Chapitre 25 : Dégâts à Malaga

       Le jour s'était levé depuis longtemps, baignant le salon d'une lumière éblouissante. Les rayons du soleil chauffèrent intensément la pièce à travers les baies vitrées, ce qui réveilla Iker. Des gouttes de sueur perlaient sur son front et son torse, il suffoquait sous la moiteur des draps, et le pied de Guillaume sur sa jambe acheva d'amplifier l'inconfort du canapé-lit.

        Il se retira délicatement de l'emprise - fortuite ? - de Benêt, se frotta le visage et s'étira de tout son long. Il aurait largement préféré dormir avec Cali, mais cela était tout simplement impossible vu leur dispute de la veille.

Comment avait-elle pu pénétrer dans sa chambre sans son accord et lui balancer ces mots à la figure ? Jusqu'où avait-elle fouillé pour être au courant de sa convocation au tribunal ? Que savait-elle de plus ?

Sûrement rien de plus... Sinon elle ne me verrait plus du même œil...

Elle ignorait tout ce qu'il endurait, ces nuits d'angoisse et d'insomnies auxquelles il se heurtait au quotidien depuis des mois, voire des années...

       Oui, cet enfer durait depuis presque deux ans... Heureusement qu'il ne restait plus que quelques semaines avant le dénouement de ce cauchemar. Plus que quelques semaines avant le verdict. À cette pensée, Iker frissonna.

Malgré son innocence, son adversaire s'était montré perfide, cruel, machiavélique ; au point d'inventer de fausses preuves. À l'heure actuelle, personne ne pouvait prédire avec certitude qu'il en sortirait indemne. Mais au moins, quoi qu'il arrive, enfin son calvaire prendrait fin. Quoi qu'il arrive, il accepterait la décision des juges. Il ne voulait plus se battre. Il y avait laissé trop de plumes. Tout ce qui lui importait maintenant, c'était d'en finir, et de ne plus jamais revoir cette personne. Plus jamais... !

Ses poings se serrèrent si fort que ses phalanges en blanchirent. S'il était jugé coupable, comment se justifierait-il auprès de Cali ? Continuerait-elle à l'aimer s'il se faisait incarcérer ? Croirait-elle en son innocence malgré tout ?

       Non, il ne pouvait pas lui imposer ce fardeau... Voilà pourquoi il lui était impossible de lui en parler. Tant qu'on le considérait encore comme un criminel, comme un sale type, un connard sans nom, elle ne devait pas savoir... Tant qu'il ne serait pas lavé de tout soupçon, tant que cette histoire n'était pas officiellement enterrée, elle ne devait pas être mise au courant. Les preuves factices qui l'incriminaient pouvaient faire douter n'importe qui, même son propre avocat ! Il ne supporterait pas qu'elle le voie de la sorte. Il ne supporterait pas qu'elle aussi, le voie comme ils le voyaient : un fou prêt à tuer.

       Un ronflement provenant du couchage l'arracha à ses pensées. Benêt dormait à poings fermés, inspirant et expirant comme un cachalot à l'agonie. À la suite de son altercation avec l'écrivaine, Iker avait erré sans but dans Grenade. Marcher seul lui permettait de calmer sa colère, de poser son esprit meurtri.

En y réfléchissant, la réaction de Cali était compréhensible. À sa place, peut-être aurait-il agi de la même manière. Cela devait être un supplice pour elle de savoir qu'il lui cachait un lourd secret tout en continuant à le fréquenter comme si de rien n'était.

Mais voilà, l'exposition de ses problèmes devant tout le groupe l'avait vexé. Et surtout, entendre cette affaire ressurgir au moment où il s'y attendait le moins, venant de sa bouche, l'avait profondément blessé.

      Après plusieurs heures de marche nocturne, le jeune homme était finalement rentré au AirBnb. Voyant le canapé-lit vide, il s'y était tout de suite affalé. Guillaume l'avait rejoint à l'aube, empestant un mélange de bière, de narguilé et de parfum féminin corsé. Le blondinet, heureux de constater que le beau brun partageait ses draps, ne s'était pas gêné pour se coller à lui. À un moment, il avait même eu l'impression de se faire caresser les cheveux. Au secours...

Pour qu'il arrête ces attouchements, Iker s'était mis à gigoter et Guigui l'avait en effet lâché. Cependant, le bougre s'était endormi en ronflant bruyamment, et le beau brun ne put fermer l'œil qu'à la levée du jour.

Il perçut soudain de l'agitation provenant des chambres. Mélodie ouvrit sa porte d'un mouvement énergique et s'avança en direction de la cuisine.

— Les gars, va falloir se bouger, on doit rendre les clés de l'apparte dans une heure ! Et après, direction Malaga !

Elle s'arrêta en apercevant Iker qui se levait.

— Contente de te savoir rentré ! Cali s'est fait un sang d'encre.

      Au même moment, la jolie romancière sortit de sa chambre les yeux bouffis, dans son adorable ensemble de pyjama rose : un mini-short et un débardeur, qui laissaient deviner ses formes appétissantes. Il n'avait qu'une envie, c'était de... Leurs regards se croisèrent, puis elle lui tourna le dos et se dirigea sans mot dire vers la salle de bains qu'elle verrouilla d'un coup sec.

*

       Le silence pesait dans la C4, contrairement aux jours précédents. Cali boudant encore, Guigui se proclama copilote d'Iker et se retrouva devant avec lui.

Tout le monde décuvait de la veille : Mélo et Carmen dormaient appuyées l'une sur l'autre, tandis que Guillaume ronflait, son crâne ballotant sur le côté à chaque virage.

       Seule Cali restait éveillée, ses écouteurs vissés aux oreilles. Il jetait de temps en temps des coups d'œil furtifs dans le rétroviseur intérieur pour l'observer. Elle arborait son habituel air rêveur, ses émeraudes envoûtantes perdues dans le paysage, sa respiration se soulevant doucement sous son charmant décolleté qui dévoilait juste ce qu'il fallait de peau...

— Iker ! Fais attention ! l'interpella-t-elle soudain.

— Hein, quoi ?

     Le beau brun se raidit instantanément, les sens en alerte, le pied sur le frein. La circulation semblait toutefois fluide, les véhicules roulaient tous normalement. Ouf, aucun signe d'accident...

— Cali, pourquoi tu cries ? Tu m'as fait peur, y a aucun danger là !

— Ben, tu viens juste de rater la sortie gros bêta... rétorqua-t-elle.

Et merde. Il vérifia sur le GPS. Elle avait raison.

— Ben on s'en fout, c'est pas si grave que ça ! On est en vacances, on peut toujours sortir à la prochaine, non ? lança-t-il en haussant les épaules.

— Pas si grave que ça ? On va devoir se taper trente minutes de détour !

— Ah ben tu n'as qu'à prendre le volant alors, si tu n'es pas contente !

— Oh, mamà y papà ! Détendez-vous, on va finir par arriver à Malaga ! les interrompit Mélodie.

— Pause pipi ! aboya Guillaume qui semblait se réveiller d'un coup.

— Si, pipi ! poursuivit Carmen.

— Au fait, on est bientôt à Malaga ? questionna le blondinet en bâillant.

— Non, Iker a raté la sortie, on arrive dans une heure, répondit Cali.

        Le jeune homme poussa un long soupir agacé. Ils sont pires que des gosses, ma parole. Il déchiffra le panneau qui s'annonçait. Alleluia ! Une aire de repos se trouvait à quelques minutes.

Arrivé sur place, l'envie d'uriner le prit soudain. Il suivit donc sa sœur et le benêt aux cheveux jaunes en direction des toilettes publiques.

       L'aire de repos comprenait un bâtiment de taille moyenne sans étage, constitué d'une supérette, d'un fast food, d'un guichet automatique bancaire, et des WCs. Autour se dressaient quatre ou cinq tables de camping, des bosquets et quelques arbres qui souffraient de la chaleur.

Il aperçut alors près de la devanture du magasin un vendeur de melons au teint buriné, coiffé d'un chapeau de paille et vêtu d'un tablier qui avait sans doute vécu la guerre d'Espagne.

— Melón dulce ! Melón dulce ! Que bueno ! Que rico !* s'écriait-il en direction des voyageurs. Melón dulce, señor !

       Le guide secoua la tête. Quelle arnaque ! Des melons à ce prix-là ! C'est vraiment un attrape-touristes. OK, ils ont l'air délicieux, mais ce n'est pas une raison pour escroquer les pauvres gens...

      Cependant, lorsqu'il revint de son escapade aux cabinets, une vision le prit de court. Cali et Mélodie se dirigeaient vers la C4 avec quatre melons aux bras, le sourire aux lèvres, persuadées d'avoir conclu l'affaire du siècle. Le beau brun leva les yeux au ciel.

La romancière sautillait en humant les bons fruits d'été, ses prunelles brillaient de gourmandise. Qu'est-ce qu'elle est mignonne, cette fille, malgré ses défauts... Iker soupira de nouveau. Non, il ne voudrait la perdre pour rien au monde.

*

        Malaga, ville de naissance du célèbre peintre Picasso, constituait la station balnéaire principale du littoral andalou. Fondée par les Phéniciens au VIIIème siècle avant J.C, elle ployait désormais sous les gratte-ciels et les hôtels de luxe. Iker n'appréciait pas spécialement ce lieu "trop urbanisé". Il préférait les villages de pêcheurs pittoresques et les plages de sable blanc perdues dans des îles sauvages.

C'était toutefois l'endroit idéal pour un court séjour, si l'on souhaitait se rendre sur une plage où les températures frôlaient déjà les vingt-huit degrés pour un mois de mai, sans oublier sa multitude de restaurants, de bars, et son fameux musée Picasso.

         Cependant, une surprise l'attendit lorsqu'il se gara sur le parking de leur location, dans la banlieue chic de Malaga. Les filles avaient mis le paquet pour la dernière escale de leur road trip : une magnifique villa d'architecte les accueillit, avec sa piscine à débordements, son jardin parfaitement entretenu, son barbecue d'extérieur et sa petite plage privée. Il y avait même une plage privée !

— Les filles ! J'hallucine ! Comment avez-vous obtenu cette superbe location ? questionna-t-il en levant ses Ray-Ban, les yeux écarquillés.

— C'est la maison de vacances des parents de Jenna, une amie de ma promo ! lui répondit l'étudiante avec un sourire satisfait. En plus, elle nous la loue à un prix dérisoire !

— Sois bénie Jenna ! hurla Guillaume qui sauta tout habillé dans la piscine.

*

         Iker étira ses muscles engourdis et bâilla de bonheur. Enfin, une bonne sieste réparatrice ! Tandis que les autres profitaient de l'avant-dernier jour de leur séjour - ils rentreraient à Séville le lendemain au soir -, il avait décidé de déclarer forfait et de rattraper ses heures de sommeil. Entre les torrides nuits blanches avec Cali, l'inoubliable canapé-lit de Guillaume, ainsi que ses angoisses nocturnes récurrentes, il manquait cruellement de repos.

        Grâce à cette sieste salvatrice, il se sentait un homme nouveau. Cette maison était incroyable : mis à part sa décoration moderne et luxueuse, elle disposait de quatre chambres spacieuses. L'écrivaine lui faisant encore la tête, il s'était installé seul. Cette fois, pas de canapé-lit, ni pour Benêt, ni pour lui. Cette fois, un lit King Size aux draps frais et soyeux l'avait englouti, ne le relâchant qu'en fin de journée.

Il retira son caleçon Calvin Klein qui moulait ses fesses rebondies et enfila un maillot de bain imprimé de cocotiers. De bonnes longueurs dans cette somptueuse piscine - à lui tout seul - seraient la cerise sur le gâteau de son après-midi de détente !

Il attrapa une serviette blanche qu'il enroula autour de son cou et sifflota tout en marchant vers le bassin à débordements. La vue était dingue, le bleu de la mer se dessinait à l'horizon, se mariant à l'azur du ciel sans nuages, faisant miroiter l'eau chlorée.

C'est là qu'il la vit.

       Elle nageait en dos crawlé, ses petits bras s'élevaient en rythme régulier dans l'air, son beau visage se concentrait dans l'effort ; ses seins généreux se serraient dans un deux-pièces vert feuille et ses tétons insolents pointaient allègrement sous l'effet de l'eau fraîche.

Cali, cesse d'être excitante deux secondes, tu veux bien...

Elle s'arrêta net lorsqu'elle sentit sa présence. Ils s'observèrent en chiens de faïence pendant une minute, chacun soutenant le regard de l'autre.

— Tu n'es pas partie à la découverte de Malaga avec les autres ? finit-il par demander.

— Non, j'avais besoin de calme...

— Je peux entrer ou tu m'en veux encore d'avoir raté la sortie d'autoroute ?

Elle roula des yeux.

— Fais ce que tu veux, j'allais partir de toute façon.

— Dis plutôt que tu me fuis.

— C'est toi qui as fui hier soir. Je t'ai attendu des heures, tu ne répondais pas à mes appels, même pas un message... Et finalement, tu as préféré dormir avec Guigui.

— Crois-moi, j'aurais préféré mille fois passer la nuit avec toi. Mais je ne pensais pas que tu voulais encore de moi.

      Alors qu'il plongea dans la piscine, elle s'éloigna pour atteindre l'échelle. Il retint vivement son bras.

— Cali, je suis désolé d'être parti comme un voleur. Ça m'a vraiment blessé que tu parles de ma convocation au tribunal devant tout le monde. Tu sais, c'est loin d'être facile pour moi aussi.

Elle s'immobilisa, passa une main dans ses cheveux mouillés.

— Iker, je n'en peux plus de ces non-dits. Le pire c'est que j'ai l'impression d'être la fautive dans l'histoire. Je ne mérite pas ta confiance ? En plus, Carmen me regardait comme si c'était à moi de m'excuser pour tout ce qui t'arrive...

— Ne t'en fais pas pour Carmen. Elle t'adore. Mais elle sait ce que j'endure, et à la moindre remarque sur mes problèmes, elle est prête à sortir les griffes !

     Il s'approcha plus près. Elle dégageait toujours cette senteur fruitée qui le rendait fou. La jeune femme se retourna et leurs visages ne furent plus qu'à quelques centimètres de distance.

— Cali, c'est justement parce que je ne veux pas que tu te prennes la tête pour ce procès qui me suit depuis des mois que je ne souhaite pas t'en parler. Et puis, cette affaire est censée rester confidentielle tant que le verdict n'est pas rendu. Mais je ne sais plus si c'est la meilleure chose à faire... Car je suis bien avec toi. Je ne veux pas te perdre.

Elle inspira longuement à ces mots, puis chercha son regard.

— Iker, excuse-moi pour ce que j'ai dit hier. Je ne voulais pas te blesser. Je... j'ai juste trouvé une enveloppe vide sur ton lit, avec le logo du parquet de Paris, où tu avais écrit " Convocation Tribunal ". Je n'aurais pas dû pénétrer dans ta chambre. Je suis désolée... Moi aussi je tiens énormément à toi. Et j'aimerais être cette fille patiente, qui attendrait le moment où tu te sentiras prêt pour me parler de ce problème qui te ronge... Mais, je n'y arrive pas... Je suis trop nulle...

     Une larme perla sur sa joue, se fondant aux gouttes d'eau qui ruisselaient sur son visage. Il la prit dans ses bras, caressa ses cheveux, la couva de ses prunelles noisette.

— Tu n'es pas nulle du tout, Cali. Ta réaction est normale. Et ça prouve que tu t'inquiètes pour moi.

Elle esquissa doucement un sourire, puis fronça légèrement les sourcils.

— Donc ces coups de fil, c'est par rapport à ton secret ?

— Oui, mais je ferai l'effort de ne plus y répondre quand je suis avec toi. Et j'essaierai de ne plus me défiler. Tu sais, j'ai du mal à m'ouvrir... Surtout dans ces moments-là.

Elle effleura son menton de l'index.

— Et moi je tâcherai de rester patiente... Enfin... Tu as dit que tu aurais bientôt le fin mot de cette histoire, non ?

Ma petite Cali, tu ne perds pas le Nord.

— Oui, plus que quelques semaines, et j'aurai enfin le droit de t'en parler... Promis.

— OK. Sache que je suis là pour te soutenir dans cette épreuve. Même si j'ignore pourquoi ! pouffa-t-elle.

— Merci. Merci pour ta compréhension.

       Il accrocha de nouveau ses émeraudes, la serra plus fermement contre lui. Leurs lèvres se frôlèrent et ils s'embrassèrent avec toute la tendresse du monde. Mon dieu que ça m'a manqué, on dirait que ça fait des siècles... Ils se sourirent, s'enlacèrent un moment, et partagèrent un autre baiser.

        Puis, il la pressa contre l'échelle de la piscine, et leurs langues se retrouvèrent. La sensation de sa poitrine moelleuse et quasi nue contre son torse, de son sexe doux et chaud contre son bassin, suffit à le faire sacrément bander.

Il saisit ses jambes pour les enrouler autour de sa taille, lécha sa gorge. Elle s'accrocha à lui en gémissant.

Soudain, un bruissement de pneus dans l'allée se fit entendre. Les autres étaient de retour.


Melón dulce ! Melón dulce ! Que bueno ! Que rico ! : Melons sucrés ! Melons sucrés ! Si bons ! Si charnus !



Alors, on en apprend plus sur ce qu'Iker cache ! D'après vous de quoi s'agit-il ?

J'espère que vous avez aimé ces petites révélations et ce point de vue du côté d'Iker =)

Sinon, on dirait bien que nos deux loulous ne peuvent pas se fâcher longtemps :3

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