Chapitre Quatorze

**Cette partie se passe à peu près en même temps que le dernier chapitre

14.

Point de vue de Benjamin

Je montais les marches avec ma valise. À l'étage, au bout du couloir, je voyais une masse de cheveux blonds bouger avant que la porte ne se referme. L'une des filles que j'avais conduite, Léanne (si c'était bien ça son nom) venait vers moi.

-Il faut que tu te prépares pour ce soir, tu sais? Tu ne vas pas rester comme ça! 

-Elle a quoi, ma tenue? 

Je portais un jean noir et une camisole de la même couleur. 

-Pas suffisant. 

Elle sortait son téléphone et tapait quelque chose. En quelques secondes plus tard, à peine, la sonnette de la porte d'entrée retentit et elle m'attrapait le poignet avant de m'emmener au rez-de-chaussée. Elle ouvrait la porte et laissait apparaître un garçon.

-Salut mon coeur! Lui dit-elle.

-Bonjour ma belle. Alors, c'est lui, l'urgence?

-Exact, tu peux t'en charger pour qu'il soit impeccable pour ce soir? 

-Sans prob-

-Mais attendez, je ne vais pas laisser Mia seule! Leur dis-je.

-Relaxe, elle ne risque rien, avec nous. On vous rejoindra là-bas dans quelques heures. 

J'acceptais finalement et sortais de la maison à la suite de ce gars.

-Dis-moi, c'est vraiment essentiel de s'habiller de façon prestigieuse?

Il pouffait.

-À vrai dire, non. C'est toujours les filles qui s'en font pour rien. En général, nous on se contente de ne mettre qu'une chemise avant d'y aller, c'est tout. 

-Dans ce cas, qu'est-ce qu'on va aller faire?

-On va aller traîner un peu avec mes potes. Quand Léa m'a envoyé le message, je me suis dit qu'il serait peut-être bien de t'éviter de supporter toutes les conversations sur l'important de se "mettre belle".

-Tu as bien pensé.

On souriait.

-Au fait, c'est quoi, ton nom?

-Quentin, toi?

-Benjamin. Mais, Ben c'est préférable. 

-T'en fais pas, mec, je vais m'en souvenir. D'accord, voilà mes potes là-bas. 

On arrivait près d'un groupe de garçons du même âge que Quentin. Ils se présentaient: Dominic, Elliot, Yoan et Pierre. Je discutais un peu avec eux. Ils étaient tous soit dans leurs premières années d'université, soit avaient déjà tous un travail. Ils étaient assez sympathiques, et je devais avouer que ça faisait du bien de parler avec d'autres personnes que la princesse. Ce n'était pas qu'elle m'ennuyait, loin de là, mais une variété de personnes à qui faire la conversation c'était bien aussi. 

-Ben, tu viens d'où, exactement? Me demandait Yoan.

-Paris. 

-Oulà, monsieur est un bourge! S'exclamait Pierre.

Je rigolais un peu à ce mot.

-Plus la famille et les gens que j'ai dû supporter au lycée. C'est à peine si j'arrive à payer mon loyer et à manger décemment. Lui expliquais-je.

-Merde, c'est chaud. 

-Tu peux le dire carrément: ça craint. 

-Mais c'est quoi ton boulot, au juste? Me demandait Dominic.

-En fait, j'en ai trois. Aucun n'est vraiment un boulot vraiment phénoménal. 

-Mec, tu es venu ici avec une fille, non? Tu l'as rencontrée comment? Me demandait cette fois Quentin.

Je devais inventer quelque chose à raconter rapidement. Mon emploi m'interdisait de dire la vérité.

-Et bah, j'étais en Fiorélie, en train d'aider un pote avec un kiosque et elle est apparue, juste comme ça. Dis-je en souriant. 

Je m'étais servi de ma couverture à moitié. Ça pouvait le faire pour justifier la réponse. En plus, si la question serait posée à Amelia, sa version collerait avec la mienne, surtout parce que je savais qu'elle détournerait aussi la vérité comme elle n'allait pas révéler être une princesse qui s'est enfuie de son château pour prendre des vacances de la vie royale. 

-Peu commun, dis donc.

-Oui, c'est vrai, mais c'est ça. Leur dis-je.

-Et donc, depuis combien de temps vous êtes ensemble? Demandait cette fois Elliot.

-Ensemble? Demandais-je, confus.

-Bah, depuis quand vous sortez ensemble? Précisait Quentin.

Je clignais plusieurs fois des yeux.

-Je pense que vous m'avez mal compris, nous ne sortons pas ensemble...

-Quoi? Sérieux? Est-ce que c'est dans les plans, au moins?

-Pourquoi ça le serait, dis-moi? C'est mon amie, rien de plus! 

-Vraiment? Pourtant j'aurai pensé le contraire et je ne vous ai même pas vu ensemble! Me dit Quentin.

-Comment ça?

-Et bien, la façon dont Léa vous a décrit par messages, toi qui ne voulait pas la laisser seule et aussi, comment t'as souri juste en évoquant votre rencontre.

-Et bah, désolé, mais vous vous êtes trompés! Dis-je en riant pour couvrir mon malaise. 

Je jouais avec mes doigts.

-Donc, du coup, ça fait combien de temps que tu t'es pas tapé quelqu'un? Me demandait Yoan.

-Roh, espèce  de débile, c'est pas tout le monde qui pense avec sa queue! Dit Pierre en lui tapant l'arrière du crâne.

-Ouch! Mais doucement, oh! 

-Ça doit faire quatre mois, je crois. Lui répondais-je en haussant les épaules.

Après tout, en Fiorélie, l'endroit où j'avais été envoyé n'avait aucune personne qui devait avoir moins de quarante ans et avec ma formation pour devenir agent secret, je n'avais pas trop eu le temps de penser à me trouver une fille. 

-Wah! Mais comment tu tiens le coup? 

-Yo', encore une fois, ce n'est pas tout le monde qui pense avec sa queue. Répliquait Pierre.

-Non, mais c'est un besoin essentiel! Tu n'as pas envie de te faire du bien? Il y a des jolies filles ici... À moins que tu sois gay. Je n'ai pas de problème avec ça, hein! 

Je rigolais.

-Ne t'en fais pas, je ne suis pas gay. 

-Alors, qu'est-ce que t'en dis? T'as envie de baiser ou non?

Oui.

-Mais pourquoi on parle de ça, en fait? Demandais-je pour changer le sujet. 

-Parce que Yoan est un idiot qui-

-Je ne pense pas qu'avec ma queue! 

On éclatait tous de rire parce qu'il s'était exclamé bien trop fort. Le silence retombait et Quentin en profitait pour sortir son téléphone.

-Il faudrait peut-être rentrer pour se "préparer". Ça commence dans trente minutes. Nous dit-il.

-Ouais, allons-y. 

On se levait tous et je sentais Yoan glisser quelque chose dans ma poche.

-Parce que tu n'es jamais trop sûr. Me dit-il en me faisant un regard entendu.

Je m'éloignais ensuite avec Quentin.

-On va chez moi et je te prêterai une chemise. Tu n'auras qu'à la donner à Léa plus tard, c'est bon? 

-T'en fais pas, je vais pas te la voler. 

Il riait un peu et m'emmenait chez lui. Je constatais que sa maison était à quelques secondes de celle où se trouvait Amelia. Je devais admettre que j'avais hâte de la voir. Ce n'était pas qu'à cause du fait qu'elle n'était pas sous ma surveillance depuis un bout moment, mais je m'étais un peu ennuyé d'elle. 

Je m'étais attaché malgré moi à elle. 

Je ne savais pas si c'était une bonne chose ou non. Surtout si je prenais en compte le fait que dès que nous serions arrivés à Paris, elle devra retourner chez elle, en Fiorélie. 

Une fois que j'étais dans la maison de Quentin (après une bonne marche de dix minutes), je jetais un regard à la décoration. C'était un peu plus sobre que ce que j'avais pu voir dans la maison des deux filles que j'avais reconduites, mais il y avait plusieurs tableaux. Qu'est-ce que je dis? Les murs sont pratiquement recouverts de peintures.

-Ouais, désolé pour les tableaux. Mes parents ont des goûts assez particuliers en matière de décoration. Mais on s'y fait, crois-moi. 

-Je ne suis pas là pour juger, c'est bon. 

On montait les escaliers et il ouvrait une porte, qui devait être sa chambre. Le plancher était recouvert de vêtements en tous genres, les murs étaient gris. Il y avait un bureau dans un coin enterré sous une montagne de papiers et de livres. Une télé était fixée sur le mur devant le lit, qui n'était pas fait.

-Ouais, et désolé pour le désordre aussi, j'avais pas vraiment prévu recevoir de la visite. Dit-il en riant un peu.

-Encore une fois, ma première remarque est valable. Dis-toi qu'il m'arrive que mon appart soit encore plus sans dessus dessous.

-Sauf que toi tu n'as pas de copine ou de mère pour te casser les oreilles pour que le plancher soit au moins visible.

-Rassure-toi, je connais le portrait. Quand je vivais chez mes parents, c'était un discours que j'entendais minimum une fois par semaine. 

On pouffait et il retirait son chandail. Je faisais de même, nous laissant torse nu.

-D'accord, on fait à peu près la même taille, mais tu es un peu plus large que moi à cause de tes muscles. Du coup, je vais te passer ma chemise la plus large, j'espère que ça va te faire. Dit-il en me détaillant brièvement.

-T'en fais pas, dans le pire des cas, elle sera juste un peu plus resserrée et mes muscles seront seulement plus visibles. Je peux vivre avec ça. 

Il ouvrait sa penderie et en sortait une chemise bleue qu'il enfilait. Il me passait ensuite un cintre comprenant une chemise noire. Je la mettais rapidement et la boutonnais jusqu'à l'avant-dernier bouton. Je roulais mes manches.

-J'suis OK? Me demandait-il.

-Ouais.

-OK, dans ce cas, allons-y.

On quittait sa chambre, descendait les escaliers. On enfilait de nouveau nos chaussures avant de sortir de la maison. On descendait la rue en marchant tranquillement et je commençais à entendre de la musique. On arrivait finalement à un endroit que je devinais être le centre du village. Des hauts-parleurs  étaient situés aux quatre coins de la place. La piste de danse n'était qu'un espace défini par des banderoles au-dessus de nos têtes. Autrement, il y avait des tables avec des nappes blanches un peu partout. 

-Oh, le buffet! Dit Quentin en se dirigeant vers une table large appuyée contre un mur. 

Je pouffais avant de m'y diriger, également. J'avais un peu faim. J'attrapais une assiette en carton que je remplis avec toutes sortes de bouchées, de viandes. Je prenais une fourchette et commençais à manger. C'était plutôt bon, je devais l'avouer. 

Une fois que j'avais terminé, je posais l'assiette et me rappelais que Yoan avait glissé quelque chose dans ma poche. Je passais ma main à l'intérieur et comprenais tout de suite de ce que c'était à sa forme: un préservatif. Je me retenais de me frapper le front, mais le laissais tout de même là. Je ne m'en servirais peut-être pas aujourd'hui (parce que ce serait inapproprié), mais ça pouvait être utile pour une autre fois. 

J'étais en train de boire une bière en parlant avec Quentin quand il arrêtait de parler pour regarder quelque chose derrière moi, complètement émerveillé. Curieux, je me tournais aussi et je sentais ma bouche s'entrouvrir à la vue de la princesse.

Ses longs cheveux blonds que j'étais habitué à voir complètement plats étaient maintenant ondulés et elle portait une couronne de fleurs. Elle portait une robe blanche qui lui donnait une impression de pureté. Ça contrastait également avec le fait que ma chemise et mon pantalon étaient noirs. Je pouvais voir ses yeux verts briller. Je souriais finalement. Elle était magnifique. De l'endroit où elle était, je pouvais voir sa bouche se pincer, son nez se retrousser, montrant qu'elle était un peu timide.

-Tu sais... Ton amie est jolie. Me glissait Quentin.

-Oui, je sais. 

Les trois filles s'avançaient vers nous. Léa sautait au cou de son amoureux pour l'embrasser chastement. Charlotte allait rejoindre un groupe d'amis, ce qui me laissait avec la princesse. 

-Salut. Me dit Amelia en souriant doucement.

-Euh, ouais, salut. Dis-je en reprenant mes pensées. 

Je lui souriais également. J'avais l'impression de ne plus savoir comment me comporter. Je la trouvais tellement belle que ça me déstabilisait.

-Mia... Tu es...

-Bonjour, bonjour! 

Mia se tournait vers un homme qui tenait un micro. La musique s'était coupée. Je grinçais des dents. Pourquoi ça devait arriver maintenant?

L'homme était le maire du village. Il expliquait d'abord ce que représentait cette journée et remerciait tout le monde d'être là.

-Et maintenant, c'est l'heure de la danse d'ouverture! Vous savez comment ça marche! 

-Ben! Allez, viens! 

-Mia... Je ne me sens pas à l'aise sur une piste. Tu peux y aller, toi. 

-Tu es sûr?

-Oui. Vas-y.

Elle hochait la tête avant  de se diriger vers la piste. Je ne la lâchais pas des yeux.

-Un petit rappel. Il faut toujours un garçon avec une fille, vous changez de partenaire après quinze secondes. Vous êtes prêts?

Tout le monde se trouvait un partenaire et je serrais les poings en voyant Amelia se mettre avec Yoan. Une chanson que je connaissais commençait ensuite et les gens commençaient à danser. La princesse comprenait bien le principe et je la voyais sourire. Elle était heureuse de se retrouver là, au milieu de gens, à danser.

-Pourquoi n'y vas-tu pas, mon garçon? 

Je tournais la tête vers le maire.

-Je suis un très mauvais danseur. Lui dis-je.

-Et alors? Personne n'est là pour juger tes capacités de danseur, nous sommes ici pour nous amuser.

Je reportais mon attention sur la piste sans prendre la peine de lui répondre. Je ne quittais pas des yeux Amelia. 

-Va la rejoindre. Me dit une fois de plus le maire.

-Quoi? Mais...

-Vas-y, tu meurs d'envie de la faire danser, ça se voit. 

-Je... Je ne peux pas débarquer comme ça! 

Il riait.

-Et pourquoi tu ne pourrais pas? Allez, suis-moi.

Il tapotait sur l'épaule d'un homme d'une quarantaine d'années qui se retournait. Le maire me désignait et il souriait en hochant la tête avant de céder sa partenaire.

-Et maintenant, va la rejoindre.

Je dansais un peu avec la dame avant de changer de partenaire. Je ne quittais pas Mia des yeux. À chaque fois que je changeais de partenaire, j'essayais de me rendre toujours plus près d'elle. J'avais l'impression que la musique me pressait. La fin se rapprochait. Il ne restait plus que quelques secondes à la chanson. Je me dirigeais vers elle qui s'approchait d'un autre gars et je lui attrapais le poignet avant de la tourner vers moi. Elle se heurtait contre mon torse et se reculait vite. Ses traits s'adoucissaient en me voyant et elle commençait à me sourire. Je faisais de même en plaçant une main sur sa taille et en montant nos mains pour mieux danser. 

-Tu as changé d'avis. Me dit-elle simplement.

-Oui. 

Son sourire s'agrandissait. La dernière note se faisait attendre et j'arrêtais de nous faire tourner. Les gens commençaient à applaudir et je me défaisais d'Amelia pour applaudir aussi. 

Une autre chanson commençait.

-Tu veux continuer à danser? Lui demandais-je.

-Oui, mais avant, j'ai faim.

-Vient, on va prendre quelque chose.

-Tout est gratuit?

-Oui.

-Oh! Super!

Je pense qu'il s'agit d'une première: une princesse qui se réjouit de quelque chose qui ne coûte rien. Je gardais mon commentaire pour moi, parce que je ne pouvais pas le dire à voix haute. 

-Je pense que je pourrais dévaliser ce buffet. Me dit-elle en mangeant une nouvelle chose.

Je poussais un petit rire.

-Si tu veux, je peux t'aider. Lui dis-je avec un clin d'œil.

Elle riait et je sentais mon sourire grandir. Je pense que son rire est l'un de mes sons préférés. 

Quand nous avions terminé de manger (parce que je m'y étais remis), elle me tirait sur la piste. Elle commençait à danser et je faisais tout mon possible pour essayer de compléter ses mouvements. Puisque je la voyais sourire sans passer de commentaire, je supposais que je m'en sortais assez bien. 

J'aimais ce moment.

-J'ai pas pu te le dire tout à l'heure, mais tu es vraiment belle. Lui dis-je.

-Oh, euh... Merci. Toi aussi, tu es vraiment beau.

Je souriais et, dans l'élan, lui donnais un câlin. Elle me le retournait et j'en profitais pour respirer ses cheveux. Elles les avait nettoyé, je le remarquais.

Pendant que ma prise autour d'elle se resserrait, je prenais conscience de la sensation que j'éprouvais dans mon estomac.

Je l'aimais, elle. 


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