Chapitre 33 : Pari sous la pluie
La pluie tombait à fines gouttes, silencieuse. C'était un de ces jours de bruine, où l'humidité s'infiltrait dans le moindre interstice, où malgré les parapluies et les K-way, l'on se retrouvait avec le visage mouillé, les vêtements collants, et des frisottis autour du crâne. Paris, dans toute sa splendeur : lumineuse dans sa grisaille, mystérieuse dans les flous de son brouillard, sophistiquée dans son manteau chargé de romantisme et d'histoire, jeune et vieille à la fois.
À peine le mois de septembre avait-il montré le bout de son nez que la fraîcheur s'était installée en Ile-de-France. L'automne tapait déjà à la porte, avec ses feuilles rouillées virevoltant au gré du vent, ses épisodes pluvieux, ses couleurs chamarrées et sa beauté mélancolique.
À travers la fenêtre, Cali observait la lente chute d'une feuille morte échappée d'un platane niché en face de l'Odeur du Temps, la librairie de son quartier. Ce mouvement hypnotique l'avait curieusement happée, alors que la séance de dédicaces qui avait suivi sa session de lecture de plusieurs passages des Couronnes d'Adriae venait de s'achever.
Plus que quinze jours... Et je suis dans ses bras. Quel temps fait-il à Séville ? Encore très bon, je parie. Cependant, l'automne à Paris possède un charme indéniable. Si seulement il pouvait voir à quel point c'est magique... J'aimerais qu'il soit là, près de moi, qu'on s'emmitoufle dans un plaid, qu'on se réchauffe l'un l'autre, qu'on fasse l'amour, encore et encore...
À cette pensée, ses joues rosirent. Leurs appels sur Facetime devenaient de plus en plus torrides. Cependant, ce qui pouvait les soulager un moment ne faisait qu'attiser leur désir. Elle en avait plus que marre des conversations coquines, et fantasmait à l'idée de tout envoyer bouler : les dédicaces, les conférences, les salons du livre, les interviews, Sophie, Magdalena, son appartement, son royaume... Son royaume, son royaume pour une nuit avec Iker Llorente.
Elle devenait folle à force d'imaginer sa peau mate contre la sienne, son parfum d'agrumes lui chatouiller les narines, son torse athlétique presser sa poitrine, son corps ferme en elle...Hmmm...
— Mademoiselle Bailly ? Mademoiselle Bailly, excusez-moi, j'aimerais vous offrir une de mes illustrations.
Elle sursauta lorsque cette voix familière l'arracha à ses douces pensées. Samir, son plus grand fan, se tenait devant la petite table en bois où elle signait ses dédicaces, se grattant timidement la nuque.
Ce graphiste amateur de Fantasy avait réalisé lui-même le fameux poster de Bart si ressemblant au guide sexy - ou plutôt l'inverse -, désormais en mille morceaux - paix à son âme. Cette semaine, il était venu à deux séances de lecture, religieusement installé au premier rang. Bien que cela puisse paraître un peu effrayant, Samir ne faisait pas du tout partie de ces fans qui vous harcelaient. Non, il était marié, avait des enfants, s'était toujours montré respectueux, ne posait jamais de questions personnelles à Cali.
Ce quarantenaire aux cheveux bruns et bouclés, à l'allure intello, se passionnait tout simplement pour les Couronnes d'Adriae et l'univers qui en découlait. D'ailleurs, il mettait un point d'honneur à la vouvoyer, malgré les nombreuses fois où elle lui avait demandé d'arrêter.
— Oh, pardon Samir, je ne vous avais pas vu venir ! s'excusa-t-elle, affichant le sourire commercial dont elle avait la fâcheuse habitude de se parer lorsqu'elle discutait avec ses lecteurs. Une nouvelle illustration ? Quelle merveille, je suis certaine que je vais adorer.
— Oh, vous savez, ce n'est pas grand-chose... Je les réalise avec plaisir, et cela me touche que vous les appréciiez !
Il lui tendit un grand paquet cylindrique minutieusement attaché par un ruban bleu. Elle le défit avec délicatesse et le déroula sur la table pour l'admirer dans tous ses détails.
Ce qu'elle y vit lui arracha un petit cri de surprise.
Bartholomeus Shadowlake y était une fois de plus représenté, mais cette fois avec les tempes grisonnantes, des ridules au coin des yeux, cette étincelle auparavant fougueuse dans le regard remplacée par un mélange de sagesse et de sérénité. Il se tenait de biais, observant l'horizon. Sa fille Elendë se dressait à ses côtés, forte, espiègle, éclatante. Ses cheveux roux flottaient autour de son visage d'adolescente, tandis que ses prunelles grises se dirigeaient vers celles de son père.
Cette illustration matérialisait l'épilogue du tout dernier tome de son œuvre. Après des décennies de batailles sanglantes, d'aventures épiques, de péripéties tragiques, Bartholomeus avait choisi de se retirer de la confrérie des Protecteurs d'Adriae pour se consacrer à sa fille adoptive.
Voir ainsi son personnage, calme et serein, prêt à passer le flambeau à Elendë, l'émut profondément.
— Je me suis dit que cette scène était parfaite pour conclure une si belle histoire, murmura Samir, comme pour ne pas déranger l'écrivaine dans sa contemplation. Surtout que d'après ce que j'ai compris, vous souhaitiez désormais vous essayer à d'autres genres. D'ailleurs, c'est une super nouvelle, je suis heureux que vous ayez enfin retrouvé l'inspiration. Mais je vous avoue que les Shadowlake me manqueront toujours terriblement...
Il esquissa un faible sourire, la fixant en inclinant légèrement la tête.
— Samir, je sais ce que vous concoctez. Et croyez-moi, vous êtes à deux doigts de me faire craquer. Mais encore une fois, je ne prévois pas de suite avec Elendë, déclara-t-elle en riant.
Il haussa les épaules en soupirant, puis rit avec elle. Cali croisa les bras.
— Cependant, vos talents me bouleversent, comme toujours. Cette illustration est tellement splendide que j'en perds mes mots. Elle montre avec brio la fin que je voulais à mon histoire. Les personnages sont très vivants, on ressent toute l'émotion dans leurs regards. La quiétude et le sentiment d'aboutissement pour Bart, l'amour envers son père et la soif de découverte pour Ellie. Je... j'en suis moi-même très émue, conclut-elle en écrasant une larme discrète.
— Alors, même si je suis triste que vous ne souhaitiez décidément pas poursuivre les aventures d'Elendë, je considère ma mission accomplie. Je pense qu'à travers ce dessin, je disais moi aussi petit à petit adieu à Bart, souffla-t-il, les yeux dans le vide.
Il rajusta ses lunettes, plaça ses mains dans les poches, geste qui signifiait qu'il prenait congé. Ils s'adressèrent des au revoir chaleureux, avant que Samir ne se retourne brièvement.
— Au fait, vous avez toujours ce portrait du mage noir que je vous avais offert, il y a de cela quoi, deux ans ?
Cali tortilla une de ses mèches de cheveux.
— Bien évidemment, je le conserve précieusement dans un endroit gardé secret ! C'est quand même mon portrait préféré de lui, vous en êtes conscient ?
Dire qu'il a fini en puzzle, le pauvre...
Samir, tout joyeux, leva ses pouces en l'air.
— Merci, Mademoiselle Bailly, merci pour tout ce que vous faites. Je vous souhaite le meilleur, et un énorme succès à Magdalena ! Je suis moins amateur de romans dramatiques, mais je l'offrirai certainement à ma femme.
Il disparut dans les allées de livres, et elle entendit le tintement de la porte d'entrée signaler sa sortie. Voilà pourquoi Cali avait choisi ce métier. Faire vibrer les gens, les emmener dans un autre univers, alimenter leurs rêves, partager sa passion avec eux, les inspirer et s'en inspirer en retour... Tandis qu'elle repliait soigneusement l'illustration, la voix éraillée d'Edmond, le vieux libraire bougon, l'appela à l'accueil.
— Cali, tu as fini ? Je viens de voir Samir partir, et en général, c'est toujours le dernier. On a déposé un truc pour toi ici !
— Oui, j'ai fini pour aujourd'hui ! On remet ça la semaine prochaine ! Tu as déjà des inscrits ? Et un truc pour moi, tu dis ? questionna-t-elle en se dirigeant vers lui.
Le vieil homme aux cheveux tout blancs - mais épais -, au nez rond sur lequel trônaient des lunettes en demi-lunes, de petite taille et corpulent, lui faisait penser à un mélange entre Prof et Grincheux, personnages de Blanche Neige et les Sept Nains. Lorsqu'elle s'était installée dans le quartier, Cali avait immédiatement été attirée par sa librairie à l'ambiance vintage et feutrée. Leur amour de la littérature les avait rapidement rapprochés, créant entre eux un lien solide. D'ailleurs, les romans de Cali constituaient souvent les meilleures ventes de l'Odeur du Temps.
— Oui, il ne reste que trois places pour la prochaine session, tu as manqué à ton public starlette ! lança-t-il sans quitter son ordinateur archaïque des yeux, assis derrière le comptoir de la caisse.
— Arrête, Edmond, je suis loin d'être aussi célèbre qu'Amélie Nothomb. Sinon, tu disais qu'on avait laissé quelque chose pour moi ? C'est curieux.
— Tiens, c'est cette enveloppe, répondit-il en lui tendant un mince carré de papier. Sérieusement, les gens sont débiles. Pourquoi cette personne ne te l'a pas remis directement ? J'ai autre chose à faire que facteur privé, moi !
Il s'agita en remuant la tête de gauche à droite. Edmond Guillot avait beau ronchonner toute la journée, il cachait un cœur en or, toujours prêt à aider. Cali saisit l'objet, le retourna pour constater que l'inscription "Madame Bailly" en lettres dactylographiées y figurait. Elle le secoua légèrement et sentit une forme métallique bouger à l'intérieur.
— Peut-être est-ce un lecteur, ou une lectrice, trop intimidée par ma grandiose célébrité ! plaisanta-t-elle. À quoi ressemblait-elle ou il ?
— Aucune idée, le ou la petite maligne a profité que je me rende deux minutes à la réserve pour la déposer sur le comptoir.
— Curieux... Bon, je l'ouvre en ta présence, au cas où c'est une lettre piégée, au moins tu seras témoin de mon assassinat.
— Jeune fille, vous passez trop de temps dans cette librairie. D'ailleurs, je te conseille vivement un petit policier plein d'humour qui fait sa rentrée littéraire, un bijou ! s'exclama-t-il en embrassant le bout de ses propres doigts. Attends que je te le retrouve, l'autrice est inconnue au bataillon.
Il fourragea un instant dans son bureau, avant de se raviser.
— Bon, je regarderai plus tard parce que là, c'est un capharnaüm pas possible. Sinon, comment pourrait-on te vouloir du mal, Bailly ? Je suis sûr que c'est plutôt un admirateur secret !
La romancière haussa les épaules, déposa délicatement le cadeau de Samir par terre, et entreprit de déchirer le haut de l'enveloppe. Une enveloppe avec juste mon nom marqué dessus ? Ça me rappelle la patte de quelqu'un, je me demande si...
Elle en sortit une petite clé et un bout de papier, contenant un message écrit d'une étrange police : on aurait dit un mélange de plusieurs dactylographiés.
— Tu vois, Edmond ! On a affaire à quelqu'un qui se prend pour le Zodiaque* ! déclara-t-elle en brandissant la feuille sous le nez du libraire.
— Alors, qu'est-ce que ce tueur en série te réclame ? interrogea l'intéressé en feignant un air sérieux, saisissant son menton entre son pouce et son index.
Elle lut à haute voix.
"Impasse des Magnolias. La plus belle Rive. Couleurs du Crépuscule."
Quoi ? Une énigme ?
— C'est facile, il te donne clairement une adresse là, commenta le libraire, la mine totalement blasée.
— Oui, j'avais compris, tu me prends pour qui, voyons ! rétorqua-t-elle en roulant des yeux.
Cali chercha directement dans son téléphone une "Impasse des Magnolias" localisée à Paris - ah, que ferait-on sans ces petites machines bien plus intelligentes que nous ? Cependant, il en existait deux : la première, située dans le onzième arrondissement, et l'autre dans le quinzième.
La plus belle Rive... Qu'est-ce que ça signifie ?
— Je parie qu'il y a deux Impasses des Magnolias, non ? L'une, située rive gauche, et l'autre, rive droite ! déclara Edmond, toujours aussi flegmatique.
— Oh, tu m'énerves avec tes airs supérieurs ! Je n'ai jamais compris ces histoires de rive gauche et rive droite de bobos parisiens ! maugréa-t-elle.
Le vieil homme ricana derrière la barrière qui les séparait, sans bouger de son siège. Elle sollicita une nouvelle fois l'aide de son portable.
— Dis, Siri, que signifient rive gauche et rive droite à Paris ?
L'appareil obéit sagement, moulina avant de lui répondre d'une voix artificielle qui lui faisait toujours froid dans le dos - surtout lorsqu'elle s'activait toute seule dans la nuit.
[Siri] : Le terme Rive droite désigne à Paris la partie de la ville située au nord de la Seine, par opposition à la Rive gauche. La Rive droite est réputée plus sophistiquée et conservatrice, à l'opposé de la rive gauche, plus bohème. Ce concept a tendance à disparaître, remplacé par une opposition économique entre l'Ouest, plus riche, et l'Est, plus populaire.
Donc, "La plus belle Rive" fait sans doute référence à la rive droite. Et c'est le onzième arrondissement qui se situe de ce côté-là de la Seine, constata-t-elle en vérifiant la carte géographique de Paris sur son cher téléphone.
Il reste la dernière partie à déchiffrer : "Les Couleurs du Crépuscule". Est-ce le nom d'un immeuble ? Ou le moment où je dois m'y rendre ? Quelle heure est-il, au fait ? Dix-huit heures trente ? Mais le soleil ne va pas tarder à se coucher ! Tant pis, je vais à l'Impasse des Magnolias dans le onzième, et on verra bien pour la suite.
— Bon, Edmond, je pense que j'ai trouvé. Je ne suis pas sûre de ce que signifie la dernière phrase, mais si ça veut dire que je dois m'y rendre au crépuscule, il faut que je me bouge, c'est à vingt minutes de métro.
Elle ramassa son sac à main et déposa l'illustration de Samir sur le comptoir.
— Je viendrai la récupérer plus tard, merci ! Et merci encore pour ces sessions de lecture, tu es au top ! J'y cours, et si tu n'as pas de mes nouvelles, c'est que le Zodiaque m'aura sans doute kidnappée ! lança-t-elle alors qu'elle se précipitait vers la sortie.
Le vieil homme l'observa en dévoilant enfin un sourire.
— Un tueur en série ? Jeune fille, je pencherai plutôt pour cet Espagnol dont tu me parles à longueur de journée, marmonna-t-il dans sa barbe, la mine attendrie.
*
Trois immeubles bordaient l'impasse des Magnolias. Cali vérifia une dernière fois qu'elle se trouvait à la bonne adresse, et entama un tour des lieux. Elle remarqua alors que chaque résidence possédait un nom, inscrit sur un panneau accolé à leurs portails respectifs. À gauche, se dressait le "Clos des Lilas", au milieu, "Le refuge des Cyprès" et à droite, le "Jardin des Capucines".
Elle réfléchit quelques minutes avant de deviner que l'énigme finale symbolisait le bâtiment de droite. En effet, les capucines, ces fleurs originaires d'Amérique latine, arborent cette jolie couleur chaude et caractéristique du crépuscule, allant du jaune au pourpre, en passant par l'orangé.
Fière de sa trouvaille, la jeune femme se dirigea vers l'immeuble en question. Une pensée troublante la fit cependant hésiter. Et s'il s'agissait réellement d'un guet-apens fomenté par quelqu'un de dérangé ? Et si c'était cette Magali, qui aurait appris l'existence de notre relation, animée par la vengeance ? Trop curieuse pour rebrousser chemin, l'écrivaine chassa ces interrogations de sa tête et continua d'avancer.
Elle arriva au pied de la résidence, poussa son portillon sans verrous, et se retrouva devant une grande porte vitrée - fermée - donnant sur un hall lumineux. Cette dernière s'ouvrait manifestement via un badge. Elle sortit la petite clé de l'enveloppe, tenta d'une manière totalement dépourvue de logique de la passer sur le réceptacle du badge, sans succès.
Elle analysa les alentours, et son regard se figea sur une vingtaine de boîtes métalliques accrochées au mur jouxtant l'entrée. Elle se frappa le front de la paume de la main.
Mais oui, c'est la clé d'une boîte aux lettres ! Quelle godiche !
Comment vais-je savoir à laquelle elle correspond, maintenant ? Je ne vais quand même pas tenter de toutes les ouvrir, si quelqu'un passe, il me prendra pour une folle, ou une cambrioleuse !
L'écrivaine se posta devant les carrés de métal et scruta chaque nom qui y figurait, en espérant y trouver un autre indice. Durand, Hosseini, Lefevbre, Lopez, Wang-Fournier, Diop, Martin-Llorente, Bernard... Une minute, Martin-Llorente ? C'est... Le nom de la mère d'Iker ? Il me semble qu'elle habite justement dans le onzième, non ?
Son cœur martela sa cage thoracique, une excitation grandissante fourmilla dans ses doigts. Oui, maintenant, j'en suis sûre, le faux Zodiaque, c'est lui !
Vite, elle attrapa la clé et la fit tourner dans ladite serrure. Bingo ! En l'ouvrant, Cali distingua dans la boîte aux lettres une forme rectangulaire brillante et très fine, reliée par un fil à... un casque ?
Elle saisit l'objet en question : un iPod nano. Ça existe encore, ce genre de modèle ? Elle l'observa de plus près, de gros écouteurs rouge sombre y étaient connectés.
Elle les effleura du bout des doigts. C'était grâce à ce fameux casque-écouteur rouge qu'elle avait reconnu le beau brun dans la foule sévillane, puis s'était lancée désespérément à sa poursuite... L'écrivaine pouffa à ce souvenir, le plaça sur son crâne, et appuya plusieurs secondes sur le bouton central de l'appareil minuscule pour l'allumer.
Un son bizarroïde parvint alors à ses tympans. Elle mit plusieurs secondes à réaliser qu'il s'agissait d'une voix modifiée numériquement, semblable à celle d'un Chipmunk, ou d'un criminel - au choix - dans les reportages où l'on censurait leur identité. Elle augmenta le volume.
[Voix de Chipmunk] : Madame Bailly, félicitations ! Vous êtes arrivées à résoudre la première partie de cette chasse au trésor. Car oui, il s'agit bien d'une chasse, et le trésor, vous le découvrirez tôt ou tard...
La jeune femme éclata soudain de rire. En effet, la combine de masquage de voix n'avait pas tout à fait fonctionné, car elle reconnut la voix du beau brun aux mots "vous le découvrirez tôt ou tard".
Zodiaque en carton, va ! s'étrangla-t-elle avant de poursuivre son écoute.
[Voix de Chipmunk] : Il vous reste donc à suivre les flèches. Pour cela, sortez du bâtiment, contournez l'enceinte par la droite. Bonne chance, Madame Bailly. P.S : Je ne suis pas un psychopathe, juste un petit peu fou, mais ne vous inquiétez pas, je ne vous veux aucun mal. Quoique, c'est le genre de phrase que dirait un psychopathe.
L'enregistrement s'arrêta, puis reprit en boucle.
La jeune femme ne tint plus en place. Quelle idée saugrenue a-t-il encore eue, cette fois ? Une joie immense la submergea, ses membres bougeaient tout seuls, envahis par l'excitation. Une surprise, un trésor, c'est trop trop bien, j'adore !
Comme indiqué par la voix aigüe de Chipmunk, elle revint sur ses pas et contourna la clôture de la résidence par la droite. Arrivée au bout, elle aperçut une feuille scotchée au grillage, qui signalait de poursuivre tout droit sur cinquante mètres. La jeune femme s'amusait follement. Elle courut presque pour atteindre la distance prodiguée - manquant de se cogner à une dame et sa poussette. Arrivée à la rue d'en face, une autre flèche lui précisa de tourner à gauche et de marcher sur vingt mètres. Enfin, au point donné, elle se rendit compte qu'elle avait atterri devant l'entrée d'un petit parc, le Square Maurice Gardette.
Une troisième flèche l'enjoignait à y pénétrer, avec un dessin de cœur en dessous. Cali sentit sa respiration s'accélérer. Fébrile, elle poussa le portail vert en fer forgé, orné de part et d'autre de deux magnifiques lampadaires d'époque. Les grands arbres centenaires, les buissons parfaitement taillés, les parterres de fleurs, les bancs couleur feuille, la statue en bronze digne d'un Rodin, la plongèrent dans cette atmosphère romantique, si propre à la ville de l'amour.
Elle parcourut le parc à la recherche d'une autre flèche, du moindre indice. Alors qu'elle commençait à tourner en rond, quelque peu agacée - surtout que le crachin avait repris -, une allée boisée la conduisit à un pavillon octogonal, au centre du square.
Portée par huit colonnes en fer forgé, cette construction du XIXème siècle, d'un style apparenté à celui du célèbre Gustave Eiffel, s'achevait par un toit d'un blanc immaculé. En dessous s'allumèrent alors des guirlandes dorées, et les cordes d'une guitare accompagnèrent cet enchantement.
Il se tenait à l'intérieur, assis sur un tabouret pliant. Beau comme un dieu, les rayons du crépuscule enflammant ses prunelles noisette, une chemise noire assortie à ses mèches brunes, son sourire malicieux aux lèvres, sa fossette creusant sa peau mate. Cali frissonna, désormais pétrifiée par la surprise.
Il l'alpaga de son regard magnétique tout en continuant de jouer de son instrument, d'où une mélodie à la fois douce et entraînante s'échappait, puis éleva la voix en chantant.
Cali, Cali, Cali,
Tu es si brillante, mignonne et sexy,
Je t'aime i,
Oui parfois la rime ne peut être accompliiie.
Sans toi, Séville c'est pourri,
Cali, Cali, Cali,
De toi, mon âme se languit,
De ton corps, le mien est transiii,
Alors, je me suis dit,
Que je viendrai chanter pour toi à Paris.
Cali, Cali, Cali,
D'ailleurs, Paris, Tombouctou, Abou Dabi,
Peu m'importe iiii,
Où tu iras, je te suiiis.
T'es la femme de ma vie,
Cali, Cali, Cali,
Dès que j'te vois, mon coeur sourit,
Alors, laisse-moi vivre à tes côtés, je t'en prie,
Cali, Cali, Cali,
Ici, c'est Paris,
Mais peu importe, à La Havane, Tombouctou ou Séville,
Laisse-moi te serrer dans mes bras toutes les nuits.
Il reprit le couplet deux fois, effleura sa guitare dans un dernier son agréable, puis déclara :
— Voilà, j'ai finiii.
Quelques curieux qui s'étaient attroupés applaudirent, enthousiastes. Il se leva, et son amoureuse, les yeux humides, accourut dans sa direction en lui tendant les bras - menaçant encore une fois de se cogner à une dame à poussette (la même ?).
Ils se serrèrent très fort, il la souleva et la fit tournoyer en riant. La jeune femme, émue au plus haut point, éclata simultanément de rire et de pleurs. Il essuya ses jolies joues, les embrassa, embrassa son front, sa bouche, son menton, de nouveau sa bouche.
Cali finit par balbutier :
— C'est... C'est toi, le trésor de la chasse ?
— Oui, je présume. Pas trop déçue ?
— Noooon ! Mon Dieu, Iki ! Je n'arrive pas à croire que tu aies préparé tout ça, l'enveloppe à la librairie, l'iPod, la voix de Chipmunk, les flèches, et ce petit concert... Je suis trop heureuse d'enfin te revoir, deux semaines à attendre encore, c'était un supplice. Et tu sais combien j'adore les surprises !
Deux rivières salées coulèrent de ses émeraudes. Il saisit son menton.
— Tu n'arrêtes pas de me vanter la beauté de l'automne à Paris, que c'est magique, mélancolique, romantique et bla-bla-bla. Tu crois que je n'ai pas compris ton appel désespéré ?
Elle pouffa, avant de se blottir de nouveau contre son torse. Son parfum d'agrumes l'enveloppa dans un rêve éveillé.
— Mais... Et ton travail au musée ? questionna-t-elle, redescendant petit à petit sur terre.
— Mon père fait partie des mécènes les plus généreux du musée. Voilà pourquoi ils continuent de me garder alors que je partais parfois plusieurs semaines pour suivre mon procès. Donc, ne t'inquiète pas, ce n'est pas un souci.
Elle leva un sourcil, incrédule.
— OK, j'avais honte de t'avouer que je suis purement et simplement pistonné, déclara-t-il en se mordant la lèvre. Mais cela n'enlève rien à mon talent de guide et de responsable des archives !
— Le fils à papaaa ! se moqua-t-elle. Après tout, il faut savoir saisir les opportunités. Moi, en tout cas, je n'y ai vu que du feu.
Ils rirent de nouveau de bon cœur. Elle se plongea dans ces yeux aux couleurs de l'automne et aux longs cils soyeux, embrassa ces lèvres mutines au goût de citron meringué. Alors, elle sut. Elle sut qu'elle était prête. Prête à vivre auprès de lui, à se réveiller tous les jours à ses côtés, à s'endormir toutes les nuits dans ses bras chauds, que ce soit à Paris, à La Havane ou à Séville.
https://youtu.be/JZELmUooBlY
C'est avec émotion que je vous annonce donc que l'histoire s'achève sur ces retrouvailles...
J'espère sincèrement que vous avez apprécié <3
Comment avez-vous trouvé la série d'énigmes ?
Sinon, une surprise vous attend encore : il s'agit de l'épilogue :D !
Vous retrouverez quelques personnages que nous avons suivi durant ce Printemps fabuleux, et découvrirez ce qu'ils sont devenus plus d'un an après.
Ce n'est donc pas encore tout à fait fini ;)
Mais déjà, je tiens à sincèrement vous remercier pour TOUT ce que vous m'avez apporté et j'espère que vous avez aimé cette histoire <3
Et si vous avez aimé, n'hésitez pas à le dire sur votre profil, je vous en serai vraiment reconnaissante 💖🥺😍
J'espère également soumettre Printemps à Séville à des éditeurs pour l'avoir en format papier (je vous tiendrai au courant dès que ça sera en bonne voie 🤩) !
P.S : N'hésitez pas à vous abonner à mon profil @Miliko01 si ce n'est pas déjà fait ;)
J'ai d'autres histoires dans la manche !
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