Chapitre 18
De retour à la villa, au lieu de tracer son chemin jusqu'à son bureau ou à la prison dans laquelle la fameuse Célia était enfermée, Massimo passa par les jardins en empruntant le chemin le plus court pour gravir les marches qui menaient au balcon de la jeune femme. Il ressentait le besoin indescriptible de la retrouver et de continuer à percer ce mystère qu'elle représentait. Ce n'était pas un livre ouvert, mais une page qui s'écrivait à mesure des heures et dont le contenu devenait chaque jour un peu plus intéressant. De plus, Massimo n'oubliait pas que quelques heures plus tôt, la jeune femme lui avait donné la garantie qu'elle ne chercherait plus à fuir le destin qu'il avait dessiné pour elle et qu'il continuait de dessiner chaque jour. Sa promesse, bien que fébrile avait eu au moins le mérite d'être sincère et il avait le sentiment que cette fois-ci c'était différent.
Pour s'en assurer, le mafieux voulait la surprendre et espérait découvrir autre chose qu'une chambre vide ou de voir une captive recroquevillée en attendant qu'une opportunité se présente pour trahir sa promesse.
Lorsqu'il atteignit le sommet, il écarta les voiles immaculées des rideaux et s'arrêta brutalement.
Éminemment désirable, la jeune femme était assise sur le lit, face au balcon, enveloppée dans un draps de bain en coton, les cheveux sur le côté qu'elle brossait lentement. Devant cette vision inattendue, il serra les dents et détourna la tête avant qu'une pulsion imprévisible le pousse à la regarder à nouveau. De ses cheveux mouillés s'échappaient de fines gouttelettes, et sa peau luisante d'une huile parfumée brillait face au soleil vif de la Sicile. Un désir exacerba ce plaisir qu'il prenait à la contempler avant que la raison lui ordonne de partir.
Bella cessa de se brosser les cheveux lorsqu'elle fut envahie par cette lourde énergie impitoyable. Pourtant, en tendant l'oreille, elle n'entendait rien d'autre que le bruit du vent agréable.
Elle reposa la brosse sur le lit et se leva doucement en levant sa main.
- Il y a quelqu'un ?
Personne ne se manifesta si ce n'est l'intervention de Mirella quelques secondes plus tard.
- Pardonnez mon retard, je suis passée par les cuisines pour vérifier que tout n'était pas en train de brûler.
- Ce n'est pas grave, murmura-t-elle en pivotant doucement dans l'autre direction.
- Est-ce...est-ce qu'il est rentré ? Demanda-t-elle en tenant la serviette par le haut.
- Oui, il y a moins de cinq minutes, pourquoi ? Vous voulez lui parler ?
Elle s'empressa d'agiter sa tête de gauche à droite, la bouche sèche. Cette impression d'être observée n'était peut-être pas qu'une impression, pensa-t-elle le cœur battant subitement un peu trop rapidement.
- Pourtant, il vous attendra pour le déjeuner dans moins d'une heure.
Bella redressa vivement la tête en cherchant Mirella dans la chambre.
- Est-ce un rituel qu'il compte me demander chaque jour ? Chaque fois ça se passe très mal.
Cette précision fit rire la gouvernante.
- Rassurez, il n'y a pas qu'avec vous que ça se passe mal, vous n'êtes pas l'exception à la règle, expliqua-t-elle en l'invitant à retirer la serviette.
Mal à l'aise elle voulut se retourner, mais Mirella l'en empêcha en lui passant un vêtement.
- Il n'y a personne mon petit, nous sommes seules.
Mais l'était-elle il y a moins de dix minutes ?
Elle en était moins certaine.
- Vous savez, commença Mirelle en se glissant derrière elle pour coiffer ses cheveux, les italiens ont le sang chaud et ils possèdent un tempérament parfois imprévisible.
- Mais tous les italiens ne tuent pas de façon imprévisible.
- Vous avez raison, Massimo est différent, mais il n'en demeure pas moins comme les autres humains. Il a des sentiments.
Mirella avait une manière très particulière de défendre le maître de maison, même si pour cela, quelques mensonges par omissions lui paraissaient nécessaire.
- Vous êtes parfaite.
- Je ne sais pas, murmura Bella tristement perdue dans ses pensées.
Elle se leva en s'aidant du mobilier et comprit au silence de Mirella qu'elle s'en voulait.
- Vous n'êtes pas la première et vous ne serez pas la dernière à me le dire, ajouta Bella en se retournant. Seulement chaque fois je serais confrontée à la même pensée triste.
- Croyez-moi sur parole, vous êtes une magnifique jeune femme.
La force de conviction de Mirella la fit légèrement sourire.
Cette atmosphère différente des autres fois la poussa subitement à rester un peu sur ses gardes. Tout pouvait brutalement changer.
Trente minutes plus tard, Bella écoutait le bruit agréable du cours d'eau avant que des pas très assassins viennent interrompre cet instant de tranquillité.
- Avez-vous oui ou non été dans ma chambre tout à l'heure ?
- Oui, répondit cette voix rocailleuse qui n'avait de cesse de la troubler.
Elle entendit une chaise se reculer puis s'avancer.
- Est-ce que...
- Si j'avais vu quoique ce soit d'intéressant, vous ne seriez pas ici mia piccola mais dans mon lit.
Devait-elle le croire ? S'indigner ?
- Je suis parti aussi vite que je suis arrivé, reprit-il sur un ton détendu. Est-ce que ma réponse vous convient ?
- Oui, répondit Bella en agrippant les accoudoirs.
Pourtant, dans sa voix, elle avait eu l'impression d'entendre une note espiègle comme le caractère d'un piège.
- En rentrant tout à l'heure, commença-t-il en recouvrant un sérieux inquiétant, j'ai réalisé que quelque chose avait changé.
- Quoi ?
- Vous.
Son pouls se mit à palpiter dans ses tempes.
- La peur qui n'a de cesse de vous envahir depuis le premier jour semble s'estomper peu à peu, reprit-il sur un ton égale au précédent. Est-ce que je me trompe ?
- J'ai fini par comprendre certaines choses et j'espère...j'espère ne pas me tromper.
- Le temps vous le dira cara, le temps vous le dira...
Un long silence se creusa et dans lequel Bella avait l'impression de suffoquer.
- Je dois vous révéler une information importante et j'attendais que vous soyez plus calme pour vous en parler.
Les sourcils froncés, les mains appuyées sur les accoudoirs, Bella se raccrocha à sa voix qui avait l'air d'être proche.
Trop proche.
Elle perçut le bruit d'une chaise d'approcher de la sienne.
- Je ne voulais pas vous le dire avant d'être sûr que vous êtes prête à l'entendre.
- Non, souffla Bella d'une voix grave et terrifiée. Il est...arrivé malheur à Théodora c'est ça ?
Sous l'effet de la panique, elle voulut se lever, mais deux mains crochetées aux siennes l'en empêchèrent.
- Théodora va bien cara, lui dit-il aussitôt. Il ne s'agit pas d'elle, mais de votre grand-mère maternelle. Elle est morte il y a plusieurs mois maintenant. D'une insuffisance rénale.
La respiration irrégulière, celle-ci s'apaisa à cette révélation au lieu de s'emballer d'avantage. Une peine lui noua la gorge, mais pas aussi intense qu'elle l'aurait pensé.
- Pourquoi...pourquoi...attendre pour me le dire ?
- Parce que cela brise le dernier sens à ce voyage qui s'est très mal terminé. Vous, vous êtes déplacée jusqu'ici pour retrouver une femme qui n'est plus en vie depuis des mois.
Elle dévisagea le vide abyssal et sombre tout en l'imaginant devant elle et essaya de décrire ou d'esquisser l'expression qu'il pouvait avoir à cet instant précis.
Était-il triste pour elle ? Peiné ?
Elle ne pouvait pas le savoir, mais le léger mouvement de ses pouces sur ses phalanges avait l'air de ressembler à une caresse pour la réconforter.
Elle réprima les battements trop rapide de son cœur en inspirant profondément.
- Ce voyage m'aura appris bien des choses, murmura-t-elle tristement en baissant les yeux. Et j'ai l'intuition que ce n'est pas fini.
- Si vous voulez, une fois que j'en aurai fini avec ceux qui vous veulent du mal, je pourrais vous emmener dans son village.
Bella émit un rire doux-amer.
- Vous êtes en train de me dire que vous avez trouvé son village ? Un village que je cherche depuis des mois sans succès ?
- Je suis doué lorsqu'il s'agit de trouver quelqu'un, dit-il modestement en retirant ses mains des siennes. C'est à vous de choisir Bella, si vous n'avez pas envie d'aller à son village pour y rencontrer ceux qui la connaissait je ne vais pas vous forcer.
Bella attendit qu'il s'éloigne complètement et qu'il reprenne sa place pour rétorquer :
- Depuis le début vous me forcez à vous obéir, mais là vous me donner le choix ?
- Parce que ça m'importe peu que vous vouliez ou non, répliqua aussitôt le mafieux. Cette visite dans ce village ne m'apportera rien. Je n'ai rien à y gagner contrairement à vous.
Elle n'avait rien à y gagner contrairement à ce qu'il pensait.
- Je voulais me rapprocher de mes racines italiennes, me raccrocher à un morceau de la vie de ma mère dont je sais peu de choses, répondit Bella la gorge nouée. Néanmoins je n'ai pas oublié que cette femme a laissé tomber ma mère.
- Alors pourquoi vouloir la rencontrer ?
- Pour lui prouver que ma mère n'était pas aussi médiocre qu'elle le pensait, mais aussi pour qu'elle me raconte des souvenirs heureux.
- À aucun moment vous vous êtes dit qu'elle aurait pu vous envoyer balader ?
- Si, mais au moins...
Incapable de poursuivre, elle préféra tourner la tête en imaginant l'infini bleu qui devait se voir de là où ils se tenaient.
- J'ai rendu visite aux bonnes sœurs qui vous ont hébergé, lança-t-il soudain.
Bien qu'elle fut soulagée qu'il change de sujet, elle ne fut pas certaine d'aimer celui qu'il voulait entamer.
- Vous avez trouvé quelque chose ?
- Est-ce que vous, vous souvenez des sœurs Marzia, Célia et Christina ?
Bella se redressa, saisie par un souvenir maintenant plus clair.
- Oui, je me souviens maintenant, la plus âgée d'entre elles était très bienveillante.
- Mais pas les autres ? Célia par exemple ?
En fouillant dans sa mémoire, elle se rappela d'elle avec un sentiment très mitigé.
- Elle était distante, mais gentille, répondit-elle au terme de son souvenir. C'est elle qui m'a guidé jusqu'à la chambre réservée aux touristes de passage. Pourquoi ? Vous pensez que...
- Je ne pense rien pour l'instant, je dois l'interroger.
- Vous allez interroger une bonne sœur ?
- À supposé qu'elle en soit une, précisa le mafieux d'une voix énigmatique.
Elle comprit qu'il n'en lui dirait pas plus.
- Elle est ici n'est-ce pas ? Insista Bella en redoutant la réponse.
- Sì.
Très vite, Bella se souvint de la prison dans laquelle il l'avait enfermé sans aucune pitié et pour lui faire peur.
- Cessez de faire cette tête mia piccola. Ce n'est pas parce que les choses semblent s'améliorer entre nous que je n'en demeure pas moins un mafieux sanguinaire pour autant.
Les lèvres scellées, elle chercha le couteau sur la table tout en plongeant ses doigts dans l'assiette.
- Si cette femme a un lien quelconque avec votre enlèvement n'espérez pas que je me montre courtois avec elle et que je lui propose un massage.
- Cela ne vous fait rien ? De tuer des gens ?
- Vous ne me ferez pas croire une seconde que vous n'avez pas éprouvé du soulagement lorsque j'ai tué les hommes qui vous retenez prisonnière dans cette maison, répondit le mafieux d'une voix neutre mais teinté d'une légère froideur.
Elle baissa les yeux pour fuir la satisfaction qu'elle ne pouvait pas voir, mais qu'elle devinait sur son visage après lui avoir donné raison par son silence.
- On répond au mal par le mal, c'est ainsi que je fonctionne mon ange, c'est à prendre ou à laisser. Maintenant mangez un peu.
Sous cette note impérieuse, elle préféra se taire et mangea doucement en fixant un point devant elle.
- J'aime quand vous me regardez.
Le souffle court, elle rougit et au lieu de détourner les yeux, elle continua de le fixer.
- Pourquoi ? Cela vous donne l'impression que je peux vous voir ?
- En effet, et c'est agréable autant que troublant.
- Rien ne peut troubler un homme tel que vous.
Massimo inspira fort par le nez en reculant sa chaise. Ses chairs étaient désormais inondées par cette chaleur ardente qu'elle provoquait en lui et depuis qu'il l'avait vu dans ce drap de bains cette chaleur n'avait de cesse de grandir.
Sans pouvoir résister à cet appel, c'est d'une démarche presque menaçante qu'il s'approcha de sa tendre captive et posa la naissance de ses doigts sur ses joues.
Un petit hoquet s'échappa de ses lèvres entrouvertes.
- Il faut croire que vous avez tort tesoro, dit-il d'une voix rauque.
Il remonta ses doigts jusqu'à ses tempes pour balayer en arrière ses longs cheveux.
- Vous pourriez...faire ce que vous voulez de moi, pourquoi vous ne le faites pas ? Demanda-t-elle d'une voix tremblante.
- Parce que je n'ai pas besoin de recourir à la force pour avoir ce que je veux, je suis navrée cara, mais je ne suis pas l'homme que voudriez que je sois.
Il glissa ses doigts jusqu'à son menton pour incliner sa tête légèrement vers l'arrière puis rajouta d'une voix rauque :
- Lorsque je veux quelque chose, j'use d'autres méthodes bien plus agréables pour l'obtenir princepessa...nettement plus agréables...
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