Chapitre Dix

10.

Point de vue de Benjamin

Les Alpes.

Nous étions en train de monter avec la voiture sur l'une des montagnes. J'étais impatient de redescendre, parce que ça voudrait dire que je pourrai enfin comprendre ce qui se disait autour de moi, puisque nous serions en France et non en Allemagne. 

Je n'avais jamais été aussi concentré en conduisant de toute ma vie. La route était très sinueuse. Si je prenais une courbe de façon trop large, je pouvais nous faire tomber dans le vide. Je ne décollais pas mes yeux de la route, ne me préoccupant pas de ce qu'il y avait autour de la voiture. 

-Ben?

-Ouais? Demandais-je en ne tournant pas ma tête vers la princesse.

-Est-ce qu'on peut s'arrêter? Je vais vomir si on continue...

-Attends, je vais trouver un endroit assez large pour un arrêt. Résiste encore un peu. 

J'étais attentif à ce que je voyais et je m'arrêtais à la première halte. Amelia s'empressait de détacher sa ceinture pour descendre de la voiture. Je la suivais pendant qu'elle prenait des respirations. Je l'approchais un peu plus une fois qu'elle s'était calmée.

-Ça va mieux, maintenant? 

Elle ne me répondait même pas qu'elle commençait à tousser tout en mettant ses mains sur ses genoux. J'accourais vers elle et réunissais ses cheveux pour qu'elle puisse vomir si elle en ressentait le besoin. Je lui tapotais aussi le dos. 

-Respire. Lui indiquais-je.

Elle commençait à respirer après avoir arrêté de tousser et elle finit par s'asseoir. J'ouvrais le coffre pour sortir une bouteille d'eau que je lui tendais.

-Bois un peu. Lui dis-je.

Elle prenait la bouteille, dévissait le bouchon avant de boire un peu. J'en profitais pour m'asseoir à côté d'elle. Je la laissais relaxer un peu avant de prendre la parole. 

-C'est bon? 

-Ça va... Merci.

-On peut prendre une pause de la route pour que tu puisses explorer un peu ce côté des Alpes. Qu'est-ce que tu en dis? 

-Ça me va. J'ai juste besoin de faire un tour aux toilettes pour me changer.

-Y'a des toilettes là-bas, si tu veux. Je t'attends à côté de la voiture. 

Elle se relevait pour y aller et je faisais de même pour aller m'appuyer contre le capot. J'en profitais pour sortir mon téléphone et envoyer un message à mon patron pour lui dire comment tout allait.

"Nous sommes dans les Alpes allemandes. Si tout se passe bien, nous serons en France dans trois jours, le temps que la princesse puisse admirer le paysage. Elle va bien."

Je recevais une réponse quelques instants plus tard.

"Très bien."

Je rangeais mon téléphone et attendais patiemment le retour d'Amelia. Elle sortait enfin des toilettes, elle avait attaché ses cheveux en queue-de-cheval.

-D'accord, par où on va? Dit-elle en me rejoignant. 

-On peut emprunter la piste de randonnée qui est là. Dis-je en lui désignant une pancarte. 

-Moi, ça me va! 

On commençait donc à marcher vers la direction pointée par le panneau et on rejoignait vite le sentier. On montait un peu plus, en direction d'un belvédère, à ce que j'avais compris. Pendant ce temps, Amelia regardait autour d'elle, prise d'émerveillement. Après une trentaine de minutes à monter à pied, nous étions enfin arrivés au belvédère. 

-C'est tellement beau! Dit-elle en s'avançant. 

Elle était un peu essouflée par notre montée, mais elle en faisait abstraction pour admirer la vue qui s'offrait à nous. En effet, c'était purement magnifique.

-Entschuldigen Sie mich, willst du mir ein Bild von dir zu nehmen? Entendais-je.

Je me tournais en même temps qu'Amelia vers une femme qui se trouvait derrière nous, un appareil photo professionnel dans une main et une mini imprimante dans l'autre. Je fronçais les sourcils, n'ayant pas compris.

-Elle nous demande si nous voulons une photo. Me traduisait Amelia.

-Oh, tu en veux une? Lui demandais-je. 

-Oui...

-Demande-lui combien ça coûte, alors.

-Wie viel?

-Zehn Euro.

-Dix euros, Ben.

-Dix? C'est plutôt cher, pour une photo...

-S'il-te-plaît! Je veux pouvoir avoir un souvenir papier, moi aussi.

Je soufflais avant de sortir un billet de dix euros et de le tendre à la photographe. Elle me remerciait avant d'ouvrir son appareil photo. Je me plaçais à côté d'Amelia en gardant mes mains dans mes poches et en esquissant un léger sourire. 

-Nein, nein! Dit-elle.

Elle s'avançait vers nous et enlevait ma main gauche de ma poche avant de lever mon bras et de le poser sur la taille d'Amelia. Je me laissais faire, ne comprenant pas trop ce qu'il se passait. Elle passait ensuite à la princesse et relevait son bras droit pour poser sa main sur mon épaule droite. 

-Und jetzt will ich echte Lächeln!

La photographe souriait en montrant ses dents et je comprenais ce qu'elle venait de dire. Je devais réellement sourire. Je me décontractais, en pensant simplement que j'étais avec la princesse et souriais comme elle l'avait demandé. J'entendais bientôt le clic de l'appareil photo, m'indiquant qu'une photo avait été prise. Je me détachais rapidement d'Amelia. La photographe la regardait et hochait la tête. 

-Perfekt. Warten Sie, bis das Foto gedruckt wird. Nous indiquait-elle.

-Qu'est-ce qu'elle a dit?

-La photo est prise, elle nous demande d'attendre l'impression.

-Oh, d'accord.

Après quelques minutes, la photo était prête. La photographe la plaçait dans une enveloppe. Elle me la donnait par la suite.

-Guten tag! Nous dit-elle en s'éloignant.

-Allez, je veux voir! Me pressait la princesse.

-Du calme, il y a pas le feu! 

J'ouvrais l'enveloppe et en sortais la photo. Je la regardais avant de la montrer à Amelia.

-Elle ne savait peut-être pas s'y prendre avec délicatesse avec nous, mais je dois admettre qu'elle sait y faire, en photographie. Dit-elle.

-Oui, c'est vrai. Dis-je en souriant.

Amelia savait clairement poser. Son sourire seul servait à illuminer la photo. J'avais l'air un peu plus gêné à côté d'elle, en comparaison. J'en profitais pour regarder l'heure. Il était bientôt le moment de monter le campement.

-OK, il faut retourner à la voiture, il serait temps qu'on se trouve un endroit où passer la nuit. Lui dis-je en lui donnant l'enveloppe.

-D'accord. Attends un peu, je vais ranger la photo. 

Elle glissait l'image dans l'enveloppe et ouvrait son sac. Elle glissait le tout dans son portefeuille. On redescendait en direction de la halte. Une autre trentaine de minutes plus tard, nous y étions enfin et on remontait à l'intérieur de la voiture. 

-Bois un peu d'eau. Lui recommendais-je en tournant la clé dans le contact. 

Une fois que je m'assurais qu'elle avait bu, on reprenait la montée sur la route sinueuse. Après un instant, je repérais un site de camping où je retrouvais plusieurs tentes déjà montées ainsi qu'une foule de campeurs. J'arrêtais la voiture à l'endroit où d'autres étaient stationnées et j'ouvrais le coffre. 

-Super! Je vais pouvoir socialiser! Dit-elle en  tapant des mains. 

Je pinçais les lèvres. Était-ce une bonne idée?

-Quelque chose ne va pas, Ben? 

-Hein, pardon?

-Tu as l'air pas d'accord avec ce que je viens juste de dire. 

-Non, c'est pas ça... C'est juste qu'il faudrait peut-être monter la tente avant de penser à ça... 

-Oui, bien sûr! On ira pas parler avec les autres tant que nous n'avons pas terminé. Approuvait-elle. 

On descendait de la voiture et je sortais le sac contenant la tente du coffre. On assemblait la tente comme il le fallait plus rapidement. Depuis la première fois que nous avions monté la tente, Amelia avait adopté la technique et était en mesure de l'assembler sans problème. On y plaçait nos tapis de sol ainsi que nos sacs de couchage. On la fermait bien entendu avant de sortir.

-Bon, moi je vais aller parler avec les musiciens, là-bas! Annonçait-elle.

-Attends, je viens aussi.

Après tout, j'étais là pour la protéger et je ne connaissais aucunement les personnes avec qui elle voulait aller discuter. S'il le fallait, j'allais lui coller au cul. 

Je m'apprêtais à la suivre quand j'avais l'impression d'entendre mon nom.

-Benjamin? 

Je me retournais en même temps qu'Amelia. Un groupe était devant nous.

-C'est vraiment toi! T'es Ben Garnier! 

Et merde, je reconnaissais ces gens. Ils avaient fait le lycée avec moi. J'esquissais un faux sourire. Ils faisaient partie des personnes que je n'avais jamais apprécié. 

-Ouais, salut. Leur dis-je.

-Tu vas bien depuis le temps? Me demandait l'un.

-Comme vous pouvez le voir, oui...

-Tu en as, des muscles, dis donc! Disait un autre.

Ils passaient un moment à parler d'à quel point j'avais changé physiquement depuis ma dernière année de lycée avant de remarquer que je n'étais pas seul.

-Tu as oublié de nous présenter, à ce que je vois. Quel est ton nom, ma belle? Demandait Grégory (du moins, si c'était réellement son prénom).

Amelia rigolait doucement avant de lui répondre.

-Je m'appelle Mia. Et vous?

-Oh, la vache! J'adore ton accent! Moi, c'est Grégory.

Ah, donc j'avais raison.

-Je m'appelle Jules.

-Xavier. 

-Charles. 

Celui-ci s'était rapproché d'Amelia et lui avait pris une main qu'il apportait à ses lèvres pour en embrasser le dos. Celle-ci gloussait et je roulais des yeux. Toujours aussi faux culs, à ce que je pouvais voir. 

-Qu'est-ce que vous faites dans les Alpes allemandes, exactement? Me demandait Jules.

En quoi ça vous concerne?

-Nous sommes en voyage, présentement. Lui répondait la princesse.

-Vraiment? Mais d'où tu viens, exactement?

-Fiorélie, vous êtes français?

-Ouais, tu devrais le savoir, si Benjamin l'est aussi.

Elle se tournait vers moi.

-Tu es français? 

-Oui...

-Ce cher Ben ne t'avais rien dit? Finalement, il n'a pas autant changé que ça! 

Ils riaient tous et je riais également, de façon malaisée, mais quand même.

-Ah, mais si vous voulez, vous pouvez passer la soirée avec nous! On mangerait tous ensemble autour du feu. Proposait Jules.

-Je ne pense pas-

-Ouais, je suis partante! Dit Amelia en hochant la tête. 

-Super, venez! 

-Attends, Mia, je peux te parler, cinq minutes? Dis-je en insistant bien sur les deux derniers mots.

-Ouais, bien sûr. On vous rejoint, les gars! 

Je m'éloignais d'eux et Mia me suivait. 

-Je peux savoir ce qui t'as pris d'accepter? 

-Bah quoi? J'avais envie de parler avec des gens. Et tant mieux, on a retrouvé certains de tes amis du lycée! 

-Eux? Mes amis? Laisse-moi rire...

-Roh, allez Ben! Ce n'est qu'une soirée! Et dis-toi que de cette façon tu ne seras pas dans un groupe de personnes qui ne parlent qu'allemand à ton exception! 

J'aurais préféré ne rien comprendre que de traîner avec ces cons.

-Moi, peu importe ce que tu vas dire, je vais passer la soirée avec eux. Tu es libre de venir nous rejoindre ou non.

Elle tournait les talons pour se diriger vers eux et je soufflais avant de faire de même. Passer des heures avec eux ne m'enchantait pas, mais je devais garder un œil sur la future reine de Fiorélie en tout temps. On allait s'asseoir avec eux.

-Alors, Mia, parle-nous un peu de toi! 

-Qu'est-ce que vous voulez savoir? Leur demandait-elle en cachant sa nervosité.

J'espérais moi aussi qu'elle n'en révèle pas trop sur sa personne. Ils ne pouvaient pas savoir que c'était une princesse. 

-Déjà, quel âge as-tu? 

-J'en ai dix-sept, je vais avoir dix-huit dans quelques semaines. 

-Bon anniversaire à l'avance dans ce cas! Profite bien de ton accès à la majorité! 

-Merci. Répondait-elle en riant un peu.

-Tu l'as rencontrée comment, Ben, en fait? Me demandait Xavier.

-Euh...

Je pouvais dire quoi? Je ne pouvais pas leur dire que j'étais un agent secret sous couverture dans un petit village paumé en Fiorélie et qu'Amelia était passé par hasard près de moi et m'avait engagé pour que je la conduise jusqu'à Paris avant le mois de septembre.

-Et bien... Je l'ai rencontrée il y a peut-être trois semaines, maintenant.

-Que trois semaines? Et elle est venue avec toi jusqu'ici? 

-Les mecs, il a une bonne technique pour pécho, on dirait!

Amelia fronçait les sourcils tandis que je blêmis instantanément.

-Excusez moi, nous n'avons pas le même jargon en France et en Fiorélie, que veut dire "pécho"? Demandait la princesse.

-C'est le verlan pour "choper". En gros, ça veut dire que toi et Benjamin vous êtes très amis.

Les trois autres imbéciles pouffaient tandis que le visage d'Amelia s'illuminait.

-Ah! Je peux pécho avec vous aussi, alors!

-C'est comme tu veux, ma belle. Dit Charles en lui faisant un clin d'œil.

-Non, ça suffit! Vous allez arrêter de vous foutre de sa gueule maintenant! Grondais-je.

-Mais laisse faire la demoiselle, mec! Si elle veut pécho, c'est son affaire... 

-Toi, ta gueule, espèce de taré! 

-Ben! Me grondait la princesse.

-Tu l'as entendue, Ben.

-Mia, on s'en va. Lui dis-je.

-Mais je veux rester, moi!

-Fais pas l'enfant, viens.

-Va-t'en si tu veux, moi, je reste. 

-Parfait, reste ici, mais que je ne te prenne pas à revenir en pleurant s'ils t'ont fait quelque chose!

Je me relevais et commençais à repartir vers notre tente. Je m'enfermais à l'intérieur et me couchais sur le dos. Quelle belle bande d'enfoirés! Je grognais. Et dire qu'Amelia avait voulu rester avec eux! Je passais ma main sur mon visage. 

Après un instant, j'entendais un cri féminin et je me relevais aussitôt, le sang battant dans mes veines. Je me précipitais hors de la tente vers l'endroit où Amelia se trouvait et voyait l'un des gars la maintenir contre lui tout en ayant le visage enfoui dans son cou. Les trois autres bouffons l'encourageaient. De là où j'étais, je pouvais bien voir qu'elle n'était pas du tout consentante. Je commençais à voir rouge et me ruais sur eux. D'un geste, je retirais la princesse avant de frapper le gars au visage. Il s'étalait au sol en se tenant la mâchoire et je me tournais vers les trois autres.

-À qui le tour? Grognais-je.

Les trois visages devenaient blancs en un quart de seconde. J'attrapais la main de la princesse avant de m'éloigner d'eux. J'entendais des reniflements et je tournais la tête pour voir que ça venait d'Amelia. Je m'arrêtais et la retournais vers moi.

-Hey, hey, tout va bien, c'est fini, OK? C'est fini.

Elle essuyait ses yeux d'une main avant de me faire une étreinte. Je la lui retournais, sentant qu'elle en avait besoin.

-J'aurais dû t'écouter... Je suis désolée, Ben...

-Ce n'est pas de ta faute, tu ne pouvais pas savoir, OK? 

Je relevais la tête et lui souriait. Elle souriait timidement à son tour. 

-Allez, viens, on retourne à la tente. Lui dis-je.

Je la guidais jusqu'à la tente en lui tenant la main gauche. 

-Ben? 

-Ouais?

-C'était qui, ces gars, en fait?

-Des mecs de mon lycée. Disons qu'ils faisaient partie de la bande de "voyous", si je le dis gentiment. Ils étaient de vrais cons et, à ce que je vois, ça n'a pas changé. Lui expliquais-je.

-Tu n'as pas de bons souvenirs avec eux, je présume.

-En effet. 

-Ils s'en prenaient à toi?

-Quelques fois. Au lycée, disons que j'étais très maigre. Avec ma grande taille, ça n'arrangeait rien. Du coup, ils m'appelaient "sac d'os" ou même "anorexique" alors que j'étais très loin de l'être. J'ai commencé à avoir plus de masse musculaire par la suite, quand je me suis inscrit dans une salle d'entraînement. Mais bon, pour eux, c'était déjà trop tard. Cette image m'a suivi pendant les trois années que j'ai fait. 

-Je suis désolée pour toi... Ce sont de vrais abrutis. 

-Tu peux le dire franchement: ce sont de vrais connards. 

Elle riait.

-Désolée, mais tu sais que c'est pas mon style.

-Je sais. Tu as faim? 

-Oui, très.

Je souriais avant d'aller chercher ce qu'on avait préparé. 


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