Chapitre Deux

2.

Point de vue de Benjamin

La journée venait à peine de commencer, je voulais déjà qu'elle se termine. 

Tout le monde connaît la notion de fausses attentes et tout le monde peut comprendre à quel point c'est complètement chiant d'être coincé dans une situation comme celle-là. 

Toute ma vie, j'ai entretenu le rêve peu probable de devenir un agent secret. On m'a toujours répété que c'était complètement insensé et que je devais me trouver quelque chose d'irréaliste. En fin de compte, je me suis accroché à cette ambition et après plusieurs années passées à tenter de me faire repérer, ça a finalement fonctionné.

Je suis maintenant agent pour les services secrets fioréliens. Bon, ce n'était pas mon premier choix, mais j'avais au moins un travail dans mon domaine. Le seul désavantage, c'est que je pouvais pas prouver à toutes les personnes contre mon projet que j'ai finalement réussi. Ouais, ça aussi, c'était chiant. 

J'ai suivi une formation de quelques mois pour être en mesure de perfectionner mes différentes techniques pour plusieurs contextes très variés. Tout ça pour quoi? Pour qu'on me place dans un poste "d'infiltration". Mais, c'était loin d'être ce que j'aurai pu imaginer un jour. 

On m'avait mis dans un village dont je n'avais jamais entendu parlé jusqu'à ce qu'on m'en parle. Et ce que je devais faire? Vendre des fruits dans un stand. Je devais faire semblant d'être un vendeur de fruits. 

J'étais en ce moment assis sur une chaise en plastique très inconfortable. Je ne connaissais rien du coin, et personne ne passait par ici. À la limite, je pouvais partir et laisser ce stand où il était que le résultat serait le même. 

Je décidais de sortir mon téléphone et j'allais dans mes musiques avant de sélectionner une chanson. Je montais le son et commençais à chanter les paroles à tue-tête. Je priais intérieurement pour que ma batterie ne me lâche pas.

Au bout de quelques heures, ma musique s'arrêtait pour laisser place à ma sonnerie. Je m'empressais de décrocher.

"Allo?"

"Agent Garnier, nous voulons un rapport de la situation."

 Vraiment?

"Et bah... Il ne se passe absolument rien."

"Vous n'avez absolument rien remarqué de suspect?"

"Non."

"Parfait alors, je vous rappelle la semaine prochaine."

Sur ces mots, il raccrochait, me faisant pousser un soupir pendant que la chanson qui jouait reprenait. Je m'emmerdais énormément, et je ne pouvais rien faire pour changer ça. 

La journée se terminait enfin, ce qui faisait que je pouvais ranger le stand et le fermer pour la nuit. Une fois que c'était fait, je marchais en direction de l'auberge où j'avais une chambre. À vrai dire, ce n'était pas réellement une auberge. C'était dans une maison, certes, mais elle était immense et ça ressemblait beaucoup à un hôtel comment c'était fait. Je saluais d'un hochement de tête la réceptionniste qui rougissait subitement. Je roulais des yeux. C'était pas possible d'être gênée pour un hochement de tête...

J'ouvrais enfin la porte de ma chambre et retirais mes souliers avant de me lancer sur mon lit où je passais quelques minutes à fixer le plafond. Je décidais finalement de me lever et de me diriger dans la salle de bain pour prendre une douche. Ayant enfin terminé, j'entourais ma taille d'une serviette avant de me poster devant le miroir. 

J'attrapais ma mousse à raser et m'en appliquais sur mon début de barbe. Ma barbe entièrement blanche, j'approchais ma lame de rasoir et commençais à me raser en faisant attention de ne pas me couper. Je rinçais la lame plusieurs fois pour enlever la mousse qui la recouvrait. Au bout de quelques minutes, j'avais enfin terminé. Je rangeais le tout et essuyais le lavabo d'une main avant de la sécher à l'aide d'une serviette. Je quittais la salle de bain et allais m'asseoir près du téléphone pour appeler la réception. Je demandais qu'on m'apporte à manger. J'allumais ensuite la télévision. Je changeais de poste avant de trouver quelque chose de potable. 

On cognait à ma porte.

-Ouais? Demandais-je.

-Service aux chambre. J'apporte votre repas, monsieur. 

-D'accord, j'arrive.

Je me levais et attrapais mon portefeuille où je sélectionnais un billet de cinq euros. J'ouvrais la porte pour laisser entrer l'employé avec le chariot. 

-Où voulez-vous que je mette tout ça? Me demandait-il en désignant l'étage du haut. 

-Sur la table là, ce serait parfait. 

Il prenait tout avant de les déposer doucement sur la seule table de la chambre. 

-Désirez-vous autre chose, monsieur?

-Non, merci bien. 

Avant qu'il ne quitte la chambre, je lui tendais le billet pour le remercier et il le prenait avec un petit sourire. Une fois que j'étais complètement seul, je laissais tomber ma serviette pour enfiler mon boxer. J'allais m'asseoir et commençais à manger. Ce n'était pas digne d'une mention cinq étoiles, mais ça faisait l'affaire. Une fois que j'avais terminé, je regardais l'heure. Il était à peine dix-neuf heures. 

J'étais déprimé. Ça ne faisait qu'une semaine que j'étais ici, et je me faisais déjà bien chier. Je sentais que simplement en racontant ce que je faisais et mes journées, que ce soit dans mon esprit ou ailleurs, ça avait le même effet: celui d'endormir. C'était ennuyeux, il n'y avait rien de plus à rajouter. 

J'allais chercher mon ordinateur et me connectais sur le réseau internet de l'auberge pour aller faire un tour sur mes différents sites. Bientôt, je recevais un appel vidéo venant de ma mère. Je répondais. Avoir une conversation ne me ferait aucun mal, non?

"Salut, maman." Répondais-je.

"Bonjour mon grand. Alors, c'est comment, ton voyage d'affaires?"

Étant donné que je ne pouvais pas lui dire que j'étais un agent pour les services secrets d'un autre pays, j'avais été forcé d'inventer un prétexte pour justifier mon départ. Je lui avais raconté que j'étais parti pour aller négocier une entente avec un fournisseur. 

"Ça se passe bien, je pense que nous pourrons bientôt signer un accord."

"Super! Quand penses-tu rentrer?"

"Pour être honnête, je n'en sais rien. Ça pourrait prendre plusieurs semaines encore."

"Comment ça, si tu penses que votre fournisseur sera d'accord pour signer?"

Merde. Je devais trouver quelque chose.

"Et bien, parce qu'il est possible qu'on m'envoie dans une autre compagnie près de l'endroit où je suis présentement. Et donc, si je suis déjà ici, il est inutile de me faire rentrer pour revenir ensuite."

"Ah oui, ça me paraît logique. Je suis contente que tu aies enfin abandonné ton idée stupide de devenir un agent secret pour quelque chose qui te rapporte vraiment. C'était mignon quand tu avais cinq ans, mais ça devenait ridicule. Enfin, tu as grandi et pris conscience que c'était irréaliste."

Oh, maman, si seulement tu savais... 

À cet instant précis, je voulais lui sortir que ce n'était pas stupide, puisque c'était exactement ce que je faisais présentement. Malheureusement, ce serait une très mauvaise idée et complètement immature comme réaction. Je jouais le jeu et forçais un sourire.

"Ouais... Je vais te laisser, j'aimerais aller courir un peu." Inventais-je.

"D'accord, je t'embrasse mon grand. Je te rappelle bientôt!"

"Parfait, au revoir maman."

"À bientôt, Ben."

Son visage disparaissait enfin de mon écran et je poussais un soupir de soulagement. Je décidais de m'habiller pour réellement aller courir. J'enfilais le premier short que j'avais sous la main et un t-shirt. Je mettais des chaussettes à mes pieds ainsi que mes souliers. Je glissais mes clés dans une poche de mes shorts ainsi que mon téléphone. Il ne lui restait que dix pourcents de batterie, mais ça allait faire l'affaire. De toute façon, je ne partirais qu'une seule heure. Je branchais mes écouteurs et sélectionnais une chanson au hasard avant que je ne quitte l'auberge et que je ne commence à courir.

Au bout d'un moment, j'arrivais dans une sorte de plaine. Je m'y arrêtais.

-J'aurais peut-être dû apporter une bouteille d'eau... Pensais-je à haute voix. 

Je ne m'en préoccupais plus et commençais autre chose. J'allais un peu m'entraîner au combat. Bon, il n'y avait personne, mais ça ne me préoccupait pas. Je commençais à envoyer des coups de poings dans le vide avant d'enchaîner les différentes sortes de coups de pieds. Je passais un bon moment à m'entraîner et à perfectionner ces techniques au point que mon téléphone avait fini par rendre l'âme. Je me mis alors au sol et commençais à faire des pompes et des redressements assis. Une fois que j'avais terminé, je repartais vers l'auberge au pas de course. Selon mes estimations, étant donné que le soleil commençait à peine à se coucher, il devait être un peu plus de neuf heures. 

J'arrivais ensuite à l'auberge et me rendais directement à ma chambre où j'enlevais mes chaussures. Je troquais ma tenue actuelle contre un bas de pyjama seulement. J'en profitais pour me mouiller un peu le visage et boire un peu d'eau. Je branchais mon téléphone pour qu'il puisse charger sans problème pendant la nuit. Pour le travail, il fallait que je sois joignable n'importe quand. 

C'était un peu contradictoire étant donné que je l'avais laissé mourir et que j'étais resté sans le charger pendant un bon moment, mais bon, au moins maintenant il reprenait de l'énergie. 

J'ouvrais une nouvelle fois mon ordinateur et j'allais consulter quelques sites de jeux. À mes heures perdues, j'aimais bien pouvoir jouer. Je jouais majoritairement à des jeux de combat, puisque ça m'aidait à me concentrer sur plusieurs choses à la fois. Je me lassais du jeu et allais consulter l'actualité. En majorité, c'était des gros titres plutôt déprimants. Un article sortait du lot. Et c'était en lien avec la royauté de la Fiorélie. 

UNE PRINCESSE BIENTÔT MAJEURE

Ces dernières années, la Fiorélie a rencontré énormément de problèmes concernant le gouvernement. Avec la mort de la reine Diana il y a bientôt dix-huit ans et celle du roi Philippe VI aux suites d'un cancer, le pouvoir revenait à la seule héritière du trône: la princesse Amelia III. 

Malheureusement, celle-ci étant encore mineure, elle n'était pas prédisposée à prendre les reines du royaume. C'est donc un conseil de ministres qui gère le pays depuis six ans. 

Un événement aura pourtant lieu à la première semaine de septembre: le dix-huitième anniversaire de la princesse. Par cet événement, celle-ci pourra enfin monter sur le trône de Fiorélie, suite à son père. Elle deviendra officiellement reine le jour de ses dix-huit ans. 

Certains ne sont pas tout à fait d'accord avec ce procédé, jugeant que c'est une méthode moyen-âgeuse et que rien n'indique que la princesse sera officiellement prête à contrôler le pays parce qu'elle sera officiellement une adulte. Nous n'avons malheureusement aucune réponse à cet énoncé de la part du château, ou de la princesse.

Quoi qu'il en soit, les préparatifs du couronnement vont bon train et celui-ci devrait avoir lieu à la bonne date. Le couronnement aura lieu au palais royal, dans la salle du trône et sera médiatisé. 

L'article se terminait par une photo de la dite-princesse quant elle avait huit ans, dans les bras du roi. Du moins, c'est ce qui était mentionné par la légende en-dessous. Elle était plutôt mignonne. Elle portait une petite robe rouge avec des collants noirs sur ses jambes. Ses cheveux blonds étaient attachés en deux couettes de chaque côté de sa tête. Son visage était traversé par un sourire éclatant, où il était possible de voir deux dents en moins. Elle était clairement en train de rire, le plissement de ses yeux le démontrait bien. Le roi, quant à lui, observait sa fille avec un visage attendri, comme s'il s'agissait de la chose la plus précieuse et magnifique de tout l'univers. C'était une photo de famille magnifique, même si la mère ne faisait pas partie du portrait. 

J'enviais un peu cette petite fille. J'étais pratiquement certain que même si ses parents n'étaient plus en vie, elle menait quand même une vie de rêve. Après tout, c'était une princesse. Si elle réclamait quelque chose, elle n'avait qu'à claquer des doigts pour l'obtenir. Peu importe ce qu'elle entreprenait, elle allait réussir, c'était sûr. Le soutien, elle l'avait et le fait qu'elle soit de sang royal l'avantageait. 

Mais à quoi je pensais? C'était sûr que c'était une petite égoïste pourrie gâtée. C'était ça, des gosses de riches. Des enfants de rois et de reines, ça devait être pareil, à l'exception qu'ils cachaient mieux leur jeu puisqu'un jour, ils deviendraient le nouveau visage du pays. Voilà ce qu'ils étaient: une bande d'hypocrites. Des hypocrites cachés sous leurs jolis visages. 

La royauté était une injustice. Pourquoi une famille aurait le droit de se la couler douce sur des montagnes d'argent pendant que le reste de la population se pliait en quatre à vivre. 

Mais pour le besoin de la cause, je ne disais rien. Après tout, c'était eux mes patrons. Même si la princesse ne connaissait probablement pas mon existence, c'était quand même parce que sa famille existait que je pouvais travailler. Si ce n'était pas pour eux, je serais encore en train de travailler dans un café minable où je ne ferais que des allers-retours entre les tables avec un plateau parfois vide et parfois plein. 

Je fermais toutes les fenêtres sur mon ordinateur avant de le fermer et de le brancher dans une autre prise de la chambre. J'allais éteindre la lumière avant de me glisser sous la couverture de mon lit. Je rallumais la télé et zappais avant de trouver une chaîne qui diffusait l'un de mes films favoris: Casino Royale. 

Regarder les films de James Bond était, pour moi, ce qu'on pouvait appeler un plaisir coupable. J'adorais regarder les aventures de l'agent 007, qu'il soit portrayé par Sean Connery ou Daniel Craig. Ma famille le savait, mais elle s'était énormément moquée de moi parce qu'elle ne pensait pas que j'allais vraiment pouvoir devenir agent secret. La preuve avec la phrase que m'avait dite ma mère tout à l'heure. Même maintenant, elle trouvait ça débile.

On ne m'avait jamais soutenu. Et maintenant que j'avais enfin raison, je ne pouvais pas lui mettre sous le nez, faute de secret professionnel. Et le pire, c'est qu'il n'y avait pas que ma famille, mais aussi tous les enfants avec lesquels j'étais allé à l'école qui pensaient pareil. On ne m'avait jamais pris au sérieux. 

Je poussais un bâillement et tortillais mes pieds dans la couverture pour me mettre plus confortable. Je sentais mes yeux se refermer, mais je me concentrais pour suivre ce qui se passait à l'écran. Je connaissais pratiquement toutes les répliques par cœur, mais les réciter ne m'aidait pas à rester éveillé.

Je me laissais envahir par le sommeil, ne prenant même pas la peine d'éteindre la télévision. Avec James Bond, je n'avais plus aucune raison de me sentir seul. 


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Hey!

Vous savez maintenant un peu plus qui est Benjamin! 

J'espère que vous avez apprécié ce chapitre où on peut bien voir (et ressentir, j'espère) à quel point il s'ennuie. :) 

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