Chapitre 13
C'était la première fois depuis sa première captivité que Bella se sentait libre. Cherchant d'une main hésitante le bouton qui ouvrait la vitre de la voiture elle sentit bientôt le vent caresser son visage lorsque celle-ci se mit à descendre. Timidement elle pivota légèrement son corps vers le mafieux assis à côté d'elle.
- Il suffisait de demander principessa, glissa-t-il en faisant descendre la vitre complètement.
- Je ne sais pas ce que je peux demander ou non, lui dit-elle en balayant ses cheveux en arrière.
- Tout sauf votre liberté.
Bella agrippa la ceinture et la serra entre ses mains moites. Ensuite, elle n'osa plus bouger, ayant l'impression d'être serrée dans un étau. L'habitacle de la voiture ne lui semblait pas étroit et pourtant elle avait l'impression qu'il se tenait tout près d'elle. Le vent qui s'engouffrait dans la voiture apportait avec lui l'odeur de la mer et cette odeur se mêla très vite aux fragrances brutes apportées par l'homme.
- Où allons-nous ? Demanda-t-elle en s'efforçant de masquer son anxiété.
- Au sud de Messine pour commencer.
- Comment savez-vous que j'étais au Sud et pas au Nord ou l'Ouest ? L'interrogea-t-elle en fronçant des sourcils.
- Parce que j'ai fait quelques recherches qui m'ont conduites à trouver quel véhicule vous avez pris à la descente du bateau.
Massimo retira ses lunettes de soleil pour la contempler avec les bonnes couleurs et fut agréablement surpris de la voir si détendue, même si ce n'était qu'en apparence.
- Et ensuite ?
- Je vous guiderai, répondit-il en regardant intensément ses lèvres charnues.
- Et si je n'avais pas envie de me rappeler ?
- Alors vous resterez à jamais avec moi, sans possibilité de retrouver vos amis, Théodora.
Un voile de peur se déposa sur ses yeux et son teint devint livide. Accoutumé à agir avec violence et sadisme, Massimo s'essayait au mieux à cet exercice périlleux et fascinant. Cette captive réclamait de la douceur, ce dont il n'était pas capable. Son handicap était le seul atout qu'il possédait pour l'instant, car elle ne pouvait pas voir son visage être le théâtre de la colère, de la rage, et parfois envahi de pulsions meurtrières.
- Vous pensez que mes sens développés avec le temps suffiront pour retrouver ces souvenirs perdus ?
- J'ai l'espoir qu'ils nous soient utiles en effet, et je dois reconnaître que vous avez une bonne maîtrise.
La voiture s'arrêta à l'endroit qu'il avait choisi pour passer la nuit. Bien que Vincenzo resterait dans les parages, Massimo craignait que la jeune femme soit envahie d'une crise de panique en apprenant ce petit détail. Pour ne prendre aucun risque il la tira hors de la voiture, la souleva d'un seul bras et la plaqua contre lui.
Crispée, elle se laissa faire.
Une fois à l'intérieur de la maison isolée qui autrefois lui servait de planque, Massimo la reposa à terre.
- Ne bougez pas d'ici, ordonna-t-il d'une voix toutefois posée. Je vais chercher nos bagages.
La respiration irrégulière elle déplia sa canne en tâtonna le sol.
En revenant avec les deux sacs, il la trouva à l'autre extrémité du petit salon en train de toucher le mur et de suivre sa trajectoire.
- Vous cherchez une issue de secours ?
Elle hoqueta en se retournant.
Cette réaction eut bon d'assombrir ses traits et il s'approcha d'elle, l'air menaçant.
- Dites-moi que vous n'étiez pas en train de faire ce à quoi je pense.
Il apposa ses mains sur le mur pour la bloquer et sa respiration irrégulière s'affola.
- Non, je suis...je suis...je ne comprends pas ce qui se passe.
- C'est pourtant simple, nous sommes dans une petite maison isolée, mais assez proche de la ville pour la rejoindre à pied, expliqua Massimo en retirant ses mains du mur. Nous restons ici jusqu'à ce qu'un souvenir émerge de votre adorable tête. Vous prendrez la chambre, je dormirai sur le canapé.
A cette dernière phrase la jeune femme lâcha un long soupir de soulagement et Massimo ne put s'empêcher de sourire.
- Principessa, commença-t-il en reposant ses mains sur le mur pour se pencher vers son visage, la prochaine fois que vous avez une inquiétude essayez de la communiquer, cela vous évitera de tirer des conclusions trop hâtives.
Elle souleva ses longs cils pour tenter de gagner ses yeux, mais encore une fois, elle ne les trouva pas. Au lieu de ça, elle regardait son nez.
- Comment puis-je savoir si ce que je vais dire ne va pas vous créer une impulsion imprévisible susceptible de me mettre en danger ?
- Pour le savoir, il faut essayer, répondit Massimo en fixant ses lèvres charnues et d'une attirance telle qu'il dut se redresser pour réprimer l'envie de les saisir.
Il se recula, agacé de ressentir pour cette jeune femme une attirance, un désir qui n'avait pas sa place et qui ne lui ressemblait pas.
- La chambre est sur votre gauche, la première porte.
S'il y a bien une chose qu'il avait retenue au sujet de sa captive, c'est qu'elle éprouvait le besoin vital de se débrouiller seule pour découvrir et se familiariser très vite avec un nouveau lieu.
- Merci, murmura-t-elle.
Massimo recula encore et toucha la porte d'entrée pour feindre qu'il partait dehors puis s'immobilisa sans faire de bruit. La jeune femme tourna plusieurs fois les yeux vers la sortie en lâchant des petits soupirs aussi résignés que l'étaient les traits de son visage. Progressivement elle s'avança dans la direction qu'il lui avait indiqué en butant contre quelques obstacles avant d'atteindre la porte.
Sans bouger, il la suivit du regard puis fit un pas en avant. Elle ouvrit la porte en la poussant doucement puis resta dans l'encadrement.
Sans tenter de le repousser, il éprouva un pincement au cœur en la regardant hésiter à pénétrer dans la chambre plongée dans le noir. Il n'était pas nécessaire d'allumer la lumière ou même d'ouvrir les volets dans son cas. Cela ne faisait aucune différence.
- Pour quelle raison vous restez silencieux ? Lança-t-elle en le prenant par surprise. Pourquoi vous m'observez ?
- Comment avez-vous...
Elle inspira profondément avant de lui répondre.
- Croyez-moi ou non, mais je peux sentir votre énergie lourde et sombre, et même si vous, vous appliquez à ne pas faire de bruit, vos pas ou les chaussures que vous portez vous trahissent.
Elle marqua une pause pour inspirer à nouveau mais cette fois-ci avec plus de difficulté.
- Puis enfin votre parfum, acheva la jeune femme alors qu'il la rejoignait progressivement.
- Mon parfum ? Répéta Massimo en posant sa main sur l'encadrement juste au-dessus de sa tête. Je suis très intéressé d'en savoir plus mia cara.
Elle dévisagea son torse là où sa hauteur d'un mètre soixante-cinq ou soixante-sept s'arrêtait. Il décela dans ses yeux une légère hésitation.
- Il est très prenant, les effluves sont très dominantes et suaves. Il y a une touche de bergamote qui ajoute des notes d'agrumes.
- Je suis très impressionné, murmura Massimo en la dévisageant longuement tandis qu'un sourire s'incurvait sur ses lèvres. Et vous aimez ?
Un afflux de sang gagna ses pommettes.
- C'est...c'est toujours mieux que l'odeur du sang.
Massimo esquissa un sourire plus large sous cette note légèrement sarcastique.
- J'en conclus que vous aimez, mais que ça serait un crime de le dire, chuchota-t-il en franchissant le seuil de la porte pour ouvrir la fenêtre.
- Pourquoi vous avez fait ça ? Insista-t-elle en restant à la porte comme si elle redoutait d'entrer.
- Mes intentions n'ont pas le caractère d'un piège si c'est cela qui vous inquiète, répondit Massimo. Je voulais vous observer, tout simplement. La chambre n'est pas piégée, vous pouvez entrer sans crainte.
- Et votre observation vous a été bénéfique ?
- Ça n'a pas duré suffisamment longtemps pour en tirer le moindre bénéfice. En revanche maintenant je sais que je vais devoir travailler sur ma démarche si je veux un jour vous surprendre.
Elle se pinça les lèvres en glissant sa canne sur la droite puis la gauche. Massimo resta devant la fenêtre en la regardant attentivement.
- Me surprendre pour me tuer ? Lança-t-elle sur un ton semblable à une plaisanterie légère mais qui cachait en réalité une peur toujours présente.
- Non, dit-il en mesurant la tonalité de sa voix. Si je devais vous tuer, je n'aurai pas besoin de vous surprendre pour le faire. Une balle dans la tête suffirait et dans votre cas, la seule différence c'est que vous ne pourriez pas voir votre mort arriver. Ce qui n'est pas plus mal en fin de compte.
Avant qu'elle n'ait eu le temps de faire le moindre mouvement Massimo la rejoignit en deux enjambées et saisit ses épaules pour la hisser légèrement tout en l'attirant vers lui.
- Aussi longtemps que vous penserez que je vais vous tuer, je continuerai de me jouer de vos peurs, expliqua-t-il sur un ton faussement calme. Plus vous continuerez à croire que je vais vous tuer, plus je vais poursuivre ce petit jeu qui consiste à vous laissez supposer que ça finira par arriver.
- C'est un jeu sordide, dit-elle dans un seul souffle fragile.
- Un jeu que vous provoquez mademoiselle Hudson, répliqua vivement Massimo en attirant la jeune femme un peu plus vers lui. Combien de fois encore vais-je devoir vous dire que je ne vais pas vous tuer avant que vous compreniez enfin que ma parole fait loi ?
- Des centaines de fois sans doute, répondit la jeune femme en levant son regard vers le sien.
Cette fois-ci elle avait visé juste et ses yeux d'un bleu profondément clair se plongèrent dans les yeux.
- Alors je continuerai à vous torturer mentalement encore une bonne centaine de fois.
- Vous êtes un mafieux, n'espérez pas que je me love dans vos bras en vous remerciant d'avoir fait de moi une étrangère de ma propre vie.
- Oh mais vous le ferez, répliqua Massimo rictus aux lèvres en la tenant si étroitement contre lui qu'elle lâcha la canne pour poser ses mains sur son torse pour tenter vainement de le repousser. Tôt ou tard, vous le ferez.
- Vous êtes trop sûr de vous monsieur Di Marzio, souffla la jeune femme en lui tenant tête malgré les tremblements répétés de son corps.
- Je suis confiant et je suis un visionnaire assez doué lorsqu'il faut dessiner l'avenir de quelqu'un.
Il la relâcha progressivement jusqu'à ce que ses pieds touchent le sol.
- Il est facile de tracer le destin de quelqu'un quand c'est vous qui le tenez entre vos mains et que la fin est la même pour tous.
- Sauf pour vous, s'empressa-t-il de dire en caressant sa joue du revers de la main en faisant fi de son mouvement de recul. Non pour vous ça sera un destin différent, si ça peut vous rassurer.
Il ramassa la canne pour la lui donner et s'en alla vers la sortie.
- Plus nous conversons ensemble mia piccola, plus je vous dessine un destin ô combien inoubliable et qui restera à jamais ancré dans votre mémoire.
Bella dont le cœur était sur le point de bondir hors de sa poitrine l'entendit partir et cette fois-ci la porte se referma réellement sur lui. Une main posée sur sa joue, elle lâcha tout l'air bloqué dans sa poitrine alors que son visage fourmillait encore comme si le revers de sa main était toujours en train de caresser sa joue.
Une chaleur nouvelle gorgée d'inexplicables pensées commença à l'envahir alors qu'elle cherchait vivement la porte de la salle de bain. Une fois à l'intérieur elle tâtonna chaque recoins pour trouver le lavabo et tourna le robinet pour se passer de l'eau sur le visage. En se redressant les joues encore brûlantes, Bella fut transpercée d'une tristesse jusqu'alors oubliée et qui se réveilla en imaginant le miroir qui était sans nul doute accroché devant elle et dans lequel elle ne pouvait pas voir son reflet.
Elle repoussa de toutes ses forces le chagrin qui commençait à lui monter aux yeux et sortit de la salle de bain la boule au ventre.
- Tesoro.
Elle sursauta en étouffant un cri.
- Nous dinerons en ville ce soir, je vous ai posé une robe sur le lit.
À peine remise de l'événement troublant qui précédait celui-ci, Bella ne réagit pas alors que l'annonce de ce dîner sonnait comme le glas d'une nouvelle confrontation, mais aussi surtout, elle allait devoir se confronter aux mêmes troubles que ceux qu'elle venait de connaître sans qu'elle puisse encore se les expliquer.
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