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Je suis très heureuse de vous proposer ce long os pour Halloween. C'est la deuxième fois que je tente un écrit comme ça alors je ne suis pas sûre du résultat ^^' J'espère qu'il vous plaira car j'y ai passé du temps. Je m'excuse d'avance pour les éventuelles fautes d'orthographe, je n'ai pas eu le courage de me relire. Durant l'écriture je corrige automatiquement ce que j'écris mais il se peut que je ne voies pas certaines fautes.

𝒫𝓁𝒶𝓎𝓁𝒾𝓈𝓉 :
i. Wanna Be Startin' Somethin'
ii. Baby Be Mine
iii. The Girl Is Mine
iv. Thriller
v. Beat It
vi. Billie Jean
vii. Human Nature
viii. P. Y. T (Pretty Young Thing)
ix. The Lady In My Life

Le sentier était fait de graviers beiges voire marrons, nuancés par l'amas de terre qui s'était envolé puis déposé dessus. Il était bordé par de petits arbustes verts pâles, alignés sur une pente qui menait à une forêt sur le haut de cette colline, à peut-être une centaine de mètres du sentier étroit. Seule une voiture pouvait rouler sur ce chemin alliant la terre et les cailloux, au risque que la seconde ne soit déchaussée. Le soleil était haut dans le ciel, réchauffant cette nature semblant souffrante et prête à s'écrouler sous l'intense chaleur irradiée en cet été.

Deux jeunes hommes se baladaient sur ce sentier, portant un gros sac chacun contenant des habits propres ainsi que quelques affaires personnelles. Ils faisaient le tour de la région ainsi, toquant chez les uns et chez les autres pour passer une nuit ou deux et ensuite repartir. Ils en avaient vu du paysage, la fin du voyage approchait à grands pas.

Le paysage était beau, le climat était agréable. C'était une fin parfaite selon eux, qui savaient qu'ils allaient rentrer dans une dizaine de jours tout au plus en fonction du temps qu'ils mettraient à marcher et à trouver des logements. Cette nature paraissait morte au vu des couleurs fades, chaque végétal grillant sur place. Pourtant, cet alliage des couleurs était reposant pour leurs yeux qui avaient tant vus ces derniers mois.

Le sentier prit soudainement fin, du moins un grand portail en barrait la continuité. C'était une arche immense en pierres, sous laquelle était fixé un portail en métal – du fer forgé selon les experts – où des plaques de métal étaient incrustées. En s'approchant de plus près, ils purent voir que c'était une plaque qui formait un rectangle épais et creux, avec tout le long un trou, comme pour y faire glisser quelque chose.

Curieux, ils se reculèrent pour examiner l'arche ainsi que l'immense terrain qui se poursuivait à perte de vue. Ils pouvaient voir une immense maison à droite, avachie sur la colline, aux abords de la forêt. Le sentier se poursuivait jusqu'à tourner derrière la colline, de quoi éveiller un soupçon d'envie d'aventure et de découverte chez les deux protagonistes. Soudainement, un grand homme fit irruption devant le portail, scrutant du haut des ses trois mètres les intrus qui zieutaient chez lui. Il aurait pu en être contrarié, pourtant c'est avec un immense sourire qu'il les invita chez lui.

Les deux hommes le suivirent jusqu'à sa grande maison, qui devait comporter cinq niveaux environ au vu des fenêtres et de la manière dont elles étaient disposées. Ils virent le même décor paysagé qu'ils longeaient, des petits arbustes qui grimpaient jusqu'à déboucher sur une immense forêt.

La maison était immense, au niveau de la hauteur mais aussi de la superficie au sol. C'était un plancher ciré et teint en brun qui recouvrait l'entièreté du rez-de-chaussée, ce qui assombrissait pas mal la pièce aux murs gris terne. Des meubles anciens occupaient la pièce tout le long des murs, donnant une impression d'emprisonnement malgré l'important diamètre de la pièce. Des cadres étaient fixés aux murs dans lesquels figuraient trois personnes : l'homme qui les avait accueillis ainsi qu'un jeune garçon déjà grand malgré son jeune âge et d'une petite gamine pas si petite que ça.

Taehyung jetait des regards sur l'entièreté de la pièce, l'analysant méticuleusement, n'approuvant pas complètement la tension qu'il sentait peser de plus en plus depuis qu'ils étaient entrés, et qui augmentait au fil du temps qu'ils passaient à l'intérieur. Son acolyte était moins sur ses gardes, il regardait leur hôte préparer une cuisse de cochon qui semblait pourtant bien fine pour un cochon d'élevage ou même sauvage.

D'une voix amicale, l'homme les invita à monter à l'étage pour déposer leurs affaires avant qu'ils ne passent à table. Taehyung et Jeongguk commencèrent à grimper les marches, se rendant compte qu'elles étaient plus grandes que la norme, ce qui les ralentissait dans leur ascension. Ils devaient faire d'importantes enjambées, prenant le double du temps qu'il leur aurait fallu pour arriver au premier étage.

Là, ils tombèrent sur un grand palier où se trouvaient d'autres sacs comme les leurs, de couleur rouge, bleu ou vert. Certains paraissaient plus usés que d'autres, parfois même poussiéreux comme s'ils étaient là depuis plusieurs années sans n'avoir jamais bougé. Encore plus méfiant, Taehyung déposa le sien tout près des escaliers, ne souhaitant pas le coller à ces déchets moisissant. Jeongguk commençait lui aussi à se demander ce qu'il se passait. Au vu de la taille immensément grande de leur hôte ainsi que de son habitation, il serait étrange qu'il ait des sacs aussi petits que ceux agglutinés dans la pièce. Ça devenait suspect.

Ils redescendirent les escaliers une marche par une marche pour éviter de dégringoler et de se ramasser au sol sur le parquet dont ils pouvaient voir d'ici les échardes pointées vers eux. Une odeur de grillade se fondit dans leurs narines, de quoi laisser de côté un temps soit peu leurs suspections. Ils posèrent leurs deux pieds sur le plancher et soufflèrent de soulagement de ne rien s'être fait.

Le grand homme était assis à sa table, occupé à découper la fine cuisse du cochon, qui semblait différente de celles qu'ils avaient l'habitude de manger dans les restaurants. Elevait-il des cochons ? Les nourrissait-il correctement pour avoir autant la peau sur les os et les muscles ? Les deux amis prirent place face à leur hôte, lequel avait gentiment placé des coussins sur leurs chaises pour ne pas qu'ils soient trop bas. L'homme proposa alors de les servir, se saisissant d'une grosse partie de la cuisse qu'il dirigea vers l'assiette de Jeongguk, celui-ci hésitant à refuser.

De lui-même, Taehyung intervint, prévenant qu'ils étaient végétariens, c'est pourquoi ils ne pouvaient manger de viande même si elle avait l'air délicieuse. Avec un petit sourire malicieux, le géant répondit qu'ils avaient tord de ne pas goûter car c'était la meilleure partie de l'animal. Après ça, il engloutit un bout démesurément grand dans sa bouche, gémissant de contentement et satisfaction. Profondément gênés et mal à l'aise, Taehyung préféra les servir de l'accompagnement qui était des dés de pomme de terre, de quoi raviver leurs papilles affamées.

Si d'apparence ils paraissaient calmes, sentir dans leur dos le poids d'un regard ne les rassurait que peu. Du coin de l'œil, Jeongguk avait distingué un grand jeune homme ressemblant énormément à leur hôte assis face à eux. Il avait reconnu ce garçon, c'était celui qui posait dans les cadres photos qui trônaient sur l'ensemble des murs ; dessus, il ne paraissait véritablement pas à son aise, son regard fuyait ou devenait inquiet. Comme s'il voyait quelque chose qu'il ne fallait surtout pas voir.

Le repas se termina bien vite, ce qui surprit les deux voyageurs qui étaient désormais sur leurs gardes. D'un ton plutôt enjoué, le grand homme les invita à le suivre pour qu'il leur montre quelque chose à l'extérieur. Ainsi, sans même débarrasser la table ou s'essuyer la bouche, ils durent sortir de force par la pression du regard sur leurs êtres tremblants. Taehyung et Jeongguk se retournèrent vers les escaliers, où ils virent le même garçon qui les scannait depuis le début du repas, qui cette fois-ci affichait encore un regard désemparé et fou d'inquiétude. Ce qui ne rassura pas d'avantage les deux compères qui se firent pousser par la grande main de l'homme, avant que celui-ci ne claque fortement la porte derrière lui.

Ce son provoqua une pluie déferlante de frissons le long de leurs dos, déglutir était devenu une épreuve inhumaine tant le stress les consumait sur place et commençait à les achever. D'un même mouvement, leurs jambes se mirent à avancer mécaniquement, comme s'ils étaient contrôlés par une force transcendante que contrôlait leur monstrueux hôte. Ils avaient l'impression qu'un rire démoniaque résonnait à l'infini dans leurs crânes, les faisant exploser à petit feu.

Ils arrivèrent bien vite devant le portail qu'ils avaient passé il y a quelques temps – une heure, trois heures, ils n'en savaient rien, la notion du temps semblait disparaître une fois entré ici -. Le grand homme sortit deux paires de menottes de sa poche, souriant amicalement comme on souriait à un ami à qui on planterai un couteau dans le dos. Une chaleur soudaine se répandit dans le pantalon de Jeongguk, qui baissa les yeux sur son pantalon maintenant trempé par son urine qu'il n'avait pu retenir.

Le géant afficha une mine désolée alors qu'il passa les menottes à un Jeongguk trempé et puant et incapable de faire le moindre geste. Taehyung assistait à cette scène sans pouvoir rien faire. Il aimerait prendre ses jambes à son coup mais la simple idée d'abandonner son ami à ce fou l'empêchait de courir jusqu'à la forêt. Et puis, une fois dans la forêt, qu'est-ce qui lui permettrait de s'échapper ? Il resterait emprisonné à jamais.

Taehyung regardait silencieusement et droit comme un piquet son ami se faire attacher au rectangle de métal qu'ils avaient vu à leur arrivée. L'homme faisait glisser la chaîne dans le trou out le long, jusqu'à la bloquer au bout. Jeongguk restait droit lui aussi, comme déjà mort. Si encore il essayait de bouger et de s'extirper, ils auraient une chance de s'enfuir ; mais là, plus aucun échappatoire n'était proposé. Alors que Taehyung se faisait à son tour menotté, il vit à travers la vitre le jeune garçon – sûrement le fils du géant – les regarder avec désarroi ; il semblait démuni à cet instant.

Taehyung se rapprocha de son ami, tout deux à présent menottés à l'arche sans qu'aucun ne pipe un mot et ne fasse un geste. L'homme les regarda d'un air satisfait avant de tourner les talons et de rentrer chez lui en sifflotant. C'était à ne plus rein y comprendre et aucun des deux voyageurs y cherchèrent une explication. La seule chose qu'ils retenaient c'était qu'ils étaient enchaînés pour un temps indéterminé. Ce qu'ils allaient devenir ? Ils n'en savaient rien. Peut-être qu'ils allaient mourir de faim ou de soif, qu'ils allaient finalement être relâchés mais envoyés à la police. Après cet épisode, toute idée ou hypothèse - qu'importe qu'elle soit farfelue ou non - semblait être plausible voire envisageable.

Le temps passait et rien ne changeait. Le soleil était toujours aussi haut dans le ciel, comme hypnotisé par quelque chose qu'il voyait. Le vent restait caché, il retenait son souffle, apeuré. Les nuages traçaient vite leur route, comme pour éviter de voir ce qu'il se passait plus bas. Tout semblait fuir une horrible vision. Vision que ne pouvaient percevoir les deux voyageurs menottés et immobiles. Leurs membres s'engourdissaient sans qu'ils ne puissent y faire quelque chose. Ils ne pouvaient même pas s'assoir, les menottes attachées trop hautes. Le pantalon humide répandait une terrible odeur d'urine, de quoi leur donner la gerbe. Cependant ils ne pouvaient se permettre de tout recracher de peur de ne plus rien avoir dans leur estomac.

Un temps indéfiniment long plus tard, alors que la nuque de Taehyung et Jeongguk rougissait par le regard intense su soleil, le géant arriva vers eux. Simultanément, leurs visages se relevèrent, apeurés et inquiets pour leur futur. Un sourire crispé défigurait le visage de leur « hôte », qui revenait avec un grand tablier éclaboussé de tâches rougeâtres tirant vers le marron. Des filets de sueur glissèrent de nouveau le long de leurs corps, de quoi raviver l'odeur pestilentielle de l'urine toujours imprégnée dans le jean de Jeongguk.

D'un mouvement souple mais tremblant, le géant les détacha un à un, ayant un peu de mal. On aurait dit qu'un combat intérieur l'habitait – ce qui se passait réellement -. Maintenant libérés, les deux amis se massèrent les poignets, appréhendant grandement la suite des événements. Les couleurs sombres du tablier les déstabilisaient, était-ce le sang de ses cochons élevés dont ils avaient failli goûter un bout ce midi ? Ou était-ce autre chose... ?

Ils n'en savaient rien et c'était peut-être mieux ainsi après tout. Si même le soleil, le vent et les nuages défaillaient à cette vue, il ne valait mieux pas s'aventurer sur ce terrain glissant. Le crissement du portail contre les graviers les interpela, c'est pourquoi ils se retournèrent à l'unisson vers cette issue de secours apportée sur un plateau d'argent. Avant même d'entreprendre une course effrénée, les grandes mains de l'homme inconnu les poussa à l'extérieur, refermant le portail par la suite dans un grincement sinistre. Les deux compères se redressèrent alors et vire l'homme plus grand que la normale les regarder avec regret, s'éclipsant par la suite rapidement pour éviter de faire machine arrière et les récupérer.

Jeongguk et Taehyung respirèrent un grand coup, souhaitant évacuer tout le stress qu'ils conservaient en eux et qui s'accumulait au fil des secondes qui passaient. Ils étaient si heureux de s'en être sortis, des perles de joies roulaient sur leurs joues sans pouvoir en arrêter une seule, leurs émotions étaient décuplées. Seul problème dont ils s rendirent compte au bout de quelques minutes, ils n'avaient pas récupéré leurs affaires. Ils ne savaient pas où ils étaient, n'avaient aucun moyen de contacter quelqu'un, et personne à part le géant habitait dans les environs.

Devaient-ils repartir ainsi, au risque de se perdre encore plus ? Ou devaient-ils tenter de retourner à l'intérieur pour récupérer leurs biens ? Sans doute à cause de l'adrénaline de l'aventure et du fait qu'ils s'en soient sortis indemnes, ils prirent la décision de retourner dans cette bâtisse pour subtiliser leurs sacs.

Avec agilité – plus ou moins pour Jeongguk qui avait le pantalon mouillé qui lui collait à la peau – ils escaladèrent le grand portail et retombèrent au sol dans le domaine monstrueusement grand de l'homme. Des cris retentissaient non loin ainsi que des rires tonitruants, de quoi donner froid dans le dos. Ils pouvaient encore faire demi-tour mais la volonté de récupérer leurs affaires avait prit le dessus et ils étaient désormais dénués de toute rationalité.

Ils poussèrent le plus doucement possible la grande porte de la maison, la refermant derrière eux, et coururent vers les escaliers aux grandes marches. Le salon avait l'ait toujours aussi grand et impressionnant, les cadres photos semblaient épier le moindre de leurs faits et gestes. Des perles de sueur dévalaient encore leur nuque et s'échouaient à la base de leurs pantalons. Ils finiraient bien vite trempé à ce rythme là.

Ils grimpèrent les marches d'escalier avec la même difficulté que précédemment, la peur les faisant ralentir en les rendant aussi rigides que de simples manches à balais. La barrière des escaliers en bois brut leur écorchait les mains et s'imprégnait de leurs empreintes suintantes. Ils avaient l'impression de ne jamais pouvoir en finir, que ce supplice allait être interminable.

Enfin, ils virent le bout de ce long tunnel périlleux et interminable – ils s'étaient demandé si cette maison n'avait pas été ensorcelée -. Taehyung se hissa sur le palier, expirant tout l'air de ses poumons, puis se tourna face à Jeongguk qui peinait à suivre son rythme, le pantalon le collant de toute part et l'empêchant d'entreprendre des mouvements trop amples. Taehyung lui tendit sa main, qu'il prit avec soulagement, et ils purent désormais se trouver tout deux sur le palier où étaient censés être déposés leurs sacs.

Or, contre toute attente, ils ne les virent plus à leur emplacement initial. Ils devaient les chercher parmi tous ceux déjà entreposés, et pour la plupart se ressemblant tous. Ils allaient perdre un temps fou dans cette partie de cache-cache mais ils ne souhaitaient pas se laisser abattre. Ils avaient pris des risques en s'infiltrant ici à nouveau, ils ne voulaient pas s'avouer désormais vaincus par cet obstacle. Il leur faudrait seulement être efficace et avoir du temps. Le temps serait leur atout majeur.

C'est ainsi qu'ils entreprirent activement leurs fouilles, déplaçant chaque sac, qu'il soit plein de poussières ou non. Ils avaient la nette impression que, le portail franchi, une sorte d'autre dimension s'était ouverte ; dimension où la question de temps et d'espace n'était pas la même que de là où ils venaient. Peut-être qu'il s'était écoulé un an déjà et que leurs sacs avaient été ensevelis par d'autres bagages ou par des moutons de poussières.

Alors qu'ils perdaient de plus en plus espoir, des pas lourds se firent entendre, de quoi les pétrifier sur place, l'oreille tendue. Ils n'avaient pas entendu la porte d'en bas s'ouvrir ni se refermer – et vu comment était l'homme, il devait y aller comme un bourrin, de quoi les alerter -. Les pas semblaient venir d'au-dessus, et descendaient progressivement, dans une marche lourde et lente. La tension s'épaississait et on aurait pu presque la toucher du bout des doigts. Ils s'étaient arrêtés, comme mis sur pause ; c'étaient deux lapins en plein milieu de la route qui attendaient que la voiture les écrase.

Un éclair de lucidité frappa de plein fouet Taehyung, qui empoigna l'avant-bras de son ami qu'il entraîna avec lui derrière les sacs au fond du palier. Au vu de la hauteur des étages ainsi que de la cadence de cette descente, ils avaient une quinzaine de secondes encore pour se faufiler et tenter d'échapper à l'homme barbare.

Dix secondes. Taehyung et Jeongguk venaient d'arriver au fond de la salle.

Sept secondes. Ils cherchaient un endroit où se cacher.

Cinq secondes. Taehyung poussait Jeongguk derrière des sacs recouverts de toile d'araignées.

Trois secondes. Taehyung se colla à lui et recouvrit leurs têtes d'un dernier sac épais et sale par l'usure.

Une seconde. Taehyung créa une brèche pour avoir une vue d'ensemble sur la pièce. Jeongguk respirait de plus en plus fort que les pas se rapprochaient.

Puis ils le virent.

Ce grand gaillard, de deux mètres cinquante environ, au crâne généreusement chevelu d'une tignasse rougeâtre. C'était le fils de l'homme. Celui qu'ils avaient vu peiné. Celui qui semblait craintif sur les photos. Celui qui ne semblait rien vouloir de tout ça.

Pourtant, même s'ils l'avaient vu ainsi, fragile, démuni, ils ne parvenaient pas à savoir s'il était dangereux ou non. Jouait-il la comédie dans le but de les attendrir ? Ou était-il sincère lorsqu'il avait semblé regretter la punition de son père quant à nos deux aventuriers. Plus rien n'était sûr, et plus ils resteraient ici, plus ils s'embrouilleraient et perdraient la raison.

Alors que Taehyung tergiversait sur cette question, Jeongguk fusillait du regard ce grand bonhomme s'avançant lentement sur le palier, semblant chercher quelque chose. Sa respiration s'entrecoupait, devenait même sifflante à chaque expiration, de quoi alerter ce géant. Taehyung plaqua sa paume de main contre sa bouche, espérant qu'ils n'aient pas été découverts. De là, sans qu'il n'y ai plus de bruit, ils purent distinguer quelques grognements. C'était cet adolescent qui ronchonnait.

« Punaise, elle les a mis où ces foutus sacs... C'est pas possible, elle peut pas s'empêcher d'à chaque fois les bouger de place... ? On dirait qu'elle cautionne ce qu'il se passe...»

Leurs cœurs battaient à l'unisson, créant une cacophonie qui les empêcha d'entendre la suite de ce que pouvait bien dire le géant.

Soudainement, le sac au-dessus d'eux se souleva. Leurs regards se levèrent lentement, comme si le temps avait été ralenti, et là, ils purent croiser le regard empli de stupeur du grand garçon. Ils avaient voulu crier, c'en était même peut-être un besoin ; un besoin vital. Pourtant, il leur avait été impossible d'émettre le moindre son. « C'est la fin » pensèrent les deux amis.

Contre toute attente, le grand garçon déposa le sac non loin et se recula, les invitant à sortir de leur cachette. Ils n'y comprirent rien mais comme manipulés, ils s'échappèrent de leur trou à rats. Le grand dadet leur fit un semblant de sourire – se voulait-il rassurant ? – qui ressemblait pourtant plus à une grimace. De près ils purent voir un semblant de timidité sommeiller dans son grand regard, de quoi quelques peu apaiser leur rythme cardiaque qui faisait des montagnes russes depuis quelque heure.

C'est alors que le fils de l'homme se remit à sa recherche, laissant bouche-bé les deux aventuriers qui se regardèrent comme démunis. Devaient-ils poursuivre eux aussi leurs recherches ? Leur attention fut monopolisée par un petit glapissement de joie provenant de ce fils de géant. Les deux aventuriers se mirent sur leurs gardes, se préparant à partir en courant.

Cette grande tête à la chevelure flamboyante se tourna vers eux avec un immense sourire déconcertant de par sa jovialité mais aussi son soulagement. Son corps se tourna à son tour vers eux et ils purent constater avec effarement qu'il tenait dans ses deux grandes mains leurs sacs. Craintivement, ils s'approchèrent de lui, lui-même se rapprochant d'eux, et l'échange put être fait sans encombre. Toujours sur la même méfiance, les deux compères se reculèrent, ne lâchant pas du regard ce grand homme qu'ils trouvaient de moins en moins effrayant. Cependant, nous n'étions jamais à l'abri de rien, Jeongguk vérifia le contenu de leurs sacs, comme s'ils avaient déposés une bombe ou autre arme dangereuse. Rien.

Le géant se tritura les doigts, sa langue tournant plusieurs fois dans sa bouche, cherchant sûrement ses mots ; de quoi attiser la curiosité des deux amis.

« J'aimerai vous aider.... A vous échapper... » Finit par chuchoter le grand adolescent, surprenant les amis qui se regardèrent, effarés. Ils ne s'étaient pas attendus à une telle réplique. Mais ça concordait avec ce qu'il avait grogné, lorsqu'il disait que celle qui avait déplacé leurs sacs cautionnait ce que faisait son père. Que faisait-il de si abominable, se demandaient-ils ? Puis le fait qu'ils aient été attachés au portail et les cris qu'ils avaient entendus les ramenèrent à la raison.

D'un pas Taehyung s'avança, tendant sa main en direction du fils de l'homme, acceptant son aide qui leur serait plus que précieuse. Jeongguk sautilla légèrement sur place, enjoué de savoir qu'il leur restait finalement une chance de s'en sortir ; ils ne remercieraient jamais assez ce grand lascar qui, ils le savaient, était à l'origine de leur libération de tout à l'heure. De savoir qu'en plus il cherchait leurs sacs pour sûrement les leur donner s'il arrivait à les retrouver, c'était un véritable souffle d'espoir dans lequel ils aimeraient pouvoir être bercés jusqu'à quitter officiellement cette baraque de fous.

Ils descendirent à pas feutrés les escaliers menant au rez-de-chaussée, pouvant encore entendre d'ici des cris et des éclats de rire barbares. Le grand adolescent les guida à l'arrière de la maison, une petite porte cachée figurant entre le canapé et un meuble remplis à ras-bord de bouquins. Elle était à la taille normale, du moins la taille normale d'un humain. D'ici, le jeune leur donna des indications pour réussir à s'échapper en toute sécurité.

« Grimpez jusqu'à la forêt sans vous retourner. Dans la forêt, cherchez les murs d'arbres qui limitent notre domaine. C'est sur votre droite. Longez cette frontière, vous trouverez à un moment donné un épais trou dans le feuillage, à travers duquel passent quelques fils qui marquent la délimitation du domaine. Passez par là, vous pourrez alors vous enfuir. Si vous trouvez des personnes dans la forêt, n'hésitez pas à leur proposer votre aide. La cohésion d'équipe ne sera que bénéfique pour votre survie. Faites cependant très attention aux âmes qui rodent en cortège, ne vous faites surtout pas voir sinon elles vous poursuivront. Et encore une fois, ne vous retournez pas lors de votre ascension, la vue que vous aurez vous estomaquera et ce sera le meilleur moyen de se faire repérer. C'est votre vie qui est en jeu. »

Les deux aventuriers hochèrent la tête, ils avaient parfaitement compris et enregistré le message. Ils remercièrent ce grand dadet au cœur immense et regorgeant de bonté puis le quittèrent, ce dernier leur souhaitant bon courage. Comme prévu, ils ne se retournèrent pas, courant le plus vite possible parmi les arbustes. Même avec ces petits arbres ils étaient certains d'être visibles depuis la maison, raison pour laquelle ils décidaient d'y mettre toute leur énergie pour sa cacher au sein des grands arbres qu'abritait la forêt.

Enfin arrivés derrière un hêtre imposant – tout autant que ce paysage qui paraissait démesurément rand à toutes les échelles -, ils reprirent leur souffle, souhaitant se reposer quelque peu avant de reprendre leur course à la vie qui semblait être sans fin. Jeongguk s'écroula au sol, s'allongeant difficilement sur le dos pour calmer sa tête qui commençait à tourner dangereusement. Taehyung se laissa tomber à genoux à ses côtés, lui relevant les cheveux de son front suant, lui demandant silencieusement s'il allait bien ou s'ils devaient rester encore ici un peu plus longtemps.

Jeongguk se redressa, lâchant un souffle de râle, et finit par hocher positivement la tête ; ils pouvaient se remettre en marche. Les deux se remirent alors rapidement sur pieds puis récupérèrent leurs sacs qui étaient plus encombrant qu'autre chose – pourtant ils avaient tenu à risquer leur vie pour les récupérer -. Ils se remirent en marche, luttant contre la folle envie irrésistible de regarder derrière eux, ce que leur avait déconseillé le fils de l'homme.

Leur marche semblait durer des heures, et pourtant, ça ne faisait sans doute que trois quarts d'heures. Ils s'enfonçaient toujours plus profondément dans cette immensité d'arbres, à la recherche du mur de végétation qui serait la limite du domaine. Même s'ils avaient entrepris de marcher vers la droite, ils se demandaient s'ils n'avaient pas dévier de leur trajectoire – et sans boussole, impossible de se repérer, le soleil étant caché par la hauteur de la végétation envahissante -. Aucun bruit n'était perçu, leurs oreilles pourtant bien tendues ne parvenaient à n'entendre rien d'autre à part leurs bruits de pas sur les feuilles et la terre parsemée de cailloux.

Puis soudain, un son. Un éclat de voix.

Ils se stoppèrent littéralement dans leur marche, à l'affut du moindre assaut. Lentement, ils se déplacèrent pour être dos à dos, pouvant ainsi scruter plus largement le secteur. Du bruit semblait se rapprocher. Vers la droite de Jeongguk ; la gauche de Taehyung. Ces voix étaient méconnaissables. Etaient-ce les âmes égarées qu'ils devaient éviter ? Ou les voyageurs perdus et cherchant la sortie, ayant foulé le sol depuis des lustres. Par pure précaution, les deux amis prirent la décision de se cacher dans un arbuste touffu non loin, attendant plus ou moins patiemment la venue de ces intrus.

Une première jambe se fit percevoir, puis le reste du corps. Un ensemble d'autres corps humains se faufilait à ses côtés, se bousculant presque. Leurs têtes affichaient une mine apeurée, aux aguets, scrutant les alentours. Soulagés de constater que c'était le groupe de voyageur dont leur avait parlé le jeune adolescent, Taehyung et Jeongguk se redressèrent d'un coup, alertant les cinq compagnons. Ces derniers manquèrent de crier de stupeur, horrifiés de cette arrivée soudaine. Etaient-ce ces fantômes dont ils avaient eu vent lors de leur visite chez ce grand homme.

Jeongguk, inquiet que les cris puissent alerter ces monstres, tenta plus ou moins de les rassurer, se présentant et expliquant ce qu'il faisait caché dans ce buisson avec son ami. Les visages face à eux d'abord perplexes et contractés de rides se défroissèrent, laissant apparaître le soulagement qui les enveloppa par cette excellente nouvelle. Tous firent les présentations, Jeongguk et Taehyung faisant alors la rencontre de Jimin, Yoongi, Namjoon, Seokjin et Hoseok. C'était un réel plaisir de rencontrer à nouveau des gens comme eux, ils avaient soudainement l'impression d'être invincibles face à l'homme et aux âmes égarées.

C'est ainsi, avec une certaine bonne humeur, que le petit groupe se remit à la recherche de ce mur de végétation. Les deux amis expliquèrent ce que leur avait dit le jeune gaillard, les mettant en garde quant aux âmes égarées qui foulaient elles aussi le sol. Inquiet, Jimin demanda à quoi ressemblait ce cortège et les deux voyageurs furent contraints d'avouer le nier. C'est ainsi qu'ils furent d'autant plus sur leurs gardes, se demandant si ce cortège était bruyant, s'ils avaient des apparences humaines ou autre.

Leur marche était régulière, sans pause, ce qui commença à les fatiguer. Epuisé, Hoseok s'assit par terre, n'ayant même pas la force d'ôter son sac à dos de son dos – ce qui était finalement avantageux -. Les deux compères déposèrent leurs sacs au sol, n'en pouvant plus de les porter si longtemps, c'était intenable. Quelle grave erreur...

Alors qu'ils se reposaient, un bruit soudain les alerta. Aucun ne pouvait bouger, tous étaient pétrifiés sur place sans qu'il ne puisse y faire grand-chose ; ils étaient comme possédés, ils ne contrôlaient plus leurs membres. Une grande tête passa derrière un arbre, les faisant alors tous hurler silencieusement de peur. L'homme les avait trouvés.

Alors qu'il s'avançait à pas de loup vers eux, leurs membres se remirent soudainement en marche. Tous coururent dans des directions différentes, de quoi rendre leur rattrapage plus difficile. Dans la précipitation, Taehyung oublia son sac d'affaires personnelles par terre, n'ayant eu le temps que de récupérer son sac de vêtements avant que l'homme ne les atteigne. Lui et Jeongguk couraient le plus vite possible à travers les arbres sans jamais se retourner. Ils ne savaient pas où étaient partis les autres et pour le moment ça n'importait que peu. Le plus important était leur survie.

Ils courraient comme des dératés, s'enfonçant toujours plus profondément dans cette immense forêt. Le calme ambiant les troublait et les stressait davantage. Leurs jambes menaçaient de lâcher à tout moment, mais il fallait s'accrocher, courir encore, et semer ce géant.

Et là, ils la virent ; cette sortie désespérément cherchée.

Jeongguk s'effondra à genoux, toussant violemment à cause du manque d'air qui l'avait prit aux poumons durant de longues minutes. Taehyung l'aida à reprendre une respiration convenable, soufflant lui aussi pour reprendre son souffle. Le calme et le silence épaississaient la lourde tension qui s'abattait sur eux, au même rythme que la venue de l'homme. L'homme qui les regardait sournoisement, se léchant les babines devant ce spectacle plus que délectable. Ressentir cette peur le fourmillait de frissons incontrôlables qui lui provoquèrent des spasmes de plaisir, de bonheur. C'est ça, il nageait dans le bonheur.

Sa présence se fit vite ressentir, les deux amis se relevant, prêts à courir avant que les jambes de Jeongguk ne lâchent de nouveau sous la trop forte intensité de stress et de tension qui lui affaissait les épaules. Ils avaient l'impression de se faire écraser, compresser, la respiration devenant chaotique par l'absence d'air. Une bulle les enveloppait, rétrécissant autour d'eux dans laquelle l'air se faisait de plus en plus rarissime. Ça devenait insoutenable pour eux, invivable. Et l'homme s'en réjouissait que plus, profondément heureux d'assister à ce spectacle plutôt rare. Il en voyait des gens apeurés, beaucoup. Mais jamais à ce point. Là, il voyait la mort dans leurs yeux ; ils savaient que c'était terminé, ici, et maintenant.

Taehyung, fébrile et aux jambes flageolantes, recula de quelques pas, entraînant avec lui Jeongguk. Il voulait garder cette distance, ils ne devaient pas se rapprocher plus... sa respiration était sifflante, ses yeux se révulsaient dans tous les sens, des grognements bestiaux s'échappaient de sa gorge, sortant tout droit de sa poitrine meurtrie. A cet instant, Jeongguk était horrifié tant par l'homme que par sn ami, qu'il croyait alors posséder. Les tremblements de Taehyung s'estompèrent alors que l'homme s'était arrêté, les regardant à une distance de dix mètres environ. Il les analysait, voulait imprimer ces souvenirs au plus profond de sa mémoire pour ne jamais les oublier. C'était là le plus beau spectacle.

« Vous revoilà, je vous cherchais partout. » Cette voix doucereuse s'infiltrait dans leurs poumons, elle s'imposait dans ce tout petit espace contractible, ne laissant nulle place à l'air d'y entrer. Pourtant ils essayaient, de toute leur force, mais impossible : la voix était trop puissante, enchanteresse ; eux, simples humains mortels, ne pouvaient rien contre elle et son détenteur fou.

« Je constate que vous avez eu connaissance de cette sortie. Je suis navré, profondément... » Sa voix baissa d'un octave, la rendant dramatique avec un soupçon d'ironie. « Si vous tentez de passer par là il vous faudra réussir à passer à travers les fils, et ce n'est pas une mince affaire. Croyez-moi, j'en ai vu des p'tits jeunes comme vous finir défigurés par cette vaine tentative. Et puis attention, il y a des âmes qui rôdent à votre recherche, à partir du moment où elles vous ont vu elles vous prennent en chasse. Ça m'étonnerait que vous ayez assez de temps pour passer le temps qu'elles viennent à vous... Je ne vous dis pas ce qu'elles vous feront, ça laisse un peu de suspens à cette aventure ! » Par un ton guilleret, l'homme sourit innocemment. Il annonçait indirectement que leur fin était inévitable ; peu importe par où ils passeraient, ils se feraient rattraper soit par l'homme, soit par les âmes.

Sur ce, le géant les laissa là, sautillant à travers les arbres sûrement à la recherche des autres égarés. Ça leur paraissait surprenant qu'il ne les ai pas récupérés, mais peut-être souhaitait-il qu'ils tentent de s'enfuir. Il devait savoir que ça ne servirait à rien, c'est pourquoi il les laissait vagabonder jusqu'à ce qu'ils viennent à lui. C'était sûrement ça. Il était certain que cet homme inconnu et gigantesque n'était pas net.

Les deux amis restèrent là encore quelques temps, pesant le pour, le contre et cherchant quelle solution serait la meilleure. Deux possibilités s'offraient à eux : passer maintenant par ce trou avant que les âmes n'arrivent, ou bien retourner vers la maison pour espérer passer le portail. Il était évident que le premier choix était le plus rationnel, mais à cet instant l'étaient-ils ?

Jeongguk se releva, passant sa main dans ses cheveux pour se redonner contenance et éclaircir ses idées. Taehyung restait debout à ses côtés, perdu parmi tous ces choix qu'il n'aurait jamais voulu prendre. La question qui se posait réellement, c'était vouloir vivre ou non. Car passer par cette sortie leur assurerai pratiquement la survie, rentrer chez cet homme était comme se jeter dans la gueule béante du loup qui allait les dévorer tout crus au moindre faux pas. De plus, ils ne pourraient sûrement pas compter une deuxième fois sur l'aide du garçon, qui s'était sûrement fait réprimandé par leur faute.

Toutefois, malgré tous les arguments possibles et imaginables, ils prirent la décision de tenter de passer par le portail, pour eux c'était le choix le plus sûr. C'est ainsi qu'ils se mirent en route à la recherche de cette imposante bâtisse, sachant pertinemment qu'aucun retour en arrière serait possible ; ils étaient parvenus à trouver une fois le trou de végétation, il était impossible qu'ils puissent y accéder à nouveau. Malgré ça, ils poursuivirent leur marche aux aguets, analysant le moindre son comme suspect et se cachant derrière chaque buisson qu'ils trouvaient, ce qui ralentissait considérablement leur marche.

En temps normal, le soleil devait déjà être couché, il s'était passé de nombreuses heures depuis leur arrivée quand le soleil était à son apogée, au point culminant dans le ciel qu'il dominait. Le soleil dominait le ciel. En temps normal. Pourtant là, ici, dans ce lieu coupé du monde, il semblait se faire tout petit. Le soleil était craintif, il redoutait, il avait peur lui aussi. Mais ce que le soleil avait en plus – et ce n'était sûrement pas un privilège – était le savoir. Le soleil savait ce qu'il se passait, il le voyait. Il y avait droit tous les jours à toute heure. Tous les jours à toute heure ? Y avait-il plusieurs jours même ? Ou n'était-ce pas plutôt une éternelle journée qui n'avait aucune fin ? Ici, il n'y avait ni début ni fin, c'était une boucle. Un cercle vicieux dans lequel on entrait sans pouvoir en sortir. Le soleil ne pouvait s'échapper et devait affronter en tout temps les atrocités qui se passaient en bas, juste sous son nez.

Les deux voyageurs atteignirent la lisière de la forêt, soulagés d'avoir pu accomplir cette partie du chemin. C'était la plus facile, la plus délicate restait à venir. Encore soucieux de ce que leur avait dit le fils de l'homme, ils scrutaient leurs pieds lors de leur descente, ne regardant sûrement pas la maison au risque d'y voir quelque chose qui les bousculerai mentalement et les statufierai sur place. Être figé n'allait pas les aider à s'échapper, c'était certain.

Parvenus à la petite porte de derrière, ils tendirent l'oreille, veillant à ce que l'homme ne soit pas rentré chez lui. Des sifflotements se rapprochant attirèrent leur attention et ils se dépêchèrent de rentrer à l'intérieur de la maison, grimpant le plus vite possible les escaliers. Par malheur, les escaliers leurs jouèrent à des nouveaux des tours et ils semblaient être interminables. Arrivés au premier palier, ils entendirent la grande porte s'ouvrir puis se claquer. Leur sang ne fit qu'un tour ; ils grimpèrent à nouveau les marches pour atteindre le deuxième étage. D'ici, les sons provenant de la cuisine était étouffés, ce qui laissait comprendre que logiquement l'homme ne devrait pouvoir les entendre lui non plus.

Une porte s'ouvrit soudainement, et apeurés, ils se retournèrent lentement, craignant découvrir qui les avait vus.

Ils furent néanmoins plus ou moins soulagés de constater que c'était le fils, envers qui ils devaient leur vie à l'heure actuelle. L'incompréhension peignait le grand visage de l'adolescent, qui ne comprenait sûrement pas pourquoi ils se trouvaient encore ici ; il se demanda s'ils n'étaient pas suicidaires. Tentant d'être le plus discret possible, le grand dadet leur fit signe de le suivre. Sans avoir vraiment le choix, les deux amis se résignèrent à monter les étages à sa suite, se demandant de plus en plus fortement au fil des secondes s'ils faisaient bien de le suivre. A quoi leur servirait de monter là-haut à part se retrouver piégé si l'homme venait à monter à son tour ?

Pourtant ils décidèrent de lui donner leur confiance encore une fois – il les avait sauvé une fois, pourquoi pas deux ? -. Ils passèrent un nouveau palier mais ne s'arrêtèrent pas là, ils continuaient encore et encore cette ascension qui les épuisait un peu plus à chaque marche qui leur provoquait des crampes. L'urine séchée sur les vêtements de Jeongguk ne l'aidait pas non plus, il lui fallait se changer et vite. Et ils la virent.

Ils la virent cette fin.

Cette fin de ce tunnel sombre qui semblait ne jamais se finir.

Le dernier étage se présentait à eux, c'était la libération pour leurs jambes endolories qui n'attendaient plus qu'à se reposer. C'est ce qu'ils firent. Ils tombèrent à genoux, la tête penchée vers le sol, la nuque à découvert et tourné vers le ciel. D'un certain angle, on pouvait croire qu'ils s'agenouillaient face à ce grand adolescent au cœur immense.

Toutefois, il ne fallait pas se reposer sur ses lauriers, tout pouvait encore arriver. Peut-être était-ce la fin ? Mais peut-être n'était-ce aussi que le début ? Des questions multiples assaillaient leurs esprits pour les embrouiller encore plus, leur conscience ne pouvait être tranquille avec cette succession d'événements. La perte de leurs camarades, cette tentative de fugue qui allait prendre plus de temps que prévu, l'adrénaline, la peur et l'horreur qui les pourchassait sans cesse... C'était brouillé et pourtant ils savaient tout ce qu'ils ressentaient à cet instant, ils en avaient pleinement conscience.

Le fils de l'homme parti vers des grands canapés qui longeaient l'escalier tournant, enlevant les coussins du dossier pour libérer un espace de taille humaine. Jeongguk se releva le premier, interrogeant du regard leur sauveur, ne saisissant pas très bien ce que cela voulait signifier.

« Si mon père monte vous pourriez vous cacher derrière les coussins et sauter dans les escaliers si vous arrivez à être assez agiles et flexibles. Sinon il vous faudra tenter dans la douche mais mon père risque d'aller dans cette pièce donc c'est plutôt risqué... »

Taehyung, qui entre-temps s'était levé lui aussi, jeta un coup d'œil à son compagnon, lui demandant silencieusement quelle était la solution selon lui la plus adéquate. Il était évident d'après lui que le canapé était la cachette la plus sûre, d'autant plus qu'elle pouvait permettre une échappatoire. Son ami sembla être du même avis puisqu'il s'engouffra dans le canapé, y cherchant l'issue et tester son accessibilité. D'un mouvement habile, il se glissa entre les deux dossiers et atterrit dans les escaliers dans un bruit sourd, ce qui les pétrifia tous sur place.

Jeongguk se dépêcha de remonter à l'étage, craignant que d'autres membres de la famille ne viennent voir ce qu'il se passait à l'étage. Le fils, par prudence, descendit voir où se trouvaient sa sœur et son père. Il remonta une minute plus tard pour prévenir que la petite dormait et que le paternel était à l'extérieur. Curieux mais surtout inquiet et soucieux pour ses camarades de la forêt, Taehyung osa demander : « Que fait ton père à ceux qu'il capture... ? »

Le visage soudainement pâle provoqua une intense peur chez les deux compagnons, Jeongguk maudissant Taehyung d'avoir posé cette question et Taehyung regrettant déjà de l'avoir posée. Finalement aucun des deux ne souhaitaient connaître la réponse...

« Il vaut mieux pour vous que je ne vous en dise pas plus. »

C'était clair et concis, il valait mieux pour eux de rester dans l'ignorance.

Jeongguk profita de l'occasion pour aller se changer dans la salle de bain, le fils ayant assuré qu'il ne viendrait pas avant une bonne demi-heure, ce qui devrait leur laisser le champ libre pour s'éclipser par la petite porte de derrière et se faufiler le long de la maison pour pouvoir atteindre le portail à l'abri des regards. L'homme se trouvait selon l'adolescent de l'autre côté de la maison, ils devraient normalement être cachés par la bâtisse et pouvoir sortir sans être repérés.

Alors que Taehyung attendait sagement avec le grand dadet dans un silence calme – il était même plutôt apaisant, la présence du fils leur redonnait de l'espoir -, des bruits de pas se firent entendre à l'étage du dessous, de quoi éveiller ses sens désormais en alerte. Avant même qu'il ne puisse émettre un seul mouvement, des bruits de pas qui courent dans les escaliers leur parvinrent aux oreilles, de quoi le liquéfier sur place.

Le fils de l'homme se releva aussitôt, beaucoup plus réactif que Taehyung qui avait déjà tant vécu en l'espace de ces quelques heures. Il se plaça en haut des marches d'escalier, parlant fort pour que Jeongguk puisse comprendre qu'il lui fallait se cacher.

Taehyung sauta dans le canapé, remettant tant bien que mal les coussins censés le cacher, priant pour que Jeongguk puisse le rejoindre ici le plus vite possible. Jeongguk avait très bien entendu mais il ne pouvait sortir, il n'avait eu le temps que d'enlever son pantalon, il se retrouvait donc tout nu dans la salle de bain. De là il entendait les cris de protestation de la gamine, de quoi le presser d'autant plus à se rhabiller. Il ne devait lui rester que quelques secondes avant que la petite fille ne parvienne à passer à travers les mailles de son frère.

Et ce qui devait arriver arriva.

« Je veux jouer là-haut ! » un grand fracas retentit et des bruits de pas lourds qui se rapprochaient à toute vitesse des deux amis leur firent comprendre que là, ils étaient vraiment mal. Taehyung coupait sa respiration comme il le pouvait, de peur d'alerter la gamine, alors que Jeongguk se dépêchait d'enfiler des vêtements propres. Il s'était caché comme il le pouvait dans la cabine de douche, priant pour qu'elle soit à l'opposé de lui pour qu'il parvienne au canapé en sûreté.

Le fils eu comme lu dans son esprit puisque, toujours avec sa voix forte, il décida de montrer un jeu à sa sœur, l'emmenant loin des deux aventuriers. Jeongguk passa la tête dans l'embrasure de la porte de la salle de bain, la faisant quelque peu grincer.

Ce fut fatal.

La gamine se releva brusquement, regardant de manière insistante la salle de bain. Jeongguk, comprenant qu'il s'était fait voir, retourna rapidement à l'intérieur de la cabine, priant pour qu'elle n'aille pas chercher derrière le rideau de douche. La tension montait au même rythme que les pas lourds de la petite, qui semblait prendre un amer plaisir à les faire stresser comme ça – pourtant elle n'avait aucune connaissance de leur présence -.

Elle arriva devant la salle de bain à la porte entrouverte.

Elle jeta un petit coup d'œil dedans, scrutant le moindre recoin. Elle aussi avait peur ; peur de découvrir quelque chose qu'elle ne devrait pas voir. Peur de découvrir ce que son père lui interdisait de voir.

Elle ne connaissait pas les activités de son père. Elle suivait à la lettre ce qu'il lui demandait de faire comme bouger les sacs des voyageurs. Chaque fois qu'elle entendait des petits pas monter elle se cachait derrière une porte de l'étage et les regardait déposer leurs sacs plus ou moins sereinement. Elle attendait qu'ils s'en aillent pour par la suite, à pas de loup, regrouper ces sacs vers le fond, les mélangeant aux plus anciens. Elle n'avait jamais saisi pourquoi elle devait faire ça mais elle le faisait. Elle le faisait parce qu'elle aimait son père et voulait lui faire plaisir. En échange, elle recevait une bonne cuisse de cochon, un peu fine mais très goûtue.

Elle ne comprenait pas pourquoi son frère était si réticent à accompagner son père lors de ses activités, elle aurait aimé avoir la chance de pouvoir le faire. Elle conservait en elle une certaine rancune à l'égard de son grand-frère, jalouse de ses privilèges dont il ne jouissait même pas. L'adolescent tentait de lui faire voir clair mais elle restait campée sur ses positions, ce qui réduisait leur petit lien. Au final, les deux étaient seuls, abandonnés par l'autre et le père aux mystérieuses activités. Ils étaient seuls et même si le plus grand souhaitait se rapprocher de sa sœur, le fait qu'elle accède aux demandes de l'homme le refroidissait, il ne voulait pas qu'elle devienne comme lui. C'est pourquoi il la protégeait par tous les moyens mais ses rejets en succession brisaient plus qu'autre chose son cœur, sentant que la seule personne avec qui il était proche de base le rejetait à son tour.

Sa mère avait disparue, ils ne savaient ce qu'elle était devenue ou si elle était encore dans ce monde. Il avait vu son père avoir déjà été violent avec elle, même avec une mémoire d'enfant ces souvenirs persistaient. Raison qui le poussait à d'autant plus fuir son paternel. Ses activités immondes, il ne souhaitait pas en faire partie. Mais rester dans cette opposition ne le rendrait que plus seul encore. Car quand sa sœur aura l'âge, elle assistera l'homme, et qui sait si le fils ne mourra pas d'ici là par leurs mains déjà sanglantes par leurs crimes commis ? Il n'était qu'un incapable dont ils n'avaient aucunement besoin.

Peut-être devait-il changer ? Peut-être qu'il était temps de laisser le peu d'humanité qu'il avait en lui disparaître à jamais. Ce serait là une si belle preuve d'amour pour son père. Il était certain qu'ils allaient se rapprocher de nouveau, et peut-être même que sa sœur aussi arrêterait de le repousser et l'admirerait ?

Oui, c'était fini ce temps-là où il aidait. Il devait penser à lui, à son avenir. Ce n'étaient pas ces cons de voyageurs qui lui assureraient une fin de vie aimante. Ils ne pouvaient s'en prendre qu'à eux-mêmes, ils n'avaient qu'à pas accepter d'entrer. Ces deux là, son père les avait libérés mais ils ont eu le culot de revenir. L'homme était réputé pour laisser une chance, pas deux. Ils n'avaient su la saisir au moment voulu, ils devraient désormais s'en mordre les doigts.

Un claquement de porte fit retrouver les esprits à l'adolescent qui papillonna des yeux, semblant sortir d'un rêve ou d'une transe. La petite venait de brutalement fermer la porte de la salle de bain, enfermant Jeongguk sans même le savoir.

Le fils de l'homme resongea alors à ses pensées précédentes, ne pouvant s'empêcher de les remettre en question immédiatement. Que lui prenait-il de penser ainsi ? Il avait donné sa parole, certifiant les aider jusqu'au bout, et voilà qu'il se dégonflait déjà ? Certes les deux amis n'allaient pas l'aider dans la vie, mais il avait aimé le temps passé à leurs côtés. Peut-être que s'il le demandait gentiment son père accepterait de les laisser en vie pour qu'ils restent avec lui et qu'ils deviennent amis... ?

Alors qu'il réfléchissait, les deux amis cherchaient un plan pour qu'ils se retrouvent sains et saufs ; il était hors de question que l'un parte sans l'autre, c'était tout bonnement inenvisageable. Jeongguk, plongé dans le noir, sentait ses membres se liquéfier. Si la lumière n'était pas bientôt rétablie il ferait un malaise, c'était sûr et certain. Pourtant, même s'il avait beau se creuser la tête, Taehyung ne parvenait pas à trouver une solution adéquate qui n'attirerait pas l'attention de la gamine. Ils se demandaient pourquoi l'adolescent ne faisait rien. Avait-il retourné sa veste ? Taehyung le voyait immobile et les yeux vides, tandis que Jeongguk n'entendait que le silence qui devenait étouffant. Bon sang, il fallait qu'il fasse quelque chose, et vite !

« Attend ma puce, faut que j'aille aux toilettes. » Rétorqua enfin le grand dadet, se dirigeant rapidement – voire trop pour ne pas être suspect – vers la salle de bain, ouvrant en grand la porte. La lumière passa enfin dans la pièce, de quoi faire renaître Jeongguk accroupi et à deux doigts de quitter la réalité pour se pencher dans un monde de folie. Sans refermer la porte, le grand adolescent secoua gentiment l'épaule de Jeongguk, le réveillant doucement. De là où ils se trouvaient, ils comprirent que la petite avait commencé à jouer seule le temps que son grand frère ne revienne avec elle. Ils voyaient là une superbe occasion de s'échapper, mais il faudrait savoir être discret et être dans le bon timing auquel cas ils seraient cuits et s'en serait fini d'eux, définitivement.

Jeongguk se releva et prit ses deux sacs pour se préparer à courir. Le grand frère sortit le premier, rejoignant sa petite sœur qui criait son nom depuis quelques instants. Il s'assit de sorte à ce qu'elle soit dos à la salle de bain et aux escaliers, pouvant permettre la descente la plus discrète possible des deux aventuriers.

Alors que Jeongguk guettait le bon moment pour courir, Taehyung se glissait dans le canapé pour aller vers la sortie, dans tous les cas caché par les coussins. Le plus délicat était bien la fuite de Jeongguk.

Ce dernier comptait dans sa tête, hésitant constamment sur s'il devait s'élancer ou non.

« Allez, dans trois secondes. Trois... Deux... Un... ».

Alors que Jeongguk venait de s'élancer hors de la salle de bain, la petite se redressa immédiatement, se levant rapidement. Elle s'épousseta sa robe rose à paillette, son frère tentant de la faire se rassoir en voyant Jeongguk pétrifié en plein pilier de la salle tel un lapin sur la route. Il fallait que Jeongguk bouge parce qu'il n'allait pas réussir à retenir sa sœur indéfiniment...

« Lâche-moi je veux aller récupérer un jouet ! »

La petite se défit de la prise du plus grand et se tourna brusquement, rencontrant les yeux apeurés de Jeongguk qui se mit soudainement à courir en direction des escaliers. Un ange passa et la petite se mit soudainement à crier, alertant à coup sûr son père. Taehyung s'extirpa alors du canapé, rattrapant son ami par son sac à dos pour l'empêcher de dévaler les escaliers. Ils devaient vite se cacher !

La porte d'en bas claqua. La gamine cria encore plus.

Le fils de l'homme tentait de trouver une solution mais sa petite sœur allait à coup sûr dévoiler la cachette des deux ; c'était peine perdue, il ne voyait plus aucune solution à part demander maintenant à les garder en vie.

Les pas se rapprochaient, faisant trembler un peu plus la maison par son aura écrasante provoquée par sa colère et ses pas lourds qui frappaient les marches jusqu'à en fendre quelques unes.

Son visage arriva à eux. Ses traits étaient tirés, profondément énervé que l'on puisse le déranger dans son activité. Il était à la meilleure étape, pas la plus cruciale mais celle qu'il préférait, celle durant laquelle il se délectait le plus ; celle pendant laquelle le Soleil craignait de voir la suite.

« Je peux savoir ce qu'il te prend à gueuler comme une vache ? Je suis occupé, tu sais très bien que je déteste qu'on me dérange dans ces moments-là mais tu te permets de le faire ?! »

L'homme était méconnaissable, Jeongguk et Taehyung ne l'avaient jamais vu ainsi et ils auraient préféré ne jamais le voir.

« Et toi espèce de pleurnichard, tu peux pas la lui fermer sa gueule ?! »

Là c'était sûr, plus aucune sortie n'était envisageable pour les deux compères. Pourtant, un regain de courage coula dans les veines de l'adolescent et il osa se confronter à son père. Pour la première fois il allait lui tenir tête, pour la première fois il oserait lever sa voix à son tour.

« Arrête de parler comme ça. Tu t'entends ? On est tes enfants, tu dois nous parler autrement. » Pourtant, même s'il lui avait répondu, sa voix restait incertaine.

Ce qui choqua par la suite tout le monde – qui arrêta même les larmes de la petite – fut le visage de l'homme qui s'adoucit lentement, se déridant. Plus personne ne comprenait ce qu'il se passait, encore moins les deux amis qui guettaient à cet instant une issue de secours. Ils pensaient que la famille était assez distraite pour qu'ils puissent se faufiler dans les escaliers mais c'était sans compter sur le regard scruteur de l'homme qui les regarda soudainement, les analysants sous tous les angles. Un fin sourire déchira ses lèvres pincées, il les avait retrouvé, comme il l'avait dit.

Le grand dadet l'avait vu et comprit, il lui fallait vite intervenir avant qu'ils ne se fassent embarqués. Avant même qu'il ne puisse faire un mouvement, la petite questionna son père, désarçonnant ce dernier.

« Papa, ils peuvent jouer avec moi ? »

Coup de théâtre.

Des issues de sorties se fermaient tandis que d'autres s'ouvraient. Tout était remis en jeu, la partie de carte venait d'être battue et chacun avait de nouveaux atouts en main. Le temps serait le seul arbitre.

« Bien sûr ma puce » accéda la voix doucereuse de l'homme. « Mais tu ne joues pas trop tard hein, après on aura le dîner et je serais ravi qu'ils se joignent à nous. »

« Promis ! »

D'un sourire crispé, l'homme partit, de quoi inquiéter son fils. Il n'était pas normal qu'il les laisse ainsi libre, il avait quelque chose derrière la tête, c'était sûr. Rien que son changement d'attitude était louche. Peut-être était-ce car il avait su lui tenir tête... ? Un espoir que son père soit fier de lui lui remonta le moral et il se décida à trouver un plan pour que les deux compères puissent s'échapper.

« Ma puce, ça te dis qu'on fasse une partie de cache-cache ? » Proposa-t-il, priant pour qu'elle accepte de compter.

« D'accord, mais c'est toi qui compte ! »

Bingo, c'était évident qu'elle ne voudrait pas compter. Heureusement pour eux, il connaissait toutes ses cachettes ce qui allait mettre fin à la partie plutôt rapidement. Ainsi, il se mit à compter, les deux amis faisant mine de se cacher sans être trop en évidence non plus. La sœur courut derrière un bac de jouets et s'assit à genoux, espérant qu'on ne puisse la voir malgré sa grande taille. Parvenu à cinquante, le frère fit semblant de les chercher jusqu'à crier « trouvée ! » dès qu'il eu vu ses cheveux broussailleux. Naturellement, Jeongguk et Taehyung sortirent de leur cachette, ils avaient gagné.

« C'est pas juste ! C'est toujours moi qu'on trouve en premier ! » Bouda la petite pas si petite, fronçant le nez et les sourcils. D'un soupir de lassitude le plus grand lui fit comprendre que c'était le jeu et que c'était à elle de compter désormais.

Profitant là de l'inattention de sa sœur qui s'était mise à compter, il agrippa les deux amis et les forcèrent à le suivre en bas. Il les poussa par la petite porte, leur disant qu'il fallait qu'ils passent par la forêt, par le portail ça serait impossible, son père était trop sur ses gardes.

« Et surtout ne regardez pas en arrière ! » Il chuchota en les poussant à l'extérieur.

Les deux le saluèrent, néanmoins tristes de le laisser définitivement. Ce sentiment d'accablement prit le fils de l'homme aux tripes, il ne pouvait se résoudre à les forcer à rester avec lui. Ce ne serait pas une vie pour eux mais une prison. Il les regardait s'éloigner, la boule au ventre et dans la gorge, déçu de les quitter. Il allait se retrouver à nouveau seul, mais désormais il tenterait de se faire entendre par son père.

Des cris attirèrent l'attention de tout le monde et le temps se figea. Aucun autre son n'était émis. La petite avait stoppé son décompte. Le fils s'était redressé en alerte et les deux amis s'étaient tournés vers cette source de bruit, reconnaissant parfaitement cette voix.

Ils se trouvaient en plein milieu de la côte et avaient une vue imprenable sur la maison et ce qu'il y avait à côté.

Ce qu'il y avait à côté...

La vue les horrifia.

Une immense cage était pleine d'hommes nus. Ils se demandaient comment ils avaient fait pour ne pas la voir plus tôt. A côté, un immense barbecue était fumant. Mais ce qui était le plus horrifiant était encore tout autre...

Jimin.

Il était allongé sur une table occupé à se débattre. Sa jambe gauche gisait au sol.

A ses côtés saignait le corps sans vie de Seokjin, la tête roulant lentement jusqu'au bord de la table.

Elle roulait, elle roulait...

Sa course semblait sans fin. Elle donnait le tournis.

Ils étaient dans un monde de fou.

Jeongguk et Taehyung étaient pétrifiés, ils ne pouvaient plus bouger. Ils n'étaient plus maîtres de rien. Ni de leur corps, ni de leur destin.

La pression montait et le fils se demandait ce qu'ils fabriquaient à rester plantés là à découvert sans rien faire. A tout moment ils pouvaient se faire voir par son père. Il entendit des petits pas caractéristiques dans son dos et c'est avec effroi qu'il vit sa petite-sœur devant lui baignée de larmes. Il ne fallait surtout pas qu'elle voit ce qu'il se passait.

« Bah alors ma puce, ça va pas ? » Demanda-t-il en se tournant vers elle, sa sœur étant sa priorité. Il s'excusa mentalement envers les deux garçons mais il les maudissait aussi de rester plantés en plein milieu de la colline. Il remonta dans la chambre de sa sœur pour la déposer dans son lit, allumant sa boîte à musique offerte par sa mère disparue. La mélodie tournait en boucle, l'agaçant mais apaisant le cœur de sa sœur qui ne tarda pas à somnoler.

Il en profita pour sortir discrètement et redescendit pour trouver un moyen de les faire s'échapper sans attirer l'attention de son père. Il s'échappa de sa maison dans la plus grande des discrétions et se mis à grimper la montagne par le flan opposé à son paternel toujours occupé à vaquer à ses activités tortionnaires. Parvenus à la forêt, il bifurqua vers ses deux compagnons pour les agripper et les enfouir dans la profonde forêt, à l'abri des moindres regards.

Au contact du sol, Jeongguk et Taehyung reprirent peu à peu leurs esprits, prenant enfin conscience de l'atrocité de la scène à laquelle ils venaient d'assister. Le fils de l'homme les secoua, il ne fallait pas qu'ils restent ici sinon ce seront eux qui y passeront !

« Jeongguk, Taehyung ! Ecoutez-moi attentivement ! C'est la dernière fois qu'on se reverra alors soyez concentrés car ça peut vous sauver la vie ! »

Les deux aventuriers firent tout leur possible pour écouter ce qu'il avait à leur dire même si ce massacre tournait en boucle dans leurs esprits. Jeongguk bascula soudainement sur le côté et vomit ses tripes, emportant avec lui Taehyung qui, face à cette vision, ne put retenir plus longtemps sa bile. C'était trop pour eux, ils ne tenaient pas. Ils ne supportaient plus cette charge mentale, aucun self-control ne pouvait égaler ce qu'ils vivaient. A cet instant, seule la mort semblait être la solution propice. Aucune échappatoire ne pourrait effacer cette image de leur mémoire. Elle resterait gravée, à jamais, sans pouvoir rien y faire. Au final, ils ne sont que des humains, des humains mortels. Leur destin est de mourir, pourquoi ne pas en finir maintenant ?

Jeongguk, perdant la raison, se leva et entama une course fulgurante pour rejoindre l'homme à la hache. Il fallait en finir, vite ! Il sentait qu'il allait devenir fou !

Un bras épais lui barra le passage et lui coupa le souffle par la même occasion. Lorsqu'il se tourna vers cette barrière, cet obstacle qui entravait son destin, il fit face à la plus grande claque de sa vie.

Le fils de l'homme pleurait pour lui. Mais surtout Taehyung le suppliait silencieusement de ne pas le quitter. Ils étaient un duo, des frères, une famille, une entité. C'était fort ; c'était beau. Leur relation était la plus belle. Voir son ami ainsi, c'était encore plus douloureux que de voir Seokjin décapité et Jimin unijambiste. Voir son ami ainsi c'était comme lui arracher un important morceau du cœur qu'on broyait sans scrupule. Voir son ami ainsi par sa faute c'était lui arracher l'entièreté de son cœur que l'on bousillait et rendait comme poussière.

Jeongguk tomba à genoux, pleurant à son tour. Comment avait-il pu un instant penser abandonner cet être, sa moitié ? Comment avait-il pu se laisser aller à cette horreur et penser égoïstement ? Comment avait-il pu se dire qu'il allait mourir en laissant derrière lui une personne hantée par ce cauchemar et pleurant toutes les nuits sa mort ? Ils étaient une seule et même entité, il se devait de soutenir l'autre comme l'autre le soutiendrait et l'épaulerai. Ils avaient toujours été ainsi et ça n'allait pas changer aujourd'hui ; Jeongguk s'en fit la promesse.

« Jeongguk, Taehyung. » Le fils attendait leur attention. Il comprenait le choc immense que ça avait et qu'il leur faudrait du temps pour s'en remettre, mais justement le temps ils n'en avaient presque plus. « Prenez ça, j'ai oublié de vous la donner toute à l'heure. » Il tendit une vieille boussole. « C'était la boussole de ma mère, j'ai toujours entendu qu'elle était magique. Quand j'étais petit ma mère me disait qu'elle montrait la sortie. Vous n'avez qu'à dire quelle sortie vous voulez et elle vous l'indiquera. Sur ce, je dois vous laisser. » L'adolescent se releva en s'époussetant le pantalon. D'un sourire triste il se recula. Avant de totalement disparaître, il cria « Faites attention au son des cloches ! »

Le silence s'était fait à nouveau, les engloutissant dans cet amas d'arbres plus hauts les uns que les autres. Ils se relevèrent, attrapèrent leurs sacs et se remirent en marche. Taehyung clama la destination qu'ils souhaitaient et comme l'avait dit leur sauveur, la boussole changea de direction pour pointer tout droit.

Ils marchèrent ainsi un temps interminablement long. Ils sentaient que des ampoules se formaient sous leurs pieds, de quoi ralentir leur marche déjà lente. Ça faisait quelques temps qu'ils n'avaient rien bu ni manger et la faim et la soif se faisaient ressentir. Ils haletaient tels des taureaux épuisés mais fonçant toujours sur le toréador dans l'espoir de l'encorner.

Au loin, ils virent une masse au sol. Une masse plutôt familière puisque Taehyung se rendit compte que c'était son sac. Étonné, il regarda l'unique sac qu'il portait ; aucun des deux n'avait fait attention au fait qu'ils avaient perdu un bagage en cours de route. Taehyung s'apprêta à sauter par-dessus un petit buisson lorsqu'un son de cloche leur parvint aux oreilles, de quoi les tendre.

Plus ou moins rétablis de leur choc émotionnel, ils se baissèrent rapidement derrière des fourrés, la sueur coulant le long de leurs dos en entendant les cloches se rapprocher. La poisse était à leurs trousses, c'était certain.

Le son se faisait de plus en plus fort, jusqu'à rester à la même intensité ; ils semblaient s'être arrêtés. Les deux voyageurs en déduisirent que c'étaient les âmes égarées, c'est pourquoi ils restèrent cachés, priant de toutes leurs forces qu'elles partent vite pour qu'ils puissent en finir le plus rapidement possible. Cette histoire était sans fin, ils n'en voyaient toujours pas le bout. Ils devaient y mettre un terme.

Le son de cloche s'éloigna alors progressivement, de quoi affaiblir les battements erratiques de leurs cœurs qui manquaient de se décrocher sous l'intensité de leur instabilité. Jeongguk se redressa, guettant autour d'eux la moindre trace autre que végétale, mais rien. Il fit un petit signe de la main à son compagnon, lui indiquant que la voie était libre. Taehyung sauta par-dessus les fourrés, attrapa son sac et revint vite se cacher, par sûreté.

Ils restèrent vingt bonnes minutes assis, reprenant des forces et attendant de voir si aucune âme ne revenait vers eux.

Ils se redressèrent, le dos courbé pour rester hors de la vue de quiconque. La voie était libre et la sortie toute proche.

Ils s'élancèrent d'un même coup et à l'unisson, courant à en perdre haleine jusqu'à la sortie qu'ils apercevaient au loin. Elle était toute proche. Ils allaient gagner. Ils allaient s'enfuir. Ils allaient mettre fin à ce cauchemar. C'était fini, tout était fini. Ils pouvaient déjà faire une croix sur cet épisode monstrueusement dangereux qui leur coûta presque la vie.

Encore quelques mètres...

Il leur restait si peu à parcourir...

Ils la touchaient leur victoire.

Ils l'atteignirent. Ce trou dans le feuillage. Et ils en pleuraient.

L'euphorie leur fit perdre tous leurs sens. Ce qui comptait c'était leur survie. Ils étaient parvenus à leurs fins.

Quand ils rentreraient, ils pourront faire la fête. Ils organiseront une immense soirée pour conter leur aventure.

Ils en écriront peut-être même un livre...

Des bruits de cloches !

Ils se retournèrent, leurs yeux brouillés par les larmes, et ils les virent. Ces hommes de blanc vêtus avec au poignet une grosse cloche à vache. Ils les avaient trouvés.

Jeongguk s'affola le premier. Il sécha ses larmes avec sa manche, se brûlant les yeux au passage, et commença à faire passer leurs sacs à travers le grillage.

Taehyung le suivit. Il scrutait l'avancée bien trop rapide de ces âmes perdues. Quelques mètres les séparaient... !

Jeongguk passa sa jambe droite, soutenant le fil plus haut avec sa main, se contorsionnant pour passer son torse.

Les secondes défilaient à toute allure.

La tête de Jeongguk passa, suivie de sa jambe gauche.

Les mètres rapetissaient et la distance réduisait.

Taehyung glissa lui aussi sa jambe droite. Il bloquait, sa tête ne passait pas.

Le temps courait, il faisait un marathon. La distance était moindre, ils allaient l'atteindre.

Jeongguk lui attrapa son bras, le tirant vers lui. Ça bloquait !

Plus que quelques secondes...

La tête passait enfin !

Plus que cinq secondes environ...

Sa jambe passa mais sa chaussure resta coincée dans un bout de métal s'échappant du fil.

Plus que trois...

Ils tiraient.

Plus que deux...

La chaussure craqua et ils tombèrent à la renverse.

Ils atterrirent deux mètres plus bas. Ils pouvaient voir les âmes les scruter sans pouvoir plus s'avancer. Ils avaient gagné, comme prévu.

Des cris de joie, des larmes coulant à flot, tout un tas d'émotions glissaient sur leurs corps et ricochaient sur la nature simple spectatrice.

Les âmes marmonnaient. Ils ne savaient ce qu'elles disaient et ils s'en fichaient.

« Nulle personne sortant par n'importe quelle autre issue que le portail ne sera libéré du maléfice. »

Les deux amis récupérèrent leurs sacs et dévalèrent la forêt en pente, atterrissant sur un chemin. Le même chemin qu'ils avaient pris pour atterrir chez l'homme. Ils prirent la décision de partir à droite, auquel cas, s'ils se retrouvaient face au portail ils n'auraient qu'à faire demi-tour.

Comme c'était attendu, ils firent face à l'immense portail. La scène de leur arrivée se jouait dans leurs esprits. Leurs esprits désormais victorieux en rigolaient. Le soleil qui les regardait, qui avait suivi leurs péripéties, les regardait avec peine.

Oui cet épisode était fini.

Ils firent demi-tour, marchant en sens inverse. Ils étaient guillerets.

Mais leur joie s'estompa vite lorsqu'ils refirent face au portail. Leurs sourcils se froncèrent, ils ne comprenaient plus.

Ils regardèrent derrière aux, se demandant s'ils n'avaient pas pris par inadvertance un chemin qui les mènerait ici. A reculons ils firent demi-tour, poursuivant le chemin droit sans autre intersection. Comment avaient-ils pu atterrir ici à nouveau... ? Le même portail leur fit soudainement face au détour d'un arbre, de quoi les rendre fous – plus qu'ils ne l'étaient déjà -.

Un cri frappa leurs tympans, traversant leurs crânes et leur donnant la nausée. Un éclat de rire retentit par la suite et des corbeaux s'envolèrent de la forêt.

Oui c'était bien la fin de cet épisode. Ils n'avaient nulle issue, ils étaient piégés dans cette boucle infinie.

Seule la mort les attendait.

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