Chapitre 2




À bout de force Bella chercha une prise, un appui, n'importe quoi pour ne pas couler. Ses poumons lui brûlaient la poitrine, elle voulait hurler mais résistait de toutes ses forces pour ne laisser aucune chance à qui que ce soit de la localiser. Être enfermée dans cette noirceur rajoutait de la peur à la terreur qui pouvait s'entendre à chacune de ses respirations de plus en plus désespérées. Ses jambes épuisées la poussèrent à forcer sur ses bras qu'elle ne sentait plus. Elle ne savait pas où elle se trouvait dans l'eau ni même si ce lac la conduirait quelque part où elle serait à l'abris du danger. En balayant sur la droite avec sa main tremblante Bella sentit sur ses doigts une matière proche du béton et s'y agrippa en humant le parfum de l'air. Rien. L'odeur restait la même. Un mélange de terre, d'humidité, et de végétation. Assaillie par la peur elle s'aida des dernières forces qui lui restaient pour remonter et lorsqu'elle fut allongée sur la dureté du sol, Bella claqua des dents, le corps brisé par l'effort tout comme l'était son esprit. Seulement elle refusait d'abandonner et espérait entendre autre chose que le silence nocturne d'une nuit d'été. Elle rampa sur le sol dur, le visage crispé par une grimace de douleur, cherchant à se relever mais si épuisée qu'elle décida se continuer à ramper.

Elle leva sa main au-dessus du sol pour balayer le vide avant de se figer à l'écoute d'un bruit humain qui semblait se rapprocher.

Le cœur battant violemment contre sa poitrine serrée, elle cessa de respirer dans l'espoir insensé que cela puisse retarder l'inévitable, mais lorsqu'une main chaude et ferme encercla son poignet, Bella sentit le sol s'ouvrir sous elle. Sa fuite était terminée, mais elle ne savait pas encore lequel des ces monstres l'avait retrouvé.

Se débattre et se relever furent les premières réactions que son cerveau lui ordonna de faire. Dans cette bataille déjà perdue, elle fut soulevée par un bras fort et maintenue fermement dans cet étau. Dans ce tourbillon sombre de douleurs et de cris, elle ne sentit pas tout de suite cette sensation d'aiguille s'enfoncer dans son bras.

- Dolcemente principessa, murmura la voix du diable tout près de sa joue.

Bella lutta pour soulever ses paupières qui devenaient très lourde alors que le souffle de l'homme se déposait sur elle comme une doucereuse caresse. À bout de force, elle ferma les yeux et se laissa emporter dans les ténèbres en espérant ne jamais se réveiller.

Massimo bascula le corps inerte de la jeune inconnue dans ses bras pour la soulever et pivota sur la gauche afin de la décrire sous le clair de lune. Un visage pâle et sale se révéla à lui. Un visage en forme de cœur presque translucide sous les reflets de lune. Une frange de cils se déployaient comme les ails d'un aigle sauvage donnant une intensité fascinante à sa bouche rouge de sang et abîmée par la soif. Au premier regard ses cheveux mouillés et emmêlés étaient nuancé d'une couleur chocolaté tout comme l'étaient ses épais sourcils qui soulignaient son regard pourtant fermé.

- Intéressante...molto intéressante, chuchota-t-il en relevant les yeux vers les phares des voitures qui continuaient de ratisser les herbes sauvages.

Massimo pinça ses lèvres pour siffler afin de mettre un terme aux recherches. Nikki fut la première à le rejoindre alors qu'il marchait dans sa direction en portant ce petit corps qui ne pesait presque rien.

- Où tu l'as trouvé ?

- À côté du lac.

- Tu lui as fait quelque chose ? S'enquit-elle sous la forme d'une accusation.

- Je l'ai endormie afin de faciliter son transport, dit-il en lui lançant un avertissement du regard. Tu es un bon élément Nikki et je suis ravi que tu sois ici, mais ne remet pas en cause ma façon de gérer mes affaires et encore moins mes décisions. Maintenant monte dans la voiture.

- Je ne peux pas rester sans rien dire, surtout quand il s'agit d'une innocente, parce que c'en est une Massimo, répliqua Nikki quand il posa le corps inerte sur la banquette en face de la sienne.

- C'est aussi une étrangère qui a été enlevée par un réseau de trafiquants de drogue et qui d'après les informations de Viviana voulait tester un autre trafic.

- Et maintenant c'est toi qui l'enlève, rétorqua Nikki.

- Oui, c'est ça, confirma-t-il en retirant son manteau pour le déposer sur l'inconnue. Mais sois rassurée, je suis un geôlier exemplaire, ajouta-t-il avec un trait d'humour qui lui fit serrer les dents. Tu es trop nostalgique Nikki, trop émotive. Mais où est donc passé celle qui n'avait pas peur de torturer une femme pendant des heures.

- Je suis toujours la même Massimo, dit-elle en baissant les yeux sur la fille. Seulement cette fois-ci c'est différent et tu le sais. Elle est aveugle. Je n'ose pas imaginer à quel point elle doit être effrayée.

Massimo n'était pas sentimental et encore moins pétri de culpabilité quand il s'agissait d'agir. Détaché, insensible au plaidoyer de Nikki il fixa l'inconnue alors que la voiture s'engageait sur la route de campagne.

- Elle est déshydratée, nota-t-il en consultant sa montre. Il est trop tard pour faire intervenir Santini. Je vais devoir la perfuser.

- Et ensuite ? Demanda Roberto. C'est quoi le plan patron ?

Nikki très attentive, attendait une réponse pour pouvoir déjà le contrer.

- La garder en sécurité , l'interroger, savoir si elle sait ou a entendu des détails qui pourraient devenir très ennuyant pour elle.

- Ennuyant ? Répéta Nikki abasourdie. Elle n'est pas un danger Massimo et tu le sais pertinemment. Il faut la relâcher.

- Oh mais je l'aurai fait de bonne grâce si tu n'avais pas buté Viviana avant que je puisse l'interroger.

Nikki tourna la tête en poussant un juron.

- En Russie, ton patron a peut-être des règles différentes mais pas ici, pas sur mes terres. La dernière étrangère qui a été tuer en Italie a suscité des réactions négatives quand mon père était encore à la tête de la mafia. La Sicile m'appartient tout comme l'Italie séparés en deux territoires distincts préservés par deux mafiosis à la tête de deux organisations. Notre respect passe avant tout par la sécurité. Cette fille restera ici jusqu'à ce que j'en décide autrement est-ce que c'est clair ?

Un silence s'ensuivit et dans lequel Nikki abdiqua mais ajouta toutefois.

- Tu es dangereux Massimo, imprévisible, impulsif, sadique, et impitoyable.

Il fit mine d'être profondément touché en posant une main sur son torse.

- Merci pour ces compliments qui me submergent d'émotions.

- J'espère que tu sais ce que tu fais.

- Massimo sait toujours ce qu'il fait et ses décisions ont toujours été les bonnes jusqu'à maintenant, je doute que cette nuit change quoi que ce soit à sa détermination, lança Vincenzo qui jusqu'ici n'avait pas émis son opinion.

- Merci mon ami, maintenant que tout est limpide je vous propose de vous mettre au travail. Nous avons un numéro sur son poignet, pas de nom, pas de papier et nous savons seulement qu'elle est aveugle.

Massimo dégagea une mèche sur son front tout en ignorant ce petit pincement au cœur qu'elle avait déclenché en lui au moment où il avait reposé son poignet tatoué d'un numéro.

- Est-ce qu'elle...

- Non, je ne pense pas, mais je demanderai au médecin de vérifier si c'est nécessaire. Ce dont je suis certain c'est que Antonio et Aldo n'ont pas agi seuls. Ce qui signifie qu'il y a une autre tête derrière cet enlèvement. Une tête que je dois avoir.

Il releva la tête en regardant tour à tour Vincenzo et Nikki.

- Je les veux tous vivants pour mieux sentir leur chairs s'écarter sous la lame tranchante de mon couteau préféré, dit-il d'une voix sombre teintée d'impatience. La fille doit nous dire ce qu'elle sait. Que tu le veuilles ou non Nikki, elle reste potentiellement en danger tant que je n'ai pas toutes les informations dont j'ai besoin.

La mafieuse aux yeux maquillés d'un noir très prononcé finit par acquiescer sans doute parce qu'elle réalisait peu à peu qu'il valait mieux qu'il soit le loup qui allait la manger plutôt qu'un autre.

Même si Massimo restait le pire d'entre eux...

Une douleur logée dans les tempes, Bella sentit dans son dos une texture confortable qui la soutenait et dut attendre que son esprit revienne à lui pour découvrir sous la pulpe de ses doigts qu'il s'agissait d'un matelas. Elle ouvrit les yeux en essayant de rassembler ses forces pour se redresser alors qu'un parfum de citronnelle embaumait la pièce. Cependant, cet instant agréable qui lui donnait l'impression d'être au paradis s'arrêta brutalement lorsqu'elle se souvint que le diable l'avait attrapé.

Dans cette pénombre perpétuelle, elle écarta les draps dans un élan de panique et posa ses pieds nus sur le carrelage froid. Des courbatures lui envoyaient sans cesse des douleurs dans les articulations et son rythme cardiaque s'accéléra parce qu'encore une fois, elle ne savait rien et ne pouvait rien faire d'autre que d'appréhender.

Elle poussa sur ses jambes mais quand elle voulut se lever, elle s'arrêta brutalement et analysa l'odeur qui venait d'être soufflé par un vent marin.

Il s'agissait d'un parfum musqué et marqué de plusieurs fragrances. Une fraîcheur brute et virile accompagnée par une note de plusieurs agrumes sauvages. Une présence se trouvait là, quelque part dans cette pièce méconnue et elle était étouffante. Les énergies étaient sombres, comme si un voile obscure les recouvrait. Bella était presque certaine d'avoir ressenti cette même sensation dans cette terrible nuit qu'elle pensait pourtant finie.

- Vous êtes perfusée cara, restez tranquille, déclara cette voix rocailleuse qui aussitôt la couvrit de frissons. Rallongez votre petit corps épuisé sur ce lit ou je serais forcé de faire moi-même.

Bella émit un petit hoquet indiquant qu'elle allait pleurer et chercha la perfusion sur son bras.

- Il suffit d'obéir et tout se passera bien.

Tout n'irait pas bien, Bella le savait car cette même phrase avait été utilisée par Antonio. Le souffle de plus en plus irrégulier Bella chercha la perfusion pour l'arracher mais une main d'une fermeté qui lui arracha un cri l'empêcha de l'atteindre.

- Ça suffit ! tonna l'homme en la basculant sur le lit pour la maintenir en place. Vous allez finir par vous faire mal !

Consciente qu'elle était déjà vaincue, Bella cessa de bouger, la respiration forte.

- Pitié, souffla-t-elle en grimaçant sous le poids de ses mains sur ses poignets. Je vous en prie.

- N'essayez pas de me supplier, commença-t-il sur un ton calme et ferme. Vous n'obtiendrez rien de moi en me suppliant.

Bella sentit sa prise se desserrer doucement sans pour autant la lâcher. Son parfum très mâle et si proche de son visage indiquait que le sien était penché au-dessus du sien.

- Je veux juste...rentrer chez-moi, murmura-t-elle comme si cette simple phrase lui donnerait la liberté qu'elle souhaitait plus que tout au monde.

Il lâcha totalement ses poignets et l'odeur de son parfum s'éloigna subitement, laissant penser qu'il s'était redressé. Hélas, Bella ne respirait pas mieux pour autant car tout son air était bloqué dans sa poitrine douloureusement serrée.

- Justement c'est ce que j'aimerai savoir, principessa, dit-il de sa voix teintée d'un fort accent chaud. D'où venez-vous ? Quel est votre nom ?

Bella refusa de répondre comme elle avait refusé de répondre lors de son premier enlèvement. Une vie à laquelle elle tenait plus que tout était en jeu, et il n'était pas question qu'elle la mette en danger. Théodora, cette femme qui ne l'avait jamais abandonnée et qui avait toujours été contre ce voyage ne devait en aucun cas souffrir de sa naïveté et de cette souffrance qui l'avait poussé à venir jusqu'en Italie.

- Votre nom, demanda-t-il à nouveau mais cette fois-ci plus durement.

Elle secoua de la tête en signe de refus et elle l'entendit s'approcher à nouveau.

- Principessa...soupira-t-il tout près de son visage. Je doute que vous ayez vraiment envie de jouer à ce jeu avec moi. Mais si vous y tenez tant, alors nous allons jouer.

Elle perçut dans sa voix la même forme de délectation que la veille et elle frémit lorsqu'elle sentit son doigt tracer une ligne sur sa joue.

Immobile, le visage tremblant, elle décida de tenir bon et de ne pas craquer.

- Alors jouons tesoro, chuchota-t-il en s'éloignant à nouveau de son visage.

Puis elle entendit ses pas s'éloigner.


  - Plus vous me résisterez, plus votre séjour ne connaîtra pas de fin, ajouta-t-il en actionnant une poignée de porte. Et cette idée est loin de me déplaire principessa...

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