Chapitre Dix-Huit

18.

Point de vue de Benjamin

Je n'avais jamais pensé que je pouvais me sentir aussi mal. 

Je n'avais pas envie de pleurer, ni de me lamenter devant ma télévision pendant des heures. Je n'avais pas non plus rencontré de problème concernant la faim, je mangeais autant que d'habitude. Je ne faisais pas non plus d'insomnie. À première vue, on pourrait penser que j'allais bien. Je peux affirmer que c'était loin d'être le cas.

C'était comme si je n'étais plus en mesure d'éprouver quoi que ce soit. Comme si une entité quelconque avait aspiré toutes les sensations qu'il m'était possible d'avoir. Je ne ressentais plus rien. Physiquement, j'étais là. Mentalement, c'était autre chose.

J'avais passé la nuit couché sur le dos à fixer le plafond. Je n'avais rien fait d'autre. Le seul bruit qui tuait le silence avait été ma respiration lente. 

Je ne m'étais jamais senti aussi déchiré, il y a quelques heures. Je me repasse sans cesse les mots que m'avait jeté Amelia à la figure. Le fait qu'elle ne souhaitait plus jamais me revoir. Le fait qu'elle n'aurait plus jamais confiance en moi.

Je me demandais vraiment pourquoi cette notion me faisait aussi mal. Dès le début, je savais que ça allait se terminer de cette façon. Je savais que je n'allais plus jamais la revoir. Amelia était réellement entrée sous ma peau. J'étais vraiment amoureux d'elle.

Dès que j'avais vu la lumière du soleil commencer à apparaître, je m'étais levé du lit. J'étais directement allé dans ma salle de bain pour prendre une douche. J'avais terminé en quelques minutes, je m'étais brossé les dents et j'avais pris le soin de m'habiller. J'étais ensuite allé vider la valise. J'avais lancé tous mes vêtements dans ma machine à laver. J'étais maintenant confronté à un autre problème: qu'est-ce que je faisais des vêtements de la princesse? 

Est-ce que je pouvais les jeter ou je devais les lui retourner? D'un côté, il était inutile de les garder ici, ce n'est pas moi qui allait les porter, quand même. Mais aussi, elle devait avoir une foule de vêtements de meilleure qualité que ceux-ci...

Je décidais finalement de m'en débarrasser. Je les roulais en boule avant de les mettre dans un sac poubelle. Les vacances étaient terminées. 

Ayant un peu faim, je décidais qu'il était temps d'aller faire les courses. Je glissais mon portefeuille et mes clés dans ma poche avant de me chausser et de quitter mon appartement. Je me dirigeais vers le G20 le plus près. J'y achetais l'essentiel pour la semaine avant de retourner vers mon immeuble. Sur place, je plaçais mes achats dans le réfrigérateur ou le garde-manger dépendamment de l'endroit où ils devaient être placés. 

Une fois que j'avais mangé, j'allais m'asseoir sur le fauteuil du salon. Normalement, j'aurais allumé la télé, sauf que j'en avais pas la moindre envie. Je posais mes coudes sur mes cuisses et plaçais ma tête dans mes mains. Mais qu'est-ce que j'avais fait? 

Je restais dans cette position je ne sais pas combien de temps avant de me lever pour aller prendre mon téléphone portable dans le but de passer un appel. J'allais dans mes contacts pour trouver le numéro quand mes yeux s'arrêtaient sur un nom en particulier.

M!A

J'appuyais dessus et tombais automatiquement sur une photo de la princesse qui faisait une grimace accompagné d'un numéro. Je me rappelais, elle avait entré son numéro! 

Je passais un long moment à fixer l'écran. Est-ce que je pouvais l'appeler? J'aurais simplement voulu pouvoir entendre sa voix une autre fois...

Non. Pas après ce que je lui ai fait. Elle me l'a dit: elle ne veut plus rien savoir de moi.

Je retournais à la page précédente et tapais sur le contact que je cherchais avant de peser sur l'icône du téléphone vert. J'apportais l'appareil à mon oreille et prenais une grande inspiration.

"Benjamin! Comment allez-vous! J'allais justement vous appeler!" Me dit M.Jacques.

"Vraiment? Mais pourquoi?"

"Étant donné que vous avez fait un excellent travail ces deux derniers mois avec la princesse, je me suis dit qu'il serait peut-être bien de vous accorder une promotion, qu'en dites-vous?"

J'écarquillais les yeux.

"Une promotion?"

"Et oui! Fini l'infiltration fixe! Ce serait les plus grandes missions, maintenant."

Je restais figé. Je n'arrivais pas à y croire. On me proposait enfin le poste que je voulais depuis mon enfance. Des missions toutes aussi extrêmes les unes que les autres. J'avais réussi. On jugeait que j'étais assez qualifié pour des missions dans ce genre. C'était ma chance. J'avais tellement envie d'accepter et de demander immédiatement quelle serait ma première mission. Pourtant, je me rappelais de la première raison de mon appel. 

"En fait, j'appelais pour donner ma démission." Déclarais-je.

"Votre quoi?" Demandait M.Jacques en poussant un petit rire incrédule.

"Ma démission."

"Vous plaisantez?"

"Non."

"Vous ne pouvez pas être sérieux! Vous êtes un excellent agent! Dites-moi que vous me faîtes marcher, Benjamin!"

Je soufflais.

"Je suis navré, mais non. Je démissionne."

"Pourrais-je au moins avoir la raison de ce soudain changement? Hier encore, à Paris, vous sembliez heureux d'avoir mené votre mission à terme."

Je l'étais.

"Je ne peux malheureusement pas vous le dire, j'ai mes raisons. Je suis désolé, mais je ne peux plus continuer à travailler pour vous."

M.Jacques soufflait.

"Très bien, alors. Je respecte votre décision, si c'est ce que vous voulez réellement. Je dois seulement m'assurer que vous n'allez pas divulguer les informations qu'on vous a données tout au long de votre période comme agent. Elles sont classées confidentielles."

"Ne vous en faîtes pas, rien de ce que je sais ne quittera mon cerveau sous aucune forme. Je vous en donne ma parole." Lui dis-je.

"Parfait, dans ce cas, je vous souhaite une bonne fin de journée et bonne chance dans votre parcours."

"Merci, bonne journée à vous aussi."

Je raccrochais et passais l'une de mes mains sur mon visage. Je n'arrivais pas à croire que j'avais réellement fait ça. Après toutes ces années passées à vouloir devenir agent secret, à me battre pour cette carrière aux yeux de ma famille, je renonçais à mon rêve. 

Je ne pouvais pas continuer à travailler de ce domaine: ça me rappelait trop de souvenirs qui me faisaient mal désormais. Ce travail me rappelait trop la fille dont j'étais amoureux.

Si j'avais décidé de démissionner, aussi, c'était parce que j'avais jamais pris conscience de ce qu'être un agent secret pouvait impliquer pour moi. Je n'avais jamais pensé au fait que j'allais peut-être établir une relation et développer des sentiments pour une personne que je devais protéger. Il y avait également une autre foule de choses que je n'avais pas pris en considération. C'est vrai, je n'avais pas eu la mission la plus difficile du monde, et il y avait eu beaucoup de choses à gérer: la nourriture, l'essence, l'hygiène pour moi et Amelia... En fin de compte, ça me faisait mal de l'admettre, mais mes parents avaient peut-être eu raison sur toute la ligne en disant que c'était infaisable. Pas complètement, après tout, j'avais réussi à me faire recruter, mais sur le reste, ils n'avaient pas eu totalement tort.

C'était difficile, d'admettre que je m'étais trompé. Mais si je voulais passer à autre chose, il fallait bien que j'en prenne conscience.

Maintenant, quoi? 

Je ne pouvais pas rester chez moi à ne rien faire de mes journées parce que je n'avais plus d'emploi. Je finirais par manquer d'argent. Mais je ne pouvais pas non plus me contenter d'être serveur à trois cafés tout le temps, ça ne me serait jamais suffisant et mes anciens employeurs ne me reprendraient certainement pas. 

Je me souvenais ensuite de quelque chose: j'avais terminé le lycée! J'avais fait un bac ES où j'avais eu une mention "Très bien". Il y avait sûrement quelque chose que je pouvais en faire, non? Peut-être que je pouvais m'inscrire dans une Fac. 

Un bruit de sonnerie me tirait de mes pensées. Je constatais que c'était ma mère qui appelait. Je poussais un soupir avant de décrocher.

"Allo?"

"Bonjour, Ben! Alors, comment vas-tu?"

"Ça peut aller."

"D'accord, j'ai remarqué que ta voiture était devant chez toi, tu es rentré?"

Elle était venue devant chez moi? Pour quoi faire? 

"Oui, je suis rentré hier." Répondais-je en toute franchise.

"Oh, alors, tu veux bien passer nous rendre visite à moi et à ton père tout à l'heure?"

Ah, voilà pourquoi. Connaissant ma mère, elle était sans doute passée par ici tous les jours pour voir quand est-ce que je serais enfin rentré.

"Pas aujourd'hui, je suis un peu fatigué... Je pourrais venir demain." Concédais-je.

"Très bien, ce sera demain."

"C'est tout?"

"Oui, à demain mon grand."

"Ouais, à demain."

Je raccrochais et soufflais une fois de plus. Je n'avais pas envie de toutes ces conneries, mais je n'avais pas le choix: c'était mes parents. 

Je passais le reste de ma journée écrasé sur le canapé du salon. Vers vingt-deux heures, je décidais de sortir. J'allais essayer de me changer un peu les idées. Je troquais ma tenue actuelle contre quelque chose d'un peu plus sobre. Je glissais mon portefeuille et mes clés dans mon pantalon, me chaussais et quittais mon immeuble en direction de la boîte de nuit la plus près. J'y entrais en peu de temps et allais directement m'installer au comptoir.

-Donnez-moi ce que vous avez de plus fort. Exigeais-je en déposant des billets sur le comptoir.

-Vous êtes sûr?

-Oui.

-Dure journée? Demandait le barman.

-Si seulement... 

Il ne me posait pas d'autre question. Il déposait ma boisson devant moi et je l'attrapais avant de la boire cul sec.

-Woh, pas si vite!

-Ne vous en faîtes pas, je gère. Donnez-moi en un autre. 

Je faisais pareil deux-trois fois avant de sentir enfin l'alcool me monter à la tête. Je me levais en titubant et me traînais jusqu'à la piste de danse en me joignant aux personnes qui y étaient déjà. Je me laissais emporter par le rythme de la musique en fermant les yeux. Ça faisait du bien de se laisser aller sans penser à se préoccuper de quoi que ce soit. 

J'ouvrais les yeux en sentant quelque chose se coller à moi. Je remarquais que c'était une fille. Je posais sans réfléchir mes mains sur ses hanches pour qu'elle puisse se balancer à mon rythme.

-Salut! Criait-elle assez fort pour que je puisse l'entendre. 

-Hey!

-Tu es venu seul?

-Comme tu peux le voir, toi?

-Avec une amie, mais elle est un peu occupée.

-Je vois, tu t'appelles comment?

-Noémie, et toi?

-Ben. 

-Enchantée, alors! 

On continuait à danser ensemble pendant un moment avant de décider d'aller nous asseoir au comptoir ensemble, pour parler. Elle était plutôt gentille, et je passais un bon moment en sa compagnie. J'apprenais qu'elle avait dix-neuf ans, qu'elle était en fac de droit. Je lui disais que j'étais toujours à la recherche de ce que je voulais faire de ma vie. Elle me faisait rigoler, par certains moments. Je me sentais bien.

-Sinon, je peux te dire un truc sans que tu t'enfuis à toutes jambes? 

-Ouais, vas-y.

-Je suis venue te voir parce que je te trouvais vraiment mignon. 

-Ah, bah merci. Toi aussi, tu n'es pas mal.

Elle souriait.

-Donc... Est-ce que ça poserait problème si je te disais que j'ai vraiment envie de t'embrasser, là? Me demandait-elle.

Je me tournais complètement vers elle.

-Non, pas du tout.

J'attrapais son visage en coupe avant de plaquer ma bouche sur la sienne. Elle se montrait réactive rapidement et attachais ses bras autour de ma nuque. Je la soulevais d'une main pour aller la plaquer contre un mur. Je l'entendais soupirer.

-Ben, j'ai envie de toi. Soufflait-elle pendant que j'attaquais son cou.

-Idem.

-T'as une protection?

-Oui. 

J'avais glissé le préservatif que j'avais reçu il y a quelques temps dans mon portefeuille. On se dirigeait avec hâte aux premières toilettes que nous avions aperçus. On s'arrachait pratiquement nos vêtements tout en ne laissant pas le moindre espace entre nos deux corps le plus souvent possible. 

Après un moment super agréable, on se rhabillait.

-Dis, tu me passes ton numéro? Me demandait-elle.

-Désolé, mais non, je ne suis pas intéressé à avoir une-

-Attends, attends, je te rassure tout de suite! Si je te demande ton numéro, c'est pas pour recommencer ce qu'on vient de faire. C'est juste que je te trouve sympa et que j'aimerais bien qu'on soit amis. Crois-moi, tu as été  très bon, mais c'est juste que je ne veux pas me limiter qu'à une seule personne. 

-Oh, dans ce cas je veux bien te le donner, toi aussi tu es plutôt sympa. 

Je fouillais dans la poche de mon pantalon et constatais que mon portable n'y était pas. Je me rappelais ensuite que je n'avais pas pris la peine de l'emmener.

-Tu me passes ton téléphone, que j'y entre mon numéro? J'ai pas mon portable sur moi. Lui expliquais-je. 

-Sans problème! Le voilà! Me dit-elle en le décodant.

J'entrais mon nom et mon numéro avant de lui redonner l'appareil. J'avais vu l'heure qu'il y était: 2h34.

-Écoute, j'aimerais bien aller profiter du reste de ma nuit en allant dormir. Lui dis-je.

-Ouais, moi aussi je suis fatiguée. 

-Est-ce que tu as besoin que je te raccompagne? Je ne veux pas qu'il t'arrive quelque chose.

-T'en fais pas pour moi, je vais appeler un taxi. Mais, merci de le proposer. 

-C'est toi qui voit. Alors, tu as mon numéro, tu es libre de me contacter quand tu le veux.

-Compte là-dessus! À la prochaine!

-À la prochaine.

Je quittais les toilettes et rebroussais chemin vers ma maison. Sur place, je me dépêchais de retirer mes souliers pour me déshabiller et m'étendre sur mon lit. Je regardais la date et soufflais. Il ne restait que deux jours avant l'anniversaire d'Amelia. 

-Oublie la, c'est bien ce qu'elle va faire, de toute façon... Dis-je pour moi-même.

Je fermais les yeux après avoir rabattu ma couverture au-dessus de ma tête. J'enroulais mes pieds. J'essayais vraiment de me rendormir, mais je n'en étais pas capable. Il manquait la présence d'Amelia à mes côtés. J'étais habitué de dormir avec elle près de moi. La chaleur qui émanait de son corps d'habitude me faisait ressentir un vide.

Je m'ennuyais déjà d'elle.


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Hey!

On voit ici les effets chez Benjamin!

Prochain chapitre, c'est le fameux couronnement d'Amelia!

J'espère que le chapitre vous a plu! :)

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