» 1.8 - weakness
▪ EVERYTHING I WANTED by BILLIE EILISH ▪
❝ Le pouvoir n'est pas un cadeau de Dieu, mais bien du diable lui-même.
— Karissa Mckenzie ❞
•—•
NATHAN
Je regarde passablement le cardiographe qui émet un son constant et extrêmement irritable. Le regarder me rappelle tellement de souvenirs, bizarrement que des mauvais.
Soudainement, la personne dans le lit se met à gesticuler et je me relève rapidement pour la rejoindre.
Audace ouvre subitement les yeux, déboussolés en se relevant du lit où elle était allongée. Son regard inspecte la pièce, affolée, sa respiration saccadée. Lorsqu'il se pose sur moi, elle soupire longuement en ramenant ses jambes vers sa poitrine.
Je passe à plusieurs reprises une main dans mes cheveux, quelque peu...gêné ?
On ne s'est pas adressé, enfin, elle ne m'a pas adressé, la parole depuis la sortie en boîte. Je ne vois pas trop ce que j'ai fait pour la faire fuir comme ça. Il faut dire que je ne suis pas vraiment habitué à ce genre de réaction.
— Où est-ce que je suis ? Qu'est-ce que tu fais là ? Qu'est-ce qu'il s'est passé ?, déblatère-t-elle, rapidement à bout de souffle.
— On est dans le bâtiment I, dis-je seulement alors qu'elle plisse les yeux, tentant de se remémorer les différents noms des bâtiments.
Il y en a quatre en tout :
Le bâtiment C : le plus grand des quatre où se trouve la salle de réunion et l'immense salle de sport, c'est là-bas que les combats ont lieu.
Le bâtiment A : pour les cours d'armes et de survie.
Le bâtiment R : où l'on mange et prenons des pauses pour se reposer.
Et enfin le bâtiment I : le plus petit, il sert principalement pour les soins et tests. C'est bien le seul lieu où il y a des lits et un peu de calme dans le complexe tout entier.
Audace expire par la bouche en basculant la tête en arrière, son rythme cardiaque redescend petit à petit pour revenir à un rythme régulier.
— Que m'est-il arrivée ?
— Tu t'es évanouie, je réponds sur un ton plus dur que je l'aurais voulu.
C'est une forme de faiblesse.
Ne pas tenir le coup, c'est considérer comme une faiblesse. Et s'il y a bien une chose qui tue à Hoffenwald, ce sont les faiblesses, on n'a jamais cessé de me le répéter.
La brune en face de moi blêmit de nouveau, elle semble prise d'un tournis puisqu'elle se rattrape au matelas pour ne pas retomber. Son cardiographe a recommencé à s'exciter.
— Nathan, appelle-t-elle d'une voix désespérée. Où est mon frère ?
Je baisse les yeux, mal à l'aise face aux siens.
— Nathan, répète-t-elle visiblement irrité. Où est-il ?
Je me redresse, m'imposant face à elle.
— Audace, calmes-toi.
C'est la première fois que je l'appelle par son prénom et je vois bien que ça lui semble aussi bizarre qu'à moi, puisqu'elle frisonne légèrement.
Elle rit nerveusement en tentant de se lever pour me faire également face.
— Non, non, non... pas de "calme toi" avec moi ! Où est mon frère ?!
Je garde le silence. Elle semble s'énerver pour de bon et je le remarque à son froncement de sourcils. Mais la brune finit par soupirer alors que ses yeux s'embuent de larmes.
— Je t'en prie, dis-moi qu'il va bien. Il est tout ce que j'ai, tout ce qu'il me reste.
Ma mâchoire et mon cœur se serrent simultanément. Je ne sais pas ce que c'est : les liens de fraternité, ressentir ce besoin de protéger les membres de sa famille.
Ces liens qui s'en rapprochent le plus sont ceux que j'ai lié avec mon groupe, mes amis. Mais je n'ai jamais eu de famille à proprement parler.
Je me demande ce qu'elle doit ressentir là tout de suite. Néanmoins, elle mérite une réponse franche.
— Il l'a tué, j'avoue donc. Il a tué cette fille.
Audace frissonne légèrement mais acquiesce, revêtant un masque qui m'empêche de lire ses pensées.
Est-ce qu'elle est soulagée ? Ou horrifiée par l'acte de son frère ?
— Pourquoi Houston l'a choisi lui ? Pourquoi pas toi ou un autre ancien ? Pourquoi lui précisément et pas le quatorzième ou le dixième ?
Je me gratte le menton, pris au dépourvu alors je réponds sincèrement :
— Je ne sais pas. Ces gènes ont peut-être joué en sa faveur.
Elle grimace à la fin de ma phrase et je comprends que je n'ai pas utilisé les bons termes.
En réalité, je me demande aussi pourquoi Hoffman la choisit. Parce que si quelqu'un est derrière tout ça, c'est bien lui. Houston n'est qu'un patin, un pion dans son échiquier. Tout comme moi.
La tension redescend petit à petit et je me pince les lèvres en sortant mon canif.
— Audace, je dois te dire quelque chose.
Elle frisonne de nouveau, et même si mon égo jubile de l'effet que je lui fais, je sais que ce que je m'apprête à faire risque de briser le peu de liens que l'on a créé.
Elle hoche lentement de la tête et je déplie mon couteau. J'active mon mode automatique, récitant comme un robot les paroles qu'on m'a appris sous la forme de torture, aussi bien mentalement que physiquement.
— À Hoffenwald, les faiblesses sont considérées comme des chaînes. Des chaînes qu'on doit briser pour survivre.
Je vois qu'elle tente de se reculer le plus discrètement possible, la peur camouflant ses iris vertes.
— Toute faiblesse mérite un sacrifice.
La brune se met à rire nerveusement en mettant sa main devant elle, comme protection. Le cardiographe recommence son bruit incessant.
J'ai l'impression de lui faire vivre les montagnes russes émotionnelles.
Elle semble le remarquer puisqu'elle retire l'objet de son index et le lance à l'autre bout du lit. Le bruit cesse enfin alors qu'elle me fait face :
— Tu me fais flipper Nathan, range ce couteau, intervient-t-elle, les doigts tremblants.
— Est-ce que tu as peur du sang ?, je lui demande tout de même, un peu plus naturellement qu'avant.
Elle secoue la tête, toujours réticente.
Je m'avance alors vers elle et m'assois à côté d'elle sur le lit. Ses yeux font des aller-retours entre ma main et mon visage.
Peut-être que si je lui explique, elle ne s'opposera pas.
Facile à dire, murmure quand même une petite voix dans ma tête.
J'avoue que cette situation me rend confus. D'habitude, je ne demande pas leur avis, j'exécute l'ordre qu'on m'a assigné sans contester.
Pourtant là, je me sens obliger de le faire calmement, avec son approbation. Je suis presque certain, que cet enfoiré de Hoffman veut encore me tester. Comme si je n'avais pas montré assez ma loyauté auprès de lui.
— Il faut que je te marque.
Elle blêmit en ouvrant légèrement ses lèvres. Et je me frappe mentalement d'y avoir été trop brutalement.
Ce n'est pas comme ça qu'elle va rester tranquille, pensé-je en fermant les yeux.
Je n'en reviens pas de ce que je vais faire.
Je soulève alors mon t-shirt, dévoilant les nombreux bleus et cicatrices peuplant mon torse et lui indique le W taillé sur ma côte.
Elle approche ses doigts glacés contre ma peau et je retiens à temps le frisson qui me percute.
Foutu corps.
— C'est profond ?
Je secoue la tête :
— Non pas tant que ça. J'ai déjà connu pire.
Elle lève ses yeux, me laissant apercevoir tout le fond de sa pensée. Pas de dégoût, simplement une grande compassion. J'essaye alors de lui transmettre toutes les émotions que je peux ressentir.
La honte de cette scarification. Le soulagement qu'elle comprenne. La culpabilité de ce que je m'apprête à faire.
— Pourquoi un W ?, reprend-t-elle en traçant délicatement les contours de la lettre.
— W pour weakness.
Elle déglutit péniblement en retirant elle aussi son haut, puis s'allonge. Je comprends qu'elle accepte et la remercie d'un signe du menton. Je ne m'attarde pas sur son corps dénudé et la regarde dans les yeux plutôt.
— Tu peux le faire quelque part où ça ne fait pas trop mal ?, interroge-t-elle doucement.
J'acquiesce et pose ma main sur son épaule. J'approche mon arme de sa côte lorsque je sens ses doigts se refermer sur les miens.
— Inspire et expire lentement, lui conseillé-je en introduisant la lame dans sa chair.
Les premières entailles sont les plus douloureuses.
Elle serre les dents tandis que sa main se crispe contre la mienne.
Je tente de m'appliquer pour limiter les dégâts de cicatrisation. Et Audace ne dit rien, pas de cries, pas de pleurs, elle ferme les yeux et encaisse.
J'applique directement un coton imbibé d'alcool sur la plaie par la suite pour m'assurer que ça ne s'infecte pas.
— C'est fini, j'annonce en nettoyant le couteau pour le ranger.
La brune soupire en remettant son pull.
Je n'ai jamais vu un tel taux de tolérance à la douleur de la part d'une nouvelle recrue.
Je ne mettais pas tromper, Audace possède une incroyable force mentale. Et ça je suis aussi certain que le président le sait.
Je l'observe — non je l'admire — reprendre son souffle et relever la tête comme si cette scène ne s'était jamais produite.
J'ai cette nette impression que peu importe les obstacles qu'elle rencontrera, elle se relèvera. Toujours. Même lorsqu'elle ne pensera pas en être capable.
Elle tourne son regard vers moi et je prétexte regarder ailleurs. Mais à ma plus grande surprise, elle attrape mon menton, pour me forcer à la fixer elle et pas le mur derrière.
Un peu audacieuse quand même.
— Qu'est-ce qu'il t'est arrivé, Nathan ?, demande-t-elle plus pour elle-même que pour moi en plongeant ses iris dans les miennes.
— Rien de beau, je murmure tout de même, mais ça tu le savais déjà n'est-ce pas ?
Elle ne répond pas et pointe ma côte du doigt :
— Et toi, c'est quoi ta faiblesse ?
Je souris amèrement, je n'aime définitivement pas comment elle arrive à lire en moi.
— Était une faiblesse, je la corrige. C'était pour avoir épargné quelqu'un qui n'aurait pas dû l'être.
Elle se pince les lèvres en secouant la tête :
— Ce n'est pas une faiblesse d'être altruiste. Peu importe qui est cette personne, elle doit t'être reconnaissante.
Je me lève, décidant de mettre court à la discussion, de façon plus violente que prévu.
— Elle est morte, je n'ai pas fait la même erreur deux fois, j'avoue sans ciller. Tu devrais faire de même.
Sur ses mots, je quitte la pièce, une sensation bizarre dans le ventre. Un goût amer de culpabilité sur la langue mais je l'ignore et rejoins Mike dans le bâtiment A.
*
— La maîtrise des armes demande une agilité et une force réparties parfaitement entre ses doigts, explique l'entraîneuse Hopkins alors que je suis avachie sur ma table.
Les armes, ce n'est clairement pas ma tasse de thé, surtout quand je revois les cours d'il y a trois ans.
La coach continue son monologue en présentant les principales armes utilisées ici.
Un coup d'œil vers Lizzie, me prouve que comme les années précédentes, elle kiffe totalement. C'est son domaine après tout.
Mike dort à côté de moi, lui aussi préfère la pratique à la théorie, qui est vraiment barbant à la longue.
— N'importe quelle arme doit être une extension de votre main, poursuit-elle en déambulant dans les allées. Ce n'est pas qu'un simple objet, elle doit faire partie de vous. Si vous en avez peur, elle ne sera pas votre alliée mais bien votre ennemi. Et vous savez ce que votre vrai ennemi en face de vous fera dans ce cas-là ?
Elle s'arrête face à un garçon d'une vingtaine d'année qui semble boire ses paroles.
— Il utilisera cette faiblesse contre vous. Une hésitation, et c'est la mort, dit-elle en mimant le bruit d'une arme à feux qui tire avec sa bouche et sa main droite contre le front du blond.
Le garçon se raidît instantanément et réajuste son col de t-shirt tandis qu'elle reprend sa route.
Moi, je sens ma nuque picotée, là où il est inscrit à l'encre indélébile : "hesitation is death".
Trop de personnes en ont fait les frais sous mes yeux et quand je regarde le visage de Lizzie, je sais qu'elle sait de quoi je parle.
Mes yeux dérivent soudainement sur la tignasse brune assise à sa droite. Elle joue avec une mèche de ses cheveux, dans ses pensées.
Je regrette comment j'ai réagi tout à l'heure, c'était exagéré mais quand on en vient aux sujets sensibles, je n'arrive pas à gérer le trop plein d'émotions.
La colère envahit mes veines et je dis des choses que je ne pense pas forcément.
Hopkins clôture son cours et j'attrape mes affaires à la volée pour rejoindre les deux brunes à la sortie de la pièce. Mais Audace s'est déjà échappée.
Je la retrouve quelques mètres plus loin, discutant avec son frère. Se disputant plutôt.
Avide de curiosité, je ne peux m'empêcher de les rejoindre.
— Comment voulais-tu que je réagisse ?, intervient Will qui lève un sourcil. C'était elle ou moi.
— Je sais bien, soupire Audace, mais cette façon d'agir ce n'est pas toi. Tu portes même une arme sur toi maintenant ?
Son frère porte une main à l'étui accroché à son jean avant de répondre :
— J'ai même un toit Audace.
— Pardon ?, dit-elle irritée.
— Je vis dans la villa des Loups. J'ai un groupe, prêt à m'entraîner et me protéger.
La brune passe une main dans ses cheveux, dépassée par la situation.
— Donc tu as tué quelqu'un, quelqu'un William ! Et on te félicite, te considère comme un héros pour ça ?
— On ne me considère pas comme un héros, je fais juste parti entièrement du groupe maintenant.
— C'est du délire, soupire-t-elle alors que ledit groupe des Loups interpellent Will.
Ce dernier lance un sourire contrit et la laisse pour rejoindre sa nouvelle famille.
Je regarde la nouvelle, les bras ballants puis décide d'intervenir :
— Ne lui en veux pas trop, c'est la meilleure chose qui aurait pu lui arriver. On est plus fort à plusieurs.
— Je croyais qu'un groupe ne nous permettait pas de survivre, lance-t-elle sans mâcher ses mots.
Je souris, piqué à vif, surpris qu'elle se rappelle notre échange.
— Touché, je murmure en portant mes doigts à mes lèvres. Mais, ça aide toujours. Avoir des amis en général, des gens sur qui compter, ça t'aide à tenir, à ne pas baisser les bras. Et ici, c'est indispensable.
Audace n'ajoute rien et un silence légèrement gênant s'installe. Pourtant, mes yeux sont plongés dans les siens. Je décide d'y mettre fin :
— Par rapport à mon comportement de tout à l'heure, je voulais m'excuser. Je n'aurais pas dû te parler comme ça, c'est juste que...
— Les sujets sensibles ?
J'acquiesce et le silence revient. Je me prépare à tourner les talons quand, à ma plus grande surprise, elle me retient :
— Nathan, j'aimerais que tu m'apprennes à me battre et à survivre. J'aimerais que tu m'apprennes à surmonter mes faiblesses, ajoute-t-elle en pointant son pull avec son doigt.
Mes lèvres s'étirent doucement alors que je hoche de la tête :
— D'accord, je vais t'apprendre à te battre.
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(Chapitre non corrigé, bisous bisous❤️)
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