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▪ YOU WERE GOOD TO ME by JEREMY ZUCKER & CHELSEA CUTLER▪

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AUDACE, dix-sept ans

Je regarde lascivement l'horloge numérique qui trône au dessus du tableau tactile blanc de ma classe de mathématique. L'heure est interminable. S'il y a bien une seule matière scientifique dans laquelle je n'excelle pas : ceux sont les maths ; pourtant je fais tout mon possible pour viser la moyenne.

Et je crois que j'y arrive grâce à l'imbécile qui griffonne sur son cahier à côté de moi. Je jette un coup d'œil à sa page remplie de bleu et rouge. Puis mes yeux se reportent sur ma tablette et je grimace en remarquant le brouillon de mes calculs.

Dean est le seul du lycée, et probablement de tout le pays, a encore écrire sur du vrai papier. Ça fait des années que nous sommes passés au numérique en classe, il s'obstine pourtant.

J'avoue aimer ce trait de caractère chez lui. Il reste naturel, suit ses propres valeurs. Parfois même, je l'envie. J'aimerai être aussi moi-même qu'il est lui-même.

— Psst, je lui lance en faisant bouger son coude avec le mien, t'as la réponse de 4x2y ?

Il m'observe par dessus ses cheveux noirs qui lui tombent sur le front. Si noirs qu'ils font ressortir le bleu profond de ses yeux et rendent sa peau pâle.

— Je croyais que tu avais compris cette partie du cours ?

Je hausse des épaules, malicieusement :

— J'ai été distraite, je réponds, faisant allusion à notre cession de révision d'il y a deux jours.

La sonnerie choisit ce moment pour nous sauver et je referme ma tablette dans son étui en une fraction de seconde et lève mes fesses de la chaise que l'on m'a désigné il y a deux heures.

— Sauvez par le gong, se moque-t-il en rangeant à son tour ses affaires.

Avant même que la prof donne les dernières directives de cours, je suis déjà partie. Bon la moyenne en maths, c'est largement suffisant après tout. De toute manière, mon dix-neuf soixante-six de moyenne en science de la vie me sauve la mise à chaque fois. J'aime tellement cette matière, c'est si passionnant de comprendre le corps humain : pourquoi sommes-nous comme nous sommes ?

Je suis également la première de notre cours d'approche psychologique. Le corps et l'esprit humain. L'humain tout court. Un être bien trop complexe pour le résumer à des principes. Pourquoi agissons-nous comme nous agissons ?

Inconsciemment, mes doigts touchent délicatement la montre à mon poignet gauche. Les cadrans sont vachement anciens, d'après mon père, cette montre a été créée au début du vingt et unième siècle. Elle est fait-main, et elles se font rares désormais. Ceux qui les détiennent, les ont reçues par leurs parents, qui les avaient eux-mêmes reçues par leurs propres parents.

Pourtant, plus je la regarde, et plus je me dis que j'aurais dû la détruire, il y a des années de ça. C'est bizarre de se dire que maintenant elle me va parfaitement alors qu'il y a à peine trois ans, elle tournait encore autour de mon poignée trop fin.

Plus personne ne parle de papa à la maison, et c'est une bonne chose en réalité. Il nous a abandonnés, il nous a laissés dans un chaos total sans même se retourner. Je le déteste, je le hais même. Il a foutu maman dans une galère pas possible. J'espère que peu importe où il est, il est malheureux. Souhaiter du mal aux autres n'est pas dans mes habitudes, mais il est une exception.

A cause de lui, j'ai une peur incontrôlable de l'abandon. Je me méfie de tout le monde et je n'arrive pas à laisser les gens entrés dans ma vie. Dean est bien seul à avoir eu cette chance.

Hormis lui, je n'ai pas d'amis, pas de petits copains comme les autres filles du lycée. D'une certaine façon, ce n'est pas plus mal, je peux travailler sur mon dossier universitaire et peut-être pouvoir voir mon rêve de neurologiste se réaliser.

Mon ami sort à ma suite de la classe et nous nous dirigeons vers la sortie des cours. C'était le dernier de la journée, dieu soit loué.

Je ne crois pas en dieu. J'ai été catholique pendant toute mon enfance, mais quand il a ignoré à répétitions mes supplices de faire revenir ma famille comme avant : j'ai compris que je ne pouvais pas compter sur lui. Ou sur qui que ce soit d'autre. Je suis mon seul et unique allié.

— Audace à la Terre, rigole Dean en secouant sa main devant mes yeux.

Je cligne des yeux en souriant légèrement, c'est son expression préférée pour ramener mon attention à lui.

— Désolée, je grommelle en me dirigeant vers les portes de sorties, j'étais sur ma planète.

Il me donne un coup d'épaule et nous avançons côte à côte.

— Je viens chez toi ce soir, après que ma mère se soit endormie ?

C'est un rituel entre Dean et moi. Ses parents travaillent de nuit et je me retrouve toujours d'une façon ou d'une autre à passer la nuit avec lui. Jamais complètement, car je m'en vais toujours avant que le soleil ne se lève.

Mon temps de sommeil est divisé par trois mais je ne changerai cette habitude pour rien au monde. On a commencé à l'instaurer quand il m'a proposé de m'aider sur mes cours de maths au collège. Un à deux soirs par semaine qui se sont transformés en nuit, puis à tous les jours de la semaine et on a arrêté de faire des maths pour s'adonner à des activités bien plus divertissantes.

Il court avec moi dans les rues désertes de la ville, on joue à tous les jeux de sociétés qu'il possède, le mois dernier on a fini toute la collection de films qu'il a téléchargé, ce que je pensais impossible. Et ça nous arrive occasionnellement de boire les liqueurs que son père cache dans le salon.

Et même quand on a rien à faire, Dean trouve toujours quelque chose pour nous divertir.

— Ça risque d'être compliqué ce soir, avoue-t-il en traînant des pieds.

Je détourne mes yeux de son visage, profondément vexée. Dean ne refuse jamais mes invitations. Il arrive plutôt toujours à me convaincre de venir quand je ne peux pas.

Je passe mes mains contre mes avant-bras comme si j'avais froid. C'est à cause de hier soir.

J'ai eu la bonne idée d'instaurer un jeu d'alcool à la con. On a fini par s'embrasser comme des dingues sur le canapé.

Ce n'est pas la première fois qu'on s'embrasse, évidemment il m'attire depuis le jour où on s'est rencontré et avec l'âge et notre amitié : ça n'a fait que s'aggraver.

Mais hier, il y avait un puissant désir en plus et si je n'avais pas réussi à me raisonner, on aurait probablement fini dans son lit.

Je ne sais pas si c'est ce qui l'effraie, franchir complètement la frontière de notre amitié, ça me vexe suffisamment pour que j'arrête de marcher :

— Dean, tu sais très bien que mon anniversaire est demain.

Ça fait tout de même six ans qu'on le fête ensemble. Il a pris l'habitude de me foutre la tête dans le cake tous les minuits du sept avril.

Il hausse les épaules, en se grattant l'arrière de la tête.

— On se rattrapera demain soir.

Je ravale ma colère, qui est plus de la tristesse en réalité.

— De toute façon, j'ai oublié mais William à ce test qu'il faut que je vois avec lui, j'invente, vexée. J'aurais pas pu non plus.

Il ne dit rien. Je sens un fin couteau s'insinuer dans ma poitrine. Putain Dean.

— Bon, on se voit demain matin ?

Il ne vas pas donc pas me raccompagner jusqu'à chez moi ?

— Évidemment, je roucoule faussement en ébouriffant ses cheveux trop longs.

Il me sourit, un air coupable et je tourne les talons en direction de chez moi. Il est mon meilleur ami, il me connaît mieux que personne. Il a juste fait exprès d'ignorer mes mensonges. Et je crois que ça me blesse encore plus que son refus.

***

J'observe la pizza cuire dans notre four dernière génération.

Maman a dû y laisser la moitié de son salaire, le mois dernier quand le précédent nous a subitement lâchés.

Comme si l'argent n'était déjà pas un soucis suffisant.

Il est huit heures passé et maman devrait être rentrée maintenant, pourtant toujours aucun signe d'elle. Je lui ai laissé un message sur son téléphone, mais elle n'a pas le droit de l'avoir à l'usine.

— C'est bientôt prêt ?, s'écrit William, sortant fraîchement de la douche et dégoulinant d'eau sur le carrelage.

Je soupire en ravalant mon énervement. Ce n'est pas la faute de Will si Dean était bizarre.

— Dans quelques minutes, sèches-toi les cheveux s'il te plaît, je lui réponds le plus calmement possible.

Je l'entends rechigner à l'étage. Il déteste se sécher les cheveux.

Je décide alors d'arrêter le four, laissant la pizza finir sa cuisson tranquillement et escalade les escaliers me menant à la salle de bain.

William est assis sur les toilettes, avec son pyjama Spiderman qui commence à être trop petit. C'est pourtant son préféré.

Cette image de lui m'apaise. Du haut de ses onze ans, il en mène plus large que moi à son âge.

— Tu veux un coup de main ?

Il hoche de la tête et je souris doucement en ouvrant le placard miroir recouvert de buée. J'en sors un disque chauffant et le programme sur une température moyenne.

Je m'applique par la suite à sécher les doux cheveux bruns de mon frère. Ses cheveux sont exactement de la même couleur que les miens. Les mêmes reflets dorés au soleil, et ce profond brun qui ressemble aux vieux bois que l'on met dans la cheminée en hiver.

On se ressemble comme deux gouttes d'eau. Il pourrait être mon sosie masculin si nous avions la même couleur des yeux. Alors que les siens sont d'un châtain clair, les miens sont d'un vert surprenant.

Maman disait que c'était d'eux qu'elle était tombée amoureuse quand elle avait rencontré papa. De la couleur de la pierre précieuse d'où tire le nom de ce vert si élégant : l'émeraude.

Alors que mon frère et moi tenons notre crinière brune de notre mère. Je suis la seule à avoir eu les yeux de mon père. Ses si beaux yeux.

Quand j'imagine l'homme qu'il doit être désormais, je n'arrive à distinguer que ses yeux semblables au mien.

Que pense-t-il de la personne que je suis ? De la personne que je veux devenir ? Est-il fier de moi ? Pense-t-il seulement à moi ?

— Aïe Aude, s'exclame subitement William en s'écartant vivement de moi. Tu m'as brûlé.

Je cligne des yeux, revenant sur Terre.

Non, évidemment que non : s'il est parti, c'est qu'il n'en a rien à foutre de nous.

— Excuse-moi, j'étais dans mes pensées.

Il me lance un regard par dessus sa longue rangée de cils :

— J'ai remarqué, ils sont secs c'est bon !

Il ébouriffe le devant de son crâne pour appuyer son propos et avant que je n'ajoute une remarque, la clé dans la porte d'entrée retentit.

La porte s'ouvre, puis claque et se referme dans un bruit mécanique et automatique.

Un afflux d'émotions me submerge.

Et si c'était papa dans cette entrée ? Qu'il était rentré à la maison après tout ce temps ? S'il avait changé d'avis ?

Mais je sais d'avance que ce n'est pas des yeux émeraude que je trouverais en bas des escaliers.

Non, ceux sont des yeux d'un brun clair, creusés de fatigue et d'inquiétude, de plus en plus ternes. Ils se forcent cependant à se teindre d'une légère étincelle lorsque l'on descend les rejoindre.

Ma mère sourit tendrement. Elle a été une si belle femme, et aujourd'hui quand je la regarde, je n'y vois qu'une personne ridée d'épuisement. Elle reste pourtant la plus jolie à mes yeux.

William lui saute dans les bras, et elle encaisse son poids en serrant les dents.

Si j'ouvrais un dictionnaire et y cherchais le mot force, le nom de maman y apparaîtrait comme définition.

Elle est si forte mentalement, que nous ne faisons pas le poids à côté d'elle. Elle a vécu tellement de malheurs, sacrifiée tellement pour nous que je me demande même parfois si on mérite d'avoir ce bout de femme dans nos vies.

Papa ne la méritait pas. Ça, j'en suis certaine.

— Tu rentres tard, je lui fais remarquer en terminant de mettre la table dans la véranda éclairée.

— Oui, Caria était malade. J'ai dû la remplacer.

Je pose brutalement les assiettes sur le verre de la table, lui faisant échapper un cri de stupeur. Je ferme les yeux pour contrôler moi-même mon humeur exécrable du jour.

— Maman, tu ne peux pas faire les heures de tout le monde.

C'est bien ça le soucis. Si elle se contentait de faire son boulot, elle ne serait pas si exténuée. Néanmoins, ma mère a un défaut : c'est une pure altruiste.

Elle veut toujours aider les autres, les faire passer avant elle mais ça finit inévitablement par la ronger. Parce que les gens ne sont pas réciproques et ne retournent pas la faveur, elle est pourtant aveugle sur ce dernier point.

— Je sais mais tu sais bien qu'elle se fera virée si je n'assure pas ses heures.

— Et alors ? Caria est tout le temps malade. Ce n'est pas à toi de cumuler les deux emplois, surtout si la paye ne te revient même pas.

Elle cherche un argument dans le vide : il n'y en a pas. Les heures supplémentaires qu'elle fait pour Caria ne lui rapporte pas un rond en plus, ils vont directement dans la poche de cette soi-disante malade.

Et ma mère est bien trop bonne pour se rendre compte qu'elle profite de sa gentillesse.

Elle souffle en passant sa main contre son front. Elle n'a probablement pas beaucoup mangé aujourd'hui.

— Aller, viens, j'ai préparé à manger.

Je l'attrape par le bras et la force à s'asseoir tandis que Will s'installe face à elle.

— Les cours, ça a été Audace ?

J'acquiesce en déposant le plat au centre de la table. Mon frère se jette sur la plus grosse part comme si on risquait de lui piquer.

— Je galère toujours sur les maths, mais le reste ça roule.

— Dean t'aide ?

Je croque à pleine dent dans un bout de fromage fondu.

— Oui.

Je ne veux pas m'étaler sur son sujet mais William en profite pour surenchérir :

— En plus maman, Dean a acheté un nouveau jeu et il va m'envoyer ce soir les coordonnées pour que l'on puisse jouer en VR ensemble !

— Tes devoirs sont faits ?

Alors c'est ça que Dean va faire ce soir au lieu de fêter mon anniversaire avec moi ? Jouer en réalité virtuelle avec mon frère ?

Ma colère ne veut dont décidément pas redescendre.

— Oh, j'allais presque oublié que demain c'est ton anniversaire, avoue ma mère en laissant retomber sa croûte de pizza dans son assiette. Dix-sept ans déjà !

Une petite lueur voile son regard et je sais exactement à quoi elle pense à ce moment. Après des années à me le raconter, j'entends presque sa voix me le répéter : "c'est à dix-sept ans que j'ai rencontré ton père, et à dix-huit, je savais que c'était lui que j'allais épousé".

On fêtera mon anniversaire demain, puisque c'est le jour de repos de maman.

Plus personne n'ajoute réellement quelque chose et pendant que je fais la vaisselle, après avoir réussi à convaincre maman de se mettre devant le canapé et de me laisser débarrasser, William et elle regardent la télé en échangeant des messes basses.

Mon frère manque terriblement d'amour, on a beau faire tout notre possible. Maman travaille sans arrêt et je ne suis pas très douée pour trouver des mots doux. De toute manière, c'est une figure paternelle qui lui manque, c'est bien pour ça qu'il est autant attaché à Dean. Quelque part, il lui rappelle papa, même s'il n'en a qu'un vague souvenir puisqu'il n'avait que six ans quand il est parti. Ça ne l'empêche pas d'en faire des cauchemars la nuit.

Après avoir pris une douche bien chaude, je laisse maman s'occuper de coucher William pour une fois et m'enferme dans ma chambre.

J'allume quelques bougies comme j'aime le faire puis enfile le gros sweat noir de Dean. Il sent son odeur et je ferme les yeux en inspirant le col. J'assimile cette odeur à la quiétude. En tant que bélier, ma réputation me précède. Je suis sanguine et impulsive, malheureusement un peu trop. Je prends tout personnellement et la colère est un troisième globule de mon sang.

J'ai besoin de Dean. Son calme et son self-control est quelque chose que j'envie. Si seulement j'étais aussi sage que lui.

Alors que j'essaye de chasser les souvenirs son pull me procure, un bruit venant de ma fenêtre me fait sursauter. Et lorsque je l'ouvre, je réprimande de toutes mes forces le sourire qui se dessine sur mes lèvres.

Quand on parle du loup.

Je joue pourtant la carte de l'indifférence :

— Tu n'avais pas mieux à faire ce soir ?

Il s'esclaffe et c'est vraiment dur de rester sérieuse. Dean me connaît par cœur, et lit en moi comme un livre ouvert.

— Comme si j'allais réellement raté ton anniversaire.

Le fait qu'il dise ça à voix haute me retire un poids énorme que je n'avais même pas conscience d'avoir.

Dean est toujours mon meilleur ami, et hier n'y change rien.

— Bon t'attends quoi ? Descends !

Je fronce les sourcils mais obtempère. J'attrape une veste en plus et mon téléphone, et le rejoins dehors.

La lune éclaire son visage qui se peint dans une couleur bleutée. Il est vraiment beau.

Je n'arrive pas à comprendre ce que les filles trouvent à son nez. Certes, il est plus grand et imposant que la moyenne mais il complète parfaitement son personnage. Dean sans son nez en bec d'aigle, n'est pas Dean.

Arrivée à sa hauteur, il me tend un bandeau.

— Sérieusement ?, je dis en le dévisageant.

Son sourire s'agrandit sans surprise, puis il hoche la tête. Je m'exécute et noue le tissu sur mes yeux.

— Et maintenant ?

— Maintenant, on teste.

Avant même que je lui demande à quoi il pense, il s'exprime. Ses lèvres viennent délicatement toucher les miennes tandis qu'il se penche pour m'embrasser correctement.

Je le laisse faire, ne comprenant pas réellement où il veut en venir.

— Tu me fais confiance ?, murmure-t-il en s'écartant de moi.

Je hoche la tête, certaine :

— Oui.

Il m'attrape la main et je le laisse me guider pendant une quinzaine de minutes dans la nuit. Une fois qu'il s'arrête, j'ai aucune idée de là où je pourrais me trouver.

Dean se place derrière moi et libère mes yeux.

Les larmes me montent littéralement aux yeux. Il a mis la barre haute.

Le cadre est idyllique. Nous sommes au bord du lac de la ville et aussi tard, il n'y a plus personne. De toute manière, Dean a trouvé un coin isolé.

— Si tu comptes me tuer et me couper en morceau pour nourrir les poissons, c'est réussi !

Il rigole de nouveau et ça en devient presque le plus beau son dans mes oreilles. Je continue d'observer tout ce qu'il a préparé.

Une serviette fait office de nappe, posée dans l'herbe, sur laquelle Dean a installé des coussins et des boissons avec un gros gâteau fait par ses soins. Je sais d'avance que ma tête va finir dedans avant qu'on lèche aux doigts le reste de la crème.

L'eau scintille au gré de la lune.

Le paysage est merveilleux, je trouve ça très romantique pour deux simples meilleurs amis mais je ne le mentionne pas.

— C'est magnifique, je chuchote, prise de court.

— Les dix-sept ans ça se fête !

Je souris un peu plus en déposant mes affaires sur la nappe. Et dire que je lui en voulais de ne pas faire de moi sa priorité alors qu'il me préparait cette surprise à couper le souffle.

Mon impulsivité et mon agressivité ont encore une fois parler trop vite.

Mon père ne méritait pas ma mère. Comme moi, je ne mérite pas Dean.

Ce dernier retire d'un coup son haut puis entreprend de déboutonner son pantalon.

— Qu'est-ce que tu fais ?, je l'interrompt en le dévisageant, hilarée.

— On va se baigner !

Contrairement aux filles normales qui refuseraient catégoriquement d'aller dans une eau glacée en pleine nuit, je laisse tomber mon sweat au sol et fais de même avec mon jean en rigolant. On a qu'une vie, je penserais aux conséquences quand je serais morte.

En sous-vêtements, je tente de ne pas mater Dean et son corps athlétique, qu'il obtient injustement en ne faisant strictement rien. Il ne se gêne pas lui par contre.

Puis, il s'élance dans ma direction et je lui tourne le dos pour lui échapper. Nous nous enfonçons dans l'eau qui est en effet gelée en plein avril. Ça ne nous arrête cependant pas et je m'y enfonce jusqu'aux épaules.

Dean se colle contre moi et je le laisse instinctivement me serrer contre lui. Il fait tout de suite moins froid.

— Tu as préparé tout ça pour moi ?

Ma question est stupide mais elle est sincère. Je suis touchée par son geste.

— Pour qui d'autre ?, rigole-t-il en me pinçant le nez.

Je fais la moue avec ma bouche.

— Tu me rends heureuse, Dean.

Et c'est vrai. Je n'ai pas l'habitude de lui dire, mais c'est le cas. Sans lui, ma vie serait terriblement fade. Il sait toujours me surprendre et me faire sentir à ma place.

Je n'ai aucun soucis de confiance en moi, je me suis toujours sentie belle dans mon corps. J'ai néanmoins un terrible problème : je ne sais pas prendre soin de moi.

Je prends soin des autres, je m'assure que tout va bien. J'aide ma mère à la maison et je m'occupe de William. Pendant les vacances, je travaille même avec maman pour finir les mois maintenant que Will peut se garder tout seul.

Il y a seulement dans les cours que je me donne à fond et pour moi. Si j'arrive à accomplir mon rêve, de devenir neurologue : je n'aurais plus jamais à m'inquiéter pour ma famille. Nous roulerons sur l'or et mes futurs enfants pourront se consacrer à eux seuls.

J'ai toujours tout sacrifier pour ma famille, parce que c'est une de mes valeurs fondamentales. Dean le sait mieux que personne.

— J'ai de la chance de t'avoir dans ma vie.

Ses yeux bleus sont si doux quand ils me regardent de cette façon, il replace une mèche rebelle derrière mon oreille :

— Je suis tout autant chanceux.

En enroulant mes mains contre sa nuque, je décide de laisser la question qui me brûle les lèvres, les franchir.

— Qu'est-ce que l'on est, Dean ?

Il réfléchit un instant et pendant une seconde je regrette d'en avoir eu l'idée. On passe un moment incroyable, pourquoi je cherche à le gâcher ?

— Tu es ma meilleure amie, mais parfois j'aime me dire que tu m'appartiens.

Ses mots remuent le fond de mon ventre. Moi aussi.

— Et tu veux faire évoluer cette relation ?

— Si tu le veux.

C'est mon tour de réfléchir. Est-ce j'aime Dean ? Oui. Est-ce que je suis amoureuse de Dean ? Non. En tout cas pas encore. Et quelque chose me dit que ça ne sera probablement jamais le cas.

Mais je ne veux pas fermer cette porte qui s'ouvre pour nous deux. Peut-être que je finirais par l'épouser ? Ou peut-être que nos chemins se sépareront, mais à cet instant précis : je veux que l'on soit nous.

— Est-ce qu'on pourrait juste être Dean et Audace ?

Il penche délicatement la tête sur le côté :

— Est-ce que ca veut dire que je peux t'embrasser ?

J'éclate de rire, c'est vraiment la seule chose qui le tracasse ? C'est mon cas aussi en réalité.

Comme simple réponse, je tends ma bouche vers la sienne. Nos nez se touchent, nos langues se rencontrent et nos doigts découvrent l'autre.

Pourquoi dès qu'il pose ses lèvres sur moi, je m'enflamme à ce point de vouloir toujours plus ?

Mon bassin brûle de désir pour lui, et je remarque que c'est pareil pour lui.

— Tu l'as déjà fait ?, je murmure à quelques centimètres de lui.

Son souffle fait frissonner mon dos, rafraîchi par l'eau du lac.

Il secoue la tête.

— Et toi ?

Je reproduis son geste.

— Mais s'il y a bien avec quelqu'un que j'aimerais essayer, c'est avec toi.

Il plaque de nouveau ses lèvres sur moi. Visiblement, en accord avec ma proposition. Sa bouche divague dans mon cou tandis que ses doigts trouvent la lisière de mon sous-vêtement. Je me tords contre lui.

Peut-être que mon visage ne finira pas dans le cake cette année.

Alors que sa main promet de me faire tourner de l'œil, il remonte son menton jusqu'à mes lèvres, en effleurant ma petite paume d'Adam de la pointe de sa langue :

— Bon anniversaire, Audace.

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Coucou, une petite surprise !!!

J'étais dans mon lit, il y a quelques jours et je me suis dit pourquoi pas écrire un bonus sur la vie d'avant d'Audace ?

Alors voici notre petite héroïne à ses 17 ans (soit cinq en arrière). Je trouvais ça intéressant d'inclure sa relation avec Dean, et la façon dont elle a évolué à cette époque !

J'ai prévu d'écrire un autre bonus sur Nathan et Mike plus jeune cette fois-ci (on remonterait de quatre ans !)

En tout cas, ce chapitre me permet de célébrer les 13K de vues sur l'histoire. Merci beaucoup, ça augmente de jour en jour et j'ai l'impression de revivre mes débuts de bad partners 🥺🥺

Votre avis ??💕

À très vite pouuuuur la suite !!❤️❤️

(Ps : l'appli sur laquelle je faisais les débuts de chapitre s'est mise à jour et j'ai perdu les design... j'ai du coup dû les changer légèrement 😕)

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