allongé à quelques mètres seulement d'eux.

  - Je vais vous expliquer une fois sûr que vous allez bien.

  - Mirella ? Demanda-t-elle d'une voix tremblante et faible.

  - Elle est à l'intérieur, précisa-t-il en la soulevant. Elle n'a rien.

Bella entendit et se raccrocha au son des bouts de verre craquant sous les semelles du mafieux. Quelque chose de grave venait de se produire et ni lui ni personne n'était en mesure de lui dire la vérité.

Il s'agissait d'une décision intentionnelle et ce fut sans doute le plus douloureux à supporter.

  - Doucement tesoro, murmura-t-il d'une voix qui se voulait calme et apaisante.

  - Que s'est-il passé ? Demanda-t-elle à nouveau.

  - Vous aviez raison, dit-il en l'installant sur un canapé. Vous aviez raison à propos de cette impression d'être observée.

La bouche sèche, le corps raidit par l'adrénaline, elle chercha son regard avec chaque fois ce sentiment d'être parvenue à atteindre ses yeux, mais sans en avoir la certitude.

  - Qui est-ce ?

  - Je vais le savoir dans très peu de temps, répondit-il en glissant son index sur son front. Vous n'êtes pas blessée ?

  - Non, je ne crois pas, murmura-t-elle d'une voix hésitante en serrant ses mains l'une contre l'autre.

  - Je suis désolé, ça n'aurait jamais dû arriver. J'ai été négligent et ça ne me ressemble pas.

Dans sa voix elle perçut un remords inattendu.

  - Restez ici, avec Mirella, ordonna-t-il sur un ton très froid et détaché.

Bella s'entoura de ses bras en écoutant ses pas s'éloigner. Le fait qu'il éprouve des regrets était troublant mais pas seulement. Elle craignait que ces regrets affectent le mafieux de façon irréversible et pas dans le bon sens.

Pendant tout au long de cette échange de tirs Bella avait senti la peur, mais aussi un sentiment indescriptible qu'elle osait à peine s'avouer.

Elle s'était sentie protégée et ce sentiment avait étouffé la peur au moment où elle avait senti son corps massif envelopper le sien comme une barrière protectrice.

Immobile sur le canapé, elle pouvait entendre au loin la voix de Mirella s'élever avec un souffle d'angoisse dans son italien d'ordinaire parfait.

Sur le sol était rassemblé les dégâts avec l'aide d'un balais et ils semblaient nombreux.

Bella resta assise et seule pendant plusieurs longues minutes avant d'être enfin rejoint par Mirella encore en état de choc.

  - Vous allez bien ? Vous voulez un autre verre d'eau.

Au moment où elle s'apprêtait à répondre un hurlement strident s'éleva au loin. Un hurlement qui provenait d'une voix d'homme puis le silence.

  - Qu'est-ce que...

  - Essayez de faire comme moi, lui conseilla Mirella en venant s'installer à ses côtés. Faites comme si vous n'entendiez rien.

  - L'ouïe et l'odorat sont les derniers sens qu'il me reste avec le touché. J'ai besoin d'entendre même si ce n'est pas agréable.

Un autre hurlement vibra au loin et elle ferma les yeux en ayant l'impression que son obscurité devenait rouge sang.

Quelques minutes plus tard, elle perçut au loin la voix du mafieux qui paraissait désormais étrangement calme.

Massimo posa la boîte sur la table sans jamais cesser de la regarder. Elle n'avait pas bougé depuis son départ. Assise droite sur le canapé, elle avait les yeux plongés dans le vague, dans cette obscurité qu'il devinait effrayante...et qui l'était davantage.

Par sa faute.

Mirella pourtant habituée à le voir dans un tel état détourna les yeux après avoir jeté un regard sur ses mains ensanglantées.

  - Je suis de retour principessa, annonça-t-il doucement en faisant signe à Mirella de les laisser seuls.

Elle tourna progressivement la tête vers lui en poussant un petit soupir de soulagement.

  - Est-ce...est-ce que tout va bien ?

  - Tout va parfaitement bien, c'est une belle journée pour se rendre à la plage mia cara.

Massimo essuya ses mains à l'aide d'un torchon et commença à fouiller dans les placards.

  - J'ai entendu un homme hurler.

  - Oh ça ! Rien de grave, juste la routine, à force on finit par s'y habituer.

Il sortit un ruban adhésif et arracha un long morceau. À ce bruit, la jeune femme sauta du canapé.

  - Cara, vous êtes en train de me blesser.

  - Pourquoi ? S'enquit-elle en levant les yeux vers la droite puis la gauche.

Il s'avança jusqu'à briser la distance qui les séparait.

  - Parce que je pensais que l'on avait dépassé ce stade depuis longtemps et il semble que je me sois trompé.

  - Pas du tout, sauf que vous semblez avoir oublié que je crains l'inconnu et il se trouve que je ne comprends pas ce qu'il se passe et ce que vous faites avec cet adhésif.

  - Rassurez-vous je n'ai pas l'intention de vous attacher avec, précisa-t-il en s'éloignant d'elle.

Il souleva la boîte dans laquelle il avait placé la main de l'homme qu'il venait de tuer et revint vers elle.

  - Vous allez m'aider tesoro, annonça Massimo. Tenez cette boîte pour moi.

Elle leva ses mains avec hésitation et il attendit qu'elle saisisse les deux extrémités pour la relâcher. Il fixa ses beaux yeux azur levés sur lui, perdus dans les affres angoissantes qu'elle ne parvenait pas à effacer dans les lueurs de ses yeux même si elle semblait persuadée du contraire.

  - Qu'est-ce qu'il y a dans cette boîte ?

Massimo cessa brusquement de scotcher la boîte et pencha la tête sur le côté en faisant mine de réfléchir.

  - Un cadeau de mariage en retard.

  - Un cadeau de mariage en retard ? Répéta la jeune femme en soulevant un sourcil septique.

  - Oui, un beau cadeau de mariage qui va ravir celui qui va le recevoir.

  - Il vient de se produire une sorte de fusillade à l'intérieur de votre villa, je peux sentir encore une odeur de poudre mêlée à une forte présence de sang et un homme hurlait à la mort il y a moins de dix minutes, énuméra la jeune femme en dévisageant son obscurité. Est-ce que vous essayez vraiment de me faire croire que ce cadeau presse ?

  - Un beau cadeau n'attends jamais mia cara, répondit-il sur un ton badin.

De plus en plus septique la jeune femme fronça des sourcils.

  - Et de quel cadeau s'agit-il ? Insista-t-elle quand il lui la reprit des mains.

  - Une paire de gants.

Elle étouffa un rire qui paraissait si innocent et à la fois nerveux qu'il se refusa à lui dire la vérité au risque que cela nuise à ses plans.

Bien sûr elle n'était pas naïve au point de le croire et il savait qu'elle était consciente qu'il lui mentait sciemment.

  - Personne ni rien entachera cette journée principessa, déclara-t-il fermement. Nous allons nous rendre à la plage comme c'était prévu et je ne laisserai rien ni personnes entraver mes projets. Nous parlerons des questions fâcheuses après notre balade.

Déterminé, Massimo s'excusa auprès d'elle et monta se changer en vitesse puis la retrouva dans le salon en train de balayer le sol avec sa canne.

  - Allons-y principessa...

Sur les hauteurs de la villa Vincenzo regardait son patron partir avec la fille et ne put s'empêcher de vouloir contrer l'humeur de Nikki.

  - J'ai fini par comprendre pourquoi il était si différent avec elle.

  - Ah oui ?

  - Ils ont besoin l'un de l'autre.

  - Mais tu sais que...

  - Et il le sait aussi, la coupa-t-il en lui lançant un regard assez triste. Le patron le sait. Mais j'ai fini par comprendre qu'il se sent différent avec elle parce que cette fille ne peut pas le voir. Elle ne peut pas voir son visage changer brutalement ni même voir ses regards assassins et diabolique. Elle ne peut pas voir la rage et la colère s'installer dans ses yeux chaque fois que ces deux sentiments se manifestent. Elle est la seule à ne pas voir ce que nous voyons tous et cela lui donne l'impression d'être...humain.

Vincenzo marqua une pause puis reprit :

  - Il m'a donné l'heure et la date.

  - Quoi ? S'enquit Nikki en fronçant des sourcils.

  - Maintenant qu'il a tout les éléments pour avoir Domizio et l'acheteur, il a décidé de lancer l'offensive.

Il se détourna de l'horizon et regarda Nikki avec un peu d'amertume qui la mit mal à l'aise et fautive.

  - Sois rassurée Nikki, la fille sera partie d'ici deux jours et nous retrouverons tous le Massimo sanglant et impitoyable qui semble tant te manquer...


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