» 2.7 - vengeance

▪ HURRICANE by HALSEY▪

Il ne me reste plus que des cendres pour cœur — Mike Smith. ❞
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AUDACE

Je regarde inlassablement la montre dans mes mains, assise sur mon lit. Elle est recouverte du sang de Will et je sais que c'est trop tard, maintenant elle est tâchée à vie.

Le mécanisme est vieux et on voit bien que les rouages sont abimés mais malgré tout, elle continue de tourner, indiquant les heures qui passent et passent. Elle appartenait à mon père, qui l'avait reçu de son grand-père. C'est une sorte de bijou de famille, qui s'offre de génération en génération. Papa me l'avait offert la veille de son départ. Je ne sais pas vraiment pourquoi je l'ai gardé après toutes ces années, peut-être parce que c'est la chose qu'il me reste de lui aujourd'hui. Tout ce qu'il me reste de ma famille maintenant.

Je ferme les yeux en portant l'objet contre moi. J'ai envie de pleurer je crois et je pourrais pleurer : je n'ai plus besoin de rester forte pour quiconque. En réalité, j'ai tellement fracturé mon masque au Complex que je n'ose plus laisser couler une larme.

Quand je me suis relevée, une brigade d'hommes en gris est apparue de nulle part et a emporté William dans une house noire. Lizzie m'a prise dans ses bras, essayant de me consoler et me donner un peu de soutien, je suppose. Mais il n'y a plus rien à consoler alors j'ai laissé mes bras contre mon corps, tel un pantin. J'ai compris à ce moment-là, que je ne le reverrai plus. Que la dernière image de mon frère allait être ce corps laissé au sol comme un déchet.

Il reste tellement de questions, tellement de passages inconnues et Will ne pourra jamais y répondre. Comme, comment est-il arrivé là ? Où est Dean ?

Des questions qu'il ne m'a jamais laissé le temps de lui poser et qui tombent aujourd'hui aux oubliettes.

Je suis perdue sur ce que je ressens, je ne sais même pas si je ressens encore quelque chose. Et ce n'est pas ma barrière émotionnelle qui m'en empêche cette fois. Je pense que le trou dans ma poitrine est juste trop grand, trop profond pour pouvoir désormais se refermer et être comblé.

Mike m'a raccompagné jusqu'à la villa de Nathan et je suis directement partie me réfugier dans ma chambre attribuée. De toute façon, aucun de nous deux n'a parlé pendant le trajet. Il avait l'air choqué et vraiment pas bien, ça change de sa tête blasée et ronchon de d'habitude. Je crois même que c'est la première fois que je le vois ressentir quelque chose d'autre qu'un profond ennui.

Et depuis plusieurs heures, je suis là, assise sur le rebord du lit, fixant les aiguilles qui avancent au fil du temps. Et dire que ce matin, j'étais prête à vivre, prête à me battre pour survivre. Je n'ai plus goût à rien. Mes plans d'évasion n'ont plus grand intérêt puisque je n'ai plus de frère à protéger. Mon instinct de survie n'a plus lieu d'être puisque plus personne ne m'attend à la maison.

Alors que la grande aiguille termine son grand cercle, quelqu'un toque à la porte. Je ne réponds pas mais j'entends la personne redescendre. Ce geste m'interpelle, je pensais qu'elle allait être un peu plus déterminée, c'est pourquoi je me lève et ouvre la porte.

Je baisse les yeux vers un plateau où se trouve du pain, des œufs et un jus. Je n'ai pas faim et Violette a surement fait ce repas dans le vide. Je le ramasse tout de même par respect et referme la porte avant de me réinstaller dans ma position initiale.

J'observe le plateau, et c'est en regardant de plus près que je remarque le mot plié, coincé sous le verre. Je l'attrape délicatement et y lis ce qui est écrit.

" Tu devrais manger si tu ne veux pas finir comme ton frère."

Il n'est pas signé, mais un nom me vient directement à l'esprit : Mike. Mes yeux se reportent sur ce qu'il m'a préparé et je finis par boire le jus.

Cela me perturbe un peu qu'il ait fait ça. Je suis certaine que c'est lui, personne d'autre n'est si peu délicat et Nathan aurait insisté en toquant jusqu'à que j'ouvre.

J'entame aussi les œufs et laisse le pain de côté avant de m'allonger sur le dos. La scène me revient à l'esprit sans même fermer les yeux et je vois, encore et encore, le groupe des têtes de mort en cercle, mon frère poignardé au milieu. Je ne sais pas qui a planté le couteau, mais ils sont tous responsables de sa mort et je compte bien leur faire payer.

Une idée me vient alors, je déverrouille ma watchphone et lance une recherche :

— Clan des deadhead, je dis alors que l'hologramme s'occupe du reste.

Différentes références s'affichent :

Les meilleurs deadhead de Hoffenwald ?

Max Turner, futur leader du clan national des deadhead ?

Jackson Morton, prometteur deadhead à Hellysium ?

Tous sur ce clan hors du commun ?

Et il y en a des dizaines, je clique sur le dernier que j'ai vu, et l'écran transparent retranscrit les membres les plus connus, les exposant tels des trophées accompagnés du nombre de victimes qu'ils ont fait. Tout le monde les décrit comme un groupe soudé et très rancunier. La vengeance est quelque chose à prendre au sérieux chez eux, puisqu'ils n'ont aucune limite, aucune conscience pour les stopper.

Ces informations ne font que renforcer ma haine. Sous prétexte qu'ils sont unis et qu'ils n'ont pas de remords, ils peuvent tuer comme bon leur semble ? Dommage, ils ont contrarié la mauvaise personne.

Au fil de ma lecture, je repère enfin l'adresse de leur villa où la grande majorité réside. Je saute du lit, me déshabille et attrape les vêtements les plus sombres que Lizzie m'a laissé : un col roulé noir et un legging.

J'enfile également mes rangers et attache mes cheveux en une queue de cheval haute. Puis, je rejoins ma salle de bain personnelle. Le visage dans le miroir me donne envie de le fracasser à coup de poing mais j'applique seulement du noir sur mes yeux, ignorant ma culpabilité.

Lizzie a aménagé les pièces comme si j'avais toujours vécu ici et je la remercie intérieurement en admirant tout ce qu'il y a.

Mon maquillage finit, j'observe mon reflet avec un peu plus de considération. On dirait presque que je suis surpuissante, crainte par ma simple personne. Ce monde m'a déjà trop pris, je ne peux pas le laisser prendre la dernière braise qui me fait respirer.

De retour dans la chambre, je replace la montre à mon poignet, comme si elle ne l'avait jamais quitté, là où elle est destinée à être. Je suis prête. Je n'ai pas d'armes mais c'est le cadet de mes soucis. Je sais que la rage et l'adrénaline m'aideront à en amocher quelques-uns avant qu'ils ne m'abattent eux-mêmes.

Pourtant en ouvrant la porte, je tombe nez à nez avec la brune qui me détaille de la tête aux pieds.

— Rentre, je dois te parler, ordonne-t-elle et c'est bien la première fois que je la vois autoritaire.

— Je suis attendue quelque part.

— Ça ne sera pas long, argumente-t-elle de nouveau et j'acquiesce non sans soupirer.

Nous nous installons sur le lit et je remarque son regard intrigué envers le plateau, placé un peu plus loin. Elle ne dit cependant rien.

— Tu vas les voir, n'est-ce pas ?, déclare-t-elle, les yeux dans le vide.

— Oui.

Elle sourit comme si elle se moquait de moi.

— Réaction stupide.

Je fronce les sourcils.

— Réaction classique, poursuit-elle. Réaction inutile.

— Tu n'as clairement jamais perdu quelqu'un que tu aimais, je réponds sèchement et blessée, je crois par ses propos.

Elle rit et je sens dans ce rire qu'il est différent de ceux de d'habitude. Il est amer et douloureux.

— Si tu savais.

Un silence nous entoure et j'ai envie de me lever et de partir mais quelque chose me retient. J'apprécie beaucoup Lizzie, c'est la première à m'avoir ouvert en grand ses bras quand je suis arrivée. Elle s'est assurée que je ne manquais de rien et elle a toujours été là durant les trois derniers mois. Elle m'a rappelé ce qu'étais une amie, quelqu'un avec qui je peux parler de maquillage, de vêtements et de mecs. Quelqu'un avec qui je peux avoir des conversations banales, et surtout qui ne concernent pas ma survie, les meurtres ou Hoffenwald.

C'est une bonne personne et si elle est ici, c'est pour des bonnes raisons.

— Tu n'es pas obligée de faire ça Audace. Tu n'es pas obligée de déclarer la guerre à ce clan et te faire tuer. Tu n'es pas obligée d'utiliser la vengeance pour justifier tes actes.

— Je ne l'utilise pas pour justifier mes actes, je leur rends leur monnaie.

Elle pouffe ironiquement en osant enfin me regarder droit dans les yeux.

— Ils ont tué ton frère, mais ton frère a tué celui de Max. Je ne dis pas qu'ils avaient raison de se venger mais tu n'as pas à suivre leur exemple. C'est un cercle vicieux. Ils tuent un des tiens, tu tues un des leurs et ça recommence encore et encore. La vengeance, ça décime des peuples, des nations. C'est un motif de guerre alors que si un des seuls camps avait pris du recul et avait mis son désir de revanche de côté : on aurait pu éviter des années de guerres.

Elle ne le dit pas mais je comprends vite qu'elle sous-entend la troisième guerre mondiale.

— Tu peux briser ce cercle. Ils t'ont fait beaucoup de mal et la mort de ton frère te hantera jusqu'à la fin de ta vie. Néanmoins, n'oublie pas qu'il a jeté la première pierre.

— Ça ne change rien au fait, qu'ils ne changeront jamais.

La brune pose sa main sur ma cuisse :

— Audace, ne deviens pas une meurtrière, chuchote-t-elle la voix remplie de sincérité. Tu auras bien le temps pour le devenir, alors ne te salies pas les mains tout de suite.

Je me dégage vivement d'elle et m'approche de la fenêtre qui donne sur le balcon, les bras croisés contre moi. Je contracte ma mâchoire, énervée. Elle a raison, évidemment qu'elle a raison. Mais j'ai ce sentiment qui coule dans mes veines, ce besoin de les faire payer qui me démange les phalanges.

Pourquoi Max et son groupe auraient-ils le droit de me prendre le dernier membre de ma famille ? Pourquoi devrais-je les regarder faire sans rien dire ? Sans agir alors qu'ils me piétinent le cœur et me l'effritent en morceau ? Pourquoi mon frère ne mériterait pas justice comme le frère à Max a eu le droit ?

— Je sais que c'est injuste de te demander d'abandonner mais ton frère n'était pas innocent et il était conscient de ses actes. Tuer un des leurs, ne le ramènera pas pour autant, et ça tu le sais.

Je me tourne vers Lizzie, désormais debout :

— Mais je n'ai plus personne aujourd'hui. Ma famille est morte et enterrée, comment veux-tu que je continue à vivre toute seule ? C'est la seule choque qu'il me reste : le venger.

J'entends distinctement ma voix se craqueler et je lève les yeux au ciel pour retenir mes larmes. Et dire que je me pensais invincible il y a encore quelques minutes. En réalité, je suis bousillée, je suis cassée. La vision de William, détruit le jour de l'enterrement de maman me revient à l'esprit et j'inspire pour garder mes barrières debout. Je lui ressemble à cet instant.

— Ta famille est peut-être détruite, mais tu peux encore t'en créer une autre. Audace, famille ne rime pas toujours avec sang. Je n'ai plus de parents depuis longtemps, et mes trois petites sœurs sont quelque part, en dehors de Hoffenwald, peut-être mortes aussi. Et même si ça me tue d'être dans cette ignorance, je sais que j'ai également une famille ici. Alors certes, ils ne partagent pas le même sang que moi, mais ça ne change pas le fait que je serais prête à tout pour eux.

Elle s'approche de moi, je sais qu'elle est sincère. S'il y a bien un trait de caractère qui ressort le plus chez Lizzie, c'est son honnêteté. C'est incroyable, sa façon de se connecter aux autres, de partager leur joie et leur douleur.

— Tu n'es pas seule, et tu n'auras jamais à l'être avec nous. Maintenant c'est ton choix : tu peux prendre sur toi et faire ton deuil ou tu peux rentrer dans ce cercle vicieux de la vengeance et rejoindre ta famille plus vite que prévu.

Elle s'éloigne et ouvre la porte :

— Dans tous les cas, tu devras faire la paix avec toi-même.

Je déglutis en réfléchissant. Aucune des deux solutions me conviennent. Je suis triste et énervée mais certainement pas suicidaire. Je ne veux pas mourir, mais il m'est impossible de rester les bras croisés. Mon frère a commencé cependant il reste mon frère et je ne peux pas laisser ses meurtriers s'échappaient comme si sa vie n'avait aucune valeur.

Je me dirige alors activement vers la fenêtre de la salle de bain, le balcon est beaucoup trop haut. Je ne sais pas vraiment pourquoi je me complique autant la tâche. Je pourrais très bien passer par la porte d'entrée mais ça voudrait dire à Lizzie que je choisis la mauvaise option.

Techniquement, je la choisis quand même mais j'ai un plan.

J'inspire un grand bol d'air et me suspends au rebord. Mon cœur s'accélère et je jette un coup d'œil vers le sol. Ce n'est pas si haut, mais si je viens à lâcher maintenant, je vais certainement me casser quelque chose alors je me raccroche à la gouttière et essaye de descendre doucement.

Une fois que mes pieds touchent l'herbe, un rire nerveux s'échappe de mes lèvres. J'ai réussi. Bon mes paumes sont brulées mais je m'épate du nombre de chose que je sais faire. Cette fuite me rappelle quand je faisais le mur pour rejoindre Dean.

Je me demande vraiment ce qu'il devient. Il serait effondré d'apprendre que Will est mort, mais je sais qu'il serait du côté de Lizzie. En pensant à lui, je me mets à trottiner, suivant les indications de ma watchphone : dans six kilomètres, je serai arrivée.

***

La grande demeure qui se dresse devant moi me donne froid dans le dos. Rien qu'en la regardant, on sait qu'elle abrite des tueurs. J'escalade le perron, ça ressemble aux fraternités qu'il y avait sur mon campus.

Je pousse la porte sans même toquer et inspecte les environs, il n'y a pas l'air d'avoir du monde. Un grand escalier se dresse face à moi, il doit mener à des chambres.

Un garçon sort de la pièce à ma droite et lorsqu'il croise mon regard, dégaine son arme. J'en profite pour la lui bloquer et le désarme comme Nathan me l'a appris. Je lui fais ensuite une clé de bras et le jeune homme se retrouve dos contre ma poitrine et pistolet contre sa jugulaire.

Je ne veux pas le tuer, juste attirer l'attention alors je lève l'arme et vise les trois grandes fenêtres se trouvant au pallier du deuxième et tire. La balle part et fracasse la vitre du milieu dans un gros fracas. J'avais visé celle de gauche mais peu importe, le résultat est le même.

Une dizaine de personnes sortent en furie et je les dévisage un à un, l'homme prisonnier contre moi. Une fille sort son arme et me pointe.

— Je te déconseille de faire ça, si tu ne veux pas que je fasse un meurtre, je dis en enfonçant le canon de mon arme un peu plus sous le menton du gars.

— Baisse ton arme, ordonne Max en passant à côté d'elle.

Il descend les escaliers lentement, suivi par le reste de son groupe.

— Audace, commence-t-il sûr de lui, tu n'aurais pas dû venir ici.

Je rigole en jouant avec l'inclinaison de mon arme. Je suis en position de force et il le sait.

— Écoute je suis désolé pour ton frère, avoue-t-il en continuant son avancée, la main tendue vers moi.

— Je ne suis pas désolée pour le tien, j'ajoute méchamment.

Il se stoppe net et je sais qu'à cet instant ils sont à ma merci, Max n'a aucune idée de quoi je suis capable et mon imprévisibilité lui fait peur.

— Qui a tué mon frère ?, je crie dans ce silence de mort.

— Moi, marmonne le gars dans mes bras, tentant de sûrement de protéger son groupe.

Mais je sais que Max est le responsable, j'ai lu que le tueur dans leur rituel de vengeance est celui qui avait le lien le plus fort avec la victime. C'est donc lui, je veux juste voir s'il va avouer ou non.

— Vraiment ?, je ricane, donc tu endosses également le sort qui t'attends ?

La fille de tout à l'heure rejoint son chef en bas des escaliers, visiblement affolée. Elle doit tenir beaucoup à lui.

— Qui a assassiné mon frère ?, je hurle cette fois, ma voix faisant écho.

— C'est moi et tu le sais alors libère-le.

Max me regarde droit dans les yeux.

Je lâche le garçon et pointe Max de mon arme. J'ai envie d'appuyer sur la détente mais le discours de Lizzie me revient à l'esprit : le tuer, ne ramènera pas William pour autant. Ça fera simplement de moi une meurtrière. Et même si j'en meurs d'envie, je sais que ce n'est pas la personne que je suis.

— Abats-moi et tu seras la prochaine, me provoque-t-il.

Je marche dans sa direction et pose mon arme contre son cœur qui bat tout de même rapidement. Je finis par la baisser :

— Si je dois te tuer, ça sera à l'épreuve finale crois-moi.

C'est une promesse que je me fais. Mon frère voulait survivre, allait jusqu'au bout alors je vais le faire. Et après je les tuerai tous, les deadhead, Houston et même Hoffman s'il le faut. Je rentrerai à la maison pour finir auprès de Dean.

Je range l'arme à feu dans mon dos. Je m'apprête à tourner les talons puis reviens sur mes pas et envoie le plus fort possible mon poing dans la sale gueule de Max. Il tombe sur la dernière marche d'escalier, se tenant l'œil alors que je repars.

— Ça c'est pour William, connard, je m'exclame en claquant la porte bruyamment.

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hihi, c'est cadeau. J'avais dit vendredi mais je suis nulle pour respecter les délais.

prochain chapitre, dans la tête de la sage Lizzie ?

take care and love you ❤️

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