Chapitre 12
Bella s'efforça de prendre une attitude décontractée pour ne rien laisser paraître du cours de ses pensées glaçantes. Rien, absolument ne lui permettait de se détendre et de ne plus craindre la colère du mafieux.
- J'espère que ce déjeuné vous plaira, se contenta de dire l'italien sur un ton étonnamment détendu.
Surprise qu'il ne l'ait pas reprit alors qu'elle avait été trop loin, Bella glissa ses doigts dans l'assiette pour en deviner le contenu.
- L'homme que j'ai tué a joué un rôle concernant votre vente sur internet, lâcha-t-il soudainement.
La rapidité avec laquelle son cœur s'était mis à s'emballer lui donna un haut-le-cœur. Il ne lui laissa aucune possibilité de s'en remettre et poursuivit.
- Il n'était pas physiquement présent pendant votre captivité dans cette maison mais à quelques kilomètres de Rome. Il a reçu des instructions pour vous placer en vente sur internet. Malheureusement je n'ai pas pu en savoir plus car ce n'est pas lui qui a été en contact avec la personne qui en a donné l'ordre, mais son acolyte qui a été jeté dans un puits récemment.
Bella n'était pas sûre de savoir ce qui paraissait le plus choquant.
Le récit glaçant ou celui qui le narrait avec détachement et désinvolture ?
- Tout va bien tesoro ? Demanda-t-il ensuite alors qu'elle se savait livide.
- Pas aussi bien que je l'espérais, répondit Bella en cherchant son verre qu'elle faillit renverser en le trouvant.
- Je pensais que vous étiez venue jusqu'ici pour ces informations.
- En effet, murmura-t-elle en réalisant seulement maintenant que ce n'était pas la raison pour laquelle elle n'avait opposé aucune résistance pour se rendre à ce déjeuné. Seulement vous devez vous douter que c'est difficile pour moi.
- Je n'en doute pas, mais c'est vous qui m'avez demandé à savoir.
- Tout ce que je veux c'est la liberté et je ne peux pas l'avoir tant que...
Bella serra les lèvres en baissant la tête.
- Je n'arrive pas à me souvenir.
- Ça reviendra mia piccola, nous allons travailler là-dessus quand je serais certain que je peux vous faire confiance.
Bella releva la tête, interpellée par cette réponse trop énigmatique.
- Je ne vois pas le rapport entre la confiance et ma mémoire défaillante.
- Au contraire cara, il y a un lien évident, rétorqua le mafieux. Vous n'êtes pas sans savoir que dans ce genre de cas, les personnes victimes d'amnésie retournent souvent à l'endroit précis où les souvenirs se sont arrêté.
- Si vous avez dans l'intention de me ramener dans cette maison alors je préfère rester ici pour l'éternité, répondit-elle la respiration douloureuse. Je ne veux pas y retourner.
- Je note mia cara, je note, s'enquit-il sur un ton pensif.
Bella se mordit la lèvre en se maudissant d'avoir dit ça sans réfléchir.
- Cependant, je ne pensais pas à cette maison en particulier mais plutôt à retracer votre voyage jusqu'à ce que celui-ci vous mène jusqu'à moi.
Le silence qui suivit lui envoya une flambée de frissons indescriptibles et ce pour plusieurs raisons.
- Vous voulez dire...
- Je veux dire vous et moi, retraçant votre parcours afin de vous aidez à retrouver votre mémoire. Seulement ce voyage ne pourra pas se faire tant que je n'ai pas la certitude que vous n'allez pas tenter de me fuir encore une fois.
- Aucun risque que cela se produise, répondit Bella en agrippant les rebords de la table. J'ai compris la leçon et je sais maintenant que je ne pourrais pas vous échapper.
- Vous savez hum ? C'est étrange mais ne suis pas aussi persuadé que vous.
Bien sûr Bella se doutait bien que les mots ne suffiraient pas. Il lui fallait des preuves.
- Je ne suis pas le genre de femme qui pratique la manipulation.
- Ah oui ? S'étonna-t-il. Le mensonge alors ?
- Je sais que je vous ai menti, mais qui n'aurai pas cherché à s'enfuir ? Rétorqua Bella en s'efforçant de calmer les battements affolés de son cœur. Je voulais juste...me donner une chance de pouvoir vous fuir.
- Et vous l'avez eu, conclut-il platement. On ne peut pas dire que c'était une réussite, mais plutôt une réaction inconsciente de votre part.
" Et vous l'avez eu ? "
Le regard perdu dans l'obscurité, Bella se renversa en arrière jusqu'à toucher le dossier de la chaise et sentit poindre en elle un sentiment d'échec très amer.
- Un problème ma douce ?
Elle étouffa un rire puis posa sa main sur gorge serrée.
- En réalité je n'ai jamais eu de chance, commença-t-elle en gardant les yeux baissés sur la table. Cette chance n'était pas réelle, c'est vous qui l'avez provoqué n'est-ce pas ?
- Et qu'est-ce qui vous fait dire ça ?
- Vous êtes trop intelligent, personne ne vous échappe aussi facilement. Vous m'avez poussé à m'enfuir !
Un rire diabolique accueillit son accusation.
- En effet mia piccola, confirma le mafieux sans aucune once de regret dans la voix. Je vous ai testé et vous avez lamentablement échoué. Après maintes reprises je vous ai prévenu et je vous ai offert des privilèges auxquelles vous auriez dû vous plier en admettant que malgré ma dangerosité vous étiez bien traitée. Au lieu de ça, vous avez défié ma confiance.
Un souffle s'échappa de ses lèvres entrouvertes tandis que le mafieux prenait plaisir à lui révéler le piège qui s'était refermé sur elle avant même qu'elle pense à s'enfuir.
- Je suis le maître des échecs, vous n'étiez qu'un pion, poursuivit-il sans lui faire de cadeau. Personne ne peut m'échapper, surtout pas vous. En vous plaçant près de ce mur sillonné de racines facile à escalader, je voulais savoir si vous alliez déshonorer votre parole.
La bouche sèche, Bella détourna la tête en direction du vent marin pour fuir son regard qu'elle savait posé sur elle.
- Ce mur est le seul accessible parce qu'il mène à la prison. Vous pouvez m'en vouloir Isabella, mais ce test m'a simplement prouvé que vous n'étiez pas sincère.
- Cela n'a rien à voir avec la sincérité, répliqua Bella en secouant imperceptiblement de la tête. Cela s'appelle l'instinct de survie.
- Vous avez raison, mais l'instinct de survie se déclenche généralement lorsqu'on se sent en danger. Il me semble que vous ne l'étiez pas.
- Parce que vous pensez qu'un lit et un bain chaud efface ce que vous êtes ?
- Non mia piccola, mais c'est toujours mieux qu'un homme qui violente les femmes et qui use et abuse de son corps jusqu'à ce qui se lasse de sa présence et décida d'en finir vous n'êtes pas d'accord ?
Bella frémit car elle décela dans le timbre de sa voix rocailleuse un léger agacement.
- Nikki m'a dit que vous aviez déjà tué des femmes, en quoi cela est censé me rassurer ? Osa-t-elle dire d'une voix qui souffrait d'une profonde inquiétude.
- Vous n'avez aucune idée de qui étaient ces femmes, répliqua le mafieux sur un ton froid. Un jour si vous êtes sage je vous raconterai les raisons pour lesquelles je les ai exécuté.
Saisie d'un léger tremblement sans doute visible, Bella posa ses mains moites sur ses genoux en optant pour le silence avant que ça n'aille trop loin.
- Vous aviez raison mia piccola, ajouta-t-il d'une voix plus amène. Le fait d'être restée enfermée dans ce centre pour aveugle pendant tant d'années vous a privé de la réalité de ce monde. Il est temps pour vous de la découvrir.
- Non merci, s'entendit-elle murmurer en dévisageant l'obscurité et en essayant d'imaginer le visage de cet homme. Je préfère que ma naïveté me tue.
- Personne ne vous tuera et encore moins votre naïveté, gardez-la aussi longtemps que possible. Elle vous rend belle.
Sans trop savoir s'il s'agissait là d'un compliment ou d'une moquerie, Bella préféra ne pas répondre.
- À présent il est temps de vous sustenter pendant que je réfléchi si oui ou non ce voyage est une bonne idée.
- C'est une très mauvaise idée ! Dit-elle en élevant un peu trop la voix, ce qui aussitôt la rendait coupable.
- Et puis-je savoir pourquoi ?
Parce qu'elle n'était pas prête à rester à ses côtés aussi longtemps que lui imposerait ce voyage. Le trouble s'emparait d'elle aussi intensément que la peur chaque fois que son aura tentait de s'en prendre à la sienne.
- Je ne me sens pas prête à affronter mes souvenirs et vous n'avez pas confiance en moi.
Un silence très pesant s'ensuivit et Bella ignorait s'il était de bon présage ou non.
- Vous savez Isabella, vous êtes peut-être aveugle, mais vos yeux sont encore capable de parler. Vous êtes tout sauf douée pour mentir alors dites-moi plutôt les véritables raisons.
Hésitante, ne sachant pas comment se sortir de cette impasse, Bella déglutit péniblement en réfléchissant à une réponse convenable.
- Je ne suis pas prête à rester auprès de vous alors que...
- ...Vous avez peur de moi, termina-t-il à sa place. Tant mieux tesoro, continuez à me craindre même si je ne vous ferai pas de mal, cela vous aidera à réfléchir pendant ce voyage.
Sa voix implacable lui donna des frissons dans la nuque.
- Nous partons dès cette après-midi, et vous allez me suivre sans discuter, déclara-t-il sur un ton encore plus ferme. Vous allez voir principessa, nous allons bien nous amuser. Il est important d'établir un contact entre nous et ce voyage est une bonne idée. Même une excellente idée.
Peinant à respirer, Bella se tut, parce qu'elle ne pouvait résister. Sans même le voir, elle pouvait deviner la satisfaction qui devait ravager son visage dur.
- Il est temps de manger maintenant, décréta-t-il. Vous voulez de l'aide principessa ?
Refusant catégoriquement de subir à nouveau l'humiliation de l'autre jour elle trouva rapidement la fourchette et avec ses doigts s'aida pour manger seule.
De retour dans cette nouvelle prison doré, Bella éprouva à regret un trouble imprécis et étrange qui s'estompa lorsque Mirella entra dans la chambre pour lui préparer quelques affaires.
- Je peux vous poser une question Mirella ?
- Oui.
- Comment, comment est-il ? Lâcha-t-elle en posant sa main sur l'une des quatre poutre en bois du lit.
- Vous voulez dire physiquement ?
Bella hocha furtivement de la tête, honteuse de lui demander ça. Avoir touché son visage ne suffit pas. Bella ressentait le besoin indescriptible d'avoir une description plus détaillée de son geôlier.
- Il mesure un mètre quatre-vingt-dix, sa physionomie est intimidante. De larges épaules puissantes, un corps très massif et viril, un teint halé, des cheveux noirs. Il porte des tatouages aux mains, il a des yeux très sombres et qui parfois prennent des teintes métalliques, une barbe naissante et des traits durement ciselés.
Bella ne comptait plus le nombre de vagues de frissons qui déferlaient sur sa peau depuis que Mirella avait commencé à le décrire et chercha avec sa main le matelas pour s'y asseoir.
- C'est un très bel homme très ténébreux et qui a beaucoup d'humour même si celle-ci est parfois sombre.
Cette description ne l'aida en rien à se calmer, ce fut même pire.
- M...merci, bredouilla-t-elle en réprimant un accès de panique. Je suppose que toutes les femmes tombent à ses pieds comme des mouches.
- C'est en effet le cas, confirma Mirella avec un petit rire. Il n'a pas besoin de faire d'effort pour plaire, il est très séduisant.
- Et elles sont au courant que...
- Signore Di Marzio a un cercle très fermé autour de lui et ces femmes sont au courant, il est rare qu'il prenne le risque de laisser une femme dans l'ignorance l'approcher. Il dit que c'est trop d'ennuis pour trop peu d'avantages.
- Il a déjà été marié ?
- Non mais...
Mirella dont la voix s'était quelque peu affaissée s'interrompit.
- Assez parlé pour aujourd'hui, dit-elle subitement.
Bella garda ce détail dans un coin de sa tête et décida de s'allonger un peu avant de devoir le suivre là où elle ne voulait pas aller.
Pourtant elle devrait se réjouir de pouvoir sortir de cette villa et pouvoir ainsi jouir de quelques libertés, mais elle avait trop peur que sa mémoire lui revienne trop brusquement et qu'elle ne parvienne pas à supporter les souvenirs qui en émergeront. Elle resta sur le lit pendant des heures qui lui parurent interminables et dans lesquelles la peur continuait de macérer jusqu'à devenir insupportable.
Au moment où son ouïe perçut des pas très déterminés Bella se redressa sur le lit en fermant sa main en poing si fort que ses ongles pinçaient la peau de sa paume.
- Tout est prêt pour notre voyage principessa, annonça-t-il en s'avançant un peu trop rapidement vers elle.
Il prit son bras d'un geste qui aurait pu paraître comme possessive si ses doigts ne s'étaient pas refermés de façon si brutale.
- Je vais vous suivre sans résister, inutile de vous montrer si brut.
Il desserra sa prise sans toutefois la lâcher.
- Tant mieux, je ne désire pas recourir à la force.
Soudain son souffle tiède se déposa sur sa joue, lui indiquant qu'il s'était subtilement penché pour atteindre son l'oreille.
- Je suis certain que cette petite escape va vous plaire principessa, chuchota le mafieux. Il vous suffit juste de vous laisser guider.
Elle tressaillit.
- Je doute que cela me plaise.
- Ne soyez pas si défaitiste, répondit-il en l'entraînant avec lui. Je suis même prêt à parier qu'avant la fin de notre voyage vous ne pourrez plus vous passer de moi et vous me supplierez de vous garder principessa...
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