Chapitre 1 Trésor perdu

Je marchai en silence, uniquement accompagnée d'un étalon. Mon but ? La grande forêt, là où, jadis, la plus grande majorité d'elfe se réunissait. Avant, oui bien avant, avant que les humains ne lancent la grande guerre. C'était toujours eux, toujours ces humains avides de pouvoir qui ne pensaient qu'à se battre, entre eux ou avec les autres.

Le trésor enfouit de mon peuple, voilà ce que je cherchais. D'après ce que je savais, il serait introuvable pour les Hommes. Donc il me paraissait évident de chercher dans un village d'elfe. Mais bien sûr, un tel trésor, tous en avaient entendu parler. Moi je savais ce que s'était. A peu près du moins. J'avais ma propre idée. Les humains pensaient à une pierre magique, une sorte de relique offrant des pouvoirs à celui qui la détenait. C'était bien évidemment faux. Les elfes n'avaient leurs pouvoirs que de la nature, pas besoin de pierre. J'avais compris, par les multiples descriptions que l'on m'en avait fait, que cette pierre était en réalité un œuf, la progéniture d'une immense créature défiant toutes les armes des Hommes. Une créature domptant à la fois le ciel, la mer et la terre. Un être capable d'inverser la guerre, et d'ainsi rétablir la paix... ou de plonger le continent entier dans le feu de sa colère.

Je fis halte au premier village, ou plutôt aux premières ruines. Noir. Rouge par endroit, le sol était calciné. Des murs s'écroulaient encore çà et là, laissant découvrir ce qui fut autrefois l'intimité d'une famille... une scène d'horreur qui fit monter la colère au plus profond de mon être, comment pouvait-on faire une chose aussi atroce ? Les corps recroquevillés laissaient encore voir les expressions de souffrance infinie de mon peuple.

Ils n'avaient rien fait, n'avaient rien demandé, pourquoi s'en étaient-ils donc pris à eux ainsi ? Pourquoi les avaient-ils torturés gratuitement ? Encore cette rage indéfinissable dont les humains faisaient preuve à l'égard de tous ceux qui leur étaient différent. Les autres peuples, tout comme la nature, ils ne respectaient rien ni personne.

Je dus traverser une dizaine de village avant de trouver ce que j'étais venu chercher. Alors, laissant l'étalon derrière moi, je m'approchai de l'autel de pierre. Un autel était rare dans un village elfique, généralement élevé en l'honneur d'un ancien. Or ici, c'était différent. Aucun nom. Rien de gravé sur la pierre hormis un symbole. Paix.

J'étais au bon endroit. J'avais enfin trouvé. Cette simple pensée calma l'ardeur que j'avais au fond de moi de retrouver ces bêtes qui avaient massacrés les miens.

D'un geste lent, je m'accroupie devant la pierre, enlevant mon arc d'autour de mon torse et le posant à terre. Sachant bien qu'il ne me serait d'aucune utilité, les elfes détestant les épreuves de combat.

Je me redressai et approchai ma main. Mais je m'immobilisai, tournant la tête vers la forêt : un bruit. Non, certainement un animal curieux.

J'eus à peine posé ma main à plat sur la pierre froide qu'un rayon de lumière me couvrit. Le cristal surplombant l'autel se mit à étinceler. Je connaissais ce phénomène. Un trait de lumière submergeant une personne, lisant dans son cœur, dans son âme. Chaque fois la personne mourrait. On l'appelait la dernière lumière.

Pourtant je n'étais nullement effrayée, la douce chaleur de cette magie m'enveloppait, apaisant la moindre de mes craintes. J'étais bien. Un bien incommensurable comme je n'en avais jamais ressenti. Un bien que j'aurais voulu garder pour l'éternité.

Le rayon fini par s'apaiser. Soudain une décharge partant du roc se propagea dans mon bras et me fit basculer en arrière. Un bruit sourd. Mais je restai immobile, choquée. Je fini par m'assoir au bout d'un certain temps. J'en frissonnai encore de toutes parts.

L'autel était fendu. La pierre s'était effondrée et à mes pieds reposait à présent un objet ovale, bleu et marbré de noir, lisse. Un sourire se dessina sur mes lèvres et je m'agenouillai. Il était chaud... presque brûlant. Pour l'œuf d'une créature adorant le feu cela paraissait normal. D'une main de chaque côté, je pouvais sentir, même si c'était infime, de petits mouvements. C'était bien un œuf.

Cependant mon sourire s'effaça bien vite. Une lame froide se glissa sur mon cou. Je me figeai... des humains... Lentement, avec précaution, je reposai l'œuf.

ꟷ Lève-toi, doucement.

J'obéis, mais, une fois droite sur mes jambes, je me retournai pour lui asséner un coup violant dans la mâchoire. Je n'avais pas d'arme, mon arc étant au sol. Je réussi à me débattre mais les hommes ne tardèrent pas à me maîtriser. J'eus alors les mains liées.

ꟷ Merci ma belle. Le roi s'ra content.

Un homme se chargea de l'œuf pendant que les autres m'obligeaient à les suivre.

ꟷ On dort là et on rentre demain.

ꟷ Ok, mais faut bien attacher la d'moiselle.

Ils firent un feu. Leurs chevaux, et le miens, attachés près de nous, moi je restai assise. Tête baissée. Sans un mot. De toute façon avec les humains, parler ne servait à rien.

Comment avais-je pu me faire avoir de la sorte... Ma mâchoire se serra jusqu'à la douleur. J'avais tellement été absorbée par la découverte de l'œuf que j'en avais oublié de surveiller mes arrières, une erreur de débutante que je n'étais pourtant pas...

L'un des cinq hommes sortit de la nourriture pour en tendres aux autres. On m'en tendit, mais je ne bougeai toujours pas. Ce devait être dégouttant de toute façon.

ꟷ Bon, pas très causante hein, t'sais demain on s'arrêtera pas pour manger. On doit rentrer vite. T'vas avoir faim.

Je ne réagis nullement à ses paroles et continuai de regarder les flammes dansantes devant moi. Pourquoi avais-je appris leur langue si brute et dénuée de mélodie ? Leurs sons faisaient tressaillir mes oreilles de dégoût et de frustration.

ꟷ Peut-être ne comprend-t-elle pas ?

ꟷ Si, j'suis certain elle comprend, quand j'lui ai dit d'se lever elle l'a fait.

ꟷ Mouai, c'est un elfe ! Têtu.

ꟷ Oh que oui ! Mais les femmes sont tellement magnifiques.

ꟷ Oui...D'ailleurs elle est vraiment pas mal celle-là...et on l'a que pour nous...

Des sourires apparurent sur les visages. Je savais bien ce qu'ils pensaient. Dès le départ, je m'y étais attendue. La simple pensée qu'ils puissent poser leurs mains pâteuses sur moi me retourna l'estomac. La simple pensée qu'ils puissent me prendre ma pureté.

ꟷ Non les mecs, si on la ramène blessée le roi n'va pas être content.

ꟷ Ba elle s'est défendue quand on l'a capturée...

ꟷ Non arrêtez un peu, j'sais très bien qu'elle est belle mais là c'n'est pas l'moment.

ꟷ Juste un peu...

L'un s'assit près de moi et supplia un autre du regard.

ꟷ Tu n'te souviens pas pour l'autre ? On l'a tuée à force.

ꟷ Mais le roi a été gentil pour la pierre.

ꟷ Oui ça l'a apaisé.

La pierre... un deuxième œuf ?! Il serait très préférable que je récupère les deux. Certainement allaient-ils m'enfermer dans le bâtiment où ils se trouvaient. Mais deux œufs à moi seule... ça n'allait certainement pas être facile, il me faudrait de l'aide, mais je le devais, ils avaient parlé d'une autre, une sœur qui, comme moi, avait cherché les œufs, et qui l'avait payé. Ma mâchoire se serra un peu plus encore, je crus me briser les os, mais je serrai toujours, comment avaient-ils pu faire tant de malheur ?

L'homme à côté de moi posa une main sur ma jambe. Le simple contact de ses doigts graisseux me fit frémir d'horreur, j'aurais voulu bouger, me défendre, mais c'était bien inutile je le savais. Alors je ne poussai qu'un léger grognement en tournant la tête sur le côté.

Deux œufs... la promesse d'une victoire presque assurée contre ce peuple de barbare. Mon corps ne comptait pas dans ce contexte... mon corps... ma souffrance... ma pureté... ils valaient la peine d'être sacrifiés... pour nous sauver.

ꟷ Elle se laisse faire !

ꟷ Bon d'accord.

Un deuxième homme vient. Il m'obligea à m'allonger puis prit mes poignets pour les bloquer. Le courant passant dans ma colonne n'était en rien l'excitation que je voyais dans leurs regards. Mes jambes s'étaient fermées par réflexes... la totalité de mes muscles s'étaient raidit... et ma mâchoire s'était encore un peu plus serrée... L'homme au-dessus de moi eut un sourire qui s'écrit dans ma mémoire comme celui d'un carnassier s'apprêtant à dévorer sa proie la plus juteuse. J'étais bien cela pour eux... une proie, une simple femme qu'ils trouvaient magnifique et qu'ils voulaient posséder, un objet de convoitise dont la douleur leur était égale.

Une main vient sur ma cuisse, me raidissant encore plus. Chaude et humide de sueur... j'eus une sensation de dégoût pur qui ne me quitta pas par la suite. Ses doigts se resserrèrent, tentant d'agripper ma peau pour écarter mes jambes. Je résistai, comment aurais-je pu faire autrement ? Le simple fait de penser les laisser toucher cet endroit interdit me tétanisait. Comment aurais-je pu... Même pour mon peuple... même si ma vie et celle de tous mes frères en dépendaient... je ne pouvais pas... je ne pouvais simplement pas...

ꟷ Tu vois qu'elle se défend un peu quand même...

Mais celui au-dessus de moi devient plus brutal en répondant :

ꟷ Je m'en fou je la veux.

Il glissa rapidement sa main entre mes cuisses, m'arrachant quelques douleurs de ses ongles sales. Mon ventre se crispa, mes lèvres laissèrent alors exprimer mon mal-être par un gémissement aiguë que j'aurais voulu taire. Je ne voulais pas leur donner se plaisir, leur laisser ces cris des souffrances qu'ils allaient m'infliger, mais mon corps ne m'écoutait pas, tremblant déjà en s'imaginant ce qu'il allait subir... Je ne pouvais pas... je ne parvenais pas à retenir ses tremblements alors que cette horreur écartait à présent mes jambes...

Je voulais m'évanouir, laisser mon esprit s'en aller pour ne plus rien ressentir, ces mains qui se baladaient sur mon corps qu'ils avaient à présent dénudé, ces doigts gras et fripés qui s'aventuraient là où je n'avais permis à personne d'aller.

Une déchirure au plus profond de mon être... fine... aiguë... l'image d'une lame me cisaillant de l'intérieur s'installa dans mon esprit. Un cri retentit entre les arbres, un cri de douleur, de détresse, de souffrance, un cri que j'aurais voulu retenir... un appel à l'aide qui fit rire les monstres autour de moi...

En cet instant... j'aurais voulu mourir.

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