Chapitre 3

  Lorsque je franchis la porte de mon appartement, je suis à moitié gelée ou plutôt mouillée. Une petite flaque d'eau ce forme au niveau de mes pieds et mouille le sol. La lumière de la lampe est reflétée. Je reste immobile, à regarder cette flaque, puis d'un mouvement de la tête je scrute la pièce sans dire un mot . Aucun bruit ne vient casser cette ambiance. Pour moi la meilleure musique est le calme et le silence. Je ne sais pas pourquoi je reste sur place, est-ce par peur ou par hésitation ? Je ne sais pas. Cela doit surement être un ancien réflexe, parmi ceux qui ne m'ont pas encore quittés , et qui peuplent toujours mes cauchemars. Une foule de souvenirs remonte à la surface, une foule de souvenirs ou je suis toujours seule, sans personne pour me tenir dans ces bras, sans personne pour me consoler, sans personne pour m'empêcher de sombrer et sans personne pour m'aimer. Je suis bien habituée à cette douleur qu'est la solitude, mais à chaque fois je me sens transpercée, déchirée et malmenée par ce sentiment. Cette douleur mentale est pire que la douleur physique. C'est comme si des vagues de chaleurs frappaient mon cœur, c'est comme si un étau de fers chaud inscrivait sur ma poitrine le mot " seule ". Une petite voix sournoise me susurre: " tu es seule Alice... Tu es seule... Tu serras toujours seule...Ne te méprend jamais... Tu serras toujours seule, quoique tu fasses."

Un bruit vient me faire émerger de mes pensée. Il faut que j'arrive à me contrôler, il ne faut pas que je laisse mon autre moi refaire surface. Il faut que je lève la tête et que sois forte. Il ne faut plus que je pleure, il faut que j'avance. Un autre bruit se fait entendre. Cette fois je sais à qui il appartient et d'où il vient. Je me dirige d'un pas lent vers la salle de bain. Je traverse le couloir qui sépare la cuisine du salon, j'enjambe plusieures canettes de bière et j'écrase au passage quelques cigarettes. L'odeur de tabac mélangée avec celle de l'alcool devrait dégoûter plus d'une personne, mais , je suis plutôt habituée. De toute façon j'ai cohabité avec elle durant des années. Lorsque j'ouvre la porte de la salle de bain, je la voie, assise par terre, agrippée à la cuvette en train de vomir. Elle lève les yeux, et une grimace apparaît sur son visage. Je sais ce que veux dire cette grimace, je sais ce que signifie ce regard dégoûté, ce regard que j'ai tant essayé de fuir par le passé. Doucement et surement, elle se lève et se rapproche de moi. Un frisson parcourt tout mon dos, la terreur se propage dans mon corps par vagues. Mais je me force à rester impassible, je ne veux pas la voire se délecter de ma souffrance, je ne veux pas la voire afficher sont sourire satisfait et je ne veux pas qu'elle pense que je suis faible. Soudain, elle lève sa main, je sais ce qui va se passer, je me prépare à percuter de plein fouet la douleur, puis elle m'assène une gifle. Je perds mon équilibre et je tombe à terre. La force de ses coups ne cesse de m'étonner. Une vive douleur irradie de ma joue, ma tête tourne, j'ai des nausée, une soudaine envie de vomir me prend, mais je me ressaisis. Je touche délicatement ma peau avec le bout de mes doigts. Un liquide chaud entre en contact avec ces derniers. Je ne suis ni étonnée ni effrayée, je suis plutôt satisfaite, le plus dure est passé. Tout ce qui me reste à endurer sont ses paroles. Je lève la tête pour fixer celle de la personne qui est devant moi. Elle me regarde de haut, elle paraît déçue, une moue défigure sont visage. Je suppose que son sadisme n'a pas été si bien nourri aujourd'hui. Tant mieux pour elle !
Je me lève, puis j'époussette ma tenue. Je m'efforce de garder une expression indéchiffrable. La douleur, je peux la tolérer, et même si je n'y arrive pas, je veux montrer que j'en suis capable.
- Tu as ramené ce que j't'ai demandé ? SALOPE. Dit-elle en crachant l'insulte.
- Ouaih. Le ton de ma voix ne trahi aucun sentiment. Je suis un robot, je suis un spectre, je suis l'ombre de ma véritable personne, je suis morte. Je dépose le paquet sur le levier, et je fixe les yeux de mon interlocutrice. Une lueur de haine, de dégoût, d'horreur et de terreur s'y allume. Oui, je lui fait peur, je la terrorise, je hante ses cauchemars, je suis son démon. A cette idée, un petit sourire apparaît sur mon visage. Je n'ai pas pu le retenir.
Elle détourne les yeux la première. Elle sait que j'ai compris. Elle vient de perdre une bataille.
Avant de sortir elle me crache :
- J'aurais du te tuer tant que j'en avais le temps, j'aurais du d'étouffer dans des draps. estime toi heureuse d'être encore en vie. Tu n'est qu'un rat qui dépendra toujours de moi, tu es un cafard qui rampe à mes pieds.
Je ne répond pas, je ne dis rien, je me contente de la fixer. Elle claque la porte de sa chambre après être sortie.
Oui, je suis son cauchemar, je suis son être démoniaque.
Pourquoi ne m'a-t-elle pas tué ? Ça je le sais. Elle n'a pas voulu mettre fin à ma vie, puisqu'elle désirait voir quelqu'un souffrir plus qu'elle. Je suis la cause de ce qu'elle est maintenant. Elle voulait donc me faire payer pour ce que je lui avais fait, elle voulait que je me voir agoniser, supplier la mort. Elle me voulait anéantie, cassée, brisée, froissée. Je suis tellement dévastée que je ne suis qu'un amas de chair et d'os. J'étouffe dans ce corps, je veux sortir, je veux être libérée de ces chaines qui me gardent prisonnière. Je veux être libérée d'elle. Libérez moi ! Pour elle je suis un point noir, pour elle je suis SON point noir, je suis celle qui ai tout gâché, je suis celle qui l'ai privée du bonheur, je suis celle qui l'ai détruite. Je suis un MONSTRE. Je suis son erreur. Je n'aurais pas dû vivre, je suis pas censée exister. Je défis la logique, je suis un démon. Je suis l'erreur dans l'équation ! J'en ai marre. Laissez-moi, je n'en peux plus ! Si je n'avais pas été là, est ce que tout ne se serrait pas passé comme ça ? Si je n'avais pas été là est-ce qu'elle aurait été heureuse ? Est-ce qu'elle ne serrait pas la même ?
Une larme de rage coule le long de ma joue ensanglantée. Ma tête est en feux. Je n'arrête pas de réfléchir. Mes souvenirs affluent. Je me suis promise de ne plus pleurer, je me suis promise que je garderais ces pensées pour plus tard. Mais, je n'y arrive pas. J'étouffe, je n'arrive plus à respirer, il me faut un couteau. Je veux un couteau ! La douleur physique me permettra d'oublier. Non, ressaisie toi, c'est ce qu'elle cherche, elle veut te voir hurler de douleur, elle veut te voir dévastée. Ne lui laisse pas cette chance. Ne laisse à personne cette chance.
Je me lave le visage, je me tapote les deux joues et je me dit : "Courage ! Tu es forte ! Ressaisi toi ma belle !" Je m'auto encourage souvent, c'est très pratique comme solution.
Après avoir fini de me préparer, je me dirige vers la sortie. Lorsque je suis, enfin, dehors je lance un dernier regard derrière moi. Un jour, elle m'avait dit que j'étais comme elle, une sorte d'ordure de la société. J'y avais cru à l'époque, mais maintenant je sais qu'elle a tord. Je ne suis pas, totalement comme elle, moi je vais de l'avant, je sort et j'affronte les obstacles qui sont sur mon chemin, j'affronte à sa place le regard des gens. Mais elle, elle reste confinée. C'est une lâche, tandis que moi une combattante. Je suis brisée, mais j'essaye de me recoller, même si pour cela je saigne. J'avance d'un pas décidé, plus déterminée que jamais à survivre à une autre journée. J'avance et je laisse derrière moi une porte fermée, une porte qui renferme la seule personne avec qui j'ai un lien. Une porte qui renferme ma propre Mère. Ma seule famille. Que je n'arrive toujours pas à abandonner.  

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