Chapitre Sept
7.
Point de vue d'Amelia
La route défilait sous mes yeux. Le paysage était vraiment magnifique. Nous allions entrer en Allemagne dans quelques instants selon les panneaux d'indication.
Ça faisait trois heures que nous étions sur la route et je m'ennuyais sincèrement. Benjamin ne mettait pas de musique, créant une ambiance morne et ne m'adressait aucunement la parole. Ça faisait cinq jours que je le connaissais, et quatre jours depuis ma dernière douche. C'était toujours comme ça. On se levait relativement tôt, on emballait tout pour ensuite reprendre la route le plus vite possible. On ne s'arrêtait que pour manger et aller aux toilettes en plus de pour aller dormir.
J'en avais marre. Oui, je l'avais engagé pour qu'il me conduise, mais je cherchais aussi à faire des rencontres. Pour ça, il fallait que je fasse de Benjamin mon ami. Surtout que ça allait être lui la personne la plus importante, puisque c'était lui qui me conduisait.
-Ben?
-Oui?
-Tu as quel âge, en fait?
-Pourquoi tu veux savoir?
-Bah, j'aimerais simplement savoir combien d'années de différence nous avons.
-Il est vrai que je pourrais te le dire... Mais, non.
-Quoi? Mais pourquoi?
-Parce que c'est drôle.
-Est-ce que je peux au moins essayer de deviner ton âge?
-Tu peux essayer, mais je ne te dirais pas si tu as raison ou non.
-Mais allez! C'est pas juste! Tu sais bien que j'ai dix-sept ans, moi! Protestais-je.
-Oui, et je trouve ça drôle que tu t'acharnes à vouloir me mettre un âge que je ne vais pas te nommer.
-Tu as trente ans?
Il commençait à rire. Je devinais donc que j'étais bien loin du compte.
-Moins de vingt-cinq ou plus de vingt-cinq?
-Moins de vingt-neuf.
-Tu sais, moi ce que je comprends de ce que tu me dis, c'est que tu es très vieux.
-Si c'est ce que tu veux croire, moi ça me fait plaisir que tu penses que je suis mûr.
-Et après c'est moi qui est pas amusante? Là, c'est toi qui ne l'est pas.
-Au contraire, moi je me trouve très amusant.
Je commençais à bouder en croisant mes bras. Pourquoi il ne me disait pas son âge? Ce n'était qu'un chiffre qui me permettait de savoir depuis combien de temps il vivait.
-Ben?
-Oui, Mia?
-J'ai faim. On pourrait pas s'arrêter pour manger?
-Ouais, OK.
Il mettait le clignotant pour la première sortie qu'il voyait. Une fois que la voiture était arrêtée, je descendais. Je savais que nous n'avions plus de nourriture, ce qui nous forçait à aller dans un restaurant.
-Bon, Ben, je veux visiter cette ville.
-Mia, on est dans un petit village de rien du tout...
-Et alors? Il y a bien des paysages à explorer! Je veux les voir, ça fait des jours qu'on roule sans réellement prendre la peine d'observer les endroits par lesquels on passe! Je ne veux pas arriver à Paris en deux semaines, mais en deux mois. Je veux pouvoir m'amuser, tu comprends?
-Mia...
-Allez! En plus, ça nous permettrait de mieux nous connaître et de réellement passer du bon moment ensemble. Ne me dis pas vraiment que tu veux passer un été à conduire sans rien faire qui soit amusant?
Il ne répondait pas et je faisais une petite moue.
-S'il-te-plaît, dis oui. Lui dis-je.
Je continuais à le fixer puis il décrochait son regard avant de souffler.
-D'accord, Mia. Nous allons nous la jouer touriste.
Je sautillais en tapant des mains pendant que Benjamin haussait un sourcil.
-On va manger ou non?
-Oui, on y va.
On marchait un peu dans le village et on repérait un restaurant. On entrait à l'intérieur et, cette fois, il n'allait pas s'asseoir directement à une table. On venait nous accueillir puis asseoir à une table.
-Tu portes un collier? Me demandait Benjamin.
-Pardon?
-T'as quoi, attaché autour du cou?
-Oh.
J'avais complètement oublié que j'avais la bague de ma mère avec moi. Je décidais de sortir pour le lui montrer.
-Une bague? Tu sais, en général, ça se porte autour du doigt. Me dit-il.
-Je sais, mais je n'aime pas porter des bagues.
-Pourquoi tu as celle-là, alors?
-C'est un porte-bonheur. Elle appartenait à ma mère et c'est juste quelque chose qui me donne l'impression qu'elle est avec moi et qu'elle m'apporte du courage. C'est la seule trace que j'ai d'elle du temps où elle était vivante. Lui répondais-je.
-Je suis désolé.
-T'en fais pas, je n'ai jamais connu ma mère, de toute façon. Elle est morte peu de temps après ma naissance.
-Sérieux? Tu as grandi avec aucune figure maternelle? Wow...
-Pourquoi ça te surprend?
-Je ne sais pas, c'est juste que, personnellement, je trouverai étrange un monde sans ma mère.
-Tu es proche d'elle?
-Mouais, si on veut.
Je fronçais les sourcils.
-Disons qu'elle n'a jamais approuvé mes choix.
-Vraiment? Mais c'est terrible! On devrait toujours soutenir ses enfants dans ce qu'il entreprend.
-Et bien, tu lui diras, on verra si elle va t'écouter.
-Je suis vraiment désolée, Ben.
-T'inquiètes, ça va. Si on regardait ce qu'il y a sur le menu?
-Ouais, d'accord.
J'avais touché une corde sensible, et j'allais lui laisser un peu d'espace par respect. J'ouvrais mon menu et regardais le nom des repas. Cette fois, une courte description des plats était fournie. Mon choix était rapidement fait.
-Êtes-vous prêts à commander? Nous demandait un serveur.
-Moi oui, je ne sais pas pour toi?
-Je suis prête aussi.
-Bon, on commence par qui?
-Tu peux y aller, Mia. Me dit Benjamin.
-D'accord... Alors, je prendrai une soupe de légumes comme entrée et une lasagne gratinée.
-Une boisson?
-À part de l'eau, non.
-Parfait, et vous, monsieur? Demandait le serveur en terminant de noter.
-Du pain à l'ail et un steak.
-Cuisson?
-Medium.
-Un accompagnement?
-Une purée de patates.
-Une boisson?
-Une bière blonde en bouteille.
-Parfait. Je vous ramène votre bière à l'instant.
Le serveur partait en prenant nos menus et je levais la tête vers Benjamin.
-Une bière? Vraiment?
-Bah quoi?
-Tu prends une boisson alcoolisée même si tu sais qu'on reprendra la route bientôt?
-C'est justement parce que tu m'as dit vouloir voir le coin que je me suis permis d'en prendre une, puisque j'avais compris que nous ne bougerions pas. Et, sache que ce n'est pas une bière qui me ferait mal conduire.
-C'est ce que tu dis jusqu'au jour où tu auras un accident.
-Ça n'arrivera pas avec une bière, il m'en faudrait au moins dix pour que ça se produise de mon côté.
-Si tu le dis.
Le serveur revenait avec une bière à la main. Il la décapsulait avant de la déposer devant Benjamin. Il relevait la tête vers moi et me souriait avant de m'adresser un clin d'œil, ce qui me faisait rougir. Je n'étais pas habituée à ce genre de chose.
-Ouais, elle est bonne. Dit Benjamin en prenant une gorgée de sa bière.
Je haussais les épaules et il buvait encore un peu plus de sa bière. Je n'arrivais pas à quitter la bouteille en verre des yeux.
-Il y a un problème? Demandait-il.
-Non, pourquoi?
-Parce que tu ne fais que fixer la bouteille depuis tout à l'heure, peu importe où je la bouge.
-Oh, pardon.
-Tu veux goûter?
-Quoi?
-Est-ce que tu veux goûter?
-Je... Je n'ai pas le droit...
-Ce n'est pas une gorgée qui va te tuer. Allez, goûte.
Il me tendait la bouteille et je la prenais avec hésitation.
-Mais, tu y as mis ta bouche...
-Et alors? Je ne suis pas malade, tu ne vas pas rencontrer de problème. À moins que tu aies peur de l'alcool?
-Quoi? Non! Regarde, je vais te le prouver!
J'apportais la bouteille à mes lèvres et en buvais le contenu rapidement. Je sentais le liquide descendre et je soufflais un coup.
-Alors?
-Je ne suis pas habituée, mais ce n'est pas mauvais.
Je lui redonnais la bouteille et le serveur revenait avec nos entrées.
-Bon appétit. Dis-je à Benjamin.
-Toi aussi.
Je commençais à déguster ma soupe. Elle était bonne, mais encore une fois, je ne pouvais pas m'empêcher de la comparer à ce que Joséphine préparait au château. Elle était vraiment une excellente cuisinière, mais elle n'était pas non plus la meilleure. Elle manquait certains aspects de la cuisine que je découvrais avec les plats que je dégustais des différentes régions par lesquelles je passais. Je terminais ma soupe rapidement, laissant Benjamin manger ses morceaux de pain à l'ail.
-C'est bon? Lui demandais-je.
-Ouais, pas mal.
-Est-ce que ça te dérange si je goûte un morceau, moi aussi?
Il soufflait avant de m'en donner un.
-Merci!
-T'es vraiment une voleuse, en fait.
-Hein?
-Bah oui, je ne sais pas comment tu fais, mais je finis toujours par te faire goûter ce que j'ai.
-C'est juste que je suis convaincante...
-Manipulatrice plutôt.
-Quoi? M'étranglais-je.
Il commençait à rire et je fronçais les sourcils.
-C'est bon, je rigole Mia. Je te fais goûter des choses de mon plein gré.
-Ton sens de l'humour est étrange.
-C'est simplement que tu ne le comprends pas.
-Non, en effet.
-Ça fait rien.
Les plats principaux arrivaient et je m'empressais d'attraper le couteau et la fourchette pour me couper une part. Seulement, je m'acharnais à couper, le couteau ne faisait pas bien son travail. Il avait clairement besoin d'être aiguisé. Je réussissais quand même à terminer ma lasagne. Une fois qu'on avait terminé, Benjamin me demandait si je voulais commander un dessert et je lui répondais que non, j'étais déjà pleine. Benjamin payait pour nous deux et on quittait le restaurant.
-Bon, il n'y a malheureusement pas de site historique ni de musée dans ce village. Par contre, quand je suis allé aux toilettes, j'ai vu une sorte de sentier pour les randonnées. Si tu veux, on peut aller y faire un tour.
-J'aimerais bien! Lui dis-je.
Il me guidait jusqu'au sentier et on commençait à se promener. On pouvait voir plusieurs panneaux près des arbres qui nous indiquait de quel arbre il s'agissait. J'insistais pour m'arrêter à chaque fois pour lire. Je n'avais jamais réellement visité une forêt auparavant. Je ne connaissais pas trop la nature, en général. Ce n'était pas un endroit pour une princesse, qu'on m'avait dit.
-Mia, viens voir. Entendais-je.
Je détournais ma tête du panneau que j'étais en train de lire pour voir Benjamin.
-Allez, viens! M'encourageait-il.
Je me rapprochais de lui.
-Regarde.
Il se poussait pour me laisser voir un paysage à couper le souffle. Je m'avançais et appuyais ma main à un arbre pour mieux regarder. De là où nous étions, il était possible de voir une vallée. Nous étions en hauteur. C'était magnifique, même si le ciel était actuellement gris.
Le vent commençait à souffler un peu plus fort, balayant mes cheveux d'un côté. J'en enlevais un peu de mon visage.
-Ça sent pas bon...
-Pardon?
-Viens, on s'en va. Me dit Benjamin.
-Quoi? Mais pourquoi?
-Parce qu'il va bientôt commencer à pleuvoir. Allez, viens.
J'acquiesçais avant de commencer à marcher à un rythme rapide avec Benjamin à ma droite. À un moment, j'attendais du tonnerre et je poussais un petit cri, ne m'y attendant pas. Il commençait à pleuvoir très fort, tout d'un coup.
-Merde! Jurait Benjamin.
Il attrapait ma main et on commençait à courir pour sortir du bois plus rapidement. Mes cheveux commençaient à coller à mon visage, mais je ne m'en préoccupais plus, Benjamin me servait de guide à travers les arbres. Le tonnerre grondait une fois de plus et je criais une nouvelle fois.
-Tu as peur de l'orage? Me demandait Benjamin tout en n'arrêtant pas de courir.
-Tais-toi, et cours!
Nous trouvions bientôt la sortie de la forêt et on continuait à courir jusqu'à la voiture. On sautait pratiquement à l'intérieur et on soufflait. Nous étions épuisés par notre course. Nous étions aussi complètement trempés. Par chance, je n'avais pas de chandail blanc. Benjamin sortait son téléphone et allait consulter la météo.
-Il va pleuvoir jusqu'à demain matin. On va devoir se trouver une chambre d'hôtel où passer la nuit. On ne peut plus monter la tente quand il pleut.
-Ça veut dire que je vais pouvoir prendre une douche! M'exclamais-je.
-Oui, aussi. Je vais voir ce qu'il y a près d'ici.
Il passait quelques temps à chercher avant d'enfin trouver quelque chose.
-Il va falloir qu'on fasse un bout de chemin sur l'autoroute. L'hôtel le plus près se trouve à quatre-vingts kilomètres d'ici. Me dit-il.
-Aussi loin?
-Oui, disons que ce n'est pas vraiment un coin touristique ici, à part peut-être pour le camping. D'où les sentiers pédestres.
-Bon, allons-y, dans ce cas.
Il démarrait et on rejoignait l'autoroute. Après quelques minutes, je commençais à frissonner un peu. Le fait que mes vêtements soient mouillés ne m'aidait pas, il fallait l'admettre. Benjamin allumait le chauffage.
-Oh, euh, merci. Lui dis-je.
-J'allais pas te laisser mourir de froid, quand même. Ça doit être chiant, d'enterrer un cadavre.
-Moi qui pensait que tu te souciais réellement de moi pour une fois...
-Hey, c'est bon. Je rigole, Mia.
-Je sais, Ben.
Un silence se créait, et je ne savais plus où me mettre.
-Je peux savoir pourquoi tu jures tout le temps, en fait?
-Qu'est-ce que tu veux dire?
-Bah, tu balances des jurons à tout bout de champ. Ce n'est pas ce qu'il y a de plus classe...
-Tu veux me faire croire que tu n'as jamais juré de ta vie?
-Oui, c'est vulgaire et aucunement joli à dire.
-Et alors? Un juron une fois de temps en temps, ça peut être libérateur, tu sais.
-Oui, mais toi tu en sors un au moins une fois sur trois!
-N'importe quoi...
-Si, je te jure que c'est ce que tu fais!
-C'est juste que ces mots font partie de mon vocabulaire au même titre que d'autres mots du quotidien. Ils accomplissent plusieurs choses.
-Comme quoi?
-Ça peut démontrer ma frustration, de l'ironie, de l'exagération.
-En quoi ça peut démontrer de l'exagération? Demandais-je.
-Par exemple... Quand tu dis "Tu es un putain de génie!"
-C'est ironique?
-Ça peut l'être, c'est vrai. Mais, ça peut également être un compliment pour dire que la personne impliquée est réellement intelligente.
-C'est compliqué, tout ça... Je vais me limiter à mon vocabulaire habituel, je crois.
-C'est comme tu veux, mais sache que jurer n'est pas anormal. Personne va te condamner si tu en sors un, une fois.
Ça se voit bien que tu ne sais pas qui je suis, Ben...
Je ne pouvais pas jurer, une princesse ne jurait tout simplement pas. Je devais montrer l'exemple.
On finit par sortir de l'autoroute et nous roulions jusque dans le stationnement de l'hôtel.
-Tu m'attends ici ou tu veux venir?
-Je vais venir.
Je détachais ma ceinture et le suivais à l'intérieur.
-Bonsoir, nous aimerions une chambre avec deux lits pour cette nuit. Lui dit Benjamin.
-Vous avez de la chance, il m'en reste une. Votre nom?
-Benjamin Garnier.
Benjamin réglait les derniers détails et elle nous donnait une carte magnétique.
-Chambre 116. Nous dit-elle.
-Parfait, merci. Allez, viens Mia.
On retournait à la voiture et Benjamin prenait sa valise dans laquelle se trouvait aussi mes vêtements. On allait ensuite chercher notre chambre.
-Si ça ne te dérange pas, je vais aller prendre une douche. Lui dis-je en attrapant mon pyjama.
-Pas de problème, mais ne tarde pas trop, je veux me laver aussi.
Je m'enfermais dans la salle de bain et me nettoyais. J'en profitais aussi pour me raser un peu, étant donné que mes poils avaient repoussé. Une fois que j'avais terminé,je me brossais les dents et je me séchais avant d'enfiler mon pyjama et de sortir de la salle de bain. Je m'arrêtais en voyant Ben. Il était en train de faire des pompes au sol à un rythme très rapide. C'était étrange.
-Ben?
Il s'arrêtait avant de se relever. Je faisais force pour ne pas baisser mes yeux vers son torse nu.
-Désolé, je m'entraînais un peu. Je peux prendre une douche?
-Oui, j'ai fini.
-Parfait.
Il se dirigeait vers la salle de bain et je soufflais . J'allumais la télévision et allais m'installer sur le lit.
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