Chapitre 10



Assise en tailleur sur le lit, Bella posa le verre entre ses cuisses croisées pour le stabiliser et s'empara de la carafe d'eau pour se servir. Elle plongea ses doigts dans le verre pour marquer la délimitation et arrêta de le remplir seulement lorsque l'eau toucha ses doigts. Cette erreur allait lui coûter cher et elle le savait, mais pour l'heure elle voulait jouir des privilèges que lui avait accordé le mafieux de peur de les voir disparaître à tout instant. Même si elle l'avait provoqué, Massimo Di Marzio était bel et bien un homme de pouvoir capable de changer de visage en quelques fractions de seconde. Consciente de la chance qui lui était offerte, Bella prit la décision ultime de lâcher prise et de céder enfin à la réalité. Cette prison doré n'était pas pire que l'endroit dans lequel il l'avait abandonné des heures plutôt.

Bella but le verre d'eau pour humidifier sa gorge sèche et le reposa sur la table de chevet précautionneusement au moment précis et improbable où elle entendit la porte se déverrouiller.

Loin d'être préparée à l'affronter une nouvelle fois elle se rallongea et au moment où elle s'apprêtait à feindre d'être endormie, une voix féminine l'en empêcha.

  - N'aie pas peur, ce n'est pas Massimo, c'est Nikki, une amie à lui.

Nikki ?

Bella se souvenait vaguement avoir entendu ce prénom sortir de la bouche du mafieux et sans qu'elle puisse se l'expliquer, Bella se sentit en confiance.

  - Est-ce que tu veux parler un peu, proposa-t-elle.

Ses pas étaient lents et hésitants, sans doute parce qu'elle cherchait à ne pas l'effrayer.

  - Il sait que vous êtes ici ?

  - Oui, ne t'inquiète pas pour ça, lui dit-elle en venant s'asseoir sur le lit.

Un parfum frais et très sucré commença à envahir l'espace puis une main prudente se posa sur son épaule.

  - Je suis venue pour savoir si tu vas bien, ajouta-t-elle doucement.

  - Je vais aussi bien qu'une personne séquestrée pourrait se sentir dans ce genre de situation, murmura Bella en se mettant sur le dos.

Nikki retira sa main en dévisageant la fille allongée sur le lit. Sa beauté était abîmée par des coupures sur le visage et ses yeux d'un bleu très pur se perdaient sans cesse sur le plafond. Elle ressentit un pincement au cœur en s'imaginant à la place de cette jeune femme qui vivait constamment dans le noir.

  - Ça ne sera pas indéfiniment trésor, commença Nikki d'une voix rassurante, ce que je peux t'assurer c'est que Massimo ne te fera aucun mal alors ne le pousse pas à bout inutilement. Je le connais assez bien pour te l'assurer.

  - Et pourtant...

  - Je suis certaine qu'il ne voulait pas en arriver à un tel extrême Bella, la coupa-t-elle en posant sa main sur la sienne. Massimo aime la loyauté et maudit tout ceux qui ne respectent pas ses règles. En essayant de fuir, tu as en quelque sorte trahi la confiance qu'il t'avait donné.

Bella inspira imperceptiblement en tournant la tête vers cette voix qui se voulait rassurante.

  - Il est dangereux, murmura-t-elle d'une voix tremblante. Je n'ai pas besoin de le voir pour en être certaine. Je peux le sentir. Chaque fois que sa présence se rapproche, c'est froid et sombre.

Bella déglutit en fermant furtivement les yeux tout appréciant le silence de Nikki qui lui confirmait qu'elle avait raison.

  - Plus on essaye de me rassurer, pire je me sens, ajouta-t-elle dans un souffle.

Alors elle perçut l'expiration de Nikki qui semblait résigné.

  - Très bien, dit-elle l'air résigné en posant ses mains de chaque côté de son corps enveloppé dans les couvertures. Massimo est un homme très dangereux. Sous ses airs narquois, se cache un homme qui en une fraction de seconde peut te broyer sans la moindre pitié. Malgré qu'il soit en possession de l'Italie il n'a jamais abandonné le trafic d'armes parce qu'il adore les armes.

Bella resta muette, sensible à cette description honnête.

  - Quant aux cadavres qu'il a derrière lui, ils sont nombreux et continueront de l'être avec ou sans ta présence. Est-ce que ça te convient ?

  - Oui, dit-elle en essayant de trouver son regard dans l'obscurité.

  - Derrière cette terrifiante description se cache néanmoins un homme qui sait différencier le bien du mal et je pense qu'au fond, il attend de toi que tu le remercies.

  - Qu...quoi ? S'enquit Bella en étouffant un rire. Que je le remercie de m'avoir... enlevée ?

  - Je crois que tu n'as l'air réaliser ce que ces hommes qui t'ont enlevé avaient prévu de te faire Isabella, répliqua Nikki avec sérieux.

  - J'en ai pleinement conscience mais...

  - Non, la coupa-t-elle sur un ton plus ferme, je crois que ton cerveau essaye d'oublier cette partie de l'histoire mais il s'agit de la plus essentielle. Tu n'as aucune idée de ce qu'ils avaient préparé. Ils ont certainement pris des photos de toi pour te mettre en vente sur le dark web, ce qui signifie que des hommes répugnants se sont empressé de mettre un prix de vente sur toi. Tu n'es pas en sécurité tant que Massimo n'a pas mis la main sur l'acheteur et ceux qui on organisé ce trafic.

Un frisson glacial courut sur ses mâchoires.

  - Imaginons une seconde qu'il décide de te libérer, reprit-elle en se redressant sur le lit. Personne n'est en mesure de te garantir que l'homme qui t'a acheté n'est pas à ta recherche. Un homme suffisamment riche pour mettre un prix conséquent sur ta tête. Tu avais un code barre de tatoué sur le bras droit Isabella, je pense que tu n'as aucune idée de l'ampleur des conséquences si cet homme te retrouve.

Bella toucha instinctivement son bras droit en prenant de plus en plus conscience de la gravité de la situation dans laquelle elle était plongée sans aucune possibilité de s'en échapper.

  - Être la prisonnière de Massimo Di Marzio n'est peut-être pas le choix idéal, mais à choisir, je préférais être ici plutôt qu'ailleurs, acheva Nikki en se levant du lit.

  - Attendez ! Comment...que dois-je faire ?

  - Patienter le temps qu'il se calme, lui conseilla-t-elle simplement. Massimo est en colère, mais cette colère finira par retomber. À ce moment-là, et dans ton intérêt je te conseille de lui prouver qu'il peut avoir confiance en toi. Bella n'envisage plus jamais de t'enfuir à nouveau.

Ce n'était pas une menace, mais un conseil sage qu'elle accueillit avec inquiétude. La femme au parfum sucré et à la présence rassurante quitta la chambre en la laissant seule avec ces informations qui l'obligeaient désormais à réfléchir plus prudemment.

Elle avait deux choix.

Soit elle acceptait d'être la captive de ce mafieux au tempérament de feu et de glace, soit elle continuait de le défier au risque de se conduire elle-même vers la mort et la torture.

Nikki avait eu raison en lui disant que son esprit tentait d'effacer le commencement. En restant concentrée sur le mafieux Massimo Di Marzio, elle repoussait de toute les façons possibles ce qu'elle avait vécu dans cette maison perdue au milieu de nulle part, mais surtout cela lui évitait de songer au destin plus tragique qui lui avait été réservé avant qu'il intervienne.

Harassée, elle ferma les yeux en souhaitant que ces rêves l'aident à se souvenir des fragments oubliés, et pourtant si précieux pour retrouver la liberté.

Trois jours plus tard, Bella avait effectivement rêvé, mais pas de la façon qu'elle espérait. Chaque fois qu'elle s'enfonçait dans un précieux sommeil, au détour d'un rêve sans importance, celui-ci était sans cesse ramené à l'aube d'un seul et même songe répété.

Massimo Di Marzio.

Jour et nuit jusqu'à ce jour il hantait sa vie à chaque seconde de chaque heure.

Depuis qu'il lui avait pansé ses plaies au visage et enfermée dans cette chambre, le mafieux n'était jamais revenu la voir. Condamnée à la solitude et à quelques visites très courtes de Mirelle, elle vivait seule avec ses angoisses et cette incertitude persistante.

Seulement ce matin là, en se réveillant, Bella étira ses bras et sa main rencontra quelque chose sur le lit. D'abord sur ses gardes et hésitante, elle avança le bout de ses doigts sur l'objet et eut l'impression qu'il s'agissait d'une boîte enveloppée d'un papier. Elle se redressa sur le lit en tâtonnant la forme de l'objet et rencontra quelque chose de lisse au sommet.

Tout indiquait qu'il s'agissait d'un paquet cadeau. Bella exhala un soupir aussi troublé que l'était son esprit et posa la boite devant elle en ne sachant pas s'il s'agissait d'un piège ou d'un véritable cadeau. Dans le doute, incertaine, Bella voulut le repousser, mais quelque chose l'en empêcha. Sans pouvoir l'expliquer, elle se raidit, persuadée qu'elle n'était pas seule dans la chambre et ce depuis le début. Alors elle se concentra sur les sons autour d'elle, même les plus infimes. Cette énergie sombre et lourde qui ne la quittait jamais quand il se trouvait dans la pièce l'assaillit et le doute s'estompa pour laisser la place à la peur.

  - Vous ne voulez pas l'ouvrir mia piccola ?

Elle eut un soubresaut léger et tourna la tête en direction de la voix qui cette fois-ci s'était exprimée posément, sans plus de dureté que celle que sa voix possédait naturellement.

   - Ouvrez ce paquet s'il vous plaît ou je risque de le prendre mal tesoro.

Bella s'empressa de soulever le couvercle, la respiration irrégulière et le posa sur le lit. Elle plongea sa main à l'intérieur et la glissa vers la gauche puis la droite. Avec précaution elle sortit l'objet de la boîte et le toucha jusqu'à comprendre de quoi il s'agissait.

   - Une canne blanche, murmura-t-elle en cachant difficilement la joie intérieure qui la submergeait.

Elle la cala contre sa poitrine de peur qu'il veuille la lui reprendre et sut avant même de le faire que ce geste était stupide.

   - Pourquoi ? Demanda-t-elle dans un murmure à peine audible.

  - Parce que je suis calmé, j'ai réfléchi, et parce que tout le monde a le droit à une seconde chance.

Massimo se leva du fauteuil dans lequel il était resté toute la nuit pour aller enfoncer ses poings sur le matelas. Bien qu'elle eût sentie sa présence se rapprocher elle ne recula pas, les yeux baissés, son cadeau précieusement lové contre sa poitrine. Sa vulnérabilité renforçait étrangement sa beauté et Massimo se surprit à dévorer celle-ci avec un désir sombre et incongru.

  - N'ai-je pas raison ?

Les lèvres serrées, elle hocha de la tête en regardant devant elle. Massimo éprouva le besoin indescriptible de la toucher, alors il souleva alors son poing et l'ouvrit pour effleurer sa joue avec son index.

Insensible à son mouvement de recul très léger, il traça une ligne sur son menton délicat en plongeant son regard dans le sien.

  - Je veux vous l'entendre dire une dernière fois, ordonna-t-il doucement.

 Ses doigts fins se crispèrent un peu plus sur la canne qui n'était pas déplié et il lut dans les lueurs de ses yeux qu'elle tentait de déchiffrer sa demande. Massimo serra les dents en approchant son visage du sien. Si proche que la jeune femme se raidit, les yeux tournés vers lui.

  - Je ne recommencerai plus jamais, je vous le promets monsieur Di Marzio, déclara-t-elle d'une voix tremblante mais sincère.

Massimo survola son visage avec sa main puis se redressa complètement pour mettre fin à son supplice.

  - J'espère que votre parole est sincère tesoro, sinon les choses vont malheureusement se dégrader. Ce que je ne souhaite pas.

  - Je vous le jure, murmura-t-elle alors, la canne toujours lovée contre sa poitrine.

  - Perfecto, conclut-il en se penchant pour lui prendre le poignet pour qu'elle se lève.

Elle se laissa conduire non sans trembler. Sa peur transpirait autour d'elle, il lui était presque impossible de la lui cacher. Massimo l'entraîna avec lui dans le couloir et entoura sa taille pour la soulever au moment de gravir l'escalier.

  - Cessez de respirer comme un petit chiot terrifié, lança-t-il lorsqu'il atteignit l'étage supérieur. Je vous emmène dans une autre prison doré.

  - Mais pour quelle raison ? S'enquit la jeune femme d'une voix souffrante de panique.

  - Premièrement, vous serez au même étage que mes appartements et deuxièmement il s'agit d'un nouveau départ. Vous n'êtes pas contre j'espère ?

  - Non, bien sûr que non.

Massimo ouvrit la porte qui donnait sur la chambre immaculée et nuancée par le mobilier entièrement taillé dans le frêne, un bois dur aux reflets couleurs miel. Il la plaça au centre de la chambre et aima secrètement l'éclatante lumière qui traversait la pièce et qui donnait à son visage une vive clarté, aiguisant davantage la pâleur de son teint.

  - Vos nouvelles affaires y ont été transférés, je vous laisse maintenant le soin de la découvrir.

Elle ne dit rien, le regard dispersé un peu partout dans la pièce.

  - Je dois vous quitter pour retrouver un vieil ami, annonça-t-il en allant prendre son menton dans sa main.

La jeune femme exhala un soupir tremblant en s'abandonnant à sa prise sans résister.

  - La confiance principessa, hum ? Ne briser pas cette confiance.

  - Non, je vous le jure, s'empressa-t-elle de lui dire, les yeux suppliant, comme si elle redoutait qu'il change d'avis à tout instant.

Après cette mise en garde, Massimo relâcha son menton et quitta la chambre avec le pressentiment que cette fois-ci, la jeune femme s'était enfin résignée à lui céder sa vie...

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