Chapitre Quinze
15.
Point de vue d'Amelia
Avec Benjamin, nous étions toujours en train de danser sur la piste. Les familles avec des enfants en bas âge étaient rentrés chez eux depuis peut-être deux heures maintenant.
Pour ma part, je pense ne m'être jamais autant amusée de toute ma vie. Je ne m'étais jamais sentie aussi libre que maintenant. J'avais tout ce que j'avais voulu durant ce voyage: de l'aventure, des interactions avec d'autres personnes que le personnel du château et surtout, un ami sur qui je pouvais compter.
Je voyais Benjamin plus que comme un simple ami. Je me rendais compte que j'aimais bien passer du temps avec lui et que j'aimais bien sa personnalité. Quand je l'ai rencontré, c'est quelque chose que je n'aurai pas pensé. À la base, je pensais réellement qu'il ne serait qu'un garçon qui me servirait de chauffeur, et rien de plus. J'avais appris à le connaître, et il était vraiment génial.
La cadence de la musique ralentissait, ce qui me faisait comprendre que c'était maintenant le temps des danses en couple. Je passais mes bras autour du cou de Benjamin tandis qu'il passait ses bras autour de ma taille. Il me surplombait, mais j'accrochais mon regard au sien.
-Dis, tu prendras une douche avant de partir, pas vrai?
Il riait.
-Je pue autant que ça?
-Non, pas du tout. C'est juste qu'il serait idiot que tu ne te laves pas alors que tu en as l'occasion.
-+1.
Je souriais pour dissimuler mon rire. Nous passions le reste de la chanson à tournoyer sur la piste en nous regardant.
-Ça te dis, qu'on s'en aille? Me demandait-il.
-On peut faire un détour pour voir un peu à quoi ressemblent les rues?
-Oui, bien sûr qu'on peut.
On quittait la piste de danse et j'attrapais sa main pour que nous puissions marcher au même rythme. Plus on s'éloignait, moins on entendait la musique. Il faisait maintenant nuit noire. Il était probablement plus de onze heures. Les rues étaient désertes. Seuls les lampadaires m'aidaient à voir par où nous allions. Au final, je repérais un banc. Je m'arrêtais.
-Ça ne va pas, Mia? Demandait-il en fronçant ses sourcils.
-Si! Tout se passe très bien! Tentais-je de le rassurer.
Je voyais qu'il n'était pas bien convaincu. Il passait son pouce sur le dos de ma main.
-Quelque chose te contrarie. Qu'est-ce qui se passe?
Je pinçais mes lèvres. J'hésitais. Serait-il juste que je lui dise la vérité sur qui j'étais? Après tout, il allait bien finir par le savoir un jour ou l'autre... Je pourrais le faire maintenant, d'autant plus que personne n'était dans les parages. C'était le bon moment.
-Je... J'ai quelque chose à te dire. Lui dis-je.
-C'est grave?
-Non! Bien sûr que non! Mais... Il faudrait peut-être que tu t'assois...
-Tu me fais peur, Mia. Dit-il en s'asseyant.
Je faisais de même et passais quelques instants à observer tous les traits de son visage. Je prenais une respiration.
-Promets-moi simplement que je peux te faire confiance.
-Mia...
-Promets-le moi, j'y tiens réellement.
Il semblait réfléchir un moment avant de hocher la tête.
-Je te le promets.
Je hochais la tête à mon tour avant de regarder vers nos mains. La sienne qui tenait la mienne m'apportait un peu de réconfort. Ça me rappelait qu'il ne s'agissait que de Benjamin, après tout. Après tout ce que nous avions faits tous les deux, je pouvais bien lui dire la vérité. J'étais certaine que lui ne me cachait rien du tout. C'est un homme sincère, ça se voit tout de suite.
-Très bien... Alors... Je suis loin d'être une simple adolescente normale.
-Ouais, disons que je l'avais remarqué dès que je t'ai vu fuir un homme avec des vêtements volés. Dit-il en rigolant.
-Ben, s'il-te-plaît, c'est sérieux, ce que je te dis.
-D'accord, désolé. Continue.
-OK... Alors, je suis loin d'être une simple fille... J'ai un statut relativement important selon beaucoup de gens.
Je m'arrêtais et le regardais. Il m'observait avec attention.
-Mon vrai nom n'est pas Mia. Il s'agit en fait d'un pseudonyme que je me suis créé en ligne il y a maintenant un moment, pour m'échapper de mon quotidien. Je voulais m'échapper parce que... Je ne connaissais presque rien de la vie extérieure, sauf si j'enlève la théorie. En expérience, je n'ai pratiquement rien.
-Pourquoi tu ne sais pratiquement rien? Ce n'est pas comme si tu ne sortais jamais, pourtant...
-Je pouvais sortir de chez moi et rester dans la cour. Je sortais ailleurs qu'à certaines occasions bien précises. Par qui je suis, je suis une cible facile. On a jugé qu'il faut me protéger. Mais, on fait ça au détriment de mon rapport au reste de la société.
Je m'arrêtais. Benjamin m'incitait silencieusement à poursuivre.
-C'est pour ça que j'ai décidé de fuir de ma maison, sans avertir qui que ce soit. Je voulais pouvoir voir des gens, voir comment c'était, d'être quelqu'un autre que moi. Et, je pense que je n'y serai jamais arrivée si toi tu n'étais pas là. Alors, merci.
Je m'arrêtais une fois de plus pour prendre une respiration.
-J'espère que tu ne me verras pas différemment.
Je lui lâchais la main et me levais du banc pour me mettre devant lui.
-Je suis la princesse Amelia troisième de Fiorélie. La futur reine.
Je me sentais libérée d'un poids maintenant que je lui avais dit qui j'étais. Benjamin continuait à me fixer. Je n'arrivais pas à déchiffrer sa réaction. J'étais nerveuse.
-Ben, dis quelque chose. Dis-je en riant nerveusement.
Il me regardait encore un peu avant de se mettre debout à son tour et de s'arrêter à une petite distance de moi. Je coupais ma respiration. Qu'est-ce qu'il allait faire?
-Et alors?
-Q-Quoi? Demandais-je, ne comprenant pas ce qu'il disait.
-Et alors?
-Ben, je ne te suis pas.
-Moi je ne comprends pas pourquoi c'est si important. Ça revient du pareil au même.
-T'es sérieux?
-Mia, que tu sois une princesse ou même la plus pauvre personne de la planète, ça m'est complètement égal. Je ne vais pas m'arrêter à ton statut pour voir comment je dois me comporter avec toi. C'est toi seule qui fait la différence, pas ta position. Je t'apprécie pour toi, pas parce que tu es de sang royal.
Je poussais un petit rire et sentais mes yeux s'humidifier. Je baissais la tête et essuyais rapidement la larme qui s'était échappée. C'était peut-être une des plus belles choses qu'on m'ait jamais dites. C'était tout ce que j'avais voulu: qu'on ne me voit pas que comme étant une princesse, mais comme une personne à part entière.
-Et puis, honnêtement, si je m'étais arrêté au stéréotype de la princesse, je penserais que tu es une personne superficielle. Et, j'ai bien eu l'occasion de voir que ce n'était pas le cas.
-Merci, je suis vraiment contente que tu me dises ça.
Je lui sautais pratiquement au cou pour lui donner un câlin qu'il me retournait presque aussitôt. Je posais ma tête sur son torse.
-J'aurai aussi une autre chose à te dire, mais je ne sais pas comment tu vas réagir... Commençais-je.
-Dis toujours.
-T'en es sûre? Ça peut attendre, hein, au fond y'a rien qui-
-Mia! Riait-il.
-Bon, bon! Très bien, je vais te le dire! Commençais-je à rire aussi.
Je restais silencieuse mais relevais la tête pour pouvoir le voir.
-Je... Je pense que je t'aime...
Je me couvrais les yeux, ne voulant pas voir sa réaction. À la place, je l'entendais rire avant qu'il n'enlève mes mains de mon visage.
-Je peux te dire quelque chose, moi aussi? Me demandait-il.
-Euh, ouais.
-Je pense que je t'aime aussi.
-Quoi, sérieux? Demandais-je.
-Tu ne me crois pas?
-Disons que je vois mal comment est-ce qu'on pourrait ressentir ça envers moi.
Il haussait le sourcil en affichant une mine perplexe.
-Tu me fais marcher, c'est ça?
-Non!
-Donc, si tu m'expliques ta logique, toi tu es capable de distinguer tes sentiments envers des gens, dans ce cas, moi, mais tu n'arrives pas à t'imaginer que ça peut être réciproque?
-Bah, c'est difficile, en tout cas. Le seul qui m'en démontrait énormément c'était mon père. Je ne sais même pas si les employés du château m'apprécient.
-Moi je ne vois pas comment ils ne pourraient pas t'apprécier si tu les traite comme tu le fais avec moi.
-Oui, sauf que c'est pas pareil...
-Et pourquoi pas? En plus, ils te connaissent depuis que tu es bébé.
Je baissais la tête. Je n'en avais aucune idée.
-Tu veux qu'on continue notre chemin vers la maison?
-Ouais, je commence à être fatiguée.
Il se décollait et j'accrochais mon bras au sien pour avoir un peu plus d'équilibre. Seulement, mes yeux commençaient à se fermer de plus en plus. Benjamin s'arrêtait. Il se plaçait devant moi et s'abaissait. Il attachait mes bras autour de son cou et me levait mes jambes pour les placer autour de sa taille. Il commençait ensuite à avancer tout en me maintenant contre lui. J'étais trop épuisée pour comprendre comment j'arrivais à tenir (et comment il faisait pour me tenir sans broncher une seule fois). Je posais ma tête sur son épaule.
Au bout d'un moment, je sentais un matelas sous mes fesses. Mon premier réflexe était de me coucher.
-Non, pas tout de suite! Tu dois d'abord te mettre en pyjama et te démaquiller. Me dit Benjamin.
Je grognais.
-Je vais aller me brosser les dents. Quand je serai de retour, j'espère que tu seras au moins changée.
J'entendais la porte s'ouvrir et se refermer. Je m'assis sur le lit avant de trotter vers ma valise. Je commençais par retirer mes sandales en les balançant dans un coin de la pièce avant d'ouvrir la valise. J'en sortais les vêtements que j'utilisais pour la nuit et me dépêchais de les enfiler avant que Benjamin ne revienne. La porte s'ouvrait et je me levais, ma brosse à dents et mon dentifrice à portée de main. J'allais à mon tour dans la salle de bain. Je commençais par me démaquiller du mieux que je pouvais avec de l'eau: je n'avais aucun démaquillant à disposition. Une fois que c'était fait, je me brossais les dents avant de retourner dans la chambre. Benjamin était assis sur le lit, son téléphone dans les mains, en train de taper quelque chose.
-À qui tu écris?
-Je ne t'avais pas entendue rentrer. Me dit-il en fermant vite son téléphone.
-Et toi, tu ne m'as pas répondu.
-Tu vas me fliquer?
Je roulais des yeux en réprimant un sourire.
-C'est bon, j'étais juste curieuse. Tu peux me le passer, quand même? Non, ce n'est pas pour te fliquer.
-C'est pour quoi, dans ce cas?
-Surprise, allez, passe le moi. Il s'agit de me faire confiance.
Il hésitait avant d'ouvrir son téléphone et d'aller sur l'écran d'accueil. Ce n'était pas le même modèle que le téléphone que j'avais laissé au château, mais j'arrivais à me repérer. J'appuyais sur l'icône sous laquelle "Contacts" était écrit. J'appuyais ensuite sur "Nouveau contact". J'entrais mon nom et le numéro de mon téléphone portable. Je prenais ensuite une photo de moi qui faisait une grimace pour me l'assigner comme photo. J'appuyais ensuite sur "Sauvegarder".
-Voilà! Dis-je en lui tendant l'appareil.
Il jetait un coup d'œil à l'écran.
-Tu t'es créé un contact?
-Ouais... Puisque nous serons bientôt à Paris et qu'il faudra que je rentre... Je me suis dit que nous pourrions continuer à parler même après tout ça... Et puis, comme ça, mon téléphone pourra enfin servir à quelque chose.
-Tu as vraiment un téléphone?
-Oui. Je n'ai aucune idée de pourquoi on m'en a acheté un. Je m'en sers à peine parce que je n'ai pas beaucoup de personnes à contacter puisqu'ils sont toujours à quelques mètres de moi. Donc, voilà, maintenant je vais pouvoir m'en servir.
Il souriait et levait les yeux vers moi.
-Merci.
-De rien. Mais, juste une chose avant. J'aimerais quand même que tu le gardes pour toi. Je n'ai pas envie qu'une foule de personnes s'amuse à-
-T'en fais pas, je le ferai pas. Je comprends ta situation, ça doit être chiant qu'une foule de gens cherchent à te contacter que parce que tu es une prin-
-Pas si fort! Je n'ai pas envie que les gens ici t'entendent. Ils ne dorment peut-être pas et je préfère que le moins de gens possibles sachent qui je suis. Je ne veux pas de traitement de faveur.
-Oh, merde. Pardon.
-Allez, c'est bon. Il faut simplement que ça n'arrive plus.
-J'y compte bien. Mais dis, j'y repense, maintenant. Tu n'avais pas sommeil il y a une dizaine de minutes?
-C'est le fait que je me sois mouillé le visage qui m'a réveillée.
-Oui, mais en attendant, il faut qu'on dorme. Il serait bien qu'on ne dérange pas plus qu'il faut les gens qui ont accepté de nous héberger pour la nuit. On doit partir d'ici le plus tôt possible.
-Oui, tu as raison. Je vais aller éteindre la lumière.
-Pas besoin, je vais le faire. De toute manière, je dois aussi trouver une prise où brancher mon téléphone pour la nuit. M'expliquait Benjamin.
-D'accord.
Pendant que Benjamin se levait pour exécuter ce qu'il m'avait dit, je me ramenais vers le fond du lit pour me glisser sous la couverture en posant ma tête sur l'oreiller. Je me tournais sur mon côté droit.
Après quelques minutes, la lumière faisait place à l'obscurité. Je fermais mes yeux et repliais mes jambes dans le but de me procurer un peu plus de chaleur. Je sentais l'autre côté du matelas s'affaisser, me signalant que Benjamin avait embarqué lui aussi sur le lit. Je sentais la couverture se lever, m'indiquant cette fois qu'il se glissait en dessous. Je frissonnais à cause du courant d'air frais qui frappait ma peau.
-Bonne nuit, Mia.
-Bonne nuit, Ben.
Je me couchais cette fois sur le dos, laissant ma main droite reposer sur mon ventre. Je sentais le bras de Benjamin à ma gauche. Tranquillement, j'approchais la main qui était sur le matelas. Nos mains se frôlaient, désormais. Il tendait un doigt et le glissait sur ma main.
-Est-ce que je peux faire quelque chose? Me demandait Benjamin.
-Ouais, vas-y.
Il se tournait sur le côté et coupait la distance entre nous en venant m'enlacer par la taille. Je le sentais se détendre. Je me tournais aussi vers lui et entourais son cou avec mes bras, déposant ma tête sur son torse. Je le sentais s'abaisser et quelque chose de doux se poser sur le sommet de mon crâne. Je poussais un soupir. Ça me faisait du bien. Il m'aidait à me réchauffer un peu plus que le faisait la couverture.
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