Chapitre 17
Le voyage n'avait pas duré aussi longtemps que Bella l'avait pensé, car au premier souvenir l'homme avait décidé de la ramener à la villa. De retour dans sa chambre, elle se laissa surprendre par l'odeur qui se dégageait du plateau laissé par Mirella.
- Je suis si contente de vous revoir mon petit, lança la gouvernante depuis la fenêtre qu'elle venait d'ouvrir. Vous avez l'air en forme et plus détendue.
C'était le cas, songea-t-elle en glissant son index dans le verre pour délimiter la quantité qu'elle versait doucement.
- Je vais bien et je suis bizarrement contente d'être rentrée, admit-elle en reposant la carafe avec précaution sur la table.
- Est-ce que ce voyage vous a été bénéfique ?
Bénéfique ?
Oui, il l'avait été pour plusieurs raisons. Elle n'avait plus envie de se battre depuis qu'elle avait enfin pris conscience que la situation était bien plus grave qu'elle le pensait au départ. Il lui avait fallu plusieurs heures pour se dire que sans l'intervention du mafieux, cet homme qui s'était glissé dans la chambre l'aurait enlevé pour la livrer à l'acheteur. Cette pensée lui donna la nausée et elle grimaça. Elle tente de prendre une respiration, mais celle-ci se bloqua dans sa poitrine.
- Ce voyage m'a aidé à mieux réfléchir, répondit-elle au bout de ses réflexions.
Elle but une gorgée d'eaux en tendant l'oreille vers le bruit de chaise à côté de la sienne.
- Je suis contente, confia Mirella en lui prenant la main. Tout ira bien maintenant, j'en suis sûre.
Bella ne savait pas si tout irait bien, mais elle n'avait pas le choix de remettre son destin entre les mains du mafieux.
De l'autre côté de Messine, Massimo suivait des yeux le bleu infini de la mer en inspirant plusieurs fois une bouffée d'air frais.
- Est-ce que je peux savoir pourquoi Vincenzo ne nous accompagne pas ? Lança Nikki à l'arrière de la voiture.
- Il est puni, répondit-il en tournant brièvement la tête vers Roberto installé au volant.
- Puni ? Répéta-t-elle avec un rire dubitatif.
- Oui, puni parce qu'il m'a quelque peu irrité, alors il est interdit de participer à cette petite escapade. Mais soyez rassuré je suis certain qu'il est au ange de pouvoir rester au club pour profiter de cette...vague de femmes qui s'agite là-bas.
Nikki se pencha en avant entre les deux sièges.
- Il t'a irrité parce qu'il a osé te dire ce que tout le monde pense tout bas ? Lança Nikki l'air amusé.
Massimo posa son coude sur le rebord de la fenêtre ouverte en marmonnant dans sa barbe.
- Accélère Roberto, ordonna-t-il en fixant la route des yeux. Je sens que cette conversation va m'irriter un peu plus.
- Si ça t'irrite autant c'est peut-être parce que c'est la vérité.
- Il n'y a aucune vérité Nikki ! S'agaça-t-il, tu sais que c'est différent, tu l'as toi-même fait savoir dans des diatribes ennuyeuses. Je me charge de cette affaire personnellement parce qu'elle est grave et c'est moi le patron. C'est moi qui donne les ordres.
- Donc, cette jeune femme n'a aucune importance pour toi ? Tu n'as aucune considération pour elle ? Insista Nikki en prenant un air faussement hésitant.
- Si je n'avais pas de considération pour elle, je ne serais pas dans cette voiture et je ne l'aurait pas sauvée, répondit Massimo avec humeur. C'est ma prisonnière, mais une prisonnière différente et je trouve ça assez étrange que tu portes de tels propos Nikki surtout après m'avoir fait comprendre que tu étais hostile à ma façon d'opérer avec elle.
- C'était encore le cas hier, jusqu'à ce que Vincenzo m'informe qu'un homme avait tenté de l'enlever. Il est maintenant clair que tu avais raison. Cependant ça ne m'empêche pas d'avoir de l'inquiétude te concernant.
- Parce que je suis sadique ou parce que je suis imprévisible ?
- Les deux, répondit-elle honnêtement. Néanmoins je dois reconnaître que cette fille a l'air de te toucher.
- Elle ne me touche pas, j'ai de la compassion pour elle, une infime compassion.
- Parfait, dit Nikki sans aller plus loin.
- Parfait ?
- Oui c'est parfait, au moins maintenant je suis sûre que tu reconsidéras tes sursauts imprévisibles lorsque tu seras avec elle. Parce que tu as de la compassion.
- Fantastique ! Maintenant que tout est limpide, peut-on revenir à notre problème principal ?
- Sì, lança Roberto en empruntant la route qui menait à la ville.
Agacé et désormais tendu, Massimo resta concentré sur la route en parvenant difficilement à s'arracher de cette torpeur trop présente. Il n'aimait pas que l'on se mêle de ses affaires et encore moins lorsqu'elles devenaient privées. La jeune fille n'était plus un cas résoudre pour maintenir l'omerta ou bien ses règles, elle était devenue une affaire privée et personnelle qui pour une raison encore méconnue le poussait à s'en charger lui-même.
Au petit matin, dans cette voiture, elle ne s'était pas seulement souvenue, elle lui avait aussi accordé sa confiance.
- Je me suis surpris à m'imaginer à sa place, lâcha Massimo à voix haute en saisissant l'attention de ses deux compagnons de route. Chaque fois que je la regarde je sais qu'elle est plongée dans l'obscurité et je ressens pour elle une peine indicible qui a eu énormément de mal à se manifester, mais qui à présent m'oblige à reconsidérer l'ordre de mes priorités et il se trouve qu'elle est devenue ma priorité.
Un silence accueillit son aveu et il sut alors qu'il n'aurait pas de réponse car ils le connaissaient assez bien pour savoir que ce n'était pas nécessaire.
Avec un jeu de mâchoires il se redressa sur le siège en faisant craquer sa nuque puis ajouta sur un ton plus enjoué.
- Et je ne me lasse pas de sa charmante compagnie.
Avant que Nikki réplique, Massimo quitta le véhicule arrêté devant cette fameuse église.
- Il est temps de rendre une petite visite à Dieu.
À l'intérieur, le silence engloutissait chaque recoins de la bâtisse ancienne et vieille de plusieurs centaines d'années. Les échos des murmures soufflés par les sœurs s'entremêlaient avec le vacillement des flammes de toutes ces bougies les unes près des autres.
La fin de la prière approchait et elle fut interrompue par l'ouverture brusque des deux lourdes portes.
- Tuo è il regno, tua la potenza e la gloria nei secoli, amen, lança l'Italien d'une voix chantante et dithyrambique depuis les portes avant de rentrer majestueusement dans l'église.
Les portes se refermèrent lourdement derrière Nikki qui regardait Massimo s'avançait entre les rangées de bancs pour rejoindre les bonnes sœurs qui le regardaient avec méfiance et crainte mêlées. Sauf une, la plus âgée des trois.
- Puis-je vous aider mon fils ?
- Sì madre, dit-il en la regardant par-dessus ses lunettes de soleil. Vous pouvez m'aider et j'espère que vous le ferez ma sœur... ?
- Soeur Marzia, s'annonça la vieille femme en plaçant ses mains liées devant elle.
- Soeur Marzia, répéta Massimo avec un large sourire tout en tournant autour d'elle avant de s'arrêter devant le bénitier pour tremper ses doigts dedans.
- Et moi qui pensais que je brûlerais rien qu'en plongeant ma main dedans, nota-t-il en terminant son signe de croix. Il faut croire que Dieu m'aime.
- Dieu accorde grâce aux pécheurs, précisa sœur Marzia posément.
- Avec moi je dirais que l'on s'approche des entrailles de la miséricorde divine, répliqua Massimo en retirant ses lunettes de soleil. Et puis-je savoir qui sont ces deux autres sœurs ?
- Sœur Christina et sœur Célia.
L'une avait l'air terrorisée, et l'autre un peu plus jeune avait les yeux baissés.
- Sœur Marzia, commença-t-il en se tournant vers elle. Avez-vous un passage de la bible à nous partager concernant le mensonge ?
Un silence marqué d'une lourde atmosphère inquiétante accueillit sa demande avant qu'elle ne s'exécute.
- Le pain du mensonge est doux à l'homme et plus tard sa bouche est remplie de gravier.
- Bravissimo !
- Je ne comprends pas où vous voulez en venir, ajouta sœur Marzia.
- Vous savez qui je suis n'est-ce pas ?
- Oui, vous êtes celui qui a chassé notre gouvernement du pouvoir, il se murmure que vous êtes le mal.
- Il se murmure aussi que je déteste le mensonge, alors je vous conseille de répondre à mes questions avec honnêteté.
Il tourna autour de la sœur puis se dirigea vers celles qui demeuraient muettes.
- Une jeune femme se souvient avoir fait un court séjour ici, commença Massimo les mains dans le dos en les regardant tour à tour. Une jeune Américaine sur les traces de son passé. Elle est aveugle.
- La jeune Bella, s'exclama la sœur Marzia un peu désorientée. Oui, je me souviens, son départ est si récent. Nous l'avons accueillie ici pour deux nuits. Une jeune femme douce et charmante. Elle m'a énormément peinée.
Nikki s'installa sur l'un des bancs.
- Et pourquoi ? Demanda-t-elle aussitôt.
- Elle cherchait désespérément sa grand-mère maternelle et il était facilement lisible dans ses yeux que ce voyage était plus une épreuve qu'une joie.
Sœur Marzia les dévisagea en détachant ses mains, les yeux déjà imprégnés d'inquiétude.
- Il lui est arrivée un malheur ?
- Oui, car elle a été enlevé par la suite, répondit Massimo en se plaçant devant elle. Je l'ai retrouvé à trente kilomètres d'ici, dans une maison abandonnée et prête à être fraîchement vendue.
Avec un regard aiguisé, Massimo guetta les réactions des trois bonnes sœurs.
- Est-ce qu'elle va bien ? S'enquit sœur Marzia en portant ses mains à sa bouche, l'air choqué.
- Aussi bien qu'elle le peut étant donné les faits, répondit Roberto en s'approchant à son tour. Si vous savez quelque chose il est temps de nous le dire.
- Son dernier souvenir s'arrête ici, ajouta Massimo sur un ton plus froid. Elle se souvient d'être montée dans une voiture puis plus rien.
- Il a dit qu'il était son guide, cette jeune femme semblait avoir confiance en lui, répondit Marzia rapidement en les regardant tour à tour. Je peux vous assurer que nous ne savons rien de plus.
- Et pourtant il va falloir faire mieux que ça, répliqua Massimo d'une voix de plus en plus menaçante. Deux jours se sont écoulés avant qu'elle monte dans cette voiture, et mon instinct me dit que vous en savez plus que vous le dites.
Un froid sourire aux lèvres, Massimo tourna autour des deux autres bonnes sœurs en étudiants leur comportement.
- Sœur Christina, vous m'avez l'air terrifié, lança-t-il en se plaçant en fasse d'elle. Est-ce moi qui en est la cause ou vous voulez parler pour vous libérer du mal ?
Elle secoua de la tête vivement, le visage apeuré.
- V...vous...
- Allons allons, chut...je ne vais pas vous faire du mal, dit-il en se penchant vers elle. Je veux juste comprendre.
- Elle était gentille, nous avons déjeuné ensemble dans la salle commune, je l'ai aidé, mais je...
- Je sais, la coupa-t-il en lui prenant les mains. Vous dites la vérité. Tout va bien, respirez profondément.
Il lui lâcha les mains en arrimant son regard vers la dernière sœur.
- Sœur Célia, soupira-t-il en se positionnant devant elle, les mains dans les poches de son pantalon.
- Oui, dit-elle en relevant la tête, l'air serein.
Massimo fouilla dans ses yeux verts à la quête de la vérité puis esquissa un sourire.
- Avez-vous quelque chose à rajouter.
- Non, répondit-elle calmement, les yeux percés d'une lueur farouche. Comme vous l'a dit sœur Christina, nous avons mangé avec elle puis nous l'avons guidé jusqu'à sa chambre pour la nuit.
- Vous voyez, lança la doyenne derrière lui. Nous ne savons rien monsieur Di Marzio.
- Je veux un passage de la bible, tout de suite, ordonna-t-il sans la quitter des yeux.
Le frémissant sourire encore perceptible sur ses lèvres quelques secondes plus tôt disparut et elle le dévisagea l'air étourdi par sa demande.
- Quoi ?
- Un passage, tout de suite, n'importe lequel.
- Allons ma sœur, faites ce qu'il vous dit, ne soyez pas timide ! Ordonna la vieille dame en s'approchant.
- Oh mais elle n'est pas timide, lança-t-il en penchant la tête sur le côté. Je dirais même le contraire.
Un silence assourdissant suivit sa remarque.
- Voyez-vous sœur Marzia, elle ne peut pas s'exécuter parce que nous tenons là, celle qui a la bouche pleine de graviers.
Son regard vert changea brusquement tandis que le sien n'était plus qu'un ciel d'orage.
Sans délicatesse il la saisit par la gorge sous les cris étouffés des deux sœurs et il l'emporta jusqu'au bénitier.
- Il est temps d'expier ses péchés.
Il la renversa en avant pour plonger sa tête dans l'eau bénite.
Ignorants les cris, Massimo la maintenait fermement par la nuque en la regardant se débattre inutilement.
Il la tira en arrière pour qu'elle reprenne un peu d'air puis la rejeta dedans.
- Vous devriez revoir votre méthode d'intégration dans les ordres ma sœur, dit-il à la vieille femme sur le point de s'évanouir. Je suis sûr qu'elle n'a jamais dit le bénédicité.
Il la tira en arrière et la jeta au sol. Elle toussa fort en se tenant la gorge. Son regard qui depuis le début était faussement angélique glissa sur son visage remplacé par une expression hargneuse.
- Emmenez là, ordonna-t-il froidement.
Nikki la souleva sans ménagement avec l'aide de Roberto pour la sortir de l'église.
Massimo inspira profondément en rejetant la tête en arrière.
Il roula des épaules en s'approchant des deux sœurs tétanisées sur le banc puis remit ses lunettes de soleil en arborant un sourire radieux.
- Au plaisir de vous revoir mes sœurs...
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