« 1.9 - rescue
▪ MIRAGE by ETERNAL ECLIPSE ▪
❝ Only the dead have seen the end of the war. — George Santayana ❞
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AUDACE
— Non, je n'approuve pas ton plan, déclare Marco en repliant la carte remplie d'inscriptions faites par mes soins.
Je fronce les sourcils en le dévisageant. Comment ça il n'approuve pas ?
— Mais il est parfait, je réplique plus agressivement que prévu.
Le latino soupire, relâchant la pression dans ses épaules :
— Il est bien trop tôt. Il faut réfléchir à un plan plus construit, et des options de secours, étudier toutes les possibilités. Nous ne sommes pas encore prêts.
Je me retiens réellement de faire une scène devant tous les membres présents sous la tente. Cela fait quatre jours que nous sommes revenus de Venturia, Mike et moi, et je n'ai fait que travailler sur ce plan. J'ai réussi à mettre en place une stratégie brillante qui je sais peut fonctionner. Demain soir, le Président effectue un déplacement au sud, dans une zone à essai technologique. Cameron me l'a confirmé.
C'est notre meilleure opportunité, néanmoins, le chef de la Résistance ne semble pas être de cet avis : ce qui m'enrage un peu plus.
— C'est le meilleur moment pour agir, prouver de quoi la Résistance est capable. On enverrait un message clair à la capitale.
Le visage de Marco traduit son agacement. Tout le monde me regarde : Mike, Lizzie, Bob, Violette, Hopkins et même Ryan qui est enfin rentré de mission. Tout le monde me regarde et personne ne prend mon parti.
— Je refuse de risquer inutilement des vies. Nous irons les libérer une fois que nous serons préparés, je te le promets.
Je ne crois pas en sa fausse promesse. Les dirigeants ne savent faire que ça, mais rares sont ceux qui les tiennent réellement au final.
Je repense soudainement à la femme qui aide à distribuer les repas, celle qui tient son bébé dans les bras.
— Il y a des dizaines de résistants dans les sous-sols qui attendent notre aide. Des dizaines de famille, femmes et enfants, qui attendent de revoir leurs proches. On peut les aider, je sais qu'on peut le faire. Et on pourrait aussi filmer les sous-sols.
Tout le monde, ou quasiment tout le monde, connait leur existence mais la plupart, tout comme moi, n'ont aucune idée de à quoi ressemble ce monstrueux lieu.
— Leur montrer ce qu'il s'y passe vraiment. Cela donnerait un prétexte de plus aux gens de se joindre à nous. On gagnerait des alliés alors que Hoffman en perdrait.
J'ai raison. Et ils le savent tous. Ces prisonniers ne méritent par d'être enfermés injustement plus longtemps. Si on ne leur vient pas en aide, qui le fera ?
— Et si tu échoues ?
— Ça ne sera pas le cas, je réponds du tact au tact, sûre de moi.
— Mais si c'est le cas, insiste sévèrement Marco. Si c'est le cas, nous perdons nos meilleurs combattants, nous perdons notre meilleur atout, nous te perdons toi. Si le Président met la main sur toi : c'est fini.
Mes lèvres se serrent et je le foudroie du regard. D'une certaine façon, il a raison, évidemment. Tout pourrait déraper, le Président pourrait très bien reporter son déplacement et être présent pour nous exécuter. Je pourrais très bien me faire arrêter et finir dans les sous-sols comme ceux que je veux sauver. Cependant, qui serais-je si je n'essayais pas ?
— Cette mission suicide est-elle réellement nécessaire ? Mérite-t-elle réellement de vous mettre en danger ?
— Et la vie de ces gens vaut-elle si peu à tes yeux ?, je demande doucement, presque douloureusement, alors que je sens la colère grondait.
Il regagne son calme et me couvre d'un regard peiné, comme si je n'étais qu'une stupide fille prête à tout pour retrouver son petit ami. Cette image que je pourrais lui renvoyer me révulse. Évidemment que je veux sauver Nathan, mais il y a également tellement plus à y gagner.
Les personnes enfermées sont des personnes qui ne se conforment pas aux attentes du Président, qui dérangent par leurs choix ou leurs idées. Ils ne sont pas mauvais, ils ne rentrent juste pas dans la case qu'on veut leur imposer. Tout comme moi.
— Je veux les sauver, tout autant que toi, tout comme les autres ici. Mais la jouer safe, c'est ce qui nous permettra de garder tout le monde en vie.
Je ricane froidement, c'est un dialogue à sens unique. Je suis la seule à gaspiller ma salive et mon énergie à tenter de convaincre Marco qui reste borné, pendant que le reste de la pièce m'observe silencieusement.
— C'est notre chance, Marco, je répète une toute dernière fois.
Le cinquantenaire hoche de la tête, lascivement :
— Et ma réponse reste toujours la même. Il n'y aura pas de mission avant que l'on soit complètement prêts.
Mes nerfs lâchent pour de bon. Je récupère rageusement mes papiers en l'insultant.
— Va te faire foutre Marco ! Va te faire foutre ! Allez tous vous faire foutre, putain !
Je tourne les talons et sors de la tente, tandis que la pluie commence à s'abattre. Je replie maladroitement mes plans et les fourrent dans une poche de ma veste pour les protéger de l'eau, avant de m'éloigner du camps.
Je ne suis pas censée le faire, mais j'ai une sacrée tendance à enfreindre les règles. Je shoote violemment dans un caillou, il frappe l'arbre devant moi et je me mets à hurler de rage.
J'ai la haine. Contre Marco, contre tous les membres qui sont restés silencieux, contre le Président et plus globalement contre la terre entière.
Je n'en peux plus d'attendre. Sans moi, la Résistance serait toujours au point mort.
Si personne n'a le courage de prendre les décisions, nous n'aurons jamais une chance de gagner. Car Hoffman, lui, n'a clairement pas peur de les prendre. Le fait qu'il assassine tous les jours quelques résistants de plus en est la preuve. Il ne s'arrêtera pas, même si toute son armée doit y passer. C'est ce qui rend un camp plus puissant qu'un autre. Le Président ne reculera pas.
Je m'assois contre le tronc d'arbre, laissant les gouttes ruisseller dans mes cheveux, dans mon cou et humidifier mon sweat, en repensant à cette femme avec son bébé. Son mari a été arrêté il y a bientôt six mois. Avec à sa carrure robuste et son fort caractère, il a été emmené aux sous-sols pour que d'après elle, on l'utilise comme cobaye. Il n'a à ce jour encore jamais vu sa petite fille, et il ne la verra peut-être jamais.
Il n'est qu'un cas parmi tant d'autres. Tout comme Nathan n'est qu'une victime parmi la cinquantaine d'autres.
Je ferme les yeux en répétant mon mantra d'ancrage.
Inspire. Expire. Répète.
En réalité, je suis terrifiée de le revoir. Dans quel état peut-il être ? A-t-il changé ? Dans quelles conditions vit-il ?
À ses yeux, nous le pensons mort, enterré et oublié. Pourtant, ce n'est pas vrai. Je pense à lui constamment, pendant que j'étais en train de peaufiner mon plan, toutes mes pensées étaient dirigées vers lui. Et quand la fatigue me guettait, que mes paupières devenaient lourdes et douloureuses, c'était lui et l'espoir de le revoir qui me maintenaient éveillée.
Espoir que Marco vient d'anéantir d'une seule phrase.
Je finis éventuellement par revenir au campement et rejoindre ma tente, une fois totalement calmée. La pluie, comme mon ombre, s'est arrêtée dès que ma colère est retombée.
Lorsque je franchis l'entrée, je me surprends à entendre des gens débattre. Je pénètre, curieuse, et me retrouve face à un groupe. Ils s'arrêtent subitement de parler lorsqu'ils me remarquent.
Mike, Lizzie, Violette, Ryan, Bob et Mikhaïl m'attendent.
— Si vous êtes là pour enfoncer le couteau, vous pouvez économiser votre souffle.
Mon ton est froid et détaché. Je me sens comme drainée, vidée d'énergie.
Mike secoue vivement la tête :
— Nous sommes là pour t'aider.
Je relève le menton, dévisageant son visage d'ange qui cache pourtant les plus sombres secrets. Je sais qu'il est terrifié par les sous-sols, si terrifié qu'il m'a fait promettre de le descendre si on venait à l'arrêter. Cet endroit doit vraiment être l'enfer, si même Mike qui vu les pires horreurs en tremble.
— Quoi ?, j'arrive seulement à prononcer.
— On n'abandonne pas les nôtres, intervient Lizzie en souriant doucement.
Je souris moi aussi, et ce même si je ne comprends pas vraiment leur retournement de veste.
— Et Marco ?
Ryan ricane en s'approchant de moi :
— Depuis quand tu suis les règles, toi ?
Je roule instinctivement des yeux. Il a raison, à croire que je pourrais me contenter de son refus.
— Je ne peux cependant pas vous demander de mettre vos vies en danger.
Bob arrête d'observer le double de mes plans pendant une seconde :
— On ne le fait pas pour toi, Audace. On le fait parce que tu as raison. Ces personnes ont assez subi les violences du gouvernement. Ils ne méritent pas de devenir les grands oubliés de la guerre qui s'annonce. De plus, ils ne seront qu'un atout en plus pour nous.
C'est dur à reconnaître, néanmoins, lorsque l'on s'apprête à commencer une guerre : on ne peut pas seulement penser avec le cœur. Il faut aussi agir avec la tête. Nous allons sauver ces personnes parce qu'ils le méritent mais également et surtout parce qu'ils ont quelque chose à nous apporter. Cette mission aussi altruiste et dévoué soit-elle, a aussi des fins stratégiques.
Et dire que je n'en suis pas consciente, serait un mensonge. C'est bien pour cela que l'on doit libérer tout le monde et pas seulement Nathan et Harry, comme je l'aurais voulu égoïstement.
— Ok, alors commençons par là, j'annonce les regardant reconnaissante, sortant à mon tour les plans.
***
Le warcraft a décollé dans un brouillard épais et Bob a amorcé la montée dans les airs pendant que Mike passait en mode discret. Je ne savais pas qu'il savait piloter ces engins. Une chose de plus que je ne connaissais pas chez lui.
Nous sommes dans les airs depuis deux bonnes heures déjà et le temps commence à se faire long.
Lorsque j'observe autour de moi, tous ont le visage fermé. Mon plan est bon, cependant la possibilité que l'on finisse tous enfermés avec ceux que l'on tente de secourir, est également présente.
Je veux y croire. Je veux croire que d'ici quelques heures je retrouverai Nathan. Qu'on le conduira à une de nos bases et qu'il sera de nouveau entouré de ceux qu'il aime.
Évidement, je suis consciente que nous allons déclencher la guerre qui gronde en silence, et qu'il nous faudra nous organiser rapidement pour contrer les plans du Président. Je n'arrive cependant pas à me projeter sur comment ce combat pourrait se dérouler, ou même se finir.
Nous sommes vingt en tout dans le warcraft. Nous serons six à nous infiltrer dans les sous-sols. Les quatorze autres seront chargés de notre protection.
Je ne sais pas réellement où Bob a recruté ses résistants, mais les treize se sont tous unanimement portés volontaires. Il aurait pu être plus nombreux, néanmoins, cela aurait élevé trop de soupçons auprès de Marco. Ce dernier malgré notre décollage silencieux, a bien dû remarquer notre départ. Il m'en voudra c'est certain, il sera pourtant fier lorsque je les ramènerai tous en vie.
J'essaye de me convaincre autant que je convainc les autres.
Si je me loupes, je nous mets tous en péril. Si je me loupes, mes amis finiront exécuter au mieux, dans les sous-sols au pire. Si je me loupes, la résistance et les derniers espoirs d'une guerre meurent avec elle.
Il faut dire que je n'ai pas vraiment le droit à l'erreur.
Ryan passe dans les groupes, rappelant les consignes et instructions à suivre.
Nous devrions arriver à Hellysium d'ici trois quart d'heures. Le président quant à lui devrait être parti depuis un bout de temps aussi.
Cameron, localisé à Venturia, surveille toutes les communications, prêt à nous renseigner un quelconque changement de plan.
La radio sur les genoux, je reste perdue dans mes pensées. La dérober à Marco a été plutôt simple, puisque Mike et moi sommes les seuls à connaître le cadenas qui la renferme.
Nous préférons la garder en sécurité tant que nous ne sommes pas pied à terre, le moment venu j'espère que Mike sera la faire fonctionner.
C'est également lui qui nous conduira jusqu'aux sous-sols et à l'intérieur de ces derniers. Je sais que ça sollicite énormément de courage de sa part, et j'en suis réellement connaissante. Il se dépasse pour retrouver Nathan et ça, ça vaut plus que toutes les amitiés que le monde pourrait connaître.
Il est toujours prêt à mourir pour lui.
Dans la théorie, nous devrions être capable d'atterrir, sauver et repartir sans trop de dégâts humains. Il y aura des gardes et il faudra se préparer à les descendre : cependant, globalement, le décompte devrait être faible.
Le blond vient perturber mes réflexions, en s'asseyant à côté de moi. Je tourne ma tête vers lui, analysant son visage sérieux. On est assez loin de l'homme qui se joue du monde à coup de sarcasmes et de désinvolture.
— Tu es prête ?
Je serais tentée de dire oui, mais comme toutes les personnes présentes ici et faisant bonne figure comme ils le peuvent, je suis terrifiée.
— Tu as déjà été dans les sous-sols ?, je réponds à sa question par une autre.
Il me rend un petit sourire mesquin :
— Je suis un peu tout le monde et n'importe qui, tu te souviens ?
Oui. Oui, je me souviens du jour où il m'a dit ça. Juste après le stage à Bartow, juste avant d'être très intrusif sur mon ancienne vie.
— Donc oui, j'ai déjà été dans les sous-sols. J'y ai même travaillé pendant plusieurs mois. Qui penses-tu a fourni tous ses plans ?
Il sourit, fier de ses accomplissements et c'est seulement maintenant que je fais réellement le lien.
Ryan a toujours été un résistant, mais il a surtout été un espion avant tout. Il ne m'a jamais dit son rôle au sein du système, il a pourtant toujours été présent là où il fallait.
— C'est toi qui a envoyé les secours pour l'attaque du Complex, j'en déduis.
Il acquiesce calmement, sereinement je dirais même.
— Après que Nathan m'ait appelé. J'étais aussi à l'attaque de Bartow.
Celle orchestrée par la fille aux cheveux rouges dont je ne me souviens plus très bien son prénom.
— Pourquoi tu ne me l'as pas dit plus tôt ?, je lui demande quelque peu vexée qu'il est pensé plus juste de me cacher sa fonction de résistant.
— Je t'aurais mis en danger pour rien. Le choix devait venir de toi.
Je n'aime pas la façon dont ils ont tous à me faire passer comme quelqu'un d'extraordinaire et en même temps très fragile. Mon égo en est certes très flatté mais ce n'est pas la vérité.
Ils en parlent comme si mon choix de me joindre à eux avait été décisif, évidement j'ai accéléré leur rébellion néanmoins n'aurait-elle jamais eu lieu sans moi ?
Un nom apparaît dans mon esprit comme une ampoule lumineuse :
— Tu connais bien Harry ?
S'il est surpris de m'en entendre parler, il le cache à merveille. Son visage reste de marbre même lorsqu'il ouvre la bouche.
— Oui, répond-t-il bien simplement, lui et Marco ont repris la résistance après sa chute. Il n'était cependant pas aussi engagé que ce dernier, jusqu'à je dirais un peu moins de deux an.
Je n'arrive pas à ne pas faire le lien dans ma tête avec mon séjour en prison. Pourquoi tout ce qui concerne ce fameux Harry fait sans cesse écho à mon vécu ?
Je ne veux pas croire en l'impossible, mais quand l'impossible revient sans arrêt : cela devient plus qu'une coïncidence.
— Je peux te poser une question et tu te dois de répondre honnêtement ?
Il lève un sourcil en souriant que d'un côté, comme il sait bien le faire. Je n'arrive pas vraiment à comprendre à quel moment je me suis prise d'affection pour lui.
— Tu savais déjà qui j'étais quand tu es rentré dans la pièce.
Je n'ai pas besoin de préciser de quelle pièce, Ryan sait très bien de quoi je parle, ce qui confirme encore une fois de plus qu'il y a plus que l'histoire que je vis en ce moment même.
Celle où je me suis réveillée, menottée et complètement abasourdie par un puissant tranquillisant. Je m'en rappelle comme si c'était hier, la peur que sa silhouette m'a procuré : grande et forte.
— Oui.
— Comment, je renchéris trop curieuse pour retenir et garder mes sentiments camouflés.
— Tout sera plus clair une fois que l'on aura libéré Harry.
Il me tapote délicatement l'épaule, puis retourne aider les autres. Je reste bouche bée quelques instants et je finis par me ressaisir.
Si Harry est la clé à toutes les interrogations, je devrais bientôt avoir mes réponses.
Mes yeux se posent sur Lizzie et Violette qui s'équipent ensemble. La brune est étrangement distante, même si elle le nierait. J'imagine que lui dire pour Mike et moi n'était pas la meilleure idée qui m'ait traversé, néanmoins, je ne pensais pas que c'était également une pente glissante.
Peu importe, mes pensées sont bien trop centrées sur Nathan pour souhaiter engager une quelconque discussion avec Lizzie. Je m'occuperais de ça plus tard, quand nous ne risquerons plus notre peau. Je m'avance cependant jusqu'à elles.
Lorsque j'arrive à leur niveau, Violette relève la tête et me sourit en me tendant plusieurs couteau :
— Lequel veux-tu ?
Je saisis le stiletto finement sculpté avec précision.
Lizzie me jette un bref regard et j'en profite pour commenter.
— Celui-là sera parfait. Précis et léger en main, j'arriverais à viser de loin grâce à tes précieux entraînements.
Ses lèvres se redressent tout de même contre toute attente.
— Ne deviens pas meilleure que moi, ajoute-t-elle narquoise.
— Cela serait compliqué.
Lizzie est de loin la meilleure lanceuse de couteaux de tout Venturia. Elle est rapide et très précise. Elle est capable de tuer quelqu'un sur le coup en visant avec exactitude me centre de l'œil qui atteindra inévitablement le cerveau. C'est remarquable.
Une secousse se fait ressentir et je me cramponne au bord de la table remplie d'armes.
Je sens la présence de Mike dans mon dos. Son léger parfum me parvient jusqu'aux narines : c'est boisé et mystérieux. Un peu comme lui.
Les lèvres de la brune retombent subitement en une moue triste qu'elle camoufle d'un revers de la main.
— Nous commençons à descendre, on devrait arriver dans six minutes. Vous êtes parées ?
Les filles hochent simplement de la tête alors que j'enfonce un deuxième pistolet dans l'arrière de mon cargo noir.
On est jamais trop prudent.
Mike s'arme également de plusieurs fusils, il attrape un dernier automatique qu'il garde bien précieusement autour de la taille.
Je lève mes yeux dans sa direction, et le remarque me regarder dans le blanc des yeux. Nous ne disons rien cependant, à travers cet échange je comprends ce qu'il veut dire :
"On y est. Et on va les sauver."
Je hoche de la tête, reconnaissante et prête à me battre.
Je parviens à sentir mon sang pulser dans mes veines grâce à la barre de céréales que j'ai grignoté au décollage. Je devine l'adrénaline qui doit aussi y couler et ça me motive d'autant plus.
Le warcraft se pose derrière les collines qui servent de frontières naturelles à Hellysium sans encombres et je détourne le visage de celui du brun pour me concentrer sur les personnes présentes dans le vaisseau :
— Nous venons d'atterrir à deux kilomètres de la résidence d'Hoffman, je déclare laissant ma voix prendre le dessus sur les chuchotements. La suite de la mission se fera à pieds, la demeure du Président est entourée de bois et c'est par là que nous arriverons et repartirons. Est-ce bien compris ?
Des exclamations positives émergent du petit groupe devant moi, je poursuis alors :
— Vous avez ordre de ne tirer qu'en cas de force majeure. Nous ne sommes pas là pour tuer mais pour sauver. Vous connaissez déjà tous votre position, ne vous mettez pas inutilement en danger. Restez camouflés et protégez l'équipe de secours, ils seront les plus exposés. Méfiez-vous des drones, si vous en voyez un, abattez le avec un silencieux.
J'observe mon assemblée, tous ces visages que je n'oublierai jamais s'ils venaient à périr aujourd'hui. Ils ont beau être durs et fermés, je perçois leur détermination, leur courage : ils veulent changer les choses, tout comme moi.
— Une fois, mon premier signal envoyé à Bob, les personnes concernées sortiront de leur cachette et aideront les rescapés à regagner le warcraft en sécurité. À mon deuxième signal, le reste foutra le camps le plus vite possible.
Excepté Bob et Ryan, personne n'est au courant de la fin de mon plan. Les explosifs dans mon sac à dos, pèsent subitement bien lourds.
Les résistants attendent mes derniers conseils, mais je n'ai plus d'ordres à leur donner.
— Je veux personnellement vous remercier d'être ici aujourd'hui. Je suis consciente de tous les risques que nous encourons, mais cela ne vous a pas arrêté. Sans vous et votre courage, ces prisonniers n'auraient aucun espoir de rentrer à la maison ce soir.
Je commence à devenir émotionnelle, je le sens dans ma voix. Je n'arrive pas à m'empêcher de penser, que tous ces hommes et toutes ces femmes ont une famille dans le pays et que dans quelques minutes, je pourrais les arracher à eux, à cause d'un petit faux pas.
Je secoue vivement la tête, gardant mon masque autoritaire intacte. Si je leur montre mes faiblesses, ils laisseront aussi les leurs prendre le dessus.
— Dispatchez-vous dans vos groupes et restez concentrés. Bob !
L'homme à la peau foncée déverrouille les portes d'embarquement et nous descendons calmement, silencieusement dans ce décor aux illusions utopiques.
***
Je lève mon poing pour stopper la troupe qui me suit. Ryan à ma gauche, place son HK416 sur son épaule et observe à travers son viseur de précision la plaine dégagée.
Nous sommes à la lisière de la demeure, les jardins entretenus avec précision du Président se dessinent sous nos yeux. Je repère les caniveaux à quelques mètres plus loin : les sous-sols.
Nathan doit s'y trouver et je ne suis qu'à une dizaine de minutes de lui.
Le blond abaisse son fusil d'assaut et se relève du sol terreux.
— J'ai pu apercevoir six gardes, deux devant les sous-sols, deux devant l'entrée de la maison, deux patrouillant. Il y'a aussi trois jardiniers.
Mike et Bob approuvent le nombre et les autres se dirigent à leur emplacement. Les meilleurs tireurs sont affiliés à des points stratégiques, en hauteur tandis que les autres protègent nos sorties menant jusqu'à l'avion.
C'est le moment. J'inspire un grand coup et referme tous les coffres d'émotions dans ma tête. Peu importe ce qu'il va suivre, je ne peux plus reculer, je ne peux plus m'effondrer. Tout ce je verrais sera stocké dans une des pièces de mon esprit, parées de barrières si hautes et fortes que rien ne pourra m'arrêter.
Bob, réfugié dans un arbre lance le signal de départ à travers nos oreillettes et mon équipe s'élance dans la plaine à découvert. Nous suivons Mike et Ryan, experts des sous-sols et nous nous réfugions au niveau d'une fontaine.
Je souris silencieusement, au stage, je m'étais réfugiée derrière ce même type de bassin. Dans le regard de Mikhaïl, niché contre moi, j'y lis la même pensée.
Lizzie plie sur ses genoux et envoie un de ses couteaux dans la façade à soixante mètres. Il se plante dans une pancarte, attirant l'attention des deux gardes qui patrouillent.
Ryan pointe son arme sur les deux et tire une balle de tranquillisant pour chacun. Il est si précis que j'en viens à me demander s'il n'a pas fait partie de la fameuse élite de l'armée, celle d'où vient Houston, celle dont Nathan m'a parlé pendant des heures.
Les hommes s'effondrent dans un profond sommeil qui devrait nous laisser une large marge de temps pour les sous-sols.
Mike quant à lui, a endormi les trois jardiniers dans un silence déconcertant.
Il ne nous reste plus que quatre gardes, dans le plan, les deux protégeant l'entrée du château de Hoffman ne reçoivent de balles qu'en a d'urgence, nous nous dirigeons donc vers les sous-sols.
Plus je cours en leur direction, plus le lieu se dessine comme petit et vieillot. Mon cœur se gonfle d'espoir puis se serre de frayeurs : que vais-je trouver derrière cette porte ?
Mikhaïl se place dos à nous, surveillant nos arrières tandis que Lizzie dévale les marches menant aux sous-sols.
Je jette un coup d'œil aux gardes assoupies devant ces derniers. Ils n'ont pas l'air de souffrir, juste de faire une longue et reposante sieste.
Puis j'ose lever les yeux vers la porte, l'encadrement me fait penser à un caveau de cimetière, et mes poils d'avant-bras se dressent subitement sans que je puisse y faire quelque chose : et si nous trouvions que des cadavres derrière ?
La brune pianote sur le petit écran digital un code d'identification que Cameron nous a fourni et la porte coulisse, donnant sur une autre paire d'escaliers.
J'inspire un nouveau bol d'air, rassemble tout le courage que j'ai quand je sens la main de Mike m'effleurait. J'incline mon menton dans sa direction, il est livide.
Dans un élan de compassion, j'attrape ses doigts tremblants et moites. Il avale sa salive et je peux lire sur ses lèvres deux mots qu'il ne prononce pas :
— Pour Nathan.
Je presse ma main contre la sienne et nous pénétrons dans le lugubre escalier.
Il fait complètement noir à l'intérieur et la première chose qui m'immobilise est l'odeur âcre de renfermé et de moisissures.
Mikhaïl est le dernier à rentrer et la porte se referme après lui. Seul l'arme de Ryan éclaire un minimum le bas des marches. Violette est à côté de lui, la caméra sur sa poitrine, clignotant rouge, signe qu'elle filme tout ce qui se passe.
Mike indique le couloir à droite et nous le suivons sans un bruit.
Personne ne parle, bien trop apeuré de réveiller la quelconque bête qui pourrait être dissimulée dans la pénombre. J'entends les gouttes d'eau, datant probablement de la pluie ou de la fonte des neiges, se répandre sur le sol légèrement glissant.
Je me cramponne à la chaleur du brun pendant que nous arrivons devant une porte blanche. Elle est éclatante, contenant toute la lumière que n'avait pas le sinistre couloir. Un nouveau code est attendu et c'est Ryan qui s'y attelle.
Le pan de mur clair disparaît et donne sur un autre couloir. Le chemin est cette fois-ci éclairé par des leds agressifs qui m'aveuglent la rétine. Du sol au plafond, tout est blanc.
Ça me rappelle légèrement les locaux derrière le Complex, ceux dans lesquels je me suis réveillée, entourée d'autres filles.
Nous nous suivons, groupés et toujours mués comme des carpes. Le bruit des gouttes a été remplacé par nos bottines qui grincent sur le carrelage parfait. Nos respirations sont lentes et contrôlées même si nous émanons tous d'une forte appréhension.
L'odeur n'est plus la même non plus. Le détergeant et la décomposition des corps je suppose, me brûle le nez. Nous semblons tous y être réceptifs sauf Mike et Ryan qui marchent comme si leur odorat n'était pas fonctionnel. L'habitude sûrement, pensé-je en continuant de parcourir le couloir.
Après avoir traversé une panoplie de vitres vides, je commence à distinguer des formes humaines dans les cages qui doivent à peine faire cinq mètres carré.
Les corps maigres sont recroquevillés sur eux-mêmes, ne prêtant même pas intérêt à notre passage. Les cheveux en bas de ma nuque se dressent d'effroi.
Nathan va-t-il lui aussi ressembler à ça ?
Nous continuons de déambuler dans le long couloir blanc, les personnes sont bien trop stones pour nous voir, ou peut-être même nous entendre, ou nous prennent-ils pour des gardes ?
Le corridor me semble interminable.
Un cri me fait subitement sursauter, je tourne la tête vers la femme qui hurle, contre sa vitre. Elle est striée de petite piqûre sur tout le corps, et ses yeux sont injectés de noir, si bien qu'on ne distingue plus ses pupilles.
Violette recule d'un pas, pétrifiée à la vue de cette innocente fille.
Elle implore qu'on la sorte d'ici, elle répète qu'elle ne voit rien du tout et qu'il faut qu'on l'aide.
J'avale ma salive en fermant les yeux quelques instants. La raison me vient et je fais taire mon cœur : on ne pourra pas sortir tout le monde.
Certains seront incapables de marcher et d'autres à priori sont trop bousillés par les expériences qu'on leur a infligées pour nous être réellement utiles.
Plus nous nous enfonçons, plus les gens sont réceptifs. La plupart sont blessés et appel à l'aide, mais ils sont réactifs au moins.
Il font un bruit monstre, je suis presque surprise qu'il n'y est personne qui les surveille. Avec tout ce brouhaha, même les gardes endormis pourraient nous entendre. Les murs doivent cependant être insonorisés.
Je n'ai toujours pas vu Nathan, ni même Harry. Ils doivent bien être quelque part.
Les supplices de douleur se font de plus en nombreuses et j'entends Lizzie, le cœur au bord des lèvres, leur murmurer que l'on va revenir les chercher. Néanmoins, ils ne veulent rien savoir et continue à frapper contre la vitre incassable.
Une grande porte se dessine enfin devant nous, d'un blanc impeccable et dotée d'un code d'accès.
Mike, à côté de moi, s'arrête d'un coup sec, fixant une cellule où un homme gît inerte. Il est allongé sur le ventre, les ongles enfoncés dans sa paume, et les yeux fermés.
Je sens mon ventre se nouer.
— Qu'est ce qu'il y a Mike ?, demande Violette en le regardant.
— Harry !, s'exclame simultanément Ryan en se précipitant sur le dispositif digital le gardant captif.
C'est à mon tour de reculer d'un pas. Le fameux Harry. Sous mes yeux. Je ne vois que partiellement son visage, mais le simple geste de ses mains me pétrifie entièrement.
Il est exactement comme moi.
Trop comme moi.
— C'était ma cellule, murmure Mike si bas que j'imagine presque l'inventer. À côté de celle de Nathan.
Toutes mes pensées se reconcentrent sur ce qu'il dit et je me dirige vers la cellule voisine : mais il n'y a personne.
Je sens mon cœur chuter à mes pieds douloureusement. Où est Nathan ?
— Audace, intervient une voix dans mon dos alors que je retiens des larmes de rage. Audace ?
Cette fois ce n'est pas mon corps qui chute, c'est bien plus. Tout mon être se secoue, comme si mon métabolisme venait subitement de s'inverser et de reprendre un fonctionnement tout nouveau.
Cette voix, ce n'est pas la même que dans mes souvenirs. Elle est plus dure, plus enrouée, mais c'est toujours sa voix.
J'abandonne des yeux la cellule vide et me tourne vers l'homme qui tient à peine debout.
J'ai beau n'en avoir qu'un vague souvenir, le nom franchit mes lèvres sans que je ne puisse le retenir :
— Papa ?
—————————
COUCOUUUU,
Comment allez-vous ? Je vous livre ici un bien long chapitre, mais je ne voulais pas vous épargner les détails :))
Préférez-vous quand je rentre autant dans les détails (et donc les chapitres sont plus longs) ou les chapitres comme d'habitude vous vont ?
Je me renseigne de plus en plus sur l'auto-édition et cela signifierait corriger et réécrire des parties du livre, c'est pour cela que je vous pose la question ! Il y a un tas de choses que je trouve ne ps avoir assez abordé...
Le prochain chapitre est déjà écrit et attend bien au chaud d'être publié, ce que je ferais probablement en fin de semaine pour ne pas trop vous faire attendre !!!
Quelques retours ??✨
Bisous bisous ❤️
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