Chapitre 11
Accompagné de Roberto et Vincenzo, il sortit de la voiture en calant son arme derrière son dos, le regard braqué sur l'homme agenouillé sur les rocheuses en face de la mer bleue. Massimo se pinça l'arête du nez tout en progressant vers le lieu de rendez-vous. Il savourait ce genre d'instant autant qu'il savourait déceler la peur de sa cible derrière les lunette de soleil qu'il portait afin qu'on ne puisse pas lire dans son regard.
Sous un vent marin très puissant, Massimo regarda Izario Lazzari combler la distance qui les séparait, ses hommes de mains derrière lui.
- Quel sincère plaisir de te revoir mon ami, déclara le mafieux qui lui aussi avait le regard dissimulé.
Massimo lui rendit son sourire sincère en enfonçant ses mains dans les poches.
- Plaisir partagé, lui dit-il en tournant furtivement la tête vers l'horizon. J'ai cru comprendre que tu t'étais installé temporairement à Rome.
- En effet, confirma Izario avec un sourire satisfait aux lèvres. Je m'ennuyais alors je me suis dis pourquoi pas partir à la conquête de Rome. Je te laisse le Vatican si tu veux.
- C'est bon à savoir pour les affaires, répondit Massimo en esquissant un sourire intéressé.
- Plus sérieusement, je suis parti quelque temps à Rome pour nettoyer la merde laissé par le gouvernement, reprit Izario en l'invitant à marcher dans le sens opposé à sa cible. Tu sais que j'aime quand tout est propre.
Massimo jeta un coup d'œil derrière son épaule pour regarder l'homme à genoux et nota qu'il n'avait pas le même profil que la photo que son logiciel de recherche avait trouvé.
- As-tu trouvé l'homme que je t'ai demandé de trouver à Rome ?
- Mieux que ça mon ami, je t'en ai trouvé deux, commença Izario en se mettant en face de lui. Le fameux Luigi que tu cherchais à Tivoli se cachait dans la ville de Prima Porta. Surtout ne me remercie pas pour mon efficacité remarquable.
- Et où est-il ? J'aimerai lui parler de toute urgence.
- Tu peux lui parler oui, répondit Izario avec flegme. Enfin seulement si tu possèdes le don de communiquer avec les morts, ajouta-t-il avec un sourire nonchalant avant de feindre un sérieux redoutable. Oui il se trouve que ce...Luigi...a malencontreusement évoqué un sujet délicat pour essayer de plaider sa cause. Ça ne s'est pas très bien terminé pour lui malheureusement.
Massimo retira ses lunettes de soleil vivement pour indiquer à Izario son mécontentement auquel le grand mafioso resta indifférent.
Il se pencha en avant et le regarda par-dessus ses lunettes de soleil.
- Cet idiot a cru que le fait d'avoir une femme et deux enfants m'avait rendu plus clément, reprit-il en faisant mine d'être désolé pour Luigi. Il pensait que cela m'avait rendu plus doux, alors au début je lui ai fait croire que c'était le cas parce que je voulais m'amuser un peu. Jusqu'au moment où il a évoqué ma femme de façon très déplacé...ensuite... Adio Luigi !
Izario haussa des épaules avec nonchalance, l'air désintéressé.
- Apparemment c'était une blague, je lui ai dit qu'il devrait s'améliorer à l'avenir.
Massimo fronça des sourcils en l'interrogeant du regard.
- Donc si tu lui as dit ça c'est qu'il n'est pas totalement mort ?
- Il y a trois jours il ne l'était pas, confirma Izario en consultant sa montre. Seulement je doute qu'il le soit encore maintenant.
- Et puis-je savoir où tu l'as mis s'il te plaît ? S'enquit Massimo calmement.
- Quelque part au fond d'un puit entre Casale prima porta et Labaro, dit-il en haussant des épaules l'air évasif.
- Et donc tu t'es dit que tu allais m'apporter un figurant histoire de ne pas venir les mains vide.
Le mafioso esquissa un sourire réjoui.
- Mieux que ça mio amico, je t'apporte son partenaire de crime que j'ai soigneusement gardé en vie pour toi.
Massimo se tourna pour étudier le profil de l'homme.
- Lorsque j'ai évoqué l'enlèvement d'une touriste américaine son expression était assez parlante pour te confirmer qu'il sait des choses, reprit Izario avec plus de sérieux. Il s'appelle Sandro Bosselli, c'est un ancien trafiquant de drogue qui a déjà fait quatre séjour en prison. Dont un pour viol.
La froideur avec laquelle Izario venait d'achever sa phrase força Massimo à se tourner vers lui. Nul besoin qu'il ôte ses lunettes de soleil pour deviner que son visage s'était brusquement durci.
- Tu m'as demandé de chasser les mauvais hommes Massimo, tu as de la chance que celui-ci soit encore en vie. Tu n'aurais pas dû me demander de l'aide en sachant qu'il y avait peut-être une histoire de viol en surface et tu sais très bien pourquoi. Tu as énormément de chance qu'un éclair de lucidité m'ait fait penser à la fille.
- Je te remercie.
Izario passa à côté de lui pour retrouver ses hommes.
- Pas de leçon à donner ? S'étonna Massimo.
Le mafieux s'arrêta et fit volte-face.
- Je ne suis pas le mieux placé pour tes donner des leçons, répondit-il en esquissant un furtif sourire. Je te conseille simplement de prendre garde.
- Prendre garde ?
- Tu finiras pas le découvrir tout seul, dit-il énigmatique. Ça serait trop facile si je te le disais maintenant. Cependant je te demanderai d'être extrêmement prudent avec la fille car je sais que tu peux te montrer imprévisible.
Il reprit sa route vers ses hommes de mains.
- Andiamo ! S'exclama-t-il en se dirigeant vers les voitures noires.
Mains dans les poches de son pantalon, Massimo regarda pensivement les véhicules quitter le parking qui jalonnait les rocheuses et fit signe à ses hommes de le rejoindre seulement après être sûr d'être enfin seul.
Progressivement et avec une lenteur délibérée, il s'avança vers Sandro Bosselli et attendit d'être en face de lui pour retirer ses lunettes de soleil.
À genoux, sa cible aux dents très abîmées lâcha un rire mal assuré en le regardant droit dans les yeux.
- Il va falloir me jeter de la falaise maintenant car je ne dirais rien.
Massimo esquissa alors un lent sourire diabolique et déclara :
- J'ai tout mon temps...
À quelques kilomètres de là, Bella sortit de la pièce qu'elle venait de découvrir grâce à l'aide précieuse de sa canne et posa sa main sur le mur à sa droite pour la glisser sur celui-ci afin de se guider au mieux. Mirella l'avait laissé faire une bonne partie de la matinée et lui avait assuré que le mafieux n'était pas contre cette balade.
Progressivement elle atteignit la fin du couloir et trouva les marches qu'elle commença à descendre prudemment en les comptant une par une. Ces marches avaient une forme large qu'elle appréciait car elle craignait moins d'en rater une et de tomber comme ça lui arrivait parfois.
Arrivée à l'étage inférieur Bella marcha en balayant le sol avec l'aide de sa canne pour anticiper un obstacle et en trouva un quelques minutes plus tard.
Croyant d'abord que cette chaussure appartenait à Mirella, elle sourire, mais ce sourire retomba presque aussitôt lorsqu'une odeur forte lui monta au nez.
Une odeur métallique pratiquement identique à celle humée quelques jours plus tôt.
- Comment ce passe cette visite principessa ? Vous prenez vos marques ?
Bella éprouva d'abord un sentiment d'insécurité avant que sa voix gutturale fasse frissonner ses mâchoires.
- Mirella a dit que j'avais le droit de...
- En effet, sous mes consignes elle vous a donné le droit d'aller et venir où bon vous semble, mais à la limite du raisonnable.
La direction de sa voix avait changée et à ses pas elle eut l'impression qu'il tournait autour d'elle, transportant avec lui cette odeur de sang.
- Cette robe vous va à ravir, nota-t-il sur un ton léger.
- Et vous, vous sentez la sueur et le sang, osa-t-elle dire.
Le son de ses pas s'arrêta aussitôt et son cœur s'accéléra.
- Je plaide coupable, chuchota-t-il tout près de son oreille.
Elle se raidit en réprimant une nausée causée par l'odeur du sang.
Massimo serra les mâchoires en fixant la bouche rouge de la jeune femme et eut peine à réprimer ce nouvel accès de désir. Il se redressa en savourant cette crainte dans ses yeux, car cela signifiait qu'elle se soumettait et continuerait de le faire dorénavant.
Conscient d'être taché de sang jusqu'à ses mains, Massimo ressentit une étrange sensation et détourna son visage sur lequel de fines gouttelettes de sang avaient séchées. Pour la première fois de sa vie il fut en quelque sorte soulagé que quelqu'un ne puisse pas le voir. Elle en particulier.
- Vous avez tué quelqu'un ? Demanda-t-elle en le cherchant dans le couloir.
N'ayant pas bougé de sa position, Massimo l'observa en baissant seulement les yeux sur elle.
" Cependant je te demanderai d'être extrêmement prudent avec la fille car je sais que tu peux te montrer imprévisible. "
Il l'avait été à deux reprises et n'espérait pas devoir l'être à nouveau. Massimo avait un tempérament explosif et savait que c'est ce tempérament qui serait le plus grand danger pour la fille.
Une jeune femme douce et dotée d'une charmante naïveté qui la rendait encore plus captivante mais qui derrière cette lueur naïve, se cachait une jeune femme désireuse d'être libre d'une vie trop longtemps passée dans ce centre pour aveugle. Un désir qui lui coûtait désormais.
- Oui, répondit-il simplement.
Elle resta immobile, la respiration plus lourde.
- Est-ce que vous tuez des gens tous les jours ?
- Seulement si j'y suis obligé et aujourd'hui j'ai tué d'une des hommes responsables de la situation dans laquelle vous êtes prisonnière.
Cette information changea l'expression de son visage.
- Qui ? Vous...
- J'aimerai prendre une douche si ça ne vous dérange pas trop tesoro ?
Elle s'écarta comme si ce geste avait de l'importance pour elle, mais qui en réalité ne servait à rien.
- Oui bien sûr...
- Nous allons déjeuné sur la terrasse dans trente minutes, je vous expliquerai tout.
- Oh mais...je...
- Ce n'était ni une invitation et ni une proposition nécessitant une réponse de votre part, ajouta-t-il d'une voix ferme.
Elle rougit en laissant la peur transparaître sur son visage craintif sans l'arrêter.
Massimo préféra quitter le couloir pour rejoindre ses appartements avant de dire ou faire quelque chose de regrettable.
Il s'enferma dans la salle de bain et s'adossa contre la porte pour fixer son reflet dans le grand miroir installée à plusieurs mètres de distance de la porte.
Et pourtant Massimo pouvait déceler chaque particule de sang sur lui, même les plus minimes.
Voilà ce qu'il était et voilà ce que la fille allait devoir accepter.
Aveugle ou non.
Au moment de se rendre sur la terrasse, Massimo fut surpris de la trouver déjà assise, la canne repliée sur le rebord de la table, les mains à plat sur la nappe. Sur sa nuque gracile et dégagée on pouvait nettement percevoir une raideur.
- Vous avez accepté facilement parce que ma présence vous manque déjà ou parce que vous voulez obtenir les informations que je vous ai promis de vous donnez ?
Il se passa une main dans ses cheveux mouillés en s'installant en face d'elle.
- J'ai accepté facilement parce que je ne veux pas vous irriter, répondit-elle franchement.
Massimo pianota ses doigts sur la table, un sourire amusé incurvé aux lèvres.
- Donc vous avez choisi de vous résigner, dit-il en se servant un verre de vin blanc. Intéressant.
- N'est-ce pas ce que vous vouliez monsieur Di Marzio ?
- Sì, mais je pensais que vous seriez tenté par une autre approche que celle-ci, pour tout vous avouez.
Elle plissa ses yeux bleus, l'air perdu.
- Comme quoi ?
- Me maudire par exemple, rendre les choses plus compliquées.
Elle prit une grande inspiration tandis que l'incertitude flottait dans les lueurs de ses yeux perdus vers la droite.
- Ne pensez pas une seule seconde que je ne vous maudis pas intérieurement, commença-t-elle en prenant soin de choisir les mots qui allaient sortir de sa bouche. Je ne pourrais jamais me faire à cette situation. Je suis prisonnière, mais je mesure la chance que j'ai d'être encore en vie. Seulement je ne sais pas pour combien de temps.
Massimo se rembrunit, mais avant que la colère monte, la jeune femme se précipita de rajouter, l'air paniqué.
- La confiance, comme vous l'avez dit.
Bien qu'il éprouvait une légère colère que sa parole de ne pas la tuer ne soit pas encore assimilée, Massimo passa outre et décida de ne pas gâcher ce déjeuner et encore moins ses chances d'en savoir plus sur cette captive unique et au regard envahi de doux secrets.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top