Chapitre Vingt-Deux

22.

Point de vue de Benjamin

Je venais tout juste de terminer mon cours du matin. Je souhaitais une bonne journée à mes "élèves" et attrapais ma serviette pour essuyer mon visage. Je buvais une gorgée de ma bouteille d'eau avant de prendre mes affaires et de me diriger au comptoir.

-File-moi un jus. N'importe lequel. Demandais-je à ma collègue.

-Dis donc, tu n'as pas l'air énormément en forme, toi... Ça va? Dit-elle en me servant un jus. 

-Disons que j'ai un peu trop fait la fête, hier soir...

-Un soir de semaine? Fais gaffe à ce que ça n'arrive plus! 

-Ouais, je sais, je suis désolé. Je ne sais pas ce qui m'a pris...

Au contraire, je savais pertinemment pour quelle raison j'avais autant bu. Je n'allais simplement pas le dire à voix haute à ma collègue. De toute façon, ça ne la regardait pas. 

Elle me parlait, mais je ne l'écoutais qu'à moitié, me contentant de hocher la tête en lâchant un "hum hum" à l'occasion. Au bout d'un moment, j'entendais la porte s'ouvrir et je me retournais pour voir ce que c'était. Je fronçais les sourcils. C'était un groupe d'hommes en costumes. Il y en avait au moins cinq. 

-Mais qu'est-ce que c'est? Demandait Jeanne, qui ne couvrait pas son étonnement. 

Ils jetaient tous un coup d'œil au lieu avant de s'avancer vers nous. J'en reconnaissais un automatiquement.

-C'est un plaisir de vous revoir, Benjamin. Me dit-il.

-De même, M.Jacques.

-Ben, tu les connais, ces types? Me demandait Jeanne.

-Ouais. Qu'est-ce que vous me voulez?

-J'aurais besoin de m'entretenir avec vous un instant. Code R.

C'était une mention que j'avais appris lors de ma formation. Code R, c'était pour la royauté. Je savais donc automatiquement qu'il s'agissait d'Amelia. Je me retournais vers Jeanne.

-Je reviens, OK? 

Elle hochait la tête et je me levais pour les guider vers une salle. 

-En fait, ce n'est pas vraiment une question. La reine désire vous voir tout à l'heure. Vous avez l'option de nous suivre calmement ou qu'on vous emmène de force. Alors?

-Laissez-moi le temps de rassembler mes affaires, et j'arrive. 

-Ne tardez pas trop. Nous sommes un peu pressés dans le temps. 

Je hochais la tête et me rendais dans les vestiaires troquer ma tenue de sports contre des vêtements de ville. Je rangeais le tout dans mon sac et ne manquais pas de passer par le comptoir pour avertir Jeanne que je devais partir en urgence. Je suivais ensuite les hommes qui me guidaient jusqu'à une voiture. 

En moins d'une heure, nous étions sur le tarmac d'un aéroport. Devant l'avion royal. Je me retrouvais à l'intérieur en cinq minutes, et on était dans les airs dix minutes plus tard.

-Pourquoi veut-elle me voir, en fait? Demandais-je à M.Jacques.

-Je ne sais pas. Vous l'apprendrez bien vite, de toute façon. 

Je haussais les épaules et passais le temps de vol à regarder par la fenêtre à tortiller mes mains. Je devais l'admettre, l'idée de revoir Amelia après deux mois me rendait nerveux. Surtout que je n'avais aucune idée de ce qu'elle pouvait bien me vouloir. Je n'étais pas en route pour voir n'importe qui. C'était Amelia!  

Nous atterrissions à l'aéroport au bout d'un moment. J'attendais qu'on nous dise qu'on pouvait détacher nos ceintures pour le faire et me mettre debout. Je descendais de l'avion. À ce que je pouvais voir, une voiture nous attendait déjà. Je montais à l'intérieur. On démarrait presque aussitôt. C'était la première fois que je me rendais au château. Durant ma formation, j'étais dans un centre qui se trouvait dans un coin relativement éloigné de toutes les grandes villes. 

Après une heure et demie dans le silence le plus complet, je voyais enfin le château. J'étais émerveillé par ce que je voyais. Il était beaucoup plus imposant que ce que j'avais pu pensé. D'accord, je l'avais vu plein de fois ne serait-ce que dans mes cours de géographie ou lors du couronnement d'Amelia, mais je ne m'imaginais pas qu'il était aussi grand. 

Une fois devant les grilles, on entendait un peu avant que les portes s'ouvrent et nous laissent entrer sur le terrain du palais. C'était un bon moyen d'attirer les touristes, tellement c'était magnifique à l'extérieur. Il fallait maintenant voir si c'était la même chose à l'intérieur. 

Je descendais enfin de la voiture. On me dirigeait vers l'intérieur du palais. Comme j'avais pu le voir, c'était réellement magnifique. Je me retrouvais dans une sorte de salon.

-C'est ici que je vous laisse. Sa Majesté devrait vous faire l'honneur de sa présence dans une quinzaine de minutes. 

Je hochais la tête et allais m'asseoir sur un fauteuil. Je jetais un coup d'œil par la fenêtre. Je regardais ensuite la pièce. C'était luxueux. Le fauteuil où j'étais présentement assis devait valoir plus que tout le contenu de mon appartement. 

Je passais littéralement l'attente en me passant sans cesse une main dans mes cheveux. J'étais impatient à l'idée de la voir bientôt, mais à la fois non. C'était plutôt contradictoire comme sensation. 

J'entendais finalement la porte s'ouvrir, ce qui me faisait sauter hors du fauteuil et me retourner. Amelia me regardait avec de grands yeux, comme si ma réaction l'avait surprise. On passait quelques instants à se fixer sans bouger. Je ne pouvais pas croire qu'elle était à quelques mètres de moi seulement. Elle était toujours aussi belle que dans mes souvenirs. Elle finit par refermer la porte.

-Benjamin. Dit-elle.

Sa voix. Putain, ça m'avait manqué.

-Eum... Salut... Mia. Dis-je en hésitant.

Elle baissait la tête avant de s'avancer doucement vers moi. Je m'avançais à mon tour. Je me contrôlais vraiment pour ne pas la prendre dans mes bras. Ce ne serait pas approprié.

-Ça fait longtemps... Dis-je.

-Oui, en effet. 

Un autre silence. C'était une situation extrêmement gênante. 

-Écoute, je suis vraiment désolé pour-

-Je sais, Ben. Tu me l'as dit hier soir, quand tu m'as appelée. 

J'écarquillais les yeux. Je n'avais pas souvenir d'avoir fait ça.

-Est-ce que c'est pour ça... Que je suis là? Lui demandais-je.

-J'admets que ça joue, mais ce n'est pas que pour cette raison. Je devais te parler de plusieurs choses. 

Je hochais la tête. 

-Tu as changé, depuis la dernière fois que je t'ai vu. Me dit-elle en désignant mon visage.

J'apportais ma main à mon visage. En effet, j'avais un peu laissé ma barbe pousser. J'avais perdu l'envie de me raser. 

-Oh, euh, ouais.

-Ça te va bien.

-Merci. J'aime bien ce que tu as fait à tes cheveux.

Ils étaient bouclés. 

-Merci... Tu veux que je te fasse visiter le château? Me demandait-elle.

Malgré le fait que j'étais un peu débalancé par sa question, je hochais la tête. On quittait donc la pièce et je la suivais pendant qu'elle m'offrait une visite de sa maison. Nous traversions beaucoup de corridors. J'avais pu ainsi voir la salle du trône, la salle de bal, son bureau pour les affaires gouvernementales, une salle de conférence, les vitrines comprenant les couronnes. Nous étions maintenant dans un corridor où il n'y avait que des tableaux de tous les anciens dirigeants de la Fiorélie. On s'arrêtait au dernier.

-Eux, ce sont mes parents. Me dit-elle.

Je prenais vraiment la peine de regarder le tableau. Je voyais l'ancien roi en compagnie de sa femme.

-Tu ressembles énormément à ta mère. Lui dis-je en me tournant vers elle.

Elle souriait discrètement.

-Je sais, on me l'a dit souvent. 

-C'est parce que c'est vrai. 

-Je m'en doute bien. Répondait-elle en pouffant un quart de seconde. 

Je souriais doucement et reportais mon attention sur le tableau. 

-Est-ce que tu as faim? Me demandait-elle au bout de quelques minutes.

-Un peu.

-Alors, viens. Le repas doit être prêt dans quelques minutes, ce qui nous laisse le temps de nous rendre dans la salle à manger. 

Je la suivais et étais vraiment surpris de voir cette pièce. La table comprenait au moins vingt places. C'est vrai qu'on devait se sentir seul, si on y était qu'une personne à manger. Je m'asseyais à côté d'elle et bientôt, on nous apportait deux assiettes.

-Merci, vous passerez aussi le mot à Joséphine.

-Bien entendu, votre altesse.

-Bon appétit. Me dit Amelia.

-Toi aussi. 

Nous commencions à manger et je trouvais tout incroyablement délicieux. C'était meilleur que n'importe quel restaurant. 

-Ta cuisinière est vraiment exceptionnelle.

-Oui, je sais. Tout ce qu'elle fait est très bon.

-Je te crois. Tu pourras lui dire que j'ai trouvé tout ça délicieux.

-Sans problème. Je suis certaine que ça lui ferait plaisir. 

Nous terminions de manger et Amelia me guidait jusqu'à sa chambre. J'avais l'impression qu'elle me laissait entrer dans son intimité, et ça me touchait. 

-Alors... Comment tu vas, depuis qu'on s'est quittés à Paris? Me demandait-elle.

-Je me débrouille. Toi, je vois que tu te portes bien.

-C'est peut-être l'impression que je donne, mais la vérité est toute autre. 

Je haussais un sourcil.

-Tu m'as vraiment manqué, Ben.

Je la fixais et souriais légèrement. J'étais heureux de l'entendre et d'avoir maintenant la certitude que je n'étais pas le seul à avoir souffert de son absence ces deux derniers mois. 

-Et... Je veux que tu saches que, malgré ce que tu m'as fait, je ne te déteste pas.

-C'est vrai? 

-Oui. C'est même tout le contraire. Moi aussi, je suis amoureuse de toi, Ben.

Je souriais à l'entente de ces mots et sentais mon rythme cardiaque s'accélérer. 

-Et... Je te pardonne. Je n'avais pas tout à fait les idées claires au début, mais je peux comprendre pourquoi tu as fait ça. Tu n'avais pas trop eu le choix et tu as préféré me faire voyager un peu au lieu de me rendre immédiatement à la sécurité. 

En temps normal, j'étais certain qu'elle serait en train de sourire, du moins un peu. Pourtant, son visage démuni d'expression ne me témoignait absolument rien de bon.

-Il y a un mais, pas vrai? Demandais-je. 

Elle hochait la tête et je pinçais mes lèvres. J'attendais maintenant qu'elle lâche sa bombe.

-Mais... Tu as perdu ma confiance. Ça implique donc que, même si je t'aime et que je n'arrive... Pas à croire... Que je vais vraiment dire ça, toi et moi ne pourrons jamais être ensemble. 

Une larme tombait de son œil sans qu'elle ne puisse l'arrêter. J'avais sincèrement envie de faire la même chose.

-Je suis désolée, c'est juste que... Ce que tu as fait est beaucoup trop grave pour que je puisse envisager une possibilité comme ça. Je te pardonne bel et bien, mais je ne serai jamais capable de te refaire confiance...

Je la voyais trembloter pendant qu'elle laissait ses larmes coulaient. Je baissais la tête un instant pour me ressaisir. Je savais qu'elle avait raison, au fond.

-Mia, s'il-te-plaît... Tu ne peux pas faire ça... Je t'aime. Dis-je en sentant une larme s'échapper de mon œil à mon tour.

-Tu penses vraiment que c'est facile pour moi de dire ça? Ça me tue de savoir que je ne pourrais jamais te considérer comme mon petit ami! 

-Pourquoi tu fais ça, alors? 

-Parce que je n'ai pas le choix, Ben! Tu... Tu as carrément piétiné sur une des valeurs qui compte le plus à mes yeux! Quel genre de personne je serai si je me mettais avec toi? Quel genre de reine je serai? Je dois montrer l'exemple... Je ne peux pas faire à ma tête.

On pleurait tous les deux. Je la comprenais. C'était pas elle le problème, c'était moi. Si les choses s'étaient déroulées autrement, peut-être que la fin aussi aurait changé. 

-Je suis tellement désolée, Ben... Dit-elle en sanglotant. 

-Tu... Tu n'as pas à l'être, c'est moi qui suit désolé. Tout ça c'est de ma faute.

Je n'aurais jamais pu penser que j'allais tomber amoureux d'une princesse. 

-Je... Je ne t'oublierais jamais, Ben... 

-Moi non plus... Je ne t'oublierais jamais, Mia. 

Elle reniflait et essuyait l'une de ses joues.

-Est-ce que... J'aurais simplement le droit à une dernière chose? Lui demandais-je.

-Ça dépend... C'est quoi?

-Je... Je veux pouvoir t'embrasser une dernière fois. 

Elle écarquillait les yeux un instant à ma requête. Puis, elle finit par hocher la tête, me donnant son accord. Je m'approchais doucement d'elle, cherchant un appui quelconque dans ses yeux, me laissant voir qu'elle voulait vraiment que je l'embrasse. Je posais une main sur sa hanche et la rapprochais de moi. Avec mon autre main, je cueillais son visage. Je m'abaissais doucement vers elle et je voyais ses yeux se refermer et sa bouche s'entrouvrir. Je scellais enfin nos bouches.

Je mouvais mes lèvres contre les siennes doucement, et elle finit par me joindre, attrapant l'arrière de ma tête d'une main et l'autre posée sur mon épaule. Nos larmes coulaient toujours, ce qui faisait en sorte que notre baiser était salé. Je lui démontrais toute ma tristesse, et elle faisait pareil. C'était notre façon à nous de se dire adieu. Je me décollais finalement, mais gardais mon front collé au sien pendant que nous reprenions notre respiration. Ça avait été à la fois mon moment le plus intense, mais aussi celui le plus triste que j'avais pu vivre.

-Reste avec moi, cette nuit. Me demandait-elle.

-Tu es sûre?

Elle me répondait en scellant nos lèvres de nouveau. Cette fois, nos bouches cherchaient à se presser le plus possible l'une contre l'autre, de même avec nos corps. Je sentais ma main remonter sur son dos, pour essayer de toucher à sa peau. En prenant conscience de ce que je faisais, je m'arrêtais et interrompais le baiser brusquement. 

-Pourquoi tu t'es arrêté?

-On ne peut pas aller plus loin... Je ne peux pas te faire ça. Lui dis-je.

Elle ne m'écoutait pas et me forçait à retirer mon chandail. 

-Si, tu peux. J'en ai envie. Me dit-elle. 

-Mia... Tu ne sais pas ce que tu dis...

-Pitié, Ben... J'aimerais vraiment que ça soit toi... J'aimerais au moins avoir ça avec toi.

Je la regardais, me demandant si elle était sérieuse. Elle commençait à poser ses lèvres un peu partout sur mon torse et je grognais avant de la lever pour la transporter jusqu'à son lit, où je l'embrassais furieusement en ne me retenant pas de balader mes mains un peu partout sur son corps. 

-Attends, attends, j'ai des préservatifs, mais dans mon sac. Lui dis-je en me relevant.

-Je l'ai fait apporté ici, il est juste là.

Elle me retirait vers elle et, au fur et à mesure, nos vêtements quittaient nos corps en sueur. Quand je m'unissais à elle finalement, je m'assurais qu'elle se sente bien et qu'elle n'ait pas trop mal. Je faisais attention à toutes ses réactions, je voulais qu'elle passe un bon moment. Et, ça marchait, parce que plus je constatais qu'elle prenait son pied, plus je le prenais aussi. Je ne sais trop combien de temps plus tard, on s'effondrait sur son matelas, complètement épuisés et essoufflés. Nous l'avions fait plus d'une fois. 

-J'aurais vraiment voulu que les choses se passent autrement, tu sais. Lui dis-je en caressant ses cheveux.

-Moi aussi. Pouvons-nous juste dormir et faire comme si tout allait bien jusqu'à demain matin?

-Oui, on peut.

Je l'enlaçais par derrière et on s'endormait dans cette position. Je me levais le matin avec Amelia qui dormait toujours. J'embrassais l'arrière de sa tête et quittais son lit pour m'habiller. J'entendais un mouvement venant du lit, elle s'était réveillée. 

-Tu allais vraiment partir sans rien me dire?

-Je... Oui... Avouais-je.

-Attends moi, je m'habille et je te raccompagne devant le château. 

On s'habillait dans le silence le plus complet avant de quitter sa chambre et de nous rendre devant le château, où une voiture m'attendait pour me ramener à l'aéroport pour rentrer à Paris.

-Ben! Attends!

Je me tournais vers elle et elle sautait sur moi pour me faire un câlin. Elle recommençait à pleurer et je resserrais ma prise autour d'elle avant d'imiter son geste. Je terminais par poser un court baiser sur ses lèvres.

-Adieu, Amelia. Lui dis-je.

-Adieu, Benjamin.

Je lui tenais une main que je commençais à lâcher au fur et à mesure que je m'éloignais vers la voiture. En refermant la portière, je l'observais à travers la fenêtre. Son visage était imbibé de larmes. Quand la voiture commençait à s'éloigner, je craquais et commençais à pleurer sans être en mesure de me retenir. Tout était fini.


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Je suppose que vous ne vous y attendiez pas vraiment, n'est-ce pas?

Quoi qu'il en soit, j'espère que vous avez aimé le chapitre :)

L'épilogue viendra bientôt! 

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