» 1.4 - apparences

▪ ASHES by MADI DIAZ ▪

Tout ce que j'ai fait, je l'ai fait pour toi.
— Audace Ravenwood

•—•

AUDACE

J'observe la table à laquelle je suis installée depuis une dizaine de minutes, dans le plus grand des silences alors que les discussions vont de bon train. Tout le monde dit quelque chose, donne son opinion sur un sujet divers.

Ils parlent de choses complètement incompréhensibles pour moi. Les mots qu'ils emploient, les intonations qu'ils utilisent, ils parlent bien anglais mais ce n'est pas celui que j'ai appris.

Ce n'est pas celui des États-Unis et encore moins celui du New Jersey.

Tout est si différent ici, en commençant par cette manie de s'identifier partout où tu vas, ou cet énorme dôme au-dessus de ma tête, dévoilant le ciel bleu qui illumine cette journée. J'ai l'impression que tout ce que j'étais censée connaître de la vie, s'avère faux. Comme si je redécouvrais comment vivre.

Je sors de mes pensées quand la fille blonde à côté de moi me donne un léger coup de coude dans la côte. Je me tourne vers elle, en secouant la tête :

— Oui ?

— Au faite, on parle on parle, mais on ne s'est même pas présenté ! Moi, c'est Violette !

La jolie blonde m'offre un sourire en me tendant sa main que j'accepte en lui rendant son rictus.

— Audace Ravenwood, je dis en plaçant une mèche de mes cheveux derrière mon oreille.

— Et d'où viens-tu Audace ?, demande le garçon aux lunettes face à moi.

— Des États-Unis.

Il pouffe en baissant la tête puis la relève et répond en replaçant maladroitement ses lunettes sur son nez :

— Quels états, je veux dire ? Nous venons tous des États-Unis.

J'ouvre ma bouche, assez surprise par sa révélation et observe l'ensemble de la table.

— Du New Jersey. Mais alors, tous ces gens viennent du même endroit ?, j'interroge en désignant le réfectoire plein à craquer d'un geste de la main.

Le prénommé Cameron acquiesce avant de reporter son attention sur sa tablette futuriste quand cette dernière reçoit une notification. Leur technologie est également incroyable. Tout est si avancé. J'ai remarqué que le bracelet, la watchphone comme ils appellent ça, que porte chaque membre du groupe est en réalité une sorte de téléphone digitale, pouvant disparaître d'un simple touché. Il n'y a pas réellement d'écran, c'est plus une projection tactile. Moi qui pensais que notre technologie était déjà énormément avancée.

Lorsque je relève les yeux, je rencontre ceux du brun qui reste en retrait depuis le début du repas. Il me fusille du regard puis tourne la tête quand Nathan l'interpelle, et c'est alors que mon regard se pose sur la table derrière la nôtre.

Une tignasse châtaine se démarque et je me lève instantanément pour la rejoindre. J'entends brièvement Lizzie m'appeler mais je suis déjà à la table en question. Je m'assois alors face au garçon qui est seul.

— Hey, toi !

À l'entente de ma voix, William relève les yeux de son assiette et me sourit en retour.

— Comment tu vas depuis hier ?

Il hausse les épaules en trifouillant ses petits pois avec sa fourchette. J'inspire en posant mes mains sur le bois de la table :

— Je t'ai vu tout à l'heure, avec l'ancien, je déclare en observant sa réaction.

Will se pince les lèvres et hoche de la tête.

— Moi aussi, je t'ai vu Aude. C'est l'autre ancien qui t'as fait ça, n'est-ce pas ?, demande-t-il en montrant mon visage bleuté d'un coup de menton.

Je touche soudainement ma pommette douloureuse et égratignée par les poings de Tyler.

— Je suis désolée qu'il t'est fait du mal à cause de moi, murmure-t-il en baissant ses yeux noisette qu'il tient de maman.

Je secoue la tête de droite à gauche en attrapant sa main tremblante.

— Je vais bien, ce n'est que quelques égratignures, rien de bien méchant.

Mon frère rigole ironiquement en évitant soigneusement un quelconque contact visuel avec moi :

— Ce n'est pas que quelques égratignures Audace, réplique-t-il sèchement, c'est la preuve que tu te sacrifies de nouveau pour moi. Encore et toujours.

— Je le fais parce que c'est mon devoir et--

— Non, me coupe-t-il en retirant sa main de la mienne, tu as déjà tellement payé pour moi. Je ne suis plus un enfant, je peux aussi encaisser.

Je soupire en serrant mes cuisses entre elles, parfois j'oublie que William a bientôt seize ans. J'oublie qu'il a du vivre presque seul pendant mon séjour en prison, c'est à dire un peu moins de deux ans.

— Tu seras toujours un enfant pour moi, et je me devrais de toujours te protéger quoi qu'il arrive.

William acquiesce de nouveau puis se gratte la gorge, désormais gêné par le blanc qui s'est installé depuis quelques secondes. Je décide alors de changer de sujet :

— Sinon, comment trouves-tu la ville ? Le pays ou je ne sais quoi ?

— Venturia ?

Je fronce les sourcils et Will reprend en souriant légèrement.

— Venturia, c'est la ville où nous sommes.

— Je croyais que c'était Hoffenwald, j'affirme en laissant ma tête reposée dans ma paume droite.

— Hoffenwald c'est le pays, et nous sommes au Sud, à Venturia.

— C'est tout un pays, je m'exclame en haussant les sourcils.

— Ouais, et c'est incroyable ! Ce matin, on a étudié l'histoire d'Hoffenwald--

Mon frère est tout d'un coup coupé dans sa phrase quand l'ancien qui l'a brutalisé tout à l'heure apparaît dans son dos. Ma colère reprend instantanément possession de mon être.

— Hé ! Le nouveau bouge ton cul, il est l'heure !, intervient le blond en lui lançant un regard noir puis un clin d'œil dans ma direction.

Je lui souris méchamment et alors que je compte lui envoyer une pique, quelqu'un le fait à ma place :

— Toujours aussi délicat Aiden, à ce que je vois !

L'ancien offre son plus beau sourire à Lizzie qui s'est placée à côté de moi, les bras croisés.

— Comme tu le vois, j'aime toujours autant la brutalité. Mais c'est bien ce que tu as toujours adoré chez moi non ?

Je tourne mon visage vers celui surpris de Lizzie qui ouvre même la bouche. Il lève sa main, nous saluant puis tourne les talons avec mon frère le suivant de près. William m'envoie un léger sourire puis poursuit son chemin, les bras le long du corps.

Après m'être relevée du banc sur lequel j'étais assise et avoir passé plusieurs fois mes mains sur l'intégralité de mon visage, je rejoins Lizzie qui était partie récupérer nos affaires.

Nous débarrassons nos plateaux, puis reprenons le chemin du bâtiment d'entraînement.

Un léger vent de printemps emmêle mes cheveux alors que je resserre ma veste autour de moi. Lizzie déambule, le regard dans le vide et les lèvres pincées.

— Tu connais bien Aiden ?, je demande en brisant le silence.

Elle sursaute légèrement, ne s'attendant pas à ce que je parle puis hausse les épaules :

— On est sorti quelques temps ensemble mais ça ne sait pas très bien fini, comme tu peux le voir, soupire-t-elle en croisant ses bras contre sa poitrine.

— Je suis désolée... Tu as vraiment l'air d'être une fille fantastique alors que lui, on dirait une grosse brute.

Elle étouffe son rire en repinçant ses lèvres entres-elles :

— Ne le soit pas, ça n'aurait pas pu coller entre nous. C'est une vraie brute, tu as raison, mais il peut être bien pire. Je ne veux pas vivre dans la peur constante qu'il me tranche la gorge à tout moment, poursuit-elle tandis que notre point de rendez-vous se désigne face à nous.

J'hoche de la tête, assez troublée par ses propos. Tuer semble être la réponse à chaque problème ici. Encore quelque chose qui m'est complètement inconnu et différent.

— Et sinon, reprend-t-elle en retrouvant son sourire, qui est le garçon avec qui tu étais ?

— William ? C'est mon frère, enfaite.

Je scanne mon poignet contre l'écran prédestiné à cet usage et tous les renseignements personnels me concernant apparaissent. Cette image est vite remplacée par le dossier de Lizzie quand elle y passe également son tatouage.

Elysabeth Lizzie Cain. 23 ans. Californie. 3 ans d'admission.

— Ton frère est ici !?, s'exclame-t-elle me sortant alors de ma contemplation. Je veux dire dans la même promo que toi ?

— Oui, j'avoue, réticente, c'est si rare que ça ?

— Rare ? Non, Karissa et Aiden sont bien arrivés ensemble mais c'est...

Elle ne finit pas sa phrase, préférant se pincer les lèvres en détournant le regard face aux portes qui s'ouvrent devant nous.

J'imagine que ça craint d'avoir son frère ici, alors qu'il y a cette menace qui plane autour de nous.

La brune se racle la gorge, gênée, puis ajoute doucement comme si la tonalité de ses mots pouvait m'anéantir :

— Survivre seul n'est pas facile, mais tenter de protéger sa personne plus une autre, c'est voué à l'échec.

— J'y arriverai, je dis catégorique.

La fille à ma droite acquiesce, peu convaincue et nous rejoignons en silence notre groupe d'entraînement.

J'y arriverai.

Je dois y arriver.

— Vous avez été lentes !, bougonne Mike le ronchon.

C'est son nouveau surnom. Il tire toujours la gueule et ne fait que râler pour tout et rien. Lizzie lève les yeux en l'insultant puis se concentre sur la voix qui s'élève au centre de la pièce. J'en fais de même, ignorant l'exaspérant garçon.

La femme blonde de ce matin nous demande de former des groupes plus ou moins mixes. Je regarde autour de moi à la recherche de quelqu'un qui pourrait se mettre avec moi quand je vois Tyler, sourire aux lèvres, s'approchait de moi.

Je lui tourne le dos, prétextant de pas l'avoir vu alors que Nathan s'avance dans ma direction :

— On se met ensemble ?

J'acquiesce mais le ronchon nous rejoint également.

— Non, elle se met avec moi.

C'est alors que l'ami de Aiden arrive à notre hauteur, un air de défi :

— Elle est déjà avec moi.

Pourquoi veulent-ils tous, tout d'un coup, se mettre avec moi ?

— J'adore quand on se bat pour moi, je lance ironiquement en croisant mes bras devant ma poitrine.

Ma réplique semble bien faire rire Tyler qui me frappe dans le dos comme si je m'étouffais. Qu'est-ce qu'ils ont, bon sang ? Je ne suis pas un objet que l'on emprunte à l'autre.

— Wise !, s'écrit l'entraîneuse. Au lieu de faire l'idiot, mets-toi avec ce garçon.

Le brun souffle par le nez en fusillant les deux autres bruns, puis s'en va vers le blond maigrichon qui regarde tout autour de lui, apeuré. Son visage se crispe lorsqu'il remarque qu'il est avec cette brute.

Les deux meilleurs amis face à moi échangent des messes basses en me jetant des coups d'œil discrets. Il faudrait être débile pour ne pas comprendre qu'il parle de moi, sans moi.

Je secoue la tête en roulant exagérément des yeux. Ils sont stupides, mais je n'oublie pas qu'ils portent aussi des armes sur eux.

— Regarde cette jolie métisse n'attend que toi, annonce Mike à Nathan en le poussant vers la fille en question tout aussi perdue que le blond.

Nathan me lance un dernier regard puis détourne définitivement les yeux. Mike m'attrape le poignet et me tire vers la zone de combat. On va encore se battre...

Et j'aurais largement préféré le faire avec Nathan plutôt qu'avec ce râleur.

— Positionnes-toi et prépare ta défense, m'ordonne-t-il tandis que je reste stoïque.

Je refuse de recevoir des ordres de sa part, j'en reçois suffisamment des autres.

— T'es sourde ?! J'ai dit--

— Je sais très bien ce que tu as dit, je le coupe acidement, je n'ai juste pas envie de t'écouter.

Il s'immobilise, me fixant puis s'esclaffe de façon bruyante.

— Et moi, je n'ai pas envie d'être là avec toi et pourtant on n'a pas tout ce que l'on veut dans la vie.

Je vois rouge. Je ne lui ai jamais demandé de se mette avec moi.

Je voudrais lui éclater les dents qui composent son sourire mais je parie qu'il arrêterait ma main avant même qu'elle ne le touche.

— Pourquoi ?, je m'exclame en serrant tout de même les poings. Qu'est-ce que je t'ai fait pour que tu me détestes sans même me connaître.

Il serre violement sa mâchoire et approche son visage du mien, un regard de tueur.

— Pourquoi ?, répète-t-il en plissant des yeux pendant que je hoche de la tête. Parce que je vois clair dans ton jeu. Tu ne le sais peut-être pas encore, mais tu es un poison et tu vas tous nous tuer. Alors rentre toi ça dans la tête, tu n'es pas la bienvenue dans ce groupe.

Il se recule, prépare sa garde alors que je garde les lèvres entre-ouvertes. Ses mots sont durs et même s'ils ne devraient pas m'atteindre, c'est quand même le cas. Toute ma vie, je me suis sentie coupable.

Coupable de l'abandon de mon père. Coupable de la mort de ma mère. Coupable des problèmes de Will. Coupable de l'avoir laissé seul. Coupable d'avoir été assez idiote pour avoir fait confiance aux mauvaises personnes.

Mes actes ont souvent été incompris, jugés trop impulsifs ou trop désespérés. Mais je ne regrette aucun d'entre eux, et dieu sait que j'en ai beaucoup : des regrets.

Mais je n'arrive pas à croire qu'un inconnu me juge de cette façon. Il ne me connait pas. Il ne connait pas mon histoire et tout ce que j'ai pu vivre. Et je ne le connais pas non plus, je ne connais pas la raison de son regard vide, ou encore de la cicatrice qui marque son sourcil droit. Cet homme a vécu des choses, certainement, aussi horribles que les miennes et pourtant il se permet de me parler de la sorte alors qu'il devrait me comprendre.

— J'ai un don pour ça, je sais pertinemment quand quelqu'un risque de nous mener à notre perte. Maintenant, place-toi comme on t'as appris ce matin.

Je finis par obéir, non sans contracter ma mâchoire.

Je place mes mains à la hauteur de mon nez, la gauche un peu plus en avant, laissant celle dominante derrière. Je distribue équitablement mon poids entre mes deux pieds, les genoux légèrement fléchis. Les coudes abaissés, les mains levées. Le menton légèrement abaissé et les yeux regardant au-dessus de mes poings.

Mike hoche de la tête, admirant ma garde presque parfaite. Il repositionne légèrement mes épaules en silence puis lance sa première attaque. Surprise, je desserre mes doigts et tente de protéger mon visage de son futur coup. Cependant, il n'arrive jamais et je soupire sous le regard exaspéré du brun.

— Peut être qu'en fait j'avais tort, lâche mon partenaire. La seule que tu vas tuer, c'est toi-même.

La coach blonde annonce une rotation des groupes et Mike part sans se retourner tandis que Nathan se présente face à moi. J'ai la nette impression qu'il me tourne autour.

— Ne fais pas attention à Mike, il n'est juste pas très à l'aise avec les nouveaux.

Je pouffe ironiquement en observant Karissa mettre à terre dans une violence phénoménale le blond maigrichon de tout à l'heure.

— J'avais remarqué, je marmonne en me reconcentrant finalement sur le nouveau brun face à moi.

Il acquiesce, ne préférant pas s'éterniser sur ce sujet et renchérit :

— Bon, et si tu me montrais comment tu fais ta garde ?

Je m'exécute sans rechigner. Nathan, du peu que j'ai vu de lui, est si différent de Mike. Tellement plus expressif —quand il le veut bien— et plus tendre. Il ne m'aboie pas dessus, il est compréhensif et semble réellement me vouloir dans ce groupe. Même si ça ne semblait pas être son premier avis sur ma personne.

Mais je n'oublie pas qu'il a fait ce matin. Je crois que cette scène me hantera toute ma vie. Il est la définition, la démonstration même que : les apparences sont toujours trompeuses.

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Hey guys, welcome back to my channel !

Ok ok, je m'enflamme.

J'espère que vous allez bien, que vous avez passé une bonne journée (la mienne commence seulement, il est 8h ici à San Franscico).

On m'a (désespérément ;) ) réclamé un chapitre alors voici la suite !!!

Tant qu'on parle de prison, je vais visiter Alcatraz ce matin. J'ai si hâte. Je vis clairement ma meilleure vie 💁‍♀️

Bon vous inquiétez pas mes chevilles vont bien malgré les 30km de marche de hier, vous pouvez les laisser s'envoler un peu !!!

Alors ce chapitre ?

Allez je vous laisse les coupains, demain je reprends la route vers le désert et Las Vegas. Et l'écriture des chapitres va aussi reprendre pour de vrai !

Bonne fin de journée,

Bye bye ❤️

©WORLDOFTHEQUEENS

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