Chapitre 9 : Vieille connaissance
Un bruit sourd. Une explosion. Des cris. Salima sursauta. Alors âgée de tout juste dix-huit ans, elle était venue rendre visite à sa tante dans son pays d'origine. Elle n'avait pas prévu d'assister à un moment de terreur. Se précipitant vers la fenêtre, elle remarqua un nuage de fumée qui s'élevait dans le ciel, et des habitants qui couraient dans les rues en criant, affolés.
-Éloigne-toi de la fenêtre ! s'écria sa tante en la saisissant fermement par le bras. Il faut partir !
Elle était déjà en train de prendre quelques affaires dans un sac, la jeune Salima la regardait, immobile, tétanisée.
-Nous sommes attaqués, tu comprends ? insista Dayena, sa tante.
Elle ferma son sac et le mit dans son dos avant de se précipiter vers la porte arrière de sa petite maison. Dehors, de nouveaux cris résonnèrent, puis les premiers coups de feu. Salima, terrifiée, suivit sa tante sans poser de question. Elles mirent rapidement leur voile puis sortirent de la maison. Il y eut alors plusieurs explosions, assez lointaines, mais se faisant de plus en plus proches. Dayena prit la main de sa nièce et commença à courir dans les rues de la ville. Pour en sortir, elles devraient en traverser une bonne partie. Alors, Dayena prenait les ruelles, espérant éviter les terroristes, espérant éviter le chaos.
Les deux femmes croisèrent de nombreux civils affolés, courant dans tous les sens, des enfants qui pleuraient, alors que de nouvelles bombes explosaient tout autour. Des coups de feu résonnaient partout, provoquant des cris de terreur. La ville entière semblait plongée dans le chaos.
-Ne t'arrête pas, nous devons atteindre la sortie de la ville ! s'écria la tante, en serrant davantage la main de sa nièce.
Malheureusement, alors qu'elles couraient dans une ruelle, un jeune homme les remarqua et se précipita immédiatement vers elles, armé d'une ceinture d'explosifs. Aussitôt, Dayena se retourna pour fuir dans le sens opposé, tenant toujours la main de Salima qui faisait de son mieux pour ne pas paniquer et continuer de courir. Cependant, il était plus rapide, il les rattrapait. Alors que la jeune femme jetait un coup d'œil terrifié derrière elle pour voir son avancée, sa tante la poussa à un tournant. Le jeune homme avait appuyé sur le bouton. La bombe se déclencha. Salima échappa un cri. Les deux femmes s'étaient jetées à terre, Dayena la protégeant de son mieux. L'explosion provoqua la destruction d'une partie de l'angle du bâtiment qui les avait protégées, des morceaux tombèrent alors autour et sur elles. Une couche de poussière flottait dans l'air, mélangée à la fumée de l'explosion.
Étourdie et assourdie, Salima ouvrit les yeux. Elle sentait le poids de sa tante qui l'écrasait, posée sur elle pour la protéger. Elle retira ses mains du dessus de sa tête afin d'essayer de se relever. Le poids de sa tante la maintenait au sol. Paniquée, Salima prit une grande inspiration, et inhala de la fumée et de la poussière. Elle toussa aussitôt, soufflant sur de la poussière qui vint l'aveugler et recouvrir son visage. Dayena se releva lentement, se débarrassant des gravats tombés sur elles. Salima pouvait enfin en faire de même. Toussant, les deux femmes se croisèrent du regard. Elles étaient vivantes. Elles étaient couvertes de poussière. Dayena avait plusieurs petites plaies un peu partout, dues aux morceaux de bâtiment détruits par l'explosion, Salima également, malgré la protection de sa tante.
Cependant, elles n'avaient pas de temps à perdre, elles n'étaient pas encore sorties de la ville, elles n'avaient pas encore quitté le chaos. Les deux femmes se remirent alors en chemin, sortant tête baissée de la fumée étouffante qui les empêchait de respirer. Dayena serrait fort la main de sa nièce affolée. Elles étaient terrifiées et ne pensaient qu'à une seule chose : sortir de la ville. Malheureusement, ce n'était pas simple. Rapidement, elles durent quitter les ruelles et se retrouvèrent dans une grande avenue, au milieu de nombreux civils qui fuyaient en hurlant. Avec leur audition endommagée par l'explosion, les deux femmes entendaient faiblement le chaos, comme s'il était lointain, alors qu'elles le voyaient clairement autour d'elles. Les civils couraient dans tous les sens, agitant une foule d'innocents portant tous une expression terrifiée sur leur visage. Des pleurs venaient se joindre aux nombreux cris déchirants qui ne cessaient de résonner dans la ville. Les explosions continuaient, les coups de feu également. Cependant, les deux femmes n'en voyaient pas les responsables.
Salima, qui avait inhalé trop de poussière et de fumée, se mit à tousser de manière incontrôlable et incessante, elle était incapable de continuer à courir. Elle s'arrêta, manquant d'air, mais sa tante la tira par le bras, la forçant à avancer.
-Il faut continuer ! cria-t-elle.
Cependant, la jeune femme ne pouvait plus arrêter de tousser. Et au milieu de tous ces civils, Dayena fut rapidement bousculée et emportée par les gens, elle fut donc contrainte de lâcher la main de sa nièce. Cette dernière, étouffant, la vit disparaître au milieu de la foule affolée, avant d'être elle aussi bousculée. De nouveaux coups de feu. Les civils tentèrent encore plus de s'échapper, ils se poussaient, essayant de ne pas quitter leurs proches. Mais Salima était seule. Elle se sentait écrasée, ses bras plaqués contre son corps, ses jambes bougeant sans qu'elle ne les contrôle. Elle avait beau essayer de prendre de grandes inspirations, peu d'air semblait atteindre ses poumons. De plus, les autres civils la broyaient en essayant de fuir. Salima était impuissante, elle ne pouvait pas bouger, ni parler, elle n'arrivait même pas à respirer. Elle était contrainte de valser, brutalement envoyée contre les autres civils. Finalement, elle fut bousculée hors de la foule, contre le mur d'un bâtiment. Elle manquait d'air et continuait de tousser, désormais prise de vertiges. Faible, la jeune femme se laissa glisser contre le mur, tombant assise sur le sol. Face à elle, les gens continuaient de courir, les coups de feu les poursuivaient toujours, se rapprochant un peu plus à chaque fois. Mais la jeune femme ne pouvait pas fuir, elle toussait, crachant de la poussière qui lui brûlait la gorge. Salima voyait flou, la foule ne semblait être qu'un amas sans issue d'agitation bruyante.
Finalement, elle parvint à respirer de nouveau après avoir expulsé la poussière qu'elle avait inhalée. Aussitôt calmée, Salima reprit son souffle et se releva pour chercher du regard sa tante dans la foule, baladant ses yeux d'un visage à l'autre. Aucun ne lui était familier, mais tous étaient déformés par la terreur. Soudain, de nombreux cris provenant d'une partie de la foule, assez loin de la jeune femme, puis un terroriste se fit exploser, dispersant les civils, tuant ceux qui se trouvaient autour de lui. Elle devait partir. Elle devait fuir, retrouver sa tante. Ou elle exploserait elle aussi. Alors, Salima échappa une légère quinte de toux, puis se précipita vers la foule afin de la traverser. Cette fois-ci, c'était elle qui bousculait les autres, elle se fraya difficilement un passage de force au milieu des civils terrifiés, pour atteindre l'autre côté de la rue. Le cœur tambourinant dans sa poitrine, Salima s'imposait, en essayant de se faufiler entre les citoyens agités. Cependant, certains la heurtaient violemment, des obstacles à sa fuite qu'elle s'empressait d'éviter et de dépassait. Elle prit alors une grande inspiration en sortant de la foule, comme libérée. En tournant sur elle-même, elle continua de chercher du regard sa tante, toujours introuvable. Quand soudain, la jeune femme entendit une voix familière derrière elle.
-Salima ! s'écria la tante, ravie de la retrouver.
Salima se retourna. Dayena se trouvait face à elle, haletante et toujours couverte de poussière. La jeune femme eut envie de lui sauter dans les bras, émue à l'idée de ne plus être seule dans ce chaos, mais les terroristes arrivaient, tirant à l'aveugle dans la foule. Sa tante lui prit alors la main et elles reprirent leur course, suivies par la foule et les assaillants. Elles traversèrent de nombreuses rues, poursuivies de tous les côtés, au milieu des cris, des coups de feu et des explosions. C'était le chaos. Salima n'avait jamais vu cela auparavant, sur son passage, elle regardait avec peine les blessés, les cadavres étendus sur le sol, les familles qui hurlaient ou pleuraient face à un être perdu. Certains semblaient avoir abandonné la fuite, restant auprès de leur proche inerte. Ils préféraient mourir que de vivre sans eux, Salima sentit sa gorge se nouer en le comprenant. Elle ne savait pas quoi penser, elle ne pouvait même pas les aider, elle devait courir et sauver sa propre vie, ainsi que celle de sa tante qui n'avait pas abandonné et l'entraînait toujours dans les rues de la ville.
-Nous y sommes presque ! lança Dayena. Ne t'arrête pas, Salima !
Les deux femmes couraient aussi vite que possible depuis plusieurs minutes déjà, Salima commençait à avoir du mal à respirer, toussant encore un peu de poussière. Malgré tout, elles devaient continuer. Dayena la guidait dans la ville, elles s'approchaient de la sortie, elles pourraient fuir, se cacher hors du chaos. Dès qu'elles voyaient un terroriste au loin, la tante changeait de direction pour fuir à l'opposé et l'éviter. Cependant, un des assaillants les remarqua et les suivit. Dayena jetait rarement des regards à l'arrière, trop concentrée sur le chemin à prendre pour sortir vivantes de cet enfer. Ainsi, Salima ne le vit que trop tard. Il les visait. À peine eut-elle le temps d'ouvrir la bouche qu'il fit feu. Salima tomba violemment au sol, entraînée par le poids de sa tante qui s'était brusquement effondrée. Légèrement étourdie, la jeune femme releva la tête pour la regarder quand elle remarqua la flaque de sang qui se formait déjà sur les pavés. Elle retourna sa tante sur le dos. Celle-ci gémissait, les yeux écarquillés, terrifiée. La balle l'avait atteinte, elle lui avait traversé la poitrine, la privant immédiatement d'air. La pauvre Dayena se noyait dans son propre sang.
-Non... échappa Salima, horrifiée.
Elle ne savait pas quoi faire. Le regard de sa tante la transperça en plein cœur. Impuissante, Salima posa ses mains tremblantes sur la plaie, du sang en sortit, et elle appuya. Derrière elles, l'assaillant tirait sur les civils qui étaient arrivés dans la rue et tentaient déjà de faire demi-tour. Salima sentait des larmes remplir ses yeux. Dayena parvint à lui saisir le bras et le serra, paniquée, essayant toujours de respirer, en vain. Elle croisa le regard de sa nièce. Cette dernière ne pourrait jamais oublier la terreur qu'elle vit dans les yeux de sa tante. Impuissante, Salima ne put que regarder sa tante mourir, comprimant vainement sa plaie. Tout avait été si rapide. Salima se recula, retirant ses mains couvertes du sang de Dayena, des larmes coulant sur ses joues poussiéreuses.
Les coups de feu la firent rapidement revenir à la réalité. L'assaillant était tout près. Elle le regarda, assise sur le sol de la rue. Il avait tué plusieurs civils mais alors qu'il voulait abattre Salima, il n'avait plus de munitions. Une chance de survie se présentait. Tandis qu'elle se relevait, le terroriste lâcha son arme pour prendre son couteau. Sans hésiter, la jeune femme se jeta sur lui pour essayer de le désarmer, mais il fut plus rapide et parvint à lui asséner un coup, lui entaillant la peau du bras gauche plutôt profondément. Elle échappa un cri mais saisit tout de même le poignet de l'assaillant. Tous deux luttèrent. Salima voulait l'empêcher de la poignarder, elle devait le désarmer. Cependant, face à lui, elle était faible. Les yeux encore embués de larmes, elle donna vainement toutes ses forces, serrant les dents et fléchissant face à son assaillant. Puis, elle décida de frapper d'un coup de genou le terroriste, qui arrêta de lutter sous la douleur. Aussitôt, Salima saisit sa chance et récupéra le couteau. Mais elle reçut un coup de poing qui la fit tomber au sol et lâcher l'arme. Tous deux se croisèrent du regard, comprenant la situation. Le terroriste se précipita vers elle pour attraper le couteau, mais la jeune femme était plus proche et se jeta dessus. Elle saisit l'arme et leva la lame en direction de son assaillant, venant le poignarder dans l'abdomen. Il tomba aussitôt à côté d'elle, sur les pavés, mais il n'était pas mort. À genoux, il avait une main plaquée contre sa plaie. Sans lui laisser une seconde de plus, Salima le poignarda à nouveau, basculant avec lui sur les pavés. Elle se redressa alors pour reprendre le couteau et l'enfoncer une nouvelle fois dans la chair de son assaillant, à multiples reprises, afin d'être certaine de l'avoir tué.
Enfin, elle put souffler un peu, reprendre ses esprits. Cette rue était déserte. Le chaos résonnait, au loin. Haletante, elle lâcha le couteau ensanglanté puis regarda le terroriste, l'homme qu'elle venait de tuer. Aussitôt, elle prit conscience de son acte. Salima avait tué quelqu'un. À bout de force, elle fut secouée d'un sanglot et recula brusquement afin de s'éloigner de sa victime. Ses yeux ouverts et immobiles semblaient sonder son esprit, et Salima n'arrivait pas à détourner le regard. Elle essuya frénétiquement ses mains pleines de sang sur ses vêtements poussiéreux, secoué par de nouveaux sanglots. Elle devait se laver du sang de l'homme. Terrifiée, elle échappa un gémissement, elle avait envie de hurler, mais sa gorge nouée bloquait son cri. Sa longue plaie au bras gauche saignait assez abondamment et la douleur était puissante. La jeune femme porta aussitôt sa main à sa blessure, les yeux rivés sur l'homme mort qui gisait face à elle. Puis elle parvint à tourner la tête pour regarder sa tante, étendue sur les pavés, entourée de sang. Elle n'arrivait pas à se dire que tout cela était réel.
Malheureusement, Salima n'eut pas le temps de réfléchir davantage à ce qui venait de se produire. De nombreux civils arrivèrent, paniqués. Et ils étaient poursuivis. Les terroristes se rapprochaient, tirant à l'aveugle dans la foule. Salima ne pouvait pas rester où elle se trouvait, elle devait fuir. Alors, elle se releva, se retourna et se remit à courir, s'engageant dans la première ruelle après avoir regardé une dernière fois sa tante, les larmes aux yeux. Malheureusement, la jeune femme se figea une fois au milieu de la ruelle. Un groupe de terroristes arrivaient en face d'elle, et la foule arrivait derrière. Salima était bloquée. Sans réfléchir davantage, elle se précipita à l'intérieur du bâtiment le plus proche et gravit les marches rapidement. D'autres civils l'avaient suivie, des terroristes également, à en juger par les coups de feu et les cris. La jeune femme n'avait aucune issue, elle se cacha donc sans réfléchir sous un lit, dans le coin d'une pièce. Son corps tout entier tremblait. Haletante, Salima sentait son cœur s'affoler dans sa poitrine. Sa blessure lui faisait terriblement mal, la jeune femme remarqua les gouttes de sang qu'elle avait laissées en entrant dans la chambre. Si quelqu'un venait, ce ne serait pas difficile de la trouver. Elle pria donc pour que personne n'entre dans cette chambre, pour s'en sortir vivante, échappant quelques larmes.
Rapidement, le bâtiment devint silencieux, il n'y avait plus de cris, plus de civils qui couraient dans tous les sens, seulement quelques coups de feu et des pas lourds. Salima essayait de se calmer, immobile, les yeux rivés sur la porte de la chambre dont elle ne voyait que le bas. Les coups de feu se faisaient de plus en plus rares, les terroristes ne tiraient que quelques balles, seulement lorsqu'ils avaient trouvé un civil, pour l'abattre. Et bientôt, un silence de mort s'installa. Seuls des pas lents et lourds résonnaient, ils étaient proches. À chacun d'eux, Salima sentait sa terreur s'intensifier, de nouvelles larmes coulant de ses yeux. La porte s'ouvrit. Aussitôt, la jeune femme plaqua une main contre sa bouche, elle ne devait pas faire de bruit, elle devait se calmer, ralentir sa respiration. Voyant les pieds du terroriste s'approcher lentement du lit, elle comprit qu'il avait remarqué les gouttes de sang et les suivait. Elle n'avait plus aucune chance. Elle allait mourir. Salima fut secouée d'un sanglot dont elle parvint à réprimer le bruit. Elle avait les yeux rivés sur les pieds qui s'approchaient de plus en plus du lit. Soudain, la jeune femme en remarqua deux autres, entrant dans la pièce avec lenteur et discrétion. Puis deux coups de feu. Le terroriste s'écroula, à moitié sur le lit, provoquant un sursaut chez Salima. Ensuite, les pieds se rapprochèrent plus rapidement et l'homme se baissa. Elle croisa son regard, tétanisée.
-C'est bon, vous pouvez sortir, dit-il d'une voix grave et d'un ton rassurant.
Il tendit sa main. Tremblante, Salima la prit timidement et rampa pour sortir du lit. Elle se releva pour faire face au grand homme barbu et imposant qui venait de la sauver. Elle remarqua sa tenue de militaire.
-C'est fini, ajouta-t-il.
Sous le choc, ayant cru que la mort venait la chercher, Salima se jeta dans les bras du soldat qui l'avait sauvée, se laissant pleurer. Quelques minutes auparavant, elle avait subie une explosion, avait vu sa tante mourir, puis elle avait tué un terroriste. Elle avait pensé mourir ici. Mais ses prières avait été entendues, Salima était sauvée. Désormais, elle voulait simplement rentrer chez elle, et pleurer.
-Merci, sanglota-t-elle contre le grand militaire.
Amicalement, il posa ses mains dans le dos de la jeune femme, afin de la rassurer, de la réconforter. Il remarqua également ses blessures.
-Vous avez besoin de soin.
Lentement, essayant de se calmer, elle recula, croisant son regard rassurant.
-Suivez-moi, je vais vous conduire jusqu'à des médecins, dit-il.
-Merci, monsieur, répéta-t-elle d'une faible voix.
-Capitaine Josiah Hawkins.
-Merci, Capitaine Josiah. Je m'appelle Salima.
-Ça va aller, Salima. Vous allez vous en sortir.
Il annonça le sauvetage de cette civile dans sa radio. Puis, le Capitaine sortit de la pièce avec la jeune femme. Ils rejoignirent les autres soldats, quittèrent le bâtiment, et il l'emmena lui-même voir un médecin venu avec les militaires. Ses blessures furent nettoyées et pansées, sous les yeux du Capitaine.
-Vous êtes seule, que s'est-il passé ? demanda-t-il.
Des larmes remplirent aussitôt les yeux de Salima, qui, la gorge serrée, répondit tout de même.
-J'étais chez ma tante, nous avons essayé de sortir de la ville. Elle... elle est morte, Capitaine Josiah. Elle s'est fait tirer dessus.
-Je suis désolé.
-Je... celui qui a tiré... Je l'ai tué.
Le Capitaine ne put cacher sa surprise. Cette jeune femme au corps frêle, blessée, couverte de poussière, qui avait une voix si douce et paraissait si fragile, avait réussi à s'en sortir en luttant contre un terroriste, en le tuant. Il était également triste d'apprendre qu'elle ait eu à le faire.
-Il m'a attaquée... reprit-elle. J'ai récupéré son couteau... et je l'ai tué.
Elle fondit en larmes.
-Vous n'aviez pas le choix, répliqua aussitôt Josiah en s'approchant d'elle pour poser une main sur son épaule. Vous vous êtes défendue, Salima. Vous avez fait ce que vous aviez à faire pour survivre.
Dès que ses blessures furent pansées, la jeune femme se releva pour se jeter à nouveau dans les bras du militaire, extrêmement reconnaissante.
-Merci... Si vous n'aviez pas été là... je... sanglota-t-elle.
-Tout va bien, c'est fini, Salima. C'est fini.
Dans son appartement, Josiah, appuyé sur le rebord d'une fenêtre de son appartement, fumait une cigarette en pensant à Salima. Il se souvenait du jour où il l'avait sauvée, dans le pays d'origine de sa famille. Elle lui avait fait beaucoup de peine, mais elle l'avait également surpris, la jeune femme ayant été capable de se défendre en tuant un terroriste. Très reconnaissante, Salima avait souhaité rester en compagnie du Capitaine, se sentant en sécurité avec lui, et n'ayant plus personne d'autre dans ce pays. Puis, tous deux étaient finalement restés en contact, elle était même venue plusieurs fois le voir dans son appartement pour discuter et lui avait déjà donné quelques informations sur des activités terroristes, lors d'un nouveau séjour dans son pays d'origine. Josiah savait également que le père de Salima avait travaillé pour le président actuel, qui s'était plus ou moins servi de lui, jusqu'à sa mort. La jeune femme avait apparemment décidé de travailler pour le même homme, bien qu'elle se battait pour la justice depuis des années.
Une fois sa cigarette terminée, Josiah ferma la fenêtre et termina de se préparer, avant de sortir de son appartement. Il se rendit chez sa fille, qui n'avait pas d'école, pour passer du temps avec elle. La petite Holly fut ravie, contrairement à Kate et Jaime. En cette froide matinée, le Capitaine resta jouer avec sa fille à l'intérieur et lui offrit le jouet qu'il avait acheté pour elle. Euphorique, elle lui raconta des anecdotes sur ses journées d'école tout en animant ses figurines et celle qu'elle venait d'obtenir. Il était heureux.
Plus loin dans la ville, Leland, préparait des pancakes dans la cuisine de l'appartement de Nina, qui dormait encore. Il pensait à la nuit dernière, qu'il avait failli passer une nouvelle fois avec elle. La voir dans cet état pitoyable lui avait rappelé son enfance. Le père de Leland avait sombré dans l'alcool après la mort de sa femme, survenue peu après la naissance de leur fils. Ainsi, Leland avait grandi avec un père alcoolique dont il avait souvent dû s'occuper, devant être grand et responsable trop tôt. Malheureusement, il n'était qu'un enfant et ne pouvait pas dissuader son père de boire, il avait déjà essayé, et reçu des coups. Finalement, Leland, impuissant, était devenu orphelin à l'âge de douze ans, après une trop forte consommation d'alcool de la part de son père. Il savait que noyer ses problèmes dans la boisson n'allait rien améliorer, au contraire, et il ne voulait pas voir Nina sombrer, il ne pourrait pas le supporter.
Comme à son habitude, Leland fit preuve de maladresse, et manqua de faire tomber les pancakes, qu'il rattrapa de justesse. Soupirant, il prépara deux assiettes qu'il posa sur le comptoir de la cuisine. Ensuite, il débarrassa les ustensiles utilisés et les nettoya, concentré sur ses pensées. Nina n'étant toujours pas levée, Leland posa un comprimé de paracétamol à côté d'un verre d'eau, remplit un autre de jus de fruit, et versa le sirop d'érable sur les pancakes chauds, en en renversant légèrement à côté de l'assiette. Il nettoya immédiatement cette maladresse avant d'ajouter quelques fruits sur le dessus du petit-déjeuner. Finalement, alors qu'il se lavait les mains, il entendit des pas légers et un bâillement. Il se retourna, Nina sortait de la chambre, dans son peignoir, et venait vers lui, dans la cuisine, en se frottant les yeux.
-J'ai un mal de crâne... gémit-elle.
Une douce odeur sucrée flottait dans l'air. Nina remarqua alors les pancakes.
-Tu as fait tout ça pour moi ? lança-t-elle, surprise.
Aussitôt, Leland esquissa un sourire timide, puis il prit le verre d'eau et le comprimé, qu'il tendit à son amie.
-Commence plutôt par ça, dit-il.
-Tu es vraiment un ange, Leland, répondit-elle en les prenant.
Il sourit, la regardant prendre son comprimé à l'aide du verre d'eau. Puis il reprit le verre vide et alla poser les assiettes sur la table. Nina s'apprêtait à l'aider, mais Leland fut plus rapide, il revint prendre les verres de jus de fruit, qu'il ajouta sur la table. Alors, elle n'avait plus qu'à s'asseoir et déguster. Il prit place en face d'elle, le sourire aux lèvres.
-Tu es levé depuis longtemps ? demanda-t-elle.
-Euh... oui. Plusieurs heures. Mais ne t'inquiète pas, il n'est pas si tard.
Elle commença à manger et ouvrit grands les yeux avant d'échapper une onomatopée de bonheur.
-Leland ! s'écria-t-elle. C'est délicieux !
-Merci, répondit-il en souriant timidement.
Lui aussi goûta alors ses pancakes. Tous deux mangèrent, relativement en silence, ne sachant pas quoi se dire. Leland avait toujours peur de faire une erreur, et il voyait bien que Nina ressentait encore les effets des verres d'alcool bus la veille. Cette dernière ne pouvait également pas s'empêcher de se sentir coupable, voyant à quel point Leland avait pris soin d'elle malgré son état pitoyable. Fréquemment, il jetait des regards rapides vers elle. Finalement, il n'osa pas lancer de conversation pendant ce petit-déjeuner qu'elle apprécia fortement.
Josiah rentra chez lui, son ex-femme l'ayant presque mis à la porte, répétant qu'elle devait emmener la petite Holly chez une de ses amies. Il n'avait pas passé autant de temps avec sa fille que la dernière fois, mais la voir le rendait toujours aussi heureux, sur le moment. La quitter lui donnait toujours une triste impression de silence pensant et de manque. Il reçut finalement un appel, de sa vieille connaissance.
-Salima ?
-Capitaine Josiah, répondit cette dernière. Je dois vous voir. Est-ce que je peux maintenant ?
-Oui. Je t'attends.
Curieux, il se demanda ce qu'elle pouvait bien avoir à dire. Il se doutait que cela avait un rapport avec le président et ce qu'elle lui avait annoncé précédemment. En tout cas, elle n'avait pas l'air d'avoir eu des problèmes à cause de sa découverte. Ainsi, Josiah attendit son arrivée, assis sur son canapé. La jeune femme ne tarda pas, elle frappa et il la laissa entrer.
-Capitaine Josiah, j'ai de nouvelles informations, lança-t-elle alors en le regardant droit dans les yeux. Je me suis renseignée. Discrètement. Le président a fait enlever deux personnes qu'il détient dans les sous-sols. Et je connais maintenant leurs noms.
Elle regarda rapidement autour de lui, méfiante, puis croisa à nouveau son regard.
-Alma Sanchez, depuis peu de temps, et Luke Hamilton, depuis un peu plus longtemps, apparemment.
Dès qu'il entendit le deuxième nom, Josiah écarquilla les yeux. Il était choqué et la jeune femme le remarqua aussitôt.
-Vous les connaissez, Capitaine Josiah ?
-Je connais Luke Hamilton, avoua-t-il. Sa sœur le cherche, c'est une amie.
-Alors vous devez lui dire, elle pourra peut-être vous aider à le sortir de là. Je ne sais pas encore réellement pour quelles raisons ils ont été enlevés, je vais tâcher de l'apprendre, Capitaine Josiah. Mais j'ai cru entendre parler du mari d'Alma Sanchez, que le président rechercherait activement, peut-être que vous devriez faire des recherches discrètes de votre côté. Nous devons les sauver, je compte sur vous. À la prochaine fois, Capitaine Josiah.
Une nouvelle fois, Salima se retourna pour sortir de l'appartement, Josiah fut incapable de la retenir, encore sous le choc de cette révélation. Luke Hamilton. Ce nom changeait tout. Absolument tout. Le Capitaine qui doutait, qui ne savait pas s'il devait agir ou non, avait l'impression de ne plus avoir le choix. Il devait absolument sauver le frère de Nina. Mais d'abord, il devait lui annoncer.
Après leur petit-déjeuner, Leland commença la vaisselle, et Nina, qui n'avait pas pu le dissuader, insista pour l'aider. Ainsi, ils s'y mirent ensemble. Elle le remercia plusieurs fois pour son petit-déjeuner attentionné.
-Je suis désolée pour hier soir, dit-elle également en posant le verre qu'elle venait de nettoyer. Je ne me souviens pas de tout, mais je sais que je n'ai pas été très... enfin... Désolée.
-Ne t'en fais pas. L'important, c'est que tu ne le refasses pas. L'alcool ne te sauvera pas, Nina. Ça ne résout pas les problèmes... au contraire...
Elle releva brièvement les yeux vers lui, fronçant les sourcils. Elle comprenait dans sa voix que quelque chose n'allait pas.
-Tu as déjà connu cette situation ? demanda Nina.
Aucune réponse. Il évita même son regard, continuant de nettoyer les assiettes.
-Leland, tu peux m'en parler, insista-t-elle amicalement. Tu as eu des problèmes avec l'alcool ?
-Non... pas moi...
Il aurait voulu pouvoir se confier, pouvoir tout dire à Nina, mais Leland n'arrivait pas à lui avouer. Pourtant, il en avait envie. Cependant, il ne se sentait pas prêt à ce qu'elle sache. Et, alors qu'il cherchait les mots et le courage, quelqu'un frappa à la porte. Nina détacha son regard de lui pour aller ouvrir la porte, et fut surprise de tomber face à Josiah.
-Capitaine ! Qu'est-ce que vous faites ici ?
Leland l'entendit, depuis la cuisine, et abandonna la vaisselle pour les rejoindre.
-Capitaine, lança-t-il, également surpris.
Malgré son étonnement face à la présence de Leland chez Nina, Josiah ne le releva pas et entra, encore sous le choc qu'il ne pouvait dissimuler. Ses deux soldats furent alors inquiets.
-Quelque chose ne va pas, Capitaine ? demanda-t-elle en refermant la porte sans le quitter des yeux.
Il se retourna face à eux, cherchant ses mots. Puis, finalement, il se lança, de façon directe et claire. Elle devait savoir.
-Votre frère a été enlevé par le président, qui le retient prisonnier dans ses sous-sols.
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